N° 83

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 novembre 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. André LARDEUX,

Sénateur.

Tome IV :

Famille

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

1157 , 1211 , 1212 et T.A. 202

Sénat : 80 et 84 (2008-2009)

Les observations et propositions de la commission des affaires sociales pour la branche famille en 2009

La commission, par la voix de son rapporteur André Lardeux, présente cette année cinq propositions pour la branche famille :

S'opposer à la prise en charge intégrale des majorations de pensions pour enfant par la branche famille

Dès l'origine, la commission était opposée à ce transfert des ressources de la Cnaf au profit du fonds de solidarité vieillesse (FSV). Les prestations familiales sont des investissements sur l'avenir qui bénéficient à moyen terme à l'ensemble des branches de la sécurité sociale en contribuant au renouvellement des générations. Elles ne doivent pas servir à limiter la dégradation financière des branches en déficit.

Encadrer les conditions de regroupement des assistantes maternelles

- en ne permettant pas à la caisse d'allocations familiales ou à la collectivité territoriale de fixer la rémunération des assistantes maternelles ;

- en demandant à ladite collectivité qu'elle mette à disposition le local de travail lorsqu'elle s'investit dans le projet.

Augmenter la capacité d'accueil des crèches

Sur le modèle proposé par le texte pour les assistantes maternelles, la commission souhaite augmenter le nombre d'enfants accueillis par professionnel dans les structures de garde collective.

Mettre fin à la fraude sur les déclarations des heures de travail des assistantes maternelles

La commission propose de réformer le mode de calcul de la prise en charge des cotisations et contributions sociales par la Paje en remplaçant la règle du plafond journalier, qui pousse les parents à répartir artificiellement les heures sur des jours de travail fictifs, par un taux de salaire horaire maximum.

Recentrer le « crédit d'impôt famille » sur les dépenses de crèches

Le code général des impôts accorde des déductions fiscales aux entreprises qui engagent certaines dépenses liées, au sens large, à la famille. Lorsqu'elles concernent la création et le fonctionnement de crèches d'entreprise ou la rémunération d'assistantes maternelles, ces déductions sont parfaitement légitimes. En revanche, lorsqu'elles permettent de financer la formation professionnelle des salariés de retour de congés liés à la naissance ou l'adoption, elles s'apparentent à des niches fiscales dans la mesure où elles ne contribuent pas à la prise en charge des jeunes enfants.

La commission propose donc d'abaisser le plafond de déductibilité des dépenses de formation et d'augmenter celui des dépenses de financement des crèches.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La situation financière de la branche famille n'est pas aussi satisfaisante que les prévisions des années précédentes pouvaient le laisser espérer. Loin de connaître les excédents de plusieurs milliards annoncés, la branche présentera au contraire, l'année prochaine, un déficit de 200 millions d'euros.

Ce revirement de situation s'explique, une fois encore, par le fait que la promesse d'excédents a suffi pour servir de prétexte au transfert de plusieurs centaines de millions d'euros de la branche famille vers un autre poste de dépense de la sécurité sociale. Même si l'on comprend qu'il faille agir en raison du déficit des comptes sociaux, il est singulier d'avoir choisi de sacrifier des moyens normalement destinés aux familles, qui représentent un investissement sur l'avenir et feront les économies de demain.

Personne ne conteste que notre pays n'offre pas le nombre de places d'accueil pour les jeunes enfants que mérite le taux de natalité exemplaire qu'il affiche. Accroître l'offre constitue donc une priorité qui nécessite des fonds importants : comment seront-ils disponibles si la branche famille est sans cesse sollicitée pour renflouer les branches déficitaires et venir au secours de la sécurité sociale ?

Le moment n'est-il pas venu de revenir aux fondements de la politique familiale, afin qu'elle apporte soutien et assistance aux familles, notamment les plus nombreuses qui en ont grand besoin ?

Telle est, en tout cas, la conviction profonde de votre rapporteur.

I. LA BRANCHE FAMILLE REDEVIENT DÉFICITAIRE EN 2009

A. LA SITUATION FINANCIÈRE N'EST PAS RASSURANTE

1. Un solde légèrement négatif en 2009

En 2009, après deux années consécutives d'excédent, le solde de la branche famille présenterait, selon le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un déficit de 200 millions d'euros.

Evolution du solde de la branche famille

(en milliards d'euros)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Recettes

49,2

50,5

52,9

54,6

56,9

58,6

Dépenses

48,8

51,7

53,7

54,5

56,4

58,9

Solde

- 0,4

- 1,2

- 0,8

+0,2

+0,4

- 0,2

Source : PLFSS 2009

La précédente loi de financement tablait toujours sur un surplus de 1,6 milliard d'euros en 2009. L'écart de prévision avec le présent projet de loi de financement s'explique principalement par les trois facteurs suivants : la prise en charge des majorations de pensions pour enfants, la forte revalorisation de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) et la stagnation de la masse salariale.

a) La prise en charge des majorations de pensions pour enfants

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) est un établissement public administratif qui a été créé en 1993 pour prendre en charge financièrement les avantages retraite relevant de la solidarité nationale. Dans ce cadre, il assure notamment le paiement des majorations de pensions qui sont accordées aux assurés ayant eu ou élevé au moins trois enfants.

La loi de financement pour 2001 a prévu que ces charges de pension seraient progressivement assumées par la branche famille. La loi de financement pour 2006 a définitivement fixé la part de la contribution de la branche à 60 % du montant total.

Or, le projet de loi de financement propose de revenir à un transfert progressif qui devient total en 2011.

Dès l'année prochaine, l'augmentation du taux de prise en charge à hauteur de 70 % du montant total représentera une dépense supplémentaire de 400 millions d'euros pour la Cnaf.

Montants et parts des majorations de pension prise en charge par la Cnaf depuis 2001

en millions d'euros courants

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008*

2009*

2010*

2011*

Part transférée

15 %

30 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

60 %

70 %

85 %

200 %

Montants en millions d'euros

437

902

1 875

1 965

2 087

2 185

2 291

2 389

2 907

3 700

4 400

* Prévisions

Votre rapporteur est opposé à ce transfert supplémentaire de charges au détriment de la branche famille.

Certes, comme toutes les autres caisses de la sécurité, la Cnaf n'a pas vocation à dégager des excédents. Cependant, si la conjoncture lui permet de bénéficier des surplus, ceux-ci doivent être utilisés pour aider les familles et non pour financer les avantages sociaux d'autres branches.

En ce sens, il est regrettable que les excédents n'aient pas été par exemple affectés au développement de l'offre de garde, qui devrait pourtant constituer une priorité pour le Gouvernement : on estime en effet que près de 400 000 familles rencontrent toujours des problèmes de garde.

Par ailleurs, diminuer les dépenses de la politique familiale pour couvrir celles de du FSV constitue une erreur stratégique : les prestations familiales sont un investissement à moyen terme qui ont un effet bénéfique, en soutenant la natalité et donc le volume des futures cotisations, sur l'équilibre futur de l'ensemble des autres branches de la sécurité sociale.

b) La revalorisation des prestations familiales

Les prestations familiales sont calculées à partir de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF).

La BMAF est revalorisée chaque année à partir de l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac et des écarts entre les prévisions d'évolution des prix hors tabac et les réalisations des années précédentes.

Par exemple, pour l'année 2009, l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac est de 2,0 %. Par ailleurs, la revalorisation de la BMAF a été inférieure de 0,2 % à l'inflation réelle en 2007 et de 1,3 % en 2008.

La BMAF pour 2009 augmentera donc l'année prochaine de 3,5 %.

Evolution de la BMAF et des prix

(en pourcentage)

Prix à la consommation,
hors tabac

BMAF

2002

1,70

2,10

2003

1,90

1,70

2004

1,67

1,70

2005

1,74

2,20

2006

1,70

1,80

2007

1,50

1,70

2008*

2,90

1,00

2009*

2,0

3,50

* prévision Source : direction de la sécurité sociale

Cette hausse, la plus importante depuis vingt ans, devrait mécaniquement entraîner une augmentation des prestations familiales qui n'avait pas été anticipée l'année dernière, en raison d'une hypothèse inflationniste presque deux fois plus basse.

Il en résulterait un surcoût de près d'1,5 milliard d'euros, soit 500 millions de plus que ce qu'envisageait la loi de financement pour 2008.

c) La stagnation des cotisations sociales

Plus de la moitié des recettes de la branche provenant des cotisations sociales, le niveau des produits est très sensible à l'évolution de la masse salariale.

Or, les prévisions de croissance sur lesquelles est construit le projet de loi de financement ont été révisées à la baisse par le Gouvernement, en raison de la crise financière. La croissance pour 2009 devrait être comprise entre 0,2 % et 0,5 %, contre 1 % initialement prévu. L'augmentation de la masse salariale devrait donc être beaucoup plus modeste et difficilement atteindre 1,5 %, au lieu des 3 % envisagés.

Le montant des cotisations sociales affectées à la branche sera par conséquent bien plus faible que les hypothèses de l'année 2008 pouvaient le laisser penser.

Le ralentissement de l'activité économique conduit donc à réviser à la baisse les prévisions de recettes de la branche d'environ 500 millions à 1 milliard d'euros pour 2009.

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