d) Les autres questions de fond renvoyées en seconde partie : compensation et péréquation à partir de 2011
Les sujets des modalités de compensation aux collectivités territoriales des conséquences de la réforme de la fiscalité locale et des dispositifs de péréquation à mettre en place à partir de l'année 2011 sont inextricablement liés.
(1) Les effets pervers d'une compensation figée
Dans la version proposée par le gouvernement, et non modifiée sur ce point par l'Assemblée nationale, chaque collectivité territoriale « perdante » à l'issue de la réforme reçoit une compensation qui garantit, en 2011, la stabilité de ses ressources par rapport à 2010 et chaque collectivité « gagnante » est écrêtée de ses gains de telle sorte qu'elle se retrouve également avec des ressources identiques, en 2011, à celles de 2010. Or, ces écrêtements et reversements seraient figés, en euros courant, indéfiniment et quelle que soit l'évolution des bases fiscales des collectivités . Cette situation n'est à l'évidence pas souhaitable. Elle risque d'aboutir, dans quelques années, à des prélèvements qui n'auraient plus aucun lien avec les bases fiscales réelles d'une collectivité. Dans ces situations devenues inacceptables, des aménagements ponctuels devraient être trouvés et conduiraient, à n'en pas douter, à compliquer de plus en plus le dispositif de compensation.
Par ailleurs, le dispositif de l'enveloppe fermée des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales conduit progressivement à faire de l'ensemble des compensations d'exonérations fiscales des variables d'ajustement qui diminuent pour garantir la stabilité de l'augmentation globale des concours. Il est donc à craindre que les compensations de la réforme de la fiscalité locale ne subissent, in fine , une réduction du fait de cet impératif.
La version de l'avant-projet de loi du gouvernement proposait, pour éviter cette situation, une sortie « en sifflet » du dispositif de compensation : chaque écrêtement ou reversement aurait progressivement disparu, la réduction s'opérant sur 20 ans par réductions annuelles de 5 %.
On comprend bien pourquoi cette solution a été abandonnée . En effet, en l'absence de tout autre dispositif de péréquation des ressources fiscales entre les collectivités territoriales, elle entraîne une modification importante des équilibres fiscaux entre les collectivités territoriales. Or, sans simulations détaillées sur les effets à long terme de la réforme, il est logique que les collectivités territoriales soient prudentes et préfèrent, à ce stade, conserver les équilibres existants. Force est toutefois de constater que la proposition contenue dans l'avant-projet du gouvernement était, sur le plan des principes, plus satisfaisante que celle proposée dans le texte actuel .
Il conviendra donc à la commission des finances de se prononcer sur les modalités de cette compensation, qui peut être soit figée soit progressivement réduite , sur une durée pouvant éventuellement excéder les vingt années prévues dans l'avant-projet de loi du gouvernement. Pour rendre acceptable une disparition progressive de la compensation, il serait nécessaire de prévoir parallèlement des outils de péréquation qui garantiront que la réforme de la fiscalité locale n'accentue pas les écarts de richesse entre collectivités territoriales.
(2) Quels dispositifs de péréquation à compter de 2011 ?
Les dispositifs de péréquation à créer à partir de l'année 2011 pourraient permettre de substituer à une compensation figée, sans lien avec les bases fiscales réelles à partir de 2011, une péréquation qui, elle, pourrait évoluer dans le temps pour prendre en compte les modifications des bases fiscales réelles de chaque collectivité territoriale à partir de l'année 2011.
Il s'agit bien ici de créer des outils de péréquation horizontale, alimentés par les ressources mêmes des collectivités, afin de tirer les conséquences des changements majeurs que produit sur ces ressources la réforme qui nous est proposée . Les dispositifs de péréquation verticale, abondés par des dotations de l'Etat, subiront également les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle puisqu'il faudra, par exemple, redéfinir les notions de potentiel financier servant à cette péréquation.
Il paraît difficile de créer ex nihilo des dispositifs de péréquation horizontale opérationnels et efficaces dès la présente loi de finances en raison des incertitudes qui pèsent encore sur les paniers de recettes fiscales allouées à chaque catégorie de collectivités territoriales et sur les produits engendrés par les nouvelles impositions mises en place.
Toutefois, un certain nombre de questions de principes pourront être tranchées par la commission des finances sur les futurs dispositifs de péréquation à créer dans le courant de l'année 2010 .
(a) Une péréquation sur le stock ou sur le dynamisme des ressources fiscales ?
Faut-il des dispositifs de péréquation ambitieux, qui seraient alimentés non seulement par les hausses de ressources fiscales de certaines collectivités mais également par des prélèvements sur le stock des ressources fiscales des collectivités les plus « riches » ?
A titre d'exemple, les actuels fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), considérés comme efficaces, portent bien sur le stock des ressources fiscales et non sur leur augmentation puisqu'ils sont alimentés par les bases d'imposition des établissements exceptionnels qui, divisées par le nombre d'habitants d'une commune, excèdent deux fois la moyenne des bases par habitant au niveau national.
A l'inverse, l'article 2 bis du présent projet de loi de finances proposait un dispositif de péréquation départementale des droits d'enregistrement fondé uniquement sur le dynamisme des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Or, ce dispositif conduisait 7 ( * ) à prélever des recettes fiscales sur des départements qui pouvaient s'avérer avoir les recettes fiscales les moins élevées. Dans l'hypothèse d'un fonds de péréquation abondé par le dynamisme des recettes fiscales, il conviendrait donc à tout le moins de prévoir que seules les collectivités territoriales dont le potentiel financier est plus élevé que la moyenne deviendraient contributrices au fonds.
(b) Quelles recettes fiscales de référence pour une péréquation juste et efficace ?
Se pose également la question des ressources fiscales devant servir de base aux dispositifs de péréquation. En effet, une péréquation fondée sur une seule recette, par exemple la future cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, présente l'inconvénient de ne pas prendre en compte la richesse réelle de la collectivité qui peut, par ailleurs, bénéficier ou non d'importantes ressources parallèles : impôts ménages, cotisation foncière des entreprises, IFER, etc.
Par conséquent, votre commission des finances pourra avoir à se prononcer sur le principe d'une péréquation globale ou, à l'inverse, sur des outils ciblés de péréquation ne portant que sur une unique ressource fiscale.
(c) Quel niveau et quel périmètre pour les dispositifs de péréquation ?
Enfin, la péréquation horizontale pose la question de son niveau et de son périmètre : entre quelles collectivités faut-il mettre en place des dispositifs de péréquation et au sein de quel périmètre ?
Les actuels FDPTP sont des outils de péréquation horizontale entre communes et intercommunalités, dans le périmètre du département. Or, la perspective la suppression de la taxe professionnelle et l'affectation d'une part de cotisation sur la valeur ajoutée aux intercommunalités, sur la base d'une répartition territorialisée, devrait conduire à aggraver les disparités géographiques en termes de ressources fiscales. Faut-il prévoir un dispositif similaire à celui des FDPTP mais portant sur la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée, voire sur l'ensemble de la cotisation économique territoriale ? Faut-il élargir le périmètre de la péréquation et prévoir qu'elle se fera non au sein d'un département mais au sein d'une région, voire entre les intercommunalités de l'ensemble du pays ?
En ce qui concerne la péréquation entre les départements et les régions, le choix d'une répartition dite « macro » de la cotisation sur la valeur ajoutée permet d'intégrer ex ante un lissage des disparités régionales. En effet, d'après les simulations qui ont été fournies à votre commission des finances par la direction de la législation fiscale, une répartition strictement territorialisée de la cotisation sur la valeur ajoutée ne bénéficierait, au niveau des régions, qu'à la région Ile-de-France, qui verrait ses ressources fiscales augmenter de 400 millions d'euros entre les deux hypothèses. Au niveau des départements, deux d'entre eux verraient leurs ressources fiscales augmenter très fortement entre une répartition « macro » et une répartition « micro » : Paris, qui gagnerait environ 500 millions d'euros et les Hauts-de-Seine environ 580 millions d'euros.
Le caractère plus ou moins péréquateur de la répartition « macro » de la cotisation sur la valeur ajoutée résultera des critères de répartition qui seront choisis et de leur pondération . Un arbitrage devra être fait entre une plus grande péréquation et un maintien plus strict de la territorialité de la cotisation sur la valeur ajoutée. En effet, plus les critères de répartition s'éloigneront des réalités économiques - par la prise en compte, par exemple, du nombre de bénéficiaires de minima sociaux ou du nombre de personnes âgées - plus la répartition de la ressource fiscale sera éloignée d'une stricte territorialisation.
Toutefois, quel que soit le mode de répartition choisi pour la cotisation sur la valeur ajoutée, des dispositifs de péréquation interdépartemental et interrégional pourront être mis en place pour permettre une péréquation ex post entre ces collectivités territoriales . Les mêmes questions que celles soulevées précédemment devront être tranchées : péréquation sur le stock ou sur le dynamisme des ressources, péréquation sur une ou plusieurs ressources fiscales, etc. Sur l'ensemble de ces points, des simulations détaillées devront être établies, en 2010, conjointement par la direction générale des collectivités locales et par la direction de la législation fiscale, afin de garantir que les dispositifs soient opérationnels et efficaces et de limiter les effets pervers pouvant surgir de dispositifs élaborés trop rapidement.
* 7 Voir le commentaire de l'article 2 bis du présent projet de loi de finances dans le présent rapport.