Article 1er (article 44 de la loi du 30 septembre 1986) - Création de la société nationale de programme France Télévisions

I - Le droit existant

A. Le régime juridique des sociétés nationales de programme et de leurs filiales

L'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 réunit les principales dispositions relatives :

- à la société France Télévisions qui, en l'état actuel du droit, n'est pas une société nationale de programme (SNP) au sens de la loi précitée ;

- aux différentes sociétés nationales de programmes dont l'activité est coordonnée par la société France Télévisions, cette dernière détenant l'intégralité de leur capital . Ces SNP dont le régime est fixé par la loi sont au nombre de 4 (France 2, France 3, France 5 et Réseau France outre-mer) et sont des filiales de la société France Télévisions. Leur capital doit être détenu directement ou indirectement par des personnes publiques ;

- aux filiales ad hoc que la société France Télévisions peut créer pour éditer des services de télévisions diffusés en mode numérique et en clair et répondant à des missions de services public. La loi ne confère pas explicitement à ces filiales la qualité de SNP. A ce jour, une seule société-fille a été créée sur cette base, France 4 qui est détenue à 89 % par la société France Télévisions et à 11 % par la société ARTE-France ;

- à la SNP Radio France , qui, outre la conception et l'émission de radio à caractère national et local, se voit également confier une mission de gestion et de développement des formations musicales dont elle a la charge ;

- à la SNP Radio France Internationale (RFI) , qui a pour vocation principale de concevoir et de diffuser des émissions de radio en français ou en langue étrangère destinées aux auditoires étrangers ainsi qu'aux Français établis hors de France.

Le V de l'article 44 ouvre également deux possibilités à l'ensemble des sociétés nationales de programme :

- les SNP ainsi que les filiales ad hoc de France Télévisions peuvent produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des oeuvres et documents audiovisuels et participer à des accords de coproduction dans les conditions fixées par voie règlementaire ;

- les SNP ne peuvent investir en parts de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique que par l'intermédiaire d'une filiale propre à chacune d'elles. Ces sociétés-filles doivent avoir cet objet social exclusif. Pour l'heure, seules deux SNP ont tiré parti de cette faculté ouverte par la loi, il s'agit de France 2 et de France 3 via les deux filiales France 2 Cinéma et France 3 Cinéma .

Dans rédaction actuelle, l'article 44 est issu de la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 et n'a été que marginalement modifié par la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004. Il témoigne en effet de la volonté du législateur de rassembler une large partie des chaînes publiques au sein d'un groupe unique, dénommé France Télévisions.

Le droit français n'ayant jamais fixé un régime juridique complet du groupe de sociétés, ce groupe prend la forme d'une société-mère, France Télévisions et d'un ensemble de filiales, dont elle détient l'intégralité, la majorité ou une part du capital.

Aux termes de la loi, la société France Télévisions est « chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes » des sociétés nationales de programme dont elle détient la totalité du capital, à savoir France 2, France 3, France 5 et RFO.

En ce sens, France Télévisions est bien une société dite holding , ce dernier terme n'ayant par ailleurs pas de signification juridique précise.

En conséquence, la société France Télévisions constitue un ensemble particulièrement complexe de filiales, qui comprennent :

- des SNP dont l'existence est consacrée par la loi , à savoir France 2, France 3, France 5 et RFO ;

- une filiale ad hoc éditant des services de télévision en mode numérique et remplissant des missions de service public . Le dernier alinéa du I de l'article 44 rendait en effet possible la création de telles filiales en prévision du lancement de la TNT. Une seule chaîne fut finalement créée, France 4 ;

- des sociétés de coproduction en matière de cinéma, France 2 Cinéma et France 3 Cinéma, qui sont des filiales des SNP France 2 et France 3, elles-mêmes contrôlées par la société France Télévisions. Bien que la loi ne le précise pas explicitement, ces sociétés exercent vraisemblablement des missions de service public dès lors qu'elles relèvent du champ de l'article 44, qui vise ces seules missions, à la différence de l'article 44-1 ;

- des filiales dites « de diversification », qui ne répondent pas aux missions de service public définies explicitement à l'article 43-11, mais dont l'activité doit se situer dans le champ de l'objet social de la société France Télévisions.

B. Une définition précise des missions de service public des sociétés nationales de programme

L'article 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 définit les missions de service public confiées à l'ensemble des sociétés énumérées aux articles 44 et 45 .

En l'état du droit applicable, celles-ci comprennent :

- la société France Télévisions ;

- les sociétés nationales de programme visées à l'article 44, soit France 2, France 3, France 5, RFO, Radio France et Radio France Internationale (RFI) ;

- les filiales ad hoc prévues au dernier alinéa du I de l'article 44, à savoir France 4 ;

- les filiales de coproduction en matière cinématographique ;

- la société ARTE-France.

Ces missions de service public sont les suivantes :

« Elles offrent au public, pris dans toutes ses composantes, un ensemble de programmes et de services qui se caractérisent par leur diversité et leur pluralisme, leur exigence de qualité et d'innovation, le respect des droits de la personne et des principes démocratiques constitutionnellement définis.

Elles présentent une offre diversifiée de programmes en modes analogique et numérique dans les domaines de l'information, de la culture, de la connaissance, du divertissement et du sport. Elles favorisent le débat démocratique, les échanges entre les différentes parties de la population ainsi que l'insertion sociale et la citoyenneté. Elles mettent en oeuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. Elles assurent la promotion de la langue française et mettent en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Elles concourent au développement et à la diffusion de la création intellectuelle et artistique et des connaissances civiques, économiques, sociales, scientifiques et techniques ainsi qu'à l'éducation à l'audiovisuel et aux médias.

Elles favorisent, par des dispositifs adaptés, l'accès des personnes sourdes et malentendantes aux programmes qu'elles diffusent.

Elles assurent l'honnêteté, l'indépendance et le pluralisme de l'information ainsi que l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans le respect du principe d'égalité de traitement et des recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Les organismes du secteur public de la communication audiovisuelle, pour l'exercice de leurs missions, contribuent à l'action audiovisuelle extérieure, au rayonnement de la francophonie et à la diffusion de la culture et de la langue françaises dans le monde. Ils s'attachent à développer les nouveaux services susceptibles d'enrichir ou de compléter leur offre de programmes ainsi que les nouvelles techniques de production et de diffusion des programmes et services de communication audiovisuelle. »

Au-delà de ces missions fondamentales, dont la définition est particulièrement large, l'article 44 de la loi précitée précise la mission propre d'un certain nombre des composantes du service public de l'audiovisuel :

- la société France Télévisions est « chargée de définir les orientations stratégiques, de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services, de conduire les actions de développement en veillant à intégrer les nouvelles techniques de diffusion et de production et de gérer les affaires communes des sociétés suivantes, dont elle détient la totalité du capital » ;

- la société nationale de programme France 2 est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette société propose une programmation généraliste, de référence et diversifiée à l'intention du public le plus large, favorise la création de productions télévisuelles originales et assure une information nationale et internationale » ;

- la société nationale de programme France 3 est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère national, régional et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Cette société propose une programmation généraliste et diversifiée. Elle assure en particulier une information de proximité et rend compte des événements régionaux et locaux » ;

- la société nationale de programme France 5 est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision à caractère éducatif et favorisant l'accès au savoir, à la connaissance, à la formation et à l'emploi, destinées à être diffusées sur l'ensemble du territoire métropolitain. Cette programmation doit contribuer à l'éducation à l'image et aux médias.

Cette société favorise la diffusion de programmes éducatifs et de formation sur des supports diversifiés ainsi que leur utilisation par d'autres services de communication audiovisuelle et par les organismes d'enseignement et de formation » ;

- la société nationale de programme RFO est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision et de radio destinées à être diffusées dans les collectivités françaises d'outre-mer. Cette société assure la promotion de la langue française ainsi que celle des langues et cultures régionales. Les émissions des autres sociétés nationales de programme sont mises à sa disposition à titre gratuit. Les programmes qu'elle produit sont mis gratuitement à la disposition de la société France Télévisions ainsi que de la société Radio France qui assurent la promotion et le rayonnement des cultures de la France d'outre-mer en métropole.

Elle assure la continuité territoriale des autres sociétés nationales de programme, suivant des dispositifs qui peuvent être différenciés, en prenant en compte les particularités propres des départements d'outre-mer ou de la collectivité départementale de Mayotte selon des modalités déterminées par son cahier des missions et des charges après consultation de chaque conseil régional.

Elle conclut des accords pluriannuels de coopération avec la société Radio France, notamment en matière de développement, de production, de programmes et d'information » ;

- la société nationale de programme Radio France est « chargée de concevoir et de programmer des émissions de radio à caractère national et local, destinées à être diffusées sur tout ou partie du territoire métropolitain. Elle favorise l'expression régionale sur ses antennes décentralisées sur l'ensemble du territoire. Elle valorise le patrimoine et la création artistique, notamment grâce aux formations musicales dont elle assure la gestion et le développement » ;

- la société nationale de programme RFI est « chargée de contribuer à la diffusion de la culture française par la conception et la programmation d'émissions de radio en français ou en langue étrangère destinées aux auditoires étrangers ainsi qu'aux Français résidant à l'étranger. Cette société assure une mission d'information relative à l'actualité française et internationale ».

C. Un groupe France Télévisions qui rassemble une multiplicité de filiales et participations

Depuis la loi du 1er août 2000, la société France Télévisions est chargée de coordonner et de promouvoir les politiques de programmes et l'offre de services des chaînes publiques.

Chaque chaîne demeure en effet formellement indépendante , en ce sens que chacune constitue une société nationale de programme au sens de la loi du 30 septembre 1986, c'est-à-dire une société à capital public chargée de concevoir et de programmer des émissions de télévision ou de radio.

Pour autant, chacune de ces chaînes est une filiale à 100 % du groupe France Télévisions, à l'exception de France 4 dont le capital est encore réparti entre France Télévisions et ARTE et de France Ô, service de télévision édité par RFO, mais ne disposant pas de la personnalité juridique.

Cette domination, au sens juridique du terme, se traduit par la présence des dirigeants du groupe France Télévisions dans chacune des chaînes. Il en va de même au sein de la plupart des autres filiales du groupe.

M. Patrick de Carolis est ainsi :

- président directeur général des sociétés France Télévisions, France 2, France 3, France 5 et RFO ;

- président du conseil d'administration de France 4 et France Télévisions Publicité ;

- président du conseil de surveillance de France 24 ;

- représentant permanent de France Télévisions au sein de France Télévisions Distribution ;

- président des SAS France Télévisions Numérique, France 2 Cinéma et France 3 Cinéma.

De fait, la grande majorité des filiales du groupe France Télévisions sont donc sous la direction effective de la holding .

Les statuts de la société-mère prévoient ainsi en leur article 13 que les directeurs généraux des sociétés France 2, France 3, France 5 et RFO sont nommés par le conseil d'administration de France Télévisions sur proposition de son président.

Toutefois, l'indépendance de chacune des chaînes conduit :

- d'une part, à compliquer la coordination des investissements et des programmes dès lors que chaque chaîne tend ainsi à construire une politique de programmation et de création autonome, ce qui favorise la diversité des émissions et créations diffusées, mais génère parfois des doublons et affaiblit la capacité de négociation commerciale du groupe France Télévisions. La recherche de synergies entre les filiales du groupe, devenue systématique depuis 2002, témoigne de la volonté des directions successives de France Télévisions de renforcer l'intégration du groupe ;

- d'autre part, à faire obstacle à l'élaboration d'une politique de ressources humaines unifiée au sein du groupe, la négociation collective se déroulant pour l'essentiel au sein de chaque entreprise, même si des accords ont été conclus au sein du groupe.

Ainsi, France 2, France 3 et RFO appliquent deux conventions collectives :

- comme membres de l'Association des employeurs du service public de l'audiovisuel (AESPA), ces trois chaînes appliquent la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles (CCCPA) ;

- pour leurs salariés journalistes, ces trois sociétés appliquent la convention collective nationale des journalistes (CCNJ) et son avenant audiovisuel .

Tel n'est pas le cas de France 4 et France 5 qui appliquent d'autres conventions collectives :

- France 4 a retenu la convention collective nationale des chaînes thématiques adhérant à l'Association des chaines conventionnées éditrices de services (ACCESS) ;

- France 5 applique un accord d'entreprise signé en 1996 .

Quant à la société-mère France Télévisions, elle a également négocié un accord d'entreprise en 2003 .

Au total, l'éclatement du groupe France Télévisions en une myriade de filiales conduit à une dilution de l'identité du service public ainsi qu'à des coûts supplémentaires qui ne se justifient pas nécessairement.

II - Le texte du projet de loi

C'est pourquoi l'article 1 er du présent projet de loi procède à la constitution de l'entreprise unique France Télévisions. Celle-ci est formée par la réunion des principales sociétés existantes, à savoir la holding France Télévisions d'une part et les sociétés nationales de programme mentionnées à l'article 44 de la loi précitée d'autre part.

A. La constitution de l'entreprise unique :

Le I de l'article 1er du projet refond l'ensemble des dispositions du I de l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986 et substitue aux différentes sociétés existantes une société nationale de programme unique, dénommée France Télévisions.

Ce faisant, il confère à la société France Télévisions la qualité de société nationale de programme : celle-ci n'aura donc plus comme objet principal de coordonner l'activité de conception et de programmation d'émissions de télévision et de radio des sociétés nationales de programme placées sous sa domination, mais de concevoir et de programmer directement ces émissions .

En conséquence, toute référence aux anciennes sociétés nationales de programme détenues par la holding France Télévisions disparaît. Du point de vue juridique, celles-ci n'ont en effet plus d'existence propre. L'article 51 du projet de loi règle la fusion-absorption des sociétés France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO par la société France Télévisions.

Si les sociétés qui en sont le support disparaissent, les antennes existantes ne disparaîtront pas. L'alinéa 4 de l'article 1 er renvoie en effet à la pluralité des services éditées par la société France Télévisions. De la même manière, l'article 3 renvoie à un « ensemble de services ». Ces dispositions garantissent que plusieurs chaînes demeureront et que leurs lignes éditoriales conserveront des différences significatives. Il reviendra au cahier des charges de France Télévision de définir celles-ci.

L'alinéa 3 de l'article 1 er met en effet à la charge de France Télévisions l'obligation d'assurer « la diversité et le pluralisme de ses programmes dans les conditions fixées par le cahier des charges prévu à l'article 48 ».

Si cette formule n'est pas d'une clarté extrême, la notion de « diversité et de pluralisme [des] programmes » étant elle-même mal définie bien que d'ores et déjà présente à l'article 43-11 de la loi précitée, elle reflète néanmoins la volonté du Gouvernement de garantir la diversité des lignes éditoriales des différentes chaînes, qui doit se traduire par une programmation reflétant la diversité des genres d'émissions et la pluralité des courants d'opinion traversant la société française.

Enfin, l'article 1 er du projet de loi met à la charge de la société France Télévisions l'obligation d'assurer l'accessibilité de ses programmes à tous les publics en tenant compte du développement des technologies numériques.

Cette obligation, dont le rapporteur au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale a largement eu l'occasion de souligner le flou, doit être interprétée comme contraignant la société France Télévisions à utiliser tous les nouveaux moyens de diffusion pour proposer ses programmes.

Cette disposition fait donc du développement du « média global » non seulement une opportunité pour France Télévisions, mais également une obligation liée à son statut d'entreprise publique : l'existence d'une imposition de toute nature destinée à financer la télévision publique justifie en effet que tous les publics puissent avoir accès aux programmes publics par tous les moyens de diffusion.

B. L'élargissement des missions de France Télévisions

A l'heure où s'engage la convergence des modes de communication, cette présence sur tous les supports devient une profonde nécessité. L'alinéa 4 du projet de loi prévoit donc que France Télévisions peut éditer directement ou par l'intermédiaire de filiales des services de communication audiovisuelle mis à disposition du public par tout réseau de communication électronique .

Ces services sont définis à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, ce dernier étant modifié par l'article 22 du présent projet de loi.

Pour l'heure, l'article 2 dispose : « On entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, ainsi que toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio et de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. » Il ne comprend donc que les services de télévision et de radio linéaires.

Toutefois, le 1° de l'article 22 du présent projet de loi refond cette définition, en disposant : « On entend par communication audiovisuelle toute communication au public de services de radio ou de télévision, quelles que soient les modalités de mise à disposition auprès du public, toute communication au public par voie électronique de services autres que de radio ou de télévision et ne relevant pas de la communication au public en ligne telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, ainsi que de toute communication au public des services de médias audiovisuels à la demande . » Les SMAd sont donc inclus dans cette nouvelle définition, permettant ainsi d'intégrer dans le champ des services de communication audiovisuelle les nouveaux modes de diffusion que sont la télévision de rattrapage et la télévision à la demande.

Avec la nouvelle rédaction de l'article 44 de la loi précitée, France Télévisions se voit donc reconnaître formellement la possibilité de créer de tels services . De fait, ceux-ci existent déjà : ainsi, France Télévisions a mis en place une plate-forme de vidéodiffusion à la demande, francetvod.fr, qui permet d'accéder de manière payante aux programmes diffusés sur les chaînes du groupe et qui renvoie aux sites des différentes antennes pour visionner les programmes consultables gratuitement.

Par ailleurs, France Télévisions a signé un accord d'exclusivité avec Orange le 15 avril 2008 afin de mettre en place, sur le réseau Orange, un service de télévision de rattrapage. Ce dernier est proposé sur tous les supports de distribution (Internet, télévision par ADSL et mobile). Cet accord a fait l'objet d'une décision du Conseil de la concurrence du 7 mai 2008, ce dernier ayant été saisi par l'Association française des opérateurs de réseaux et de services de télécommunications (AFORST).

Le Conseil de concurrence a validé cet accord , en soulignant notamment sa durée limitée et le fait que les contenus susceptibles de générer la plus grande audience, comme les émissions d'information et de sport ou les oeuvres cinématographiques en étaient exclus. Par ailleurs, le Conseil a également mis en avant le fait que France Télévisions proposait, sur ses sites Internet, des services de télévision de rattrapage comparables et accessibles à tous les internautes.

L'existence de SMAd proposés gratuitement par France Télévisions à l'ensemble du public apparaît donc comme une condition sine qua non des accords d'exclusivité que le groupe audiovisuel public a pu passer avec Orange.

C. Dispositions de coordination

Par coordination avec la suppression, opérée au I, de toute référence aux sociétés nationales de programme jusqu'ici mentionnées par le I de l'article 44, le II et le III de l'article 1 er du projet de loi suppriment toutes mentions des anciennes filiales aux articles 44 et 57 de la loi précitée.

Ainsi, le II de l'article 1 er du projet de loi :

- supprime, au V de l'article 44, la référence aux filiales mentionnées au dernier alinéa du I du même article. Cet alinéa autorisait les sociétés nationales de programme ainsi que les chaînes numériques dont la création était autorisée par le dernier alinéa du I à produire pour elles-mêmes et à titre accessoire des oeuvres et documents audiovisuels ainsi qu'à participer à des accords de coproduction. Du fait de la fusion, la mention des filiales numériques, c'est-à-dire, de fait, de France 4, n'a plus de sens. Elle est donc supprimée ;

- remplace, au II de l'article 57, la mention des sociétés visées au dernier alinéa du I de l'article 44 par celle des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11. Ce paragraphe, qui organise la continuité du service dans les sociétés nationales de programme, était en effet également applicable à France 4. En raison de la fusion et de la réécriture du I de l'article 44, cette mention n'a plus lieu d'être. Elle est toutefois remplacée par celle des filiales répondant à des missions de service public définies à l'article 43-11 et qui comprendront à l'avenir, outre les filiales de coproduction cinématographique, les filiales proposant des services de communication audiovisuelle.

De plus, le III de l'article 1 er du présent projet de loi tire les conséquences de la fusion en modifiant le V de l'article 44. Le dernier alinéa de ce paragraphe prévoit en effet que pour investir en part de coproducteur dans le financement d'une oeuvre cinématographique, les sociétés nationales de programme doit constituer des filiales, propres à chacune d'elles, et ayant cet objet exclusif. De fait, deux sociétés ont été créées à cette fin : France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. L'existence de ces deux sociétés permet de garantir la diversité des projets cofinancés par la télévision publique. Dès lors, le présent projet de loi supprime l'obligation pour chaque société nationale de programme de constituer sa propre filiale pour s'engager dans de la coproduction cinématographique : malgré la fusion, les deux sociétés existantes pourront donc demeurer.

III - La position de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements à l'article 1 er :

- un amendement présenté par le rapporteur au nom la commission spéciale et cosigné par MM. Copé et Herbillon, qui refond la rédaction du I de l'article 1 er et clarifie ses dispositions ;

- un amendement présenté par MM. Christian Kert (UMP - Bouches du Rhône) et Frédéric Lefebvre (UMP - Hauts-de-Seine), qui vise à garantir que la constitution de l'entreprise unique ne nuira pas au pluralisme et à la diversité « de la création, de la production et de l'acquisition des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques d'expression originale française et européenne ».

- un amendement présenté par M. Frédéric Lefebvre (UMP - Hauts-de-Seine) tendant à compléter le I de cet article afin que France Télévisions « reflète dans sa programmation la diversité, notamment ethnoculturelle, de la société française et veille à engager une action adaptée pour améliorer la présence de cette diversité dans les programmes . » ;

- un amendement présenté par le rapporteur au nom de la commission spéciale et cosigné par MM. François Loos (UMP - Bas-Rhin) et Jean Ueberschlag (UMP - Haut-Rhin), sous-amendé à deux reprises par le Gouvernement ;

Cet amendement a pour objet de garantir l'existence de France 3 et la pérennité de ses missions particulières en prévoyant que la société France Télévisions diffuse des programmes régionaux, notamment via des décrochages régionaux à des heures de grande écoute. Ces programmes reflètent la richesse de la vie locale dans toutes ses dimensions et proposent une information de proximité ;

Enfin, France Télévisions doit contribuer « fortement, s'il y a lieu, à l'expression des langues régionales ».

IV - La position de votre commission

Votre commission a tout d'abord jugé nécessaire de poursuivre l'effort de clarification du texte du projet de loi engagé par l'Assemblée nationale.

En effet, dans sa rédaction actuelle, le I de l'article 1 er du projet de loi est marqué par l'entrelacement de dispositions qui se répondent et parfois se répètent. Ainsi les alinéas 3 et 6 du I posent-ils des principes similaires, dans des termes qui ne sont pas toujours parfaitement clairs.

De plus, la nouvelle rédaction du I aboutit à ne pas préciser explicitement que les SMAd diffusés par France Télévisions répondent aux missions de services public définies à l'article 43-11 de la loi précitée.

C'est pourquoi votre commission a adopté quatre amendements à cet article :


Le premier de ces amendements précise, au I de l'article, que les SMAd proposés par France Télévisions rentrent bien dans le champ des missions de service public propres à l'audiovisuel public .

Par ailleurs, par symétrie avec les dispositions supprimées du I de l'article 44 et avec celles du deuxième alinéa de l'article 45, cet amendement prévoit que le capital des filiales de service public devra être détenu, directement ou indirectement, par des personnes publiques .

En effet, s'agissant de sociétés mettant en oeuvre des missions de service public, il paraît opportun de préciser qu'elles devront être contrôlées intégralement par l'État ou une personne publique. Cet ajout n'empêchera pas les différentes sociétés nationales de programmes de proposer par exemple des plates-formes communes de SMAd, mais fera obstacle à ce que France Télévisions s'allie à un opérateur privé pour proposer ces SMAd par voie de filiale ;


Le second de ces amendements tend à inscrire, au I de l'article, dans la loi des principes garantissant que la constitution de l'entreprise unique France Télévisions ne se traduira pas par un appauvrissement de la diversité des programmes et des oeuvres diffusées .

En effet, les acteurs de la création font valoir que la fusion des sociétés nationales de programme aboutira à une diminution mécanique du nombre de responsables des achats de programme. Poussée à l'extrême, cette concentration des décisions dans les mains d'un petit nombre de dirigeants pourrait influer sur l'avenir de l'ensemble du secteur de la création : la sensibilité et le goût singuliers de ces responsables pourrait en effet réduire le nombre des programmes susceptibles d'être acquis par France Télévisions.

Votre commission estime donc nécessaire de prévenir les risques de constitution d'un « guichet unique » éditorial qui conduirait à un appauvrissement de l'offre de programmes proposée par France Télévisions.

Pour autant, ces garanties ne doivent porter que sur la dimension éditoriale de la procédure d'achats. La naissance de l'entreprise unique doit en effet permettre à France Télévisions de renforcer son pouvoir de négociation avec les producteurs et les créateurs, afin d'acquérir les programmes à leur juste prix, en tenant compte notamment du nombre important de commandes que l'entreprise publique passe chaque année.

C'est pourquoi votre commission a adopté un amendement qui garantit non seulement l'existence de chaînes aux lignes éditoriales nettement différenciées, mais qui prévoit également de manière explicite que la diversité des programmes diffusés par France Télévisions est garantie par l'existence d'instances de décision collégiales dans les conditions fixées par son cahier des charges.

En effet, votre commission estime qu'il n'est opportun ni de multiplier les décisionnaires autonomes, ce qui reviendrait à figer la situation actuelle, ni de réunir dans les mains d'un seul responsable l'ensemble des pouvoirs de décision.

Aussi a-t-elle souhaité faire prévaloir la collégialité au sein de France Télévisions, afin de garantir la diversité des choix d'achats de programme sans pour autant multiplier indéfiniment les instances de décision.


• Par ailleurs, votre commission a constaté que le dernier alinéa du I de l'article 1 er s'inscrivait dans la lignée d'autres amendements adoptés par l'Assemblée nationale sur le même thème. Si votre commission souscrit à son intention, elle ne peut cependant que constater son caractère largement redondant avec la législation existante.

En effet, le premier alinéa de l'article 43-11 de la loi du 31 mars 2006 stipule déjà que les sociétés de l'audiovisuel public « mettent en oeuvre des actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. »

En outre, votre commission n'est pas favorable au fait de citer spécifiquement la « diversité ethnoculturelle », laquelle ne représente qu'un aspect - même s'il est essentiel - de la diversité de notre pays.

Elle estime, en effet, que l'on ne peut pas appréhender la notion de « diversité de la société française » de façon restrictive, en se concentrant sur ce que l'on appelle les « minorités visibles », alors que la préoccupation dans ce domaine doit être beaucoup plus large : elle concerne aussi la place des femmes, celle des différentes générations, des handicapés etc.

A cet égard, votre commission attache notamment de l'importance à ce que la présence et la place des femmes soit assurée dans les programmes. En effet, comme il a été souligné dans la première partie du présent rapport, malgré les progrès accomplis en matière de parité entre hommes et femmes et d'évolution de l'image médiatique des femmes, des représentations symboliques stéréotypées perdurent par le biais des médias et elles figent encore la place des hommes et des femmes dans la société.

Enfin, rappelons que l'article 1 er A (nouveau) du projet de loi, en confiant au CSA le soin de rendre compte chaque année au Parlement des actions conduites par les chaînes pour que leur programmation reflète la diversité de la société française, incite naturellement celles-ci à développer lesdites actions.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose un amendement tendant à supprimer le dernier alinéa du I de cet article .


• S'agissant enfin des dispositions du IV ajouté par l'Assemblée nationale à la fin de l'article 1 er du projet de loi, votre commission estime leur maintien nécessaire afin d'inscrire dans la loi la mission régionale propre à France 3.

La rédaction nouvelle proposée par le présent projet de loi, si elle mentionne le caractère national, régional et local des émissions que diffuse France Télévisions, n'apporte cependant aucune précision explicite sur l'existence d'un service de télévision conçu pour une part en région et reflétant, via des décrochages particuliers, la vie des territoires. De la même manière, l'existence d'émissions d'information régionales n'est pas inscrite dans la loi. Les mentions existantes sont, en effet, trop vagues pour offrir les assurances nécessaires pour apaiser les craintes qui naissent parfois à ce sujet.

Si votre commission n'ignore pas la possibilité de préciser les obligations particulières de France 3 dans le cahier des charges de France Télévisions, elle juge toutefois indispensable d'apporter toutes les garanties nécessaires dans la loi.

En particulier, il lui apparaît nécessaire d'inscrire dans le présent projet de loi le fait que certains programmes sont non seulement diffusés, mais également conçus en région et qu'ils ont pour vocation première de refléter toutes les dimensions de la vie régionale et locale.

Au moment même où se développent les télévisions locales privées, il convient de permettre à France 3 de faire valoir les atouts exceptionnels qui sont les siens : elle dispose, en effet, des personnels, de l'expérience et du maillage territorial nécessaires pour assumer au mieux la mission qui est la sienne, celle d'une chaîne des régions dont la vocation première n'est pas de diffuser seulement des programmes nationaux, mais bien de consacrer un temps d'antenne significatif aux émissions conçues en région et tournées vers l'actualité et la richesse des territoires .

Au demeurant, elle dispose, avec les unités régionales de production, des compétences nécessaires pour mettre en oeuvre dans les meilleures conditions ses différentes missions. Sans préjuger de l'organisation future de France 3, votre commission a souhaité inscrire dans la loi le fait que les programmes de France Télévisions étaient pour une part conçus en région : cette formule, qui n'impose pas de superposition entre la carte des implantations de France 3 et celle des régions administratives, est toutefois assez précise pour garantir que des services locaux de France 3 demeureront et que ceux-ci ne pourront se limiter à des bureaux de correspondants locaux où les programmes ne seraient pas réellement conçus .

Pour autant, l'amendement proposé par votre commission ne met pas en cause l'existence d'une programmation nationale de France 3 . La mission de mise en valeur des territoires régionaux qu'il attribue à France Télévisions sera en effet satisfaite dès lors qu'un temps significatif d'antenne sera consacré non seulement aux décrochages régionaux, mais aussi aux reprises nationales de programmes réalisés en région. De même, il ne fait en rien obstacle au maintien d'une rédaction nationale propre à France 3.

Il ne s'agit donc pas pour votre commission de mettre en cause la dimension nationale de France 3, mais d'inviter les dirigeants de France Télévisions à offrir dans leurs grilles une place renforcée à l'information et aux programmes régionaux . Rien n'y fait au demeurant obstacle : la création du site Culturebox.france3.fr le démontre. Ce site innovant par sa mise en page comme par son contenu propose à l'internaute de visionner de nombreux programmes culturels reflétant l'actualité culturelle des régions. Certains d'entre eux sont même diffusés exclusivement sur le site.

Les contenus existent donc et il suffira à France Télévisions de leur donner une véritable exposition sur l'antenne de France 3, en développant également les captations de spectacles vivants réalisées en région.

C'est pourquoi votre commission a souhaité rappeler que les programmes régionaux de la chaîne avaient naturellement vocation à être diffusés au niveau national et non pas seulement régional.

A cet égard, votre commission tient à souligner que le développement des « webtélévisions » et des « webradios » locales ne suffirait pas à remplir la mission de mise en valeur des territoires régionaux prévue par l'amendement qu'elle vous propose. En effet, si ce type d'initiative présente un intérêt évident, elle ne permet pas aux programmes qui y sont diffusés de jouir d'une audience réellement significative. A sa manière, le site Culturebox.france3.fr en témoigne également, puisque sa notoriété est encore limitée et que le portail VOD de France Télévisions n'y renvoie pas explicitement.

Aux yeux de votre commission, il y a à l'évidence la place, au sein du paysage audiovisuel français, pour une chaîne foncièrement tournée vers les régions. Dans les esprits de tous, France 3 remplit cette mission. Mais force est de constater que pour l'heure, sa programmation n'y répond qu'imparfaitement. France 3 se différencie ainsi encore trop peu de France 2, la part des programmes régionaux de France 3 demeurant minime. Il conviendrait donc de trouver un nouvel équilibre, en donnant plus de place aux émissions régionales .

C'est là également le meilleur moyen d'offrir plus de temps d'antenne aux programmes réalisés en langues régionales . Si celles-ci ne sont encore vivaces que dans une partie des territoires français, elles doivent dans les régions concernées trouver leur place dans la programmation de la chaîne des territoires qu'est France 3.

Or tel ne semble pas toujours être le cas aujourd'hui. A titre d'exemple, votre commission rappelle que l'émission culinaire « Sür Un Siess » a été récemment supprimée de la grille de France 3 Alsace, où elle rencontrait pourtant un succès certain. De tels programmes donnant à entendre les dialectes sous une forme attrayante et appréciée du large public relèvent, à n'en pas douter, des missions essentielles du service public.

C'est pourquoi votre commission a souhaité dans l'amendement qu'elle propose conserver la mention introduite par l'Assemblée nationale de l'expression des langues régionales sur France Télévisions.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose un amendement permettant de compléter et de préciser les dispositions du IV (nouveau) de l'article 1er du projet de loi qu'elle propose cependant de transférer à la fin du I de cet article.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

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