TRAVAUX DE LA COMMISSION
Audition de MM. Jean-Louis DEROUSSEN, président du conseil d'administration, Frédéric MARINACCE, directeur des prestations familiales, et Laurent FLEURIOT, agent comptable, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)
Réunie le mardi 14 octobre 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , a procédé à l' audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, Frédéric Marinacce , directeur des prestations familiales, et Laurent Fleuriot , agent comptable, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) .
M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, a indiqué que le conseil d'administration de la Cnaf a émis un avis défavorable sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2009 lors de sa réunion du 7 octobre dernier, motivé notamment par son opposition au financement des majorations de pension d'assurance vieillesse par la branche famille.
En revanche, la majoration du complément de libre choix du mode de garde en fonction des contraintes horaires de travail peut être considérée comme une avancée : l'accueil des jeunes enfants selon des horaires décalés permettra d'alléger les charges imposées aux parents qui travaillent. De même, les mesures expérimentales de regroupement des assistantes maternelles en fonction de la demande et des capacités d'accueil sont globalement positives, mais méritent, selon lui, d'être affinées. Enfin, porter l'agrément maximal de trois à quatre enfants par assistante maternelle ne doit pas être une décision systématique mais plutôt subordonné à une évaluation individuelle des compétences et des capacités d'accueil.
S'agissant des modalités de nomination et de cessation de fonction des directeurs de caisse d'allocations familiales (Caf), la décision appartenait jusqu'à présent en dernier ressort au conseil d'administration de la Cnaf. Si une évolution de ce mode de nomination peut être envisagée, elle ne doit pas se substituer à une réflexion globale sur la gouvernance de la branche famille.
M. Jean-Louis Deroussen a ensuite affirmé que si la fraude aux allocations familiales doit être fermement condamnée, il ne faut pas stigmatiser tout bénéficiaire en le considérant comme un fraudeur potentiel. Les erreurs de versement d'allocation peuvent aussi provenir d'une incompréhension du dispositif par les allocataires, qu'il faut corriger par un effort de pédagogie. L'ampleur du phénomène doit enfin être relativisée, dans la mesure où le coût de la fraude représente 50 millions d'euros par an, soit 0,1 % du budget de la branche famille qui s'élève à 60 milliards d'euros.
Enfin, il a souligné les inquiétudes que lui inspirent deux des priorités gouvernementales : d'une part, la mise en oeuvre du revenu de solidarité active (RSA), qui impliquera pour les Caf l'organisation de nouveaux processus de paiement et la prise en charge d'allocataires supplémentaires à partir de juillet 2009 ; d'autre part, l'accroissement de l'offre de structures d'accueil pour les jeunes enfants car les Caf devront être en mesure d'offrir 350 000 nouvelles places d'ici à 2012. La branche famille est bien sûr prête à relever ces défis majeurs, à condition de disposer des moyens nécessaires.
A M. André Lardeux, rapporteur de la branche famille, qui lui demandait de préciser la position de la Cnaf sur la possibilité de porter de trois à quatre le nombre maximal d'enfants accueillis par une même assistante maternelle, M. Jean-Louis Deroussen a renouvelé ses réserves : l'accueil de quatre enfants simultanément ne sera pas toujours possible, ne serait-ce que pour des contraintes matérielles liées par exemple à leur accompagnement en voiture dans des conditions de sécurité satisfaisantes.
M. André Lardeux, rapporteur de la branche famille, s'est ensuite interrogé sur l'opportunité d'instituer un droit opposable à la garde d'enfant et sur la possibilité de financer 350 000 places d'accueil supplémentaires d'ici à 2012 si les excédents dégagés par la Cnaf continuent d'être ponctionnés pour être affectés à une autre branche. Ne serait-il pas raisonnable de plafonner ces transferts ? La préservation des recettes de la branche relève d'un choix de société : faut-il considérer que les familles, qui contribuent déjà au financement des retraites, doivent payer une seconde fois en renonçant à certaines prestations ?
M. Nicolas About, président, s'est demandé s'il est pertinent de modifier les normes d'agrément. Par ailleurs, les coûts liés aux crèches d'entreprises sont-ils intégrés au budget des Caf ? Enfin quelle est la position de la Cnaf sur l'autorisation d'un croisement des fichiers informatiques pour lutter contre la fraude ?
M. Jean-Louis Deroussen a estimé que la reconnaissance d'un droit opposable pourrait être considérée comme un progrès mais son effectivité suppose la mise en place, par les différents acteurs - Caf, collectivités territoriales -, d'une information facilement accessible pour les parents, afin qu'ils sachent quelles sont les places effectivement disponibles dans les différents types de structures d'accueil (assistantes maternelles, crèches communales ou d'entreprise). S'agissant de la lutte contre la fraude, l'autorisation de croiser les fichiers informatiques permettrait d'aller au-delà des 32 millions d'opérations de contrôle déjà conduites chaque année.
M. Paul Blanc a regretté que l'on oblige les assistantes maternelles qui changent de département à reconstituer un dossier complet d'agrément.
M. Marc Laménie a voulu connaître l'évolution prévisible du budget de la Cnaf pour les années à venir. Il a rappelé le rôle fondamental des Caf dans le maintien de la population des communes rurales : elles sont les partenaires privilégiés des collectivités territoriales et des associations pour la création et le fonctionnement de structures d'accueil des jeunes enfants.
Mme Bernadette Dupont a souhaité savoir si les organismes payeurs du RSA seront remboursés des frais de gestion résultant de la mise en place de cette nouvelle prestation, et dans quelles proportions.
M. Guy Fischer s'est inquiété des contraintes supplémentaires que le RSA imposera aux Caf. La dernière convention d'objectifs et de gestion visant à optimiser la productivité des personnels et à réduire le nombre de Caf sera-t-elle remise en cause ? Par ailleurs, on constate que la garde des jeunes enfants est de plus en plus difficile à gérer pour les collectivités territoriales et certaines Caf, dans les quartiers populaires, semblent souffrir d'un manque de personnel. Comment peut-on améliorer cette situation ?
Mme Claire-Lise Campion a regretté qu'aucune mesure du PLFSS pour 2009 ne réponde à la demande croissante en places de crèches émanant des familles. Le passage de l'agrément de trois à quatre enfants par assistante maternelle n'est ni raisonnable ni réaliste, d'autant que le taux d'activité des assistantes maternelles est actuellement inférieur au nombre d'agréments accordés. Cette mesure ne créera donc pas les 10 000 places d'accueil annoncées. Elle a souligné, par ailleurs, que les services départementaux de protection maternelle et infantile détiennent une réelle légitimité pour délivrer l'agrément aux assistantes maternelles, ce dont est convenu M. Nicolas About, président.
M. Jean Desessard a souhaité connaître les coûts de gestion de la Cnaf et les modes d'évaluation de la satisfaction des usagers.
M. Jean-Louis Deroussen a indiqué que l'évolution budgétaire de la Cnaf dépendra des missions qui lui seront assignées. La création de 350 000 places de crèches et de nouvelles aides à la parentalité suppose la disponibilité de moyens supplémentaires. La prochaine convention d'objectifs et de gestion devrait affirmer clairement les compétences de la Cnaf et en tirer les conséquences budgétaires. L'augmentation annoncée de 6 % du fonds national d'action sociale (Fnas) ne permettra pas à la branche d'assumer ses missions, d'autant qu'on estime les besoins résultant de la gestion du RSA à l'équivalent de 1 900 emplois. En conséquence, la branche famille ne pourra remplir ses missions que dans la limite des moyens qui lui seront fournis.
Il a ajouté que les coûts de gestion de la branche famille représentent 3 % de son budget et que l'enquête menée auprès des allocataires a révélé un taux de satisfaction de 94 %.
M. Laurent Fleuriot, agent comptable de la Cnaf, a fait observer que le RSA constitue un défi pour les Caf : celles-ci géreront 3,1 millions de bénéficiaires potentiellement éligibles à partir du 1er juillet 2009. Si 2,3 millions d'entre eux sont déjà connus des Caf en tant qu'allocataires du RMI, de l'API et de diverses prestations, il faudra désormais assurer la gestion de 800 000 nouveaux usagers, d'autant que les Caf seront à la fois le payeur et l'un des deux instructeurs du RSA. L'instruction consistera en une mission d'accueil et d'information des allocataires. Pendant la phase d'expérimentation, les Caf ont été rémunérées par le département pour la partie correspondant à cette phase d'instruction, ce qui pourrait être généralisé par la future loi.
Mme Sylvie Desmarescaux et M. Guy Fischer s'étant interrogés sur la nécessité de maintenir deux organismes instructeurs pour le RSA, M. Jean-Louis Deroussen a considéré que la priorité est de rendre le meilleur service possible aux usagers : les Caf et les départements, dont la vocation sociale n'est plus à démontrer, peuvent oeuvrer ensemble pour une bonne gestion du RSA.
A M. Jean Desessard qui souhaitait savoir si l'on envisageait désormais la déclaration aux Caf par internet, M. Laurent Fleuriot a répondu que la généralisation des téléprocédures est en cours.