B. LA RESPONSABILISATION DE L'ENSEMBLE DES ACTEURS DU GOUVERNEMENT D'ENTREPRISE EST PRIMORDIALE
Selon votre rapporteur général, la « moralisation » des pratiques de rémunération des dirigeants et mandataires sociaux devrait relever, aujourd'hui, avant tout de la responsabilisation et de l'autodiscipline des dirigeants et mandataires sociaux ainsi que de l'ensemble des acteurs du gouvernement d'entreprise .
Parallèlement au renforcement du cadre législatif, il existe depuis plusieurs années la volonté des sociétés de s'imposer à elles-mêmes des règles de conduite en matière de gouvernement d'entreprise. Cette démarche a notamment abouti à un code de bonne conduite pour les sociétés cotées, établi par le Medef et l'AFEP. De nouvelles recommandations sur la rémunération des dirigeants et mandataires sociaux dans les sociétés cotées ont par ailleurs été proposées en octobre 2008.
Les recommandations AFEP-MEDEF sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé (octobre 2008) Si ces nouvelles recommandations concernent avant tout les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, elles ont également vocation à s'appliquer aux sociétés non cotées ou dont les titres sont admis aux négociations sur un marché organisé tel Alternext. Ces recommandations mettent en avant les mêmes principes généraux à suivre dans la détermination de la rémunération des dirigeants mandataires sociaux que ceux établis en janvier 2007 : l'exhaustivité dans la rémunération ; l'équilibre entre ses différents éléments ; la prise en compte du contexte du métier de l'entreprise et du marché européen ou mondial de référence ; la cohérence de la rémunération du dirigeant mandataire social avec celle des autres dirigeants et des salariés ; la lisibilité des règles ; le juste équilibre entre l'intérêt général de l'entreprise, les pratiques du marché et les performances des dirigeants. Elles précisent et complètent le code de gouvernement d'entreprise et les recommandations de janvier 2007 sur cinq points. 1) Cumul d'un contrat de travail et d'un mandat social S'agissant, dans les sociétés à conseil d'administration, du président, du président directeur général, du directeur général, dans les sociétés à directoire et à conseil de surveillance, du président du directoire ou du directeur général unique, et dans les sociétés en commandite par actions, des gérants, il est recommandé, lorsqu'un dirigeant devient mandataire social de l'entreprise, de mettre fin au contrat de travail qui le lie à la société, soit par rupture conventionnelle, soit par démission . Cette recommandation s'applique aux mandats confiés après la publication de cette recommandation et lors du renouvellement de mandats confiés antérieurement à cette publication, sur appréciation du conseil d'administration ou du conseil de surveillance. 2) Indemnités de départ (« parachutes dorés ») Les conditions de performance fixées par les conseils pour l'octroi d'indemnités de départ doivent être exigeantes et n'autoriser l'indemnisation d'un dirigeant qu'en cas de départ contraint et lié à un changement de contrôle ou de stratégie. Le versement d'indemnités de départ à un dirigeant mandataire social doit être exclu s'il quitte à son initiative la société pour exercer de nouvelles fonctions, ou change de fonctions à l'intérieur d'un groupe, ou encore s'il a la possibilité de faire valoir à brève échéance ses droits à la retraite. L'indemnité de départ ne doit pas pouvoir excéder, le cas échéant, deux ans de rémunération (fixe et variable). Ces règles et ce plafond s'appliquent à l'ensemble des indemnités et incluent notamment les éventuelles indemnités versées en application d'une clause de non concurrence. Tout gonflement artificiel de la rémunération dans la période préalable au départ est proscrit. 3) Régimes de retraite supplémentaires (« retraites chapeau ») Les retraites supplémentaires à prestations définies sont soumises à la condition que le bénéficiaire soit mandataire social ou salarié de l'entreprise lorsqu'il fait valoir ses droits à la retraite en application des règles en vigueur. La valeur de cet avantage doit être prise en compte dans la fixation globale de la rémunération. Le groupe de bénéficiaires potentiels doit être sensiblement plus large que les seuls mandataires sociaux. Les bénéficiaires doivent satisfaire des conditions raisonnables d'ancienneté dans l'entreprise, fixées par le conseil d'administration ou le directoire. Les droits potentiels ne doivent représenter, chaque année, qu'un pourcentage limité de la rémunération fixe du bénéficiaire. La période de référence prise en compte pour le calcul des prestations doit être de plusieurs années. Tout gonflement artificiel de la rémunération sur cette période est proscrit. Les systèmes donnant droit immédiatement ou au terme d'un petit nombre d'années à un pourcentage élevé de la rémunération totale de fin de carrière sont à exclure. 4) Options d'achat ou de souscription d'actions (« stock options ») et attribution d'actions de performance Sauf structures particulières -telles les start-up-, l'attribution d'options de souscription ou d'achat d'actions doit correspondre à une politique d'association au capital et non à un complément de rémunération instantanée. Si l'attribution d'options ne bénéficie pas à l'ensemble des salariés, il est nécessaire de prévoir un autre dispositif d'association de ceux-ci aux performances de l'entreprise. Les attributions d'actions aux dirigeants mandataires sociaux doivent être soumises à des conditions de performance. Les attributions gratuites d'actions sans conditions de performance doivent être réservées aux salariés. S'agissant de l'attribution de telles options ou actions : - celles-ci ne doivent pas représenter un pourcentage disproportionné de l'ensemble des rémunérations, options et actions attribuées à chaque dirigeant mandataire social. A cette fin, les conseils doivent systématiquement examiner l'attribution de nouvelles options et actions au regard de tous les éléments de la rémunération du dirigeant mandataire social concerné ; - pour éviter une trop forte concentration de l'attribution sur les dirigeants mandataires, un pourcentage maximum d'options et d'actions pouvant être attribuées aux dirigeants mandataires sociaux par rapport à l'enveloppe globale votée par les actionnaires doit être défini par les conseils, en fonction de la situation de chaque société (taille de la société, secteur d'activité, champ d'attribution plus ou moins large, nombre de dirigeants...) ; - afin de limiter les effets d'aubaine : les attributions doivent intervenir aux mêmes périodes calendaires et chaque année ; le nombre d'options et d'actions attribuées ne doit pas s'écarter des pratiques antérieures de l'entreprise, sauf changement de périmètre significatif justifiant une évolution du dispositif ; - les actions de performance attribuées aux dirigeants mandataires sociaux doivent être conditionnées à l'achat d'une quantité définie d'actions lors de la disponibilité des actions attribuées ; - s'agissant du prix défini pour l'option, la décote doit être supprimée pour l'ensemble des attributaires et les instruments de couverture des options sont interdits. Pour l'exercice des options ou des acquisitions : - l'exercice par les dirigeants mandataires sociaux de la totalité des options et l'acquisition des actions doit être lié à des conditions de performance à satisfaire sur une période de plusieurs années consécutives, ces conditions devant être sérieuses, exigeantes et combiner conditions de performance internes à l'entreprise et externes, c'est-à-dire liées à la performance d'autres entreprises, d'un secteur de référence... - les périodes précédant la publication des comptes, pendant lesquelles l'exercice des options d'actions n'est pas possible, doit être fixé par le conseil d'administration ou de surveillance qui doit également déterminer la procédure que doivent suivre les dirigeants mandataires sociaux avant d'exercer des options d'actions, pour s'assurer qu'ils ne disposent pas d'informations susceptibles d'empêcher cet exercice. |
Pour la conservation des actions acquises : - le conseil doit imposer aux dirigeants mandataires sociaux de conserver un nombre important et croissant des titres acquis en retenant soit une référence à la rémunération annuelle à fixer pour chaque mandataire, soit un pourcentage de la plus-value nette après cessions nécessaires à la levée et aux impôts et prélèvements sociaux et frais relatifs à la transaction, soit une combinaison des deux, soit un nombre fixe d'actions. - quelle que soit la norme retenue, elle doit être compatible avec d'éventuels critères de performance et être périodiquement révisée à la lumière de la situation du mandataire, et au moins à chaque renouvellement du mandat social. 5) Transparence des éléments de rémunération L'ensemble des éléments constitutifs de la rémunération doivent être rendus publics sur une base individuelle pour les dirigeants. A cet effet, il est recommandé de : - suivre la présentation standardisée définie par l'AFEP et le MEDEF de tous les éléments de rémunération des dirigeants (incluant la valorisation des options attribuées selon la méthode retenue pour les comptes consolidés) ; - rendre publics tous les éléments de rémunération des dirigeants, potentiels ou acquis, immédiatement après la réunion du conseil les ayant arrêtés. Source : Rapport Sénat n° 62 (2008-2009) de M. Jean-Jacques Hyest. |
Votre rapporteur général se félicite de ces nouvelles recommandations, en espérant qu'elles puissent faire l'objet d'une pleine appropriation par les sociétés . D'ailleurs, il souligne que ces recommandations rejoignent, sur le fond, les propositions du groupe de travail commun à l'Assemblée nationale et au Sénat sur la crise financière internationale 1 ( * ) .
Il estime que la définition des rémunérations des dirigeants et mandataires sociaux relève avant tout de la responsabilité des conseils d'administration ou de surveillance sous le contrôle des actionnaires . La transparence du processus est la meilleure garantie contre d'éventuels abus.
A cet égard, il rappelle que les rôles de l'actionnaire et des assemblées générales ont été sensiblement revalorisés au cours de ces dernières années. Ce mouvement de balancier en faveur de l'actionnariat ne signifie pas seulement l'attribution de nouveaux pouvoirs. Cela implique également que l'actionnaire remplisse mieux ses devoirs et fasse preuve de responsabilité dans l'utilisation de ses prérogatives . Il ne faut pas perdre de vue qu'investir en actions est une opération potentiellement rentable mais risquée. Cela suppose donc que les actionnaires se réapproprient leurs droits politiques et assument leur première responsabilité qui est d'exercer leur droit de vote. Or, par exemple, les indemnités de départ soumises au vote des actionnaires sont adoptées avec un taux moyen de 92,3 % 2 ( * ) malgré des conditions de performance peu exigeantes . Dans cet esprit, votre rapporteur général n'estime pas opportun de modifier la procédure des conventions réglementées (article 6 de la proposition de loi), l'assemblée générale des actionnaires ayant déjà la possibilité d'opérer un contrôle sur ces conventions.
Votre rapporteur général est donc défavorable, à ce stade, à une action normative de la part du législateur . Néanmoins, il souligne que les attitudes vertueuses nécessitent d'être encouragées, soutenues, voire initiées par les pouvoirs publics . Ainsi, Mme Christine Lagarde, ministre de l'industrie, de l'économie et de l'emploi, et M. Brice Hortefeux, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, ont demandé le 17 mars 2009 au MEDEF et à l'AFEP de leur soumettre des propositions concernant la rémunération des dirigeants d'entreprises procédant à des plans sociaux ou recourant au chômage partiel. Il convient de rappeler que le président de la République, M. Nicolas Sarkozy, avait souhaité que les dirigeants mandataires sociaux dont l'entreprise met en oeuvre un plan social d'ampleur ou recourt massivement au chômage partiel, renoncent à la part variable de leur rémunération.
De plus, dès lors que des entreprises bénéficient d'un soutien public, l'Etat est en droit d'attendre des dirigeants des groupes aidés une attitude exemplaire en termes de rémunérations . Ainsi, il semblerait opportun que les conventions liant l'Etat aux banques bénéficiant de financements de la Société de financement de l'économie française (SFEF) ou d'apports de capitaux de la Société de prise de participations de l'Etat (SPPE) assurent une application effective des recommandations du MEDEF et de l'AFEP, en visant notamment la politique de distribution des stock-options.
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Sous le bénéfice de ces observations, la commission n'est donc pas favorable à l'adoption de la présente proposition de loi.
* 1 Cf rapport d'étape du groupe de travail du 13 novembre 2008 : http://www.senat.fr/groupe_travail_situation_financiere/rapport_etape/rapport_etape.html
* 2 10 ème rapport de Proxinvest sur la rémunération des dirigeants relatif à l'exercice 2007.