O PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES
§ PRÉVENTION DE L'EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES : UNE GESTION PROBLÉMATIQUE
• L'exécution du programme confirme l'analyse de votre commission des finances
o Les crédits consommés représentent 162,8 % des crédits ouverts en loi de finances initiale
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, votre commission avait salué l' effort de rebasage de certains crédits notoirement sous-dotés les années précédentes, en particulier ceux consacrés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), tout en soulignant qu'il ne serait pas suffisant et que d'autres dispositifs faisaient l'objet de sous-budgétisations , notamment l'hébergement d'urgence et l'aide alimentaire. Votre commission avait, au demeurant, présenté un amendement tendant à majorer les crédits destinés à financer cette dernière, qui n'avait pas été adopté.
L'exécution 2008 lui donne raison. En effet, les crédits du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » ont été abondés à plusieurs reprises en cours d'année , par voie de décrets d'avance ou dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2008 :
? + 145 millions d'euros en faveur de l'hébergement d'urgence ;
? + 2 millions d'euros au profit du financement de l'aide alimentaire , auxquels s'ajoutent des reports de crédits de 8,6 millions d'euros . A cet égard, le rapport annuel de performances précise que le solde des engagements non couverts par les paiements au 31 décembre 2008 s'explique essentiellement par un report de crédits de paiement au titre de l'aide alimentaire, à hauteur de 8 millions d'euros ;
? + 50 millions d'euros pour les CHRS.
A cela se sont ajoutées des ouvertures à hauteur de 378,8 millions d'euros pour financer la prime de Noël versée aux bénéficiaires du RMI , qui n'a jamais été inscrite en loi de finances initiale, ainsi que 41 millions d'euros en faveur de la mission interministérielle aux rapatriés , qui font l'objet de développements ci-après. En outre, 2,5 millions d'euros ont été rattachés par voie de fonds de concours pour financer certaines dépenses d'aide sociale.
Au total, compte tenu des redéploiements intervenus en cours de gestion, les écarts les plus notables sont les suivants :
o Malgré ces ouvertures, l'Etat conserve 61,5 millions d'euros de dettes au titre de ce programme
En dépit de ces ouvertures en cours d'exercice et d'un taux d'exécution de 162,8 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, le ministère du logement conserve des dettes, au titre de ce programme, évaluées à 61,5 millions d'euros au 31 décembre 2008 :
- 30,3 millions d'euros au titre des allocations et dépenses d'aide sociale ;
- 6 millions d'euros au titre de l'hébergement d'urgence ;
- 14,8 millions d'euros au titre des CHRS, le ministère du logement précisant cependant que les 12,5 millions d'euros mobilisés dans le cadre du Plan de relance devraient permettre de limiter cette dette à 2,3 millions d'euros ;
- enfin, 10,4 millions d'euros au titre de l'aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées (ALT).
• Le suivi des crédits et des places d'hébergement est difficile
Le suivi des crédits destinés aux CHRS et à l'hébergement d'urgence, de même que le nombre de places disponibles, présente des faiblesses, comme le reconnaît le ministère. Une mission conduite par l'inspection générale des affaires sociales et le contrôle général économique et financier est d'ailleurs en cours pour venir en appui à M. Alain Régnier, délégué général pour la coordination de l'hébergement et de l'accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, chargé de recenser les besoins en matière d'hébergement, tant du point de vue du nombre de places nécessaires que de leur localisation. Cette mission devrait rendre un rapport d'étape à la fin du mois de juillet puis son rapport final à l'automne, afin de permettre une mise en oeuvre des recommandations dans le courant de l'hiver prochain.
Les données figurant dans le rapport annuel de performances ne sont pas non plus très lisibles si l'on cherche à les rapprocher des éléments d'information mentionnés dans le projet annuel de performances pour 2008. Il apparaît en effet difficile de comparer, pour chaque type d'hébergement, les réalisations aux objectifs initiaux. Le tableau qui suit, réalisé par le ministère du logement à la demande de vos rapporteurs spéciaux, permet toutefois de retracer l'évolution constatée entre 2007 et 2008, pour chaque type d'hébergement.
Les places d'hébergement : objectifs et réalisations
Note : le plan d'action renforcé pour les sans abris (PARSA) prévoyait notamment la transformation de 10.000 places d'hébergement d'urgence en 6.000 places de stabilisation et 4.000 places de CHRS, ainsi que la création de 9.000 places de maisons relais, s'ajoutant aux 3.000 existantes. Ceci explique notamment certaines variations constatées entre la situation à la fin 2007 et les objectifs fixés en projet annuel de performances pour 2008.
Source : ministère du logement ; commission des finances
• L'utilisation des décrets d'avance n'apparaît pas conforme aux règles de la LOLF
L'exécution 2008 fait également apparaître une utilisation des décrets d'avance qui n'est pas conforme aux prescriptions de la LOLF.
o Une partie des crédits demandés pour l'hébergement d'urgence a servi à financer les allocations et prestations d'aide sociale
La première entorse concerne les crédits demandés pour assurer le financement des dépenses d'hébergement d'urgence, qui faisaient l'objet d'une sous-budgétisation en loi de finances initiale, ainsi que l'avait relevé votre commission des finances.
Le rapport annuel de performances indique que « 8,19 millions d'euros ont été ouverts par voie de décret d'avance pour financer les allocations et prestations d'aide sociale versées aux personnes âgées et aux personnes handicapées ».
Or cette information ne se retrouve pas dans l'analyse générale des crédits ouverts par voie de décrets d'avance, présentée par ailleurs, ni dans les éléments d'information transmis à votre commission lors de l'examen des projets de décret d'avance de l'exercice 2008.
Interrogé sur ce point, le ministère a précisé à vos rapporteurs spéciaux que « la formulation prête, en effet, à confusion : elle signifie, en fait, que des marges ont pu être dégagées sur les crédits ouverts par décret d'avance au titre de l'hébergement d'urgence. Ces marges ont fait l'objet d'un mouvement en gestion pour compléter la dotation votée en LFI en vue du financement des allocations et des dépenses d'aide sociale ».
Ceci signifie qu'outre la couverture de dépenses qui n'étaient pas imprévisibles - l'hébergement d'urgence - les crédits ouverts par décret d'avance ont été mal calibrés, ce que vos rapporteurs ne peuvent que regretter, car cela revient à contourner la procédure de demande d'avis des commissions des finances sur les projets de décret de d'avance, désormais clairement encadrée par la LOLF.
Vos rapporteurs spéciaux remarquent, de surcroît, que les crédits destinés au financement des allocations et prestations d'aide sociale versées aux personnes âgées et aux personnes handicapées ont eux-mêmes été nettement sous-budgétés en loi de finances initiale. En dépit de ce redéploiement de 8,19 millions d'euros, le ministère du logement conserve des dettes de 30,3 millions d'euros au titre de ces dispositifs.
o Les crédits ouverts en faveur des rapatriés n'étaient pas imprévisibles
La surconsommation de crédits au titre des actions en faveur des rapatriés mérite un développement spécifique. En effet, alors que 9 millions d'euros avaient été inscrits en loi de finances initiale pour la restitution des sommes prélevées sur les indemnisations dont les Français rapatriés ont bénéficié en dédommagement de la dépossession de leurs biens outre-mer, 50 millions d'euros ont effectivement été consommés , grâce à un abondement de 30 millions d'euros par voie de décret d'avance puis de 11 millions d'euros en loi de finances rectificative.
La restitution des sommes prélevées sur les indemnisations L'article 12 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés permet aux rapatriés de demander la restitution des prélèvements effectués par l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer (ANIFOM), en application de diverses lois antérieures, sur les indemnités dont ces personnes avaient bénéficié en dédommagement de la dépossession de leurs biens outre-mer, au titre du remboursement de certains prêts contractés auprès de l'Etat. Les restitutions ainsi opérées n'ont pas le caractère de revenus pour l'assiette des impôts et taxes recouvrés au profit de l'Etat ou des collectivités publiques. Elles n'entrent pas non plus dans l'actif successoral des bénéficiaires au regard des droits de mutation par décès. La demande de restitution devait être formulée dans un délai de deux années à compter de la publication du décret d'application. Le décret en Conseil d'Etat du 26 mai 2005, pris pour l'application de cet article ayant été publié au Journal officiel de la République française du 27 mai 2005, les personnes concernées ou leurs ayants droit pouvaient donc déposer leurs demandes de restitution des sommes prélevées jusqu'au 28 mai 2007 . L'article 101 de la loi de finances rectificative pour 2007, introduit par le gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale, a toutefois prorogé ce délai limite jusqu'au 31 décembre 2008 . D'après les informations alors fournies par le gouvernement, 200 demandes de restitution, formulées après le 28 mai 2007, date limite de recevabilité des demandes, ne pouvaient être examinées par l'ANIFOM et donner lieu à indemnisation. Le coût du report au 31 décembre 2008 de la date limite de dépôt des demandes de restitution, susceptibles d'être présentées par les rapatriés ou leurs ayants droit, était estimé, au plus, à 5 millions d'euros, dans l'hypothèse où environ 800 nouvelles demandes seraient enregistrées : 9 millions d'euros 312 ( * ) avaient déjà été inscrits à ce titre en loi de finances initiale pour 2008. |
L'ouverture de crédits intervenue par voie de décret d'avance est donc trois fois supérieure aux crédits inscrits en loi de finances initiale et six fois supérieure aux chiffrages qui avaient été présentés à votre commission des finances lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2007.
Le rapport de motivation du projet de décret d'avance ouvrant 30 millions d'euros pour financer cette restitution 313 ( * ) notait que le nombre de dossiers déposés auprès de l'ANIFOM « conduit à une prévision de dépense largement supérieure aux estimations disponibles au moment de la construction de la LFI 2008 » et que « l'effet du report au 31 décembre 2008 de la date limite de dépôt des demandes de remboursement (...) a notamment été sous-évalué ».
D'après les informations recueillies par votre commission des finances auprès du directeur général de l'ANIFOM lors de l'examen du projet de décret d'avance, cette motivation était inexacte . En réalité, les besoins constatés par l'ANIFOM ne résultaient que très marginalement de la prorogation du délai limite des demandes d'indemnisation : ils découlaient d'une sous-budgétisation importante en loi de finances initiale, dont l'Agence était consciente dès l'origine.
L'ANIFOM justifiait ainsi la demande d'ouverture de crédits par voie de décret d'avance par la pression à laquelle elle était soumise de la part des personnes bénéficiant de l'indemnisation.
Cette situation n'est pas acceptable, l'information délivrée au Parlement ayant été volontairement inexacte. Vos rapporteurs appellent donc le ministère à faire preuve de vigilance à l'avenir.
• L'exécution souligne des insuffisances au titre de la veille sociale, qui se retrouvent en 2009
Le rapport annuel de performances relève également que les crédits relatifs à la veille sociale « sont exécutés comme les années précédentes très sensiblement au-dessus du niveau de la loi de finances initiale ». En effet, alors que 41 millions d'euros étaient inscrits à ce titre en loi de finances initiale, 67,5 millions d'euros ont été consommés.
Interrogé sur la situation 2009, le ministère précise que 43,35 millions d'euros ont été inscrits en loi de finances, complétés par une dotation de 8,9 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Le montant des crédits disponibles atteint ainsi la somme de 52,25 millions d'euros, pour des besoins estimés à 77,4 millions d'euros. Un tiers des besoins n'est donc pas couvert en 2009.
* 312 Le total des crédits en faveur des rapatriés s'élevait à 51 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2008, en très forte baisse par rapport aux années précédentes (176,86 millions d'euros en 2006 et 171 millions d'euros en 2007).
* 313 Décret d'avance du 24 octobre 2008.