N° 444
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 2009 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, relatif à l' organe central des caisses d' épargne et des banques populaires ,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur
1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis , président ; M. Yann Gaillard, Mme Nicole Bricq, MM. Jean-Jacques Jégou, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Joël Bourdin, François Marc, Alain Lambert , vice-présidents ; MM. Philippe Adnot, Jean-Claude Frécon, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Sergent, François Trucy , secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Mme Marie-France Beaufils, MM. Claude Belot, Pierre Bernard-Reymond, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Éric Doligé, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Christian Gaudin, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Yves Krattinger, Gérard Longuet, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Gérard Miquel, Albéric de Montgolfier, Henri de Raincourt, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Bernard Vera. |
Voir le(s) numéro(s) :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
1619 , 1643 et T.A. 291 |
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Sénat : |
424 et 445 (2008-2009) |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Le présent projet de loi, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 15 avril 2009 où il a été examiné les 18 et 19 mai dernier, constitue le support législatif nécessaire à la mise en oeuvre du rapprochement entre le groupe Caisse d'épargne et le groupe Banque populaire, annoncé le 26 février 2009 après que le Gouvernement en eût accéléré le processus.
Texte technique ne comportant à l'origine que sept articles 1 ( * ) , il se limite aux dispositions permettant la création du nouvel organe central (périmètre, statut et prérogatives) des caisses d'épargne et des banques populaires, le transfert des moyens et du patrimoine nécessaires à l'exercice de ses missions et l'organisation du dialogue social au sein du groupe. Le choix de la procédure accélérée s'explique par le calendrier très contraint de réalisation de l'opération, rappelé infra .
Ce rapprochement entre deux groupes bancaires emblématiques et qui entendent se distinguer des autres banques par leur organisation, leur gouvernance et leurs valeurs, n'est ni fortuit ni improvisé . Il constitue l'aboutissement logique de trajectoires historiques convergentes et de liens raffermis en 2006 avec la création de la filiale commune Natixis. Il est également apparu de plus en plus inévitable avec la fragilisation depuis début 2008 de la situation financière des deux groupes, largement due à la forte exposition de Natixis à la crise financière.
En dépit de sa portée relativement réduite, le présent projet de loi offre donc au Parlement une occasion de débattre de l'adaptabilité du modèle mutualiste à un environnement financier qui connaît une des plus graves crises de son histoire, de la stratégie et du positionnement du futur groupe, et des moyens que son équipe dirigeante comme l'Etat, nouvel actionnaire, pourront mettre en oeuvre pour garantir sa visibilité, sa consolidation - en particulier celle de la filiale Natixis - et la confiance de ses 7,1 millions de sociétaires.
I. UN RAPPROCHEMENT LOGIQUE ET RENDU NÉCESSAIRE PAR LA CRISE FINANCIÈRE
A. DEUX GROUPES AUX VALEURS PROCHES, AU POSITIONNEMENT CONVERGENT ET DÉJÀ PARTENAIRES
1. Des trajectoires historiques convergentes
Malgré des vocations et un développement longtemps distincts, les caisses d'épargne et les banques populaires ont récemment convergé dans leur positionnement, jusqu'à créer la filiale commune Natixis en 2006.
a) Les caisses d'épargne : de l'établissement dédié à la collecte de l'épargne populaire au groupe bancaire coopératif diversifié
Dès la création de la première caisse à Paris en 1818, les caisses d'épargne ont affirmé leur vocation de collecte et de constitution de l'épargne des milieux populaires . Leur statut juridique a ainsi été clarifié par une loi de 1835 leur conférant la qualité sui generis d'établissements privés d'utilité publique et les fonds d'épargne ont été centralisés au Trésor (en 1829), puis à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) à compter de 1837. Cette activité unique de collecte de l'épargne s'est maintenue jusqu'en 1966, alors que d'autres institutions équivalentes en Europe (en particulier en Allemagne) ont développé des activités de gestion dès le début du XX e siècle.
La diversification s'est progressivement accélérée à compter de la fin des années soixante avec la distribution de livrets d'épargne réglementée, l'octroi de produits d'épargne-logement et de prêts immobiliers et à la consommation, et le droit de proposer des comptes-chèques en 1978. Un pas décisif a été franchi avec la loi n° 83-557 du 1 er juillet 1983 portant réforme des caisses d'épargne et de prévoyance, qui permet aux caisses d'épargne d'acquérir le statut d' établissements de crédit et donc d'effectuer toutes les opérations de banque. L'octroi de crédit aux professionnels a été autorisé ultérieurement, en 1987.
Parallèlement, le réseau des caisses se structure et se dote d'une entité faisant office d'organe central avec la création de l'Union nationale des caisses d'épargne en 1969 puis, en 1983, du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP), groupement d'intérêt économique constitué avec la CDC, et enfin de la Caisse centrale des caisses d'épargne et de prévoyance en 1995, qui dispose de la qualité d'établissement de crédit. La rationalisation du réseau se traduit par d'importants regroupements , le nombre de caisses passant de 464 en 1983 à 17 aujourd'hui.
La loi n° 532 du 25 juin 1999 relative à l'épargne et à la sécurité financière constitue une deuxième étape législative importante avec l'adoption du statut coopératif, régi par la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, la création de la Caisse nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (CNCE), nouvel organe central doté de prérogatives stratégiques et financières 2 ( * ) , et la mise en place de la Fédération nationale des caisses d'épargne et de prévoyance (FNCE), sorte d'autorité morale appelée à garantir la préservation des valeurs du groupe.
Le groupe évolue alors vers un modèle de banque universelle présent dans la plupart des activités bancaires avec :
- l'acquisition du Crédit foncier de France en 1999 ;
- le rachat de la banque italienne Sanpaolo en 2003, qui devient la Banque Palatine en 2005 et est intégralement filialisée en 2008 ;
- la création en 2005 de la Compagnie 1818, filiale spécialisée dans la gestion privée ;
- la création avec la CDC de la banque de financement et d'investissement CDC Ixis, qui fusionne en 2006 avec Natexis Banque Populaire pour donner naissance à Natixis, filiale commune avec le groupe Banque populaire ;
- et la constitution d'un pôle immobilier avec l'entrée au capital du promoteur Nexity en 2007 3 ( * ) .
Dernière étape législative, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie contribue à atténuer les spécificités historiques du groupe avec la généralisation de la distribution du Livret A, la suppression de l'obligation pour les caisses d'épargne de consacrer au moins le tiers de leur résultat net au financement de projets d'économie locale et sociale, la suppression de l'agrément préalable du ministre de l'économie pour la nomination du président du directoire, et la redéfinition des missions des caisses, qui conservent toutefois une forte dimension d'intérêt général4 ( * ).
L'architecture du groupe Caisse d'épargne est la suivante :
b) Les banques populaires : une vocation précoce de banques régionales tournées vers les petites et moyennes entreprises
L'ancrage territorial des banques populaires apparaît dès la création de la première banque à Angers en 1878 puis se confirme avec la création d'établissements régionaux dédiés à l'accès au crédit des artisans, commerçants et des petites et moyennes entreprises (PME).
Elles adoptent le statut coopératif dès la loi du 13 mars 1917 ayant pour objet l'organisation du crédit au petit et au moyen commerce et à la petite et à la moyenne industrie. Le réseau se constitue avec la création en 1921 de la Caisse centrale des banques populaires (investie d'une mission de gestion des excédents de trésorerie) puis de la Chambre syndicale des banques populaires en 1929, structure de tête jouant un rôle de contrôle, d'animation et de représentation du réseau.
La libéralisation des dépôts et des crédits en 1966 leur permet d'élargir leur clientèle , ce qui se traduit notamment par l'affiliation en 1974 de la CASDEN, banque coopérative des personnels de l'éducation nationale, de la recherche et de la culture. A l'instar des caisses d'épargne, le développement du groupe s'est accéléré au cours des dix dernières années avec l'acquisition de Natexis 5 ( * ) en 1998, qui devient la banque de financement et d'investissement du groupe et reprend les attributions de la Caisse centrale des banques populaires, l'affiliation du Crédit coopératif et du Crédit maritime en 2003, la création de Natixis fin 2006, et la reprise en 2007 des sept banques régionales 6 ( * ) de l'ex-Crédit commercial de France.
L'architecture du groupe Banque populaire est la suivante :
Les grandes étapes de l'histoire des banques populaires et des caisses d'épargne |
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Groupe Banque populaire |
Groupe Caisse d'épargne |
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1818 |
Création de la première caisse d'épargne à Paris |
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1835 |
Reconnaissance des caisses d'épargne comme établissements privés d'utilité publique |
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1837 |
Centralisation des fonds à la Caisse des dépôts et consignations |
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1878 |
Création de la première banque populaire à Angers |
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1917 |
Adoption par la loi d'un statut coopératif des banques populaires |
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1921 |
Création de la Caisse centrale des banques populaires (CCBP) |
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1929 |
Création de la Chambre syndicale des banques populaires (CSBP) |
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1942 |
Loi relative aux banques populaires |
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1969 |
Création de l'Union nationale des caisses d'épargne |
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1974 |
Création de la CASDEN Banque populaire |
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1983 |
Les caisses d'épargne deviennent des établissements de crédit Création du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance (CENCEP) |
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1995 |
Création de la Caisse centrale des caisses d'épargne et de prévoyance |
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1998 |
Acquisition de Natexis SA |
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1999 |
Constitution de Natexis Banques populaires Transformation de la CCBP en Banque fédérale des banques populaires (BFBP) |
Adoption du statut coopératif Création de la Caisse nationale des caisses d'épargne (CNCE) et de la Fédération nationale des caisses d'épargne (FNCE) Constitution du Groupe caisse d'épargne Acquisition du Crédit foncier de France |
2001 |
Transfert des activités de la CSBP à la BFBP |
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2002 |
Création de la Financière Oceor |
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2003 |
Adoption du statut de banque populaire par le Crédit coopératif Affiliation du Crédit maritime à la BFBP |
Prise de participation dans la banque Sanpaolo, devenue depuis Banque Palatine |
2004 |
Acquisition d'Ixis. Le groupe devient une banque universelle |
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2006 |
Création de Natixis, filiale commune (35,6 % du capital chacun) |
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2007 |
Acquisition de Foncia |
Entrée en capital de Nexity |
2008 |
Acquisition de 7 banques régionales du réseau de HSBC France |
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2009 |
Fin du monopole de distribution du Livret A |
Source : sites Internet des deux groupes
* 1 Il en compte deux supplémentaires à l'issue de son adoption par l'Assemblée nationale.
* 2 A l'instar du Centre national des caisses d'épargne et de prévoyance, le capital de cet établissement de crédit est détenu à 65 % par les caisses régionales et à 35 % par la CDC, qui en est sortie en 2006 à l'occasion de l'acquisition d'Ixis, moyennant le versement de 7 milliards d'euros par la CNCE.
* 3 Grâce à une prise de participation à hauteur de 40 %, financée par l'apport de 25 % du Crédit foncier, 32 % de la foncière Eurosic et de l'intégralité de GCE Immobilier.
* 4 L'article L. 512-85 du code monétaire et financier ne fait plus mention des « missions d'intérêt général », mais prévoit que le réseau des caisses d'épargne contribue à la protection de l'épargne populaire, au financement du logement social, à l'amélioration du développement économique local et régional et à la lutte contre l'exclusion bancaire et financière de tous les acteurs de la vie économique, sociale et environnementale.
* 5 Banque issue de la fusion du Crédit national et de la Banque française du commerce extérieur en 1996.
* 6 Soit la Société marseillaise de crédit, la Banque de Savoie, la Banque Chaix, la Banque Marze, la Banque Dupuy de Parseval, la Banque Pelletier et le Crédit commercial du sud-ouest.