Rapport n° 436 (2007-2008) de M. Robert del PICCHIA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 2 juillet 2008

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N° 436

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de la convention relative à l' adhésion des nouveaux États membres de l' Union européenne à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles , ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes ,

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

170 , 680 et T.A. 98

Sénat :

204 (2007-2008)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'accroissement des échanges et des déplacements à l'intérieur des frontières de l'Union européenne accroît l'éventualité qu'un citoyen européen ou une entreprise soient impliqués dans un litige dont tous les éléments ne sont pas cantonnés à l'intérieur de l'État de sa résidence habituelle.

Or les parties sont souvent découragées de faire valoir leurs droits dans un pays étranger en raison de l'incompatibilité ou de la complexité des systèmes juridiques et administratifs nationaux. Ceci vaut tout particulièrement pour les citoyens ou les PME, qui ne disposent pas des moyens financiers pour s'assurer les services d'un réseau international de juristes.

La Convention de Rome du 19 juin 1980, adoptée sur une base intergouvernementale entre les neuf Etats membres de la Communauté économique européenne, a instauré des règles permettant de déterminer de manière uniforme la loi applicable aux obligations contractuelles dans les situations comportant un conflit de loi.

Au fil des élargissements successifs de la Communauté, puis de l'Union européenne, ses dispositions ont été progressivement étendues aux nouveaux pays membres.

La Convention de Luxembourg du 14 avril 2005, dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification, permettra d'étendre les dispositions de la Convention de Rome aux dix nouveaux Etats membres ayant adhéré à l'Union européenne le 1 er mai 2004.

Parallèlement, un règlement communautaire, dit « Rome I », vient d'être adopté par le Conseil de l'Union européenne en juin dernier, qui s'inscrit dans le cadre de la construction d'un véritable « espace judiciaire européen » en matière civile.

I. L'EXTENSION DE LA CONVENTION DE ROME DU 19 JUIN 1980 AUX NOUVEAUX ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

A. LA CONVENTION DE ROME DU 19 JUIN 1980 RELATIVE À LA LOI APPLICABLE EN MATIÈRE D'OBLIGATIONS CONTRACTUELLES

1. L'objet et le champ d'application de la Convention de Rome

La Convention de Rome a été adoptée le 19 juin 1980, sur une base intergouvernementale, entre les neuf Etats membres de la Communauté économique européenne. Elle est entrée en vigueur le 1 er avril 1991.

Cette convention a pour objet d'instaurer, entre les Etats parties, des règles leur permettant de déterminer de manière uniforme la loi applicable aux obligations contractuelles dans les situations comportant un conflit de lois.

Les règles prévues par la convention sont applicables dans les situations transfrontalières, c'est-à-dire lorsque les parties au contrat sont de nationalités différentes ou sont domiciliées dans des Etats différents, ou bien encore lorsque le contrat est conclu ou exécuté dans plusieurs pays.

La convention s'applique aux seules obligations contractuelles, limitativement définies. Sont ainsi exclues toutes les situations non contractuelles du droit privé, ainsi que les situations contractuelles pouvant naître en droit de la famille (état et capacité des personnes, testaments et successions, régimes matrimoniaux, etc.), du droit cambiaire (lettre de change), du droit des sociétés, ainsi que dans une large mesure du droit des assurances.

2. Ses principales stipulations

La Convention de Rome permet au juge, soit d'apprécier dans quelle mesure la détermination par les parties de la loi applicable est valable, soit de déterminer, à défaut d'indication par les parties dans le contrat, quelle est la loi applicable.

La clé de voûte du système mis en place par la convention repose sur l'autonomie de la volonté des parties. En application de ce principe, celles-ci sont libres de choisir la loi applicable à leur contrat.

Leur liberté de choix peut toutefois être limitée pour des raisons liées à l'ordre public. A défaut de choix de loi par les Parties, la Convention de Rome prévoit que le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits, selon le principe de proximité.

La Convention de Rome comporte cependant des règles spécifiques en faveur des Parties dites « faibles », tels que les consommateurs ou les travailleurs, qui conduisent à déroger au principe d'autonomie des Parties. Dans ces cas, la loi choisie ne peut désavantager le consommateur et le priver de la protection fournie par la loi de son pays de résidence si elle lui est plus favorable.

Deux protocoles concernant l'interprétation à titre préjudiciel de la convention par la Cour de justice des Communautés européennes, ont été signés en 1988 mais ne sont pas encore entrés en vigueur faute de ratifications suffisantes par les Etats parties.

B. L'EXTENSION DE LA CONVENTION DE ROME AUX NOUVEAUX ÉTATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE

1. Les précédents élargissements de l'Union européenne

La Convention de Rome ne concernait initialement que les neuf Etats qui étaient membres de la Communauté économique européenne à la date de la signature de la convention en 1980.

Au fil des élargissements successifs de l'Union européenne, elle a été progressivement révisée et étendue aux nouveaux pays adhérents, la dernière révision étant intervenue le 29 novembre 1997, avec l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à l'Union européenne.

2. L'extension aux dix nouveaux pays membres ayant adhéré à l'Union européenne le 1 er mai 2004

La Convention, dont le projet de loi vise à autoriser la ratification, a été signée à Luxembourg le 14 avril 2005. Elle vise à faire accéder à la Convention de Rome et à ses deux protocoles annexés les dix nouveaux Etats membres qui ont rejoint l'Union européenne le 1 er mai 2004.

Les règles de droit international privé concernant la détermination de la loi applicable en matière contractuelle, fixées par la convention, sont en effet considérées comme partie intégrante de l'acquis communautaire et, à ce titre, l'adhésion des nouveaux entrants à cette convention relève pour eux des engagements découlant de leur entrée dans l'Union européenne.

La question de l'adhésion à la Convention de Rome des Etats qui sont devenus membres de l'Union européenne à la date du 1 er mai 2004 est ainsi réglée par l'Acte relatif aux conditions d'adhésion à l'Union européenne de ces Etats.

L'article 5, paragraphe 2, de cet acte dispose que « les nouveaux Etats membres s'engagent à adhérer aux conventions prévues à l'article 293 du traité CE de même qu'à celles qui sont indissociables de la réalisation des objectifs du traité CE, ainsi qu'aux protocoles concernant l'interprétation de ces conventions par la Cour de justice, signés par les Etats membres actuels, et à entamer, à cet effet, des négociations avec les Etats membres actuels pour y apporter les adaptations nécessaires » .

3. Le cas de la Roumanie et de la Bulgarie

La convention, dont le présent projet de loi vise à autoriser la ratification, ne concerne pas la Roumanie et la Bulgarie, qui ont adhéré à l'Union européenne le 1 er janvier 2007.

L'acte d'adhésion de 2005 relatif à l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie a, en effet, introduit une procédure simplifiée pour l'adhésion de ces deux pays aux conventions et protocoles conclus par les Etats membres sur le fondement de l'article 34 du traité sur l'Union européenne ou de l'article 293 du traité instituant la Communauté européenne.

En effet, il n'est désormais plus nécessaire de négocier et de conclure des protocoles spécifiques d'adhésion à ces conventions : l'article 3 § 3 de l'acte prévoit simplement que la Bulgarie et la Roumanie adhèrent à ces conventions et protocoles en vertu de l'acte d'adhésion. À cet effet, le Conseil prend une décision fixant la date d'entrée en vigueur de ces conventions à l'égard de la Bulgarie et de la Roumanie et procède à toutes les adaptations rendues nécessaires par l'adhésion des deux nouveaux Etats membres (notamment, au minimum, l'adoption des conventions en langues bulgare et roumaine, de sorte que ces versions puissent « faire également foi »).

II. VERS UN « ESPACE JUDICIAIRE EUROPÉEN » EN MATIÈRE CIVILE

A. LE NOUVEAU CADRE DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE CIVILE

Evoquée dès 1977 par le président Valéry Giscard d'Estaing, l'idée d'un « espace judiciaire européen » a mis un certain temps à s'imposer.

C'est le traité de Maastricht, signé en 1992 et entré en vigueur en 1993, qui a, pour la première fois, introduit dans les traités européens les questions relatives à la coopération judiciaire, tant en matière pénale, qu'en matière civile. Ces questions relevaient cependant, non pas de la méthode communautaire, mais de la coopération intergouvernementale, dans le cadre du « troisième pilier » de l'Union européenne.

METHODE COMMUNAUTAIRE ET COOPERATION INTERGOUVERNEMENTALE : QUELLES DIFFERENCES ?

La méthode communautaire désigne un processus de décision où la Commission européenne, institution indépendante garante de l'intérêt général européen, détient le monopole de l'initiative et où le Conseil des ministres, institution représentant les Etats membres, statue à la majorité qualifiée en codécision avec le Parlement européen, institution représentant les citoyens européens, sous le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, juridiction chargée de veiller au respect des traités européens.

La méthode intergouvernementale se caractérise par un droit d'initiative partagé entre la Commission européenne et les Etats membres, par la règle de l'unanimité au sein du Conseil, par la consultation simple du Parlement européen et par un rôle limité de la Cour de justice des Communautés européennes.

Le traité d'Amsterdam , signé en 1997 et entré en vigueur en 1999, a marqué une étape supplémentaire. Ce traité a, en effet, transféré les matières relevant de la coopération judiciaire en matière civile, du troisième au premier « pilier » communautaire. Toutefois, le transfert de ces matières au « pilier » communautaire n'a pas entraîné une application pleine et entière de la méthode communautaire. En effet, le traité d'Amsterdam a prévu une application progressive de la méthode communautaire à ces domaines.

Lors du Conseil européen de Tampere , d'octobre 1999, les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres ont adopté un ambitieux programme visant à réaliser un « espace de liberté, de sécurité et de justice ». Le principe de la reconnaissance mutuelle, appliqué avec succès à la construction du marché intérieur, a été érigé comme la « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, tant en matière pénale, que civile.

Le traité de Nice , signé en 2001 et entré en vigueur en 2003, a étendu le vote à la majorité qualifiée au Conseil et la procédure de codécision avec le Parlement européen à la plupart des mesures relatives à la coopération judiciaire en matière civile, à l'exception des mesures relatives aux aspects touchant au droit de la famille, qui restent régies par la règle de l'unanimité au Conseil.

Le traité de Lisbonne , signé le 13 décembre 2007, prévoit d'étendre les compétences de l'Union européenne dans le domaine de la coopération judiciaire civile, de consacrer le principe de la reconnaissance mutuelle et de mettre un terme aux restrictions concernant le contrôle de la Cour de justice. En revanche, la règle de l'unanimité pour les aspects touchant au droit de la famille serait maintenue, sous réserve d'une « clause passerelle » spécifique, permettant de passer de l'unanimité au vote à la majorité qualifiée, par une décision unanime des Etats membres, chaque parlement national ayant un droit de veto.

B. LA « COMMUNAUTARISATION » DE LA CONVENTION DE ROME

La transformation de la Convention de Rome en instrument communautaire a fait l'objet d'une large consultation à la suite de la publication d'un Livre vert de la Commission européenne en janvier 2003.

A l'issue de cette consultation, la Commission européenne a présenté, le 21 décembre 2005, une proposition de règlement communautaire, dit « Rome I », visant à remplacer la Convention de Rome et à harmoniser les règles de conflit de lois en matière contractuelle.

Cet instrument complèterait le règlement dit « Rome II », adopté le 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles, et le règlement du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale - dit « Bruxelles I » -, qui avait apporté une réponse à la question de la détermination du tribunal compétent en matière civile et commerciale. Le « reformatage » de la Convention de Rome répond à deux objectifs :

- développer l'espace judiciaire européen en favorisant la prévisibilité des résultats et la sécurité juridique. Le futur instrument communautaire devrait, en effet, faciliter la reconnaissance des décisions de justice en permettant aux juges de déterminer de façon uniforme la loi applicable à un contrat transfrontalier et en rendant plus aisée l'interprétation de la Cour de Justice des Communautés européennes par la voie du recours préjudiciel ;

- parfaire la construction du marché intérieur en évitant les distorsions de concurrence qui pourraient survenir entre les justiciables, mais aussi en assurant la sécurité juridique nécessaire au développement des échanges commerciaux transfrontières.

Après de difficiles négociations au sein du Conseil et au Parlement européen, le règlement « Rome I » a été adopté par les ministres de la justice des vingt sept Etats membres, lors de la réunion du Conseil « Justice et Affaires intérieures », des 5 et 6 juin 2008.

Le règlement « Rome I » n'introduit pas véritablement un nouveau dispositif juridique puisqu'il « communautarise » la convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles , à laquelle l'ensemble des États membres est déjà partie. Il opère néanmoins un important travail de modernisation de cette convention, conformément au souhait exprimé par la Commission dans son Livre vert en 2003.

Comme dans la Convention de Rome, l'idée centrale de ce texte est que les parties devraient être libres de choisir la loi qu'elles souhaitent voir appliquer à leur contrat , qu'il s'agisse de la loi d'un État membre ou de celle d'un État tiers à la Communauté européenne. A cette fin, le règlement autorise même les parties à désigner ou modifier postérieurement à la conclusion du contrat la loi applicable, ou encore à dépecer le contrat en plusieurs éléments soumis à des lois différentes.

Il convient de souligner que la proposition initiale de la Commission tendait même à renforcer l'autonomie de la volonté des parties en autorisant celles-ci à choisir, comme droit applicable, un droit non étatique aux côtés du seul choix de la loi d'un État. Lors des discussions au sein du Conseil, cette disposition a toutefois rencontré l'hostilité d'une majorité d'États membres, dont celle de la France, qui y ont vu une manoeuvre de la Commission pour ouvrir le chemin d'un droit européen des contrats, alors que ce point n'a jamais été discuté ou approuvé ni par les États membres au sein du Conseil, ni par le Parlement européen. Elle a, depuis, été retirée.

Au-delà de ce retrait, le règlement prévoit déjà certaines dispositions qui tendent à restreindre le libre choix des parties, telle celle qui formule l'impossibilité de contourner l'application des dispositions impératives du droit communautaire par le choix de la loi d'un État non membre.

La majeure partie de ce règlement est consacrée à la question de la loi applicable en cas d'absence de choix des parties . C'est principalement sur ce point que la Commission se livre à une modernisation de la Convention de Rome, afin d'assurer davantage de prévisibilité.

La Convention de Rome prévoit, en effet, qu'à défaut de choix, le contrat devait être régi par la loi du pays avec lequel il présentait les liens les plus étroits, tout en posant le principe d'une présomption générale au profit de la résidence habituelle du débiteur de la prestation caractéristique. Au contraire, le règlement édicte des règles beaucoup plus précises, laissant ainsi moins de discrétion aux juges. L'article 4 énonce ainsi, en premier lieu, les solutions particulières à différentes catégories de contrat (contrat de vente de marchandises, contrat de prestation de services, contrat de transport, contrat immobilier, contrat de franchise, contrat de distribution) puis pose, en second lieu, le principe du rattachement à la résidence habituelle du débiteur pour les contrats qui n'ont pas été cités expressément. L'architecture de la Convention de Rome en est ainsi totalement remaniée afin de garantir une application uniforme dans l'ensemble de la Communauté.

En plus de ces modifications visant à renforcer la sécurité juridique, le règlement s'attache à protéger les parties dites faibles , telles que les travailleurs ou les consommateurs. Des règles spéciales régissent ainsi les contrats individuels de travail ou les contrats de consommation .

Ainsi, en ce qui concerne les contrats individuels de travail , le texte maintient la possibilité pour les parties de choisir la loi applicable au contrat, tout en prévoyant que ce choix ne saurait « avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable ». A défaut de choix, c'est en effet la loi du pays dans lequel ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail qui s'applique, à moins que le contrat de travail ne présente des liens plus étroits avec un autre pays. On voit bien ici l'importance de ces dispositions qui s'articulent étroitement avec la directive concernant le détachement de travailleurs.

Pour les contrats de consommation , dans le but de renforcer la protection du consommateur, la proposition écartait la possibilité pour les parties de déterminer librement la loi applicable au contrat de consommation dès lors que le consommateur résidait dans un État membre de la Communauté ; la loi applicable devait être celle du pays dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle. Toutefois, ces dispositions n'ont pas satisfait un certain nombre de délégations, au premier rang desquelles le Royaume-Uni. Soutenues sur ce point par le Parlement européen, elles ont obtenu un retour aux règles retenues par la Convention de Rome en matière de contrats conclus par les consommateurs. Ces règles maintiennent la possibilité, pour les parties, de choisir la loi applicable à ce type de contrat ; elle pose toutefois une réserve, selon laquelle « le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le consommateur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui lui aurait été applicable, en l'absence de choix » c'est-à-dire de la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle. A défaut de choix par les parties, c'est en effet la loi du pays de résidence habituelle du consommateur qui s'applique.

La France estime que le retour aux dispositions de la Convention de Rome marque une régression en matière de protection des consommateurs par rapport à la proposition de règlement initiale de la Commission. Les consommateurs français seront toutefois moins affectés par une telle disposition, en raison du haut niveau de protection des consommateurs en droit français.

Néanmoins, les dispositions retenues sont d'autant plus regrettables qu'elles sont très importantes au regard de la directive sur les services dans le marché intérieur qui renvoie à ce texte pour la définition des règles applicables aux consommateurs de services, de même que la directive sur le commerce électronique. On peut toutefois espérer que des mesures de révision de l'acquis en matière de protection des consommateurs soient déposées sous présidence française de l'Union européenne. La France a d'ailleurs fait une déclaration sur l'article 6 du règlement, d'après laquelle, lors de la révision du règlement de « Bruxelles I », les dispositions en matière de compétences de juridictions devraient être cohérentes avec l'article 6 du règlement « Rome I ».

Sur proposition allemande, des règles spéciales concernant les contrats d'assurance ont également été introduites dans le règlement, afin de mettre un terme à la confusion liée aux règles éparses qui régissent aujourd'hui les différents types de contrats d'assurance. L'ensemble des règles de conflit de lois en matière de contrats d'assurance devrait ainsi se trouver réunie dans un instrument juridique unique.

Il convient de noter que certaines directives communautaires, qui ont fixé des règles en matière de droit applicable pour les obligations contractuelles dans des secteurs spécifiques, devraient primer sur le règlement. C'est le cas de la directive sur les travailleurs détachés, des deux directives relatives à l'assurance-vie et l'assurance non-vie, ainsi que de la directive sur la restitution des objets culturels volés.

Le règlement « Rome I » devrait utilement rénover le cadre qui avait été précédemment fixé par la Convention de Rome du 19 juin 1980. Il constitue un élément essentiel de la mise en place d'un espace européen de justice et figurait, à ce titre, parmi les objectifs du programme pluriannuel de La Haye de 2004, qui a succédé au programme de Tampere. Ce règlement devrait, en effet, permettre de renforcer la sécurité juridique dans la Communauté.

Le règlement « Rome I » ne sera cependant pas applicable à un, voire deux États membres : d'une part, le Danemark, qui ne participe à aucune des mesures « communautarisées » relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice ; d'autre part, le Royaume-Uni, qui bénéficie d'un régime dérogatoire lui permettant de participer au cas par cas aux mesures prises dans ces matières et qui n'a pas encore notifié son souhait de participer à ce règlement. Ce dernier a toutefois activement participé à l'élaboration du texte au sein du Conseil, ce qui laisse espérer qu'il fasse jouer sa clause d' opt-in . Le gouvernement britannique, qui y semble plutôt favorable, vient d'ailleurs de lancer une consultation à ce sujet.

Pour sa part, le Danemark avait annoncé son souhait d'organiser un référendum pour mettre un terme au régime dérogatoire dont ce pays bénéficie depuis le premier « non » danois au traité de Maastricht, notamment à l'égard des matières relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Toutefois, le « non » irlandais lors du référendum sur le traité de Lisbonne a incité le gouvernement danois à reporter d'une année la consultation prévue sur ce sujet.

Ainsi, même si le règlement « Rome I » doit entrer prochainement en vigueur, la Convention de Rome du 19 juin 1980 continuera de régir les relations entre le Danemark, et peut-être le Royaume-Uni, et les vingt cinq autres Etats membres.

CONCLUSION

En étendant l'application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 et de ses deux protocoles annexés aux dix nouveaux Etats membres ayant adhéré à l'Union européenne le 1 er mai 2004, la Convention de Luxembourg du 14 avril 2005 permettra une application uniforme des règles de conflit de lois en matière contractuelle au sein de l'Union élargie, en attendant l'entrée en vigueur du nouveau règlement communautaire « Rome I ».

Cette extension du champ d'application dans l'espace de la Convention de Rome favorisera à la fois la constitution d'un « espace judiciaire européen » effectif et le bon fonctionnement du marché intérieur.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur vous propose d'adopter ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa séance du mercredi 2 juillet 2008.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.

PROJET DE LOI

( Texte proposé par le gouvernement )

Article unique 1 ( * )

Est autorisée la ratification de la convention relative à l'adhésion de la République Tchèque, de la République d'Estonie, de la République de Chypre, de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la République de Malte, de la République de Pologne, de la République de Slovénie et de la République Slovaque à la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980, ainsi qu'aux premier et deuxième protocoles concernant son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes, signée à Luxembourg le 14 avril 2005, dont le texte est annexé à la présente loi.

* 1 Voir le texte annexé au document n° 170 (AN - XIIIe)

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