EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 27 mai 2009 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M, Jean Arthuis, rapporteur, sur la proposition de loi n° 363 (2008-2009) visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés .
La commission a ensuite procédé à l' examen du rapport de M. Jean Arthuis, rapporteur , sur la proposition de loi n° 363 (2008-2009) visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records , présentée par MM. François Rebsamen, Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
M. Jean Arthuis , rapporteur, a tout d'abord souligné que la proposition de loi témoignait d'une préoccupation légitime, à savoir l'enraiement de la dégradation des finances publiques résultant à la fois d'une baisse des recettes fiscales et d'une augmentation des besoins de financement. Il a indiqué que le texte comporte quatre articles dont les conséquences sont de majorer, sous certaines conditions, l'impôt sur les sociétés.
Il a rappelé que la France connaît, d'ores et déjà, un des taux nominaux d'impôt sur les sociétés les plus élevés d'Europe, et que, à ce titre, la commission des finances souligne régulièrement la nécessité d'envisager une réforme de cet impôt fondée sur une diminution du taux et un élargissement de l'assiette, par abrogation notamment des multiples « niches » fiscales.
Sur la base de ce constat, il a estimé que l'alourdissement de fiscalité envisagé par la proposition de loi sur certaines entreprises serait contre-productif.
En effet, d'une part, il tend à dégrader la compétitivité de la France et accroît les risques de délocalisation, ce qui, dans la période actuelle, est particulièrement inopportun. En se focalisant sur les entreprises bénéficiaires, la proposition de loi fragilise, à court terme, une activité économique déjà affaiblie. Sur ce point, la commission des finances, qui a appelé à un moratoire fiscal en 2009, s'est félicitée, lors de la dernière loi de finances rectificative, que le Gouvernement ne procède à aucun ajustement pour compenser les moins-values fiscales attendues, soutenant ainsi indirectement l'activité par le jeu des stabilisateurs automatiques. En outre, cette augmentation de fiscalité porte atteinte à long terme à une compétitivité qui nécessite d'être maintenue afin de « réussir l'après crise ». Il s'agit ainsi de conserver sur le territoire français les entreprises dynamiques. Or, la fiscalité est un facteur décisif dans la localisation des activités.
D'autre part, la proposition de loi ajoute de la complexité à un système fiscal déjà peu lisible. Il conviendrait de distinguer non seulement les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 7,63 millions d'euros, dont l'impôt sur les sociétés est supérieur à 763 000 euros, mais aussi les entreprises qui ne sont pas des PME au sens communautaire mais qui réalisent des bénéfices supérieurs de 10 % à ceux de l'exercice précédent, les entreprises qui réinvestissent leurs profits, celles qui les distribuent, celles qui appartiennent au secteur pétrolier, etc. Ces micro-régimes, qui se superposeraient à l'ensemble des « niches fiscales », sont contraires à la position de la commission des finances qui milite depuis plusieurs années pour un dispositif simple, fondé sur un taux nominal de l'impôt sur les sociétés abaissé et une assiette de l'impôt élargie.
Enfin, l'efficacité des mesures proposées est incertaine. Le texte a pour objectif d'accroître l'effort de contribution fiscale de certaines entreprises afin de répondre à des besoins de financements en hausse compte tenu de la crise actuelle. Il cherche également à inciter les entreprises à renforcer leurs fonds propres. Toutefois, les modalités des dispositifs proposés sont inadéquates :
- le nombre de redevables de la contribution exceptionnelle de solidarité en 2010 devrait ainsi être faible. Cette contribution concerne des entreprises qui réalisent des bénéfices excédant de plus de 10 % ceux de l'exercice précédent. Or, au vu des résultats publiés pour le premier trimestre 2009 par certaines grandes entreprises françaises, le nombre d'entreprises qui seront en mesure d'afficher des bénéfices à deux chiffres pour l'année 2009 risque d'être très réduit. Si tel était le cas, la mesure aurait non seulement le tort de présenter les inconvénients énoncés plus haut mais aussi celui de ne pas apporter de recettes supplémentaires à l'Etat ;
- de même, la proposition de modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des bénéfices des entreprises, aussi intéressante soit-elle, ne paraît permettre ni un renforcement significatif des fonds propres des entreprises, ni une augmentation de recettes fiscales.
La mesure proposée par l'article 2 repose sur la distinction entre profits distribués et profits réinvestis, c'est-à-dire soit mis en réserve soit incorporés en capital. Le taux de l'impôt sur les sociétés serait majoré de 10 % dès lors que l'entreprise distribue plus de 60 % de ses bénéfices imposables, et minoré de 10 % lorsque, a contrario, elle réinvestit 60 % et plus de ces derniers.
M. Jean Arthuis, rapporteur, a estimé que ce dispositif est inopérant et peu incitatif. D'une part, la distinction profits distribués /profits réinvestis n'est pas applicable à l'ensemble des entreprises : seules 16,4 % des PME ont distribué des dividendes en 2006, cette proportion étant de 30,6 % pour les entreprises de taille intermédiaire et de 41 % pour les grandes entreprises. D'autre part, le dispositif n'est pas incitatif pour les entreprises potentiellement concernées. La référence au bénéfice imposable, et non au résultat net, dans le calcul du taux de distribution conduit à un dispositif non opérationnel, puisque très rares seraient les sociétés à dépasser un taux de distribution supérieur à 60 % dans la mesure où cela signifierait qu'elles distribuent la quasi-totalité de leur résultat net. Ainsi, au vu de la proposition de loi, les entreprises bénéficieraient de facto d'une minoration, ou au moins du maintien, de leur taux d'impôt sur les sociétés (IS) sans avoir pour autant à changer leur politique de distribution.
M. Jean Arthuis, rapporteur, a également observé que l'actionnaire peut avoir un intérêt à ne pas percevoir de dividendes, la mise en réserve de l'intégralité du bénéfice ayant pour conséquence d'augmenter la valeur des titres.
Il a ainsi conclu que la modulation de l'IS en fonction de la politique de distribution n'apparaît pas comme le mécanisme idoine pour renforcer les fonds propres des entreprises, notamment les petites et moyennes entreprises. Il a estimé que la consolidation du capital des PME serait mieux servie par une modification du dispositif de réduction d'impôt de solidarité sur la fortune.
M. Jean Arthuis, rapporteur, a présenté ensuite les articles :
- l' article 1 er crée une contribution exceptionnelle de solidarité de 5 % sur l'IS (soit 1,66 point) sur les entreprises qui dégagent des bénéfices excédant d'au moins 10 % ceux de l'année précédente. Outre le fait que cet article s'appuie sur des dispositions abrogées du code général des impôts, cette mesure est inopportune dans la conjoncture actuelle ;
- l' article 2 module le taux de l'impôt sur les sociétés (de plus ou moins 3,33 points) en fonction de l'affectation des bénéfices réalisés par les entreprises afin d'inciter ces dernières à renforcer leurs fonds propres. La neutralité fiscale est sur ce point souhaitable car l'arbitrage entre ce qui doit être mis en réserve afin d'alimenter l'autofinancement et ce qui doit être distribué sous forme de dividendes relève de l'entière responsabilité des organes sociaux des entreprises ;
- l' article 3 instaure une contribution exceptionnelle de solidarité pour les entreprises du secteur pétrolier. Il s'agit d'une idée récurrente. Toutefois l'application de cette mesure selon les modalités proposées constituerait un alourdissement significatif - et de surcroît permanent - de la fiscalité de ce secteur qui contribue à la compétitivité et à l'activité économique nationales. En outre, dans l'appréciation des profits dits « superprofits » de certaines sociétés, il convient de prendre en compte l'importance des budgets d'investissement de ces entités et le caractère fortement internationalisé de leur activité. Enfin, le caractère quelque peu arbitraire du périmètre de la disposition au regard de l'ensemble des entreprises relevant du secteur énergétique peut être posé ;
- l' article 4 prévoit, afin de compenser une éventuelle perte de recettes fiscales, quatre gages dont l'abrogation de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat dite loi « Tepa » et la suppression de l'indexation automatique de l'impôt de solidarité sur la fortune. Les modalités de cette compensation financière, qui ne sont pas formelles, vont à l'encontre des objectifs et des réflexions poursuivis par la commission des finances.
Pour conclure, M. Jean Arthuis, rapporteur , a proposé à la commission de ne pas établir de texte, et de rejeter un à un les articles de la proposition de loi originelle qui viendront en discussion lors de la séance publique, le 4 juin prochain, ce qui équivaudra à son rejet global.
Cet exposé a été suivi d'un débat.
M. François Rebsamen , auteur de la proposition de loi, a souligné la nécessité de prendre des mesures pour faire face à la dégradation actuelle des finances publiques qui pourrait conduire la France à la « faillite ». Réagissant à l'exposé du rapporteur, il a souligné les points suivants :
- le taux de l'IS est élevé en France. Toutefois, il convient de constater que la suppression des niches fiscales, tout comme la simplification du système d'imposition, objectifs maintes fois annoncés, n'ont reçu à ce jour aucune application ;
- l'argument de la compétitivité relève d'un discours classique ; or, en temps de crise et face à des situations exceptionnelles, il convient de prendre des mesures particulières à caractère temporaire, comme le propose l'article 1 er ;
- la modulation de l'impôt sur les sociétés en fonction de la politique de distribution des entreprises est avant tout un dispositif symbolique dont le but est d'ouvrir le débat sur la partition des bénéfices ;
- la surtaxation du secteur pétrolier est certes une idée récurrente mais elle se justifie en particulier dans la conjoncture actuelle ;
- l'abrogation de la loi dite « Tepa » s'inscrit dans la continuité des positions défendues par le groupe socialiste qui conteste l'efficacité de ses mesures et leur coût.
M. Jean Arthuis , rapporteur, a souligné le caractère légitime des préoccupations exprimées par la proposition de loi, en particulier s'agissant de la dégradation des finances publiques. Il s'est réjoui qu'un certain consensus existe sur la nécessité de réformer en profondeur l'impôt sur les sociétés, tout en soulignant le caractère délocalisable des assiettes de cet impôt et donc l'importance de ne pas porter davantage préjudice à l'attractivité fiscale nationale.
Favorable aux conclusions du rapporteur, M. Philippe Adnot a souhaité souligner que la rédaction proposée pour la contribution exceptionnelle de solidarité conduit à créer des effets de seuil inopportuns entre les entreprises en fonction du taux de croissance de leurs bénéfices. Par ailleurs, les entreprises ayant une croissance à deux chiffres de leur résultat net ne sont pas nécessairement celles qui détiennent les bénéfices les plus importants en valeur absolue.
Mme Nicole Bricq a estimé que l'argument de la compétitivité n'est pas recevable pour certaines entreprises. Elle s'est interrogée ensuite sur les statuts des propositions de loi présentées par l'opposition, regrettant que celles-ci soient considérées comme de simples pétitions. Elle a exprimé le souhait que ces propositions puissent constituer une base de travail pour la commission et faire l'objet, le cas échéant, d'amendements.
M. Jean Arthuis , rapporteur, a souligné le risque que l'intervention de la commission puisse être interprétée, par les auteurs des propositions, comme un détournement de procédure, le texte adopté par la commission et donc discuté en séance publique pouvant différer de la rédaction et des intentions initiales.
M. François Marc a insisté sur la nécessité de faire passer dans la conjoncture actuelle des messages politiques, en particulier sur le rééquilibrage de la répartition des profits. Cette dernière question constitue aujourd'hui un enjeu majeur comme l'ont démontré les débats, d'une part, sur la loi pour le développement économique de l'outre-mer et, d'autre part, sur la chaîne de valeur de l'industrie laitière.
La commission ayant rejeté l'ensemble des articles, elle n'a pas établi de texte. En conséquence, en application de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi.