3. La clarification de la compétence territoriale et les dispositifs anti-délocalisation : une nécessaire réponse à l'interna-tionalisation des services audiovisuels
a) La réaffirmation du principe du « pays d'origine »
Dans son considérant 27, la directive « SMA » rappelle que « le principe du pays d'origine devrait demeurer au coeur de la présente directive, compte tenu de son importance primordiale pour la création d'un marché intérieur . Ce principe devrait dès lors être appliqué à tous les services de médias audiovisuels afin de garantir aux fournisseurs de services de médias la sécurité juridique indispensable à la mise en place de nouveaux modèles d'activité et au déploiement de ces services ».
D'une part, le principe du pays d'établissement a été réaffirmé et étendu aux services non linéaires, de sorte que tout fournisseur de services de médias audiovisuels doit se conformer aux règles de l'État membre dans lequel il est établi, y compris lorsque celui-ci impose des « règles plus détaillées ou plus strictes dans les domaines couverts par la directive sous réserve que ces règles soient conformes au droit communautaire » (nouvel article 3 de la directive révisée).
Fondée sur le principe du pays d'origine, la directive révisée étend donc à l'ensemble des services de médias audiovisuels le principe de la liberté de réception des services audiovisuels, en vertu duquel, une fois établi et autorisé dans un État membre, un service de médias audiovisuels peut être librement diffusé dans l'ensemble du marché intérieur communautaire.
Désormais, la détermination de l'État membre compétent tient à deux critères, à savoir le lieu où sont prises les décisions relatives à la programmation et le lieu où opère une partie importante des effectifs employés aux activités de services de médias audiovisuels, dont la hiérarchie et l'articulation sont précisées par le paragraphe 3 du nouvel article 2 de la directive révisée.
D'autre part, la détermination de la compétence territoriale a posé un certain nombre de difficultés concernant les chaînes extra-communautaires diffusées par satellite dans l'Union européenne . Les affaires dites « Al Manar » et « Sahar 1 » avaient, en effet, conduit la France à interrompre la diffusion de ces chaînes au motif qu'elles diffusaient des programmes « contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité », en violation de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. En favorisant des comportements ou des réactions à caractère raciste et antisémite, ces programmes peuvent, par suite, constituer un risque pour la sauvegarde de l'ordre public, en violation des dispositions de l'article 1 er de la loi du 30 septembre 1986 35 ( * ) .
Suivant en cela les recommandations du Conseil supérieur de l'audiovisuel, la France a obtenu, lors de la renégociation de la directive, pour les services de télévision comme pour les services de médias audiovisuels à la demande, l'inversion des critères techniques, tels qu'énoncés au paragraphe 4 de l'article 2 de la directive « TVSF », de manière à faire prévaloir celui de la liaison montante sur celui de la capacité satellitaire . Une telle inversion est de nature à mieux répondre aux réalités techniques et contractuelles qui résultent de la numérisation.
En effet, aux termes du paragraphe 4 du nouvel article 2 de la directive révisée, les fournisseurs de médias extracommunautaires « sont réputés relever de la compétence d'un État membre dans les cas suivants :
- s'ils utilisent une liaison montante vers un satellite située dans cet État membre ;
- si, bien que n'utilisant pas une liaison montante vers un satellite située dans cet État membre, ils utilisent une capacité satellitaire située dans cet État membre ».
Enfin, la clause de sauvegarde de l'article 2 bis de la directive a été maintenue pour les services linéaires et étendue et complétée pour les services non linéaires .
Sur le fondement de cette clause de sauvegarde, les États membres peuvent, en ce qui concerne la radiodiffusion télévisuelle, déroger provisoirement aux règles de compétence territoriale établies par la directive lorsqu'une émission télévisée en provenance d'un autre État membre enfreint, de manière manifeste, sérieuse et grave, les prescriptions en matière de protection des mineurs et de respect de l'ordre public .
S'agissant des services de médias audiovisuels à la demande, les États membres peuvent, au titre du respect de leurs compétences régaliennes, déroger provisoirement au principe du pays d'origine pour des raisons plus nombreuses que pour les services linéaires puisqu'elles sont analogues à celles établies par la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 relative au commerce électronique : il peut s'agir de raisons d'ordre public (protection des mineurs, interdiction de l'incitation à la haine, atteinte à la dignité de la personne humaine), de protection de la santé publique, de la sécurité publique, y compris de la sécurité et de la défense nationales, ou des consommateurs. Contrairement au régime applicable aux services de radiodiffusion télévisuelle, une procédure d'urgence permettra de suspendre rapidement un service de médias audiovisuels à la demande.
ALLER PLUS LOIN DANS LA RÉGLEMENTATION
APPLICABLE
Consultation publique sur la révision de la
directive
[...] Au-delà de ces modifications techniques indispensables à l'article 2, paragraphe 4, de la directive « TVSF », les autorités françaises estiment qu'une coopération plus efficace et systématique entre les États devrait être favorisée , en particulier lorsque l'un d'entre eux décide d'interdire la diffusion d'une chaîne extracommunautaire dont les programmes incitent à la haine pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité. En effet, en application du principe du pays d'établissement et de la liberté de réception, une chaîne autorisée par un État membre doit être reçue librement sur le territoire des autres États membres (sauf cas exceptionnel où la clause de sauvegarde de l'article 2 bis de la directive « TVSF » est mise en oeuvre). Or, en sens inverse, une chaîne interdite par l'État dont elle relève pourra, en l'état actuel du droit et des pratiques, continuer à diffuser ses programmes sur le territoire de l'Union européenne (y compris, le cas échéant, sur celui de l'État membre l'ayant interdite) en se plaçant sous la compétence d'un autre État membre. Une telle situation est d'autant moins justifiable que les valeurs de tolérance et de refus de l'incitation à la haine font partie des valeurs constitutives de l'identité même de l'Union européenne et sont partagées sans réserve par l'ensemble des États membres. Or, comme l'affaire Al Manar l'a malheureusement montré, cette situation n'est pas un simple cas d'école. C'est pourquoi la France souhaite que soit mis en oeuvre un mécanisme de reconnaissance mutuelle des décisions d'interdiction lorsque celles-ci sont prononcées par un État membre à l'encontre d'une chaîne extracommunautaire pour des motifs visés à l'article 22 bis de la directive. À défaut, il conviendrait que la directive prévoie explicitement un mécanisme de concertation systématique et efficace entre les États membres pour que chacun tire rapidement, le cas échéant, les conséquences d'une telle décision d'interdiction. [...] |
Source : http://ec.europa.eu/avpolicy/docs/reg/modernisation/issue_papers/contributions/ip1-france.pdf
* 35 La Lettre du CSA , n° 179, décembre 2004.