C. UN ÉQUILIBRE INDISPENSABLE ENTRE LE « CADRE »FIXÉ PAR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE ET LES « CONDITIONS » DÉTERMINÉES PAR LES RÈGLEMENTS DES ASSEMBLÉES
Les dispositions du projet de loi organique
Conformément à l'article 44 de la Constitution, le chapitre III du projet de loi organique détermine le cadre dans lequel doit s'exercer le droit d'amendement en séance ou en commission, selon les conditions fixées par les règlements des assemblées.
Il comporte trois volets consacrés :
- à des dispositions générales relatives à l'exercice du droit d'amendement (articles 11 à 11 ter ) ;
- à l'organisation d'une procédure d'examen simplifié d'un texte (article 12) ;
- à la détermination d'un délai pour l'examen d'un texte en séance (articles 13 à 13 ter ).
Il importe de souligner que la loi organique n'institue ni les procédures simplifiées, ni l'organisation d'un crédit-temps. Elle laisse aux règlements de chaque assemblée le soin de déterminer, si elle le souhaite, la mise en place de tels dispositifs. Elle prévoit dans le cas où de telles procédures seraient créées, les effets qu'elles pourraient emporter ainsi que les conditions auxquelles elles devraient répondre.
- Dispositions générales consacrées à l'exercice du droit d'amendement (article 11)
L'article 11 du projet de loi comporte trois séries de mesures. Les deux premières consacrant des dispositions figurant jusqu'à présent dans les règlements des assemblées.
D'abord, il rappelle les principes de base selon lesquels les amendements sont présentés par écrit et sommairement motivés.
Ensuite, il détermine les délais de recevabilité des amendements avant leur examen en séance : les amendements cesseraient d'être recevables après le début de l'examen du texte en séance -les règlements des assemblées pouvant cependant prévoir, comme tel est le cas aujourd'hui, une date antérieure. Ces délais ne seraient pas opposables au Gouvernement ou à la commission saisie au fond.
L'Assemblée nationale a complété ce dispositif en permettant, comme le prévoit aujourd'hui son Règlement, que les délais sont ouverts de nouveau pour les parlementaires, dans certaines conditions, lorsque le Gouvernement ou la commission ont déposé des amendements au-delà des délais fixés aux membres du Parlement.
En outre, les députés ont également souhaité rappeler dans le texte organique la possibilité pour les règlements de prévoir des délais pour le dépôt des amendements devant la commission.
Enfin, l'article 11 prévoit que le Gouvernement, à sa demande ou en réponse à l'invitation d'une commission, peut être présent lors de l'examen et du vote des amendements en commission. Une telle disposition permettrait aux membres du Gouvernement, voire à leurs collaborateurs, de participer à l'ensemble des délibérations de la commission. Elle marquerait une rupture, non seulement par rapport au droit actuel -puisque le Règlement du Sénat précise que les ministres se retirent au moment du vote-, mais surtout à une pratique parlementaire constante sous la Vème République ainsi que sous les Républiques antérieures : le Gouvernement a accès aux commissions pour être entendu -le plus souvent à l'invitation de la commission- mais ne participe jamais aux délibérations de la commission.
- La procédure d'examen simplifiée (article 12)
La procédure d'examen simplifiée pourrait avoir pour conséquence comme semble, en effet, le permettre la nouvelle rédaction de l'article 44 de la Constitution que le texte adopté par la commission saisie au fond soit seul mis en discussion en séance -à l'exclusion de tout amendement.
L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a souhaité encadrer ce dispositif à deux titres :
- d'abord en permettant au Gouvernement, au président de la commission saisie au fond ou à un président de groupe de s'y opposer ;
- en second lieu, en excluant la faculté -permise par la version initiale du projet de loi organique- pour le Gouvernement ou la commission saisie au fond de déposer des amendements sur le texte produit par la commission alors même que le délai du dépôt des amendements aurait été clos pour les parlementaires.
- La détermination de délais pour l'examen d'un texte en séance publique (articles 13, 13 bis et 13 ter)
Si la rédaction de l'article 44 de la Constitution ne prévoit pas la mise en oeuvre d'une procédure de limitation de la durée des débats en séance publique -et ne l'interdit pas davantage- il ressort des prises de position du Gouvernement tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat lors des débats consacrés à la révision constitutionnelle que la référence aux conditions d'exercice du droit d'amendement peut inclure un tel dispositif.
Le projet de loi organique prévoit également que dans l'hypothèse où les règlements des assemblées fixeraient des délais pour l'examen d'un texte en séance publique, ils pourraient déterminer les conditions dans lesquelles les amendements déposés par les parlementaires seraient mis aux voix sans discussion. Les assemblées seraient ainsi autorisées à prévoir, une fois écoulé le temps imparti pour la discussion d'un article, que les amendements sont mis aux voix sans possibilité de prise en parole pour leur auteur ou tout autre membre du Parlement.
Cette disposition a fait l'objet d'une très vive contestation de la part des groupes de l'opposition à l'Assemblée nationale.
Afin de répondre pour partie à ces critiques, la commission des lois, en accord avec le Gouvernement, a proposé de compléter ce dispositif par trois séries de garantie :
- d'abord, lorsqu'un amendement est déposé par le Gouvernement ou par la commission après la forclusion des délais de dépôt des amendements des parlementaires, les règlements « doivent prévoir d'accorder un temps supplémentaire de discussion à la demande d'un président de groupe, aux membres du Parlement » (article 13) ;
- ensuite, le droit d'expression de tous les groupes parlementaires, en particulier celui des groupes d'opposition et des groupes minoritaires serait garanti (article 13 bis ) ;
- enfin, les règlements « peuvent » déterminer les conditions dans lesquelles la parole peut être donnée, à l'issue du vote du dernier article du texte concerné, pour une durée limitée et en-dehors de ces délais, à tout parlementaire qui en fait la demande pour une explication de vote personnelle (article 13 ter ).
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Les propositions de votre
commission
Le respect, d'une part, de la hiérarchie des normes et, d'autre part, de l'autonomie des assemblées, implique que le texte organique se concentre sur les dispositions les plus importantes. Cette exigence apparaît encore avec plus de force s'agissant de l'exercice du droit d'amendement dans la mesure où l'article 44, contrairement aux articles 34-1 et 39 qui ne renvoient qu'à la loi organique, fait référence à la loi organique et aux règlements des assemblées.
Votre commission a estimé que plusieurs des dispositions introduites par les députés, si elles peuvent être justifiées sur le fond, relèvent davantage du règlement des assemblées que de la loi organique. Elle propose ainsi de renvoyer aux règlements les conditions dans lesquelles les délais de dépôt des amendements en séance publique peuvent être levés dans certaines conditions. De même, elle considère qu'il appartient aux règlements des assemblées de prévoir, le cas échéant, des délais pour le dépôt des amendements en commission.
Par ailleurs, elle comprend le souhait du Gouvernement de voir garanti par la loi organique le droit qui lui est reconnu par les règlements d'être entendu en commission. Cependant, elle estime, d'une part, que cette faculté ne peut emporter la participation aux délibérations de la commission sur les amendements et, d'autre part, que les modalités d'exercice de ce droit peuvent être précisées par les règlements des assemblées comme tel est le cas aujourd'hui.
En second lieu, votre commission approuve la disposition proposée à l'article 12 puisqu'elle combine l'efficacité (mise aux voix en séance du seul texte élaboré par la commission) et le respect des droits de l'opposition (avec le droit pour tout président de groupe de s'opposer à la mise en oeuvre de ce dispositif). Elle estime que cette procédure pourrait se révéler utile pour certaines catégories -certes limitées- de textes.
Enfin, votre commission constate que le Sénat n'a jamais prévu dans son Règlement, contrairement à l'Assemblée nationale, de dispositions relatives à une durée programmée de l'examen d'un texte. Elle estime que notre assemblée qui ne connaît pas les mêmes situations de blocage que l'Assemblée nationale n'aura pas d'avantage recours, à l'avenir, à ce type de mécanismes. Néanmoins, si le Sénat peut organiser de manière consensuelle la discussion en séance, il ne lui appartient pas de priver l'Assemblée nationale de la possibilité de recourir à la détermination de délais préfix pour la discussion d'un texte. Elle vous propose, en conséquence, de voter sans modification les articles 13, 13 bis et 13 ter .
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Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous propose, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi organique relatif à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.