Rapport n° 435 (2007-2008) de Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM , fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 2 juillet 2008
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INTRODUCTION
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CONCLUSION
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EXAMEN EN COMMISSION
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PROJET DE LOI
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ANNEXE 1 - ETUDE D'IMPACT
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ANNEXE 2 - LISTE DES PAYS SIGNATAIRES ET DES
RATIFICATIONS
N° 435
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2007-2008
Annexe au procès-verbal de la séance du 2 juillet 2008 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant la ratification de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ,
Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Josselin de Rohan , président ; MM. Jean François-Poncet, Robert del Picchia, Jacques Blanc, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Plancade, Philippe Nogrix, André Boyer, Robert Hue , vice-présidents ; MM. Jacques Peyrat, Jean-Guy Branger, Jean-Louis Carrère, André Rouvière, André Trillard , secrétaires ; MM. Bernard Barraux, Jean-Michel Baylet, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Pierre Biarnès, Didier Borotra, Didier Boulaud, Robert Bret, Mme Paulette Brisepierre, M. Christian Cambon, Mme Michelle Demessine, M. André Dulait, Mme Josette Durrieu, MM. Jean Faure, Jean-Pierre Fourcade, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Gisèle Gautier, Nathalie Goulet, MM. Jean-Noël Guérini, Michel Guerry, Hubert Haenel, Joseph Kergueris, Robert Laufoaulu, Louis Le Pensec, Simon Loueckhote, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Louis Mermaz, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Charles Pasqua, Daniel Percheron, Xavier Pintat, Yves Pozzo di Borgo, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Yves Rispat, Roger Romani, Gérard Roujas, Mme Catherine Tasca, M. André Vantomme, Mme Dominique Voynet. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : |
878 , 924 et T.A. 156 |
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Sénat : |
395 (2007-2008) |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le 20 décembre 2006, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Ce nouvel instrument du droit international a été ouvert à la signature le 6 février 2007 . Compte tenu de son implication dans l'élaboration de ce document, la cérémonie de signature a eu lieu à Paris et a été placée sous le haut patronage du Président de la République et la présidence du ministre des affaires étrangères. A ce jour, 73 Etats l'ont signée et 4 l'ont ratifiée .
La Convention internationale contre les disparitions forcées entrera en vigueur lorsque 20 Etats l'auront ratifiée.
Cet instrument prévoit notamment :
- la prohibition des détentions forcées ;
- des mécanismes de prévention de telles infractions ;
- de nouveaux droits pour les victimes, dont les proches de disparus
- l' institution d'un mécanisme international de surveillance : le Comité des disparitions forcées, doté de pouvoirs d'enquête.
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I. LES DISPARITIONS FORCÉES : UNE VIOLATION PARTICULIÈREMENT GRAVE DES DROITS DE L'HOMME
Aux termes de l'article 2 de la présente convention, la « disparition forcée » s'entend comme comportant trois éléments constitutifs :
- l'arrestation, la détention, l'enlèvement, ou toute autre forme de privation de liberté d'une personne ;
- par des agents de l'Etat ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l'autorisation, l'appui ou l'acquiescement de l'Etat,
- et qui dénient la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi.
Historiquement, la disparition forcée est apparue en Amérique latine dans les années 1960 . Sa méthode prend forme au Guatemala entre 1963 et 1966. Durant deux décennies, elle s'est répandue au Salvador, au Chili, en Uruguay, en Argentine, au Brésil, en Colombie, au Pérou, au Honduras, en Bolivie, en Haïti et au Mexique. Amnesty International, FEDEFAM (Association des Fédération latino-américaine des familles de détenus disparus) et d'autres organismes de défense des droits de l'homme affirment qu'en un peu plus de 20 ans (1966-1986), 90 000 personnes de différents pays du continent latino-américain, ont été victimes de cette pratique.
Mais les disparitions forcées ne sont pas propres aux dictatures. Des pays comme le Mexique, la Colombie le Pérou, l'Algérie, le Sri Lanka, la Russie (en Tchétchénie), les Philippines ou l'Inde (Cachemire) ont connu ou connaissent encore de telles pratiques. Les États-unis d'Amérique, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, auraient eu également recours à cette pratique. Selon les Nations unies, 40 000 être humains ont disparu dans 90 pays depuis 1980. 535 nouveaux cas de disparitions forcées ont été établis en 2005.
Les traits caractéristiques de la méthode utilisée obéissent à une logique particulièrement inhumaine : sans victime, il ne peut y avoir ni délit, ni coupable.
Le mode opératoire des disparitions forcées est souvent le même :
- la clandestinité et l'absence de revendication : les enlèvements sont réalisés par des hommes armés dont on ignore l'identité, au volant de véhicules sans plaques d'immatriculation et qui conduisent leurs victimes dans des endroits secrets ;
- bien que fréquente, l'utilisation de la torture n'est pas systématique, mais la mort est presque toujours au rendez-vous. Plus encore que la mort, la disparition physique des corps est la garantie de l'impunité ;
- la recherche d'effets psychosociaux : les disparitions forcées ont des effets destructeurs non seulement sur la victime directe, mais également sur la famille de celle-ci qui est plongée successivement dans l'ignorance, le doute, l'espoir, la crainte et la désolation. Progressivement toute la société est paralysée, car elle ignore avec précision quelles sont les personnes visées.
II. L'ABSENCE D'INSTRUMENTS JURIDIQUES ADÉQUATS
La pratique des disparitions forcées viole toute une série de droits inhérents à la personne humaine :
- le droit à la sécurité et à la dignité ;
- le droit de ne pas être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
- le droit à des conditions de détention humaines ;
- le droit à une personnalité juridique ;
- le droit à un procès équitable ;
- le droit à une vie de famille ;
- le droit à la vie (lorsque la personne disparue est tuée).
En outre, la disparition forcée est une violation particulièrement cruelle car elle affecte également les proches de la victime. Ceux-ci, ignorant ce que la victime est devenue, attendent pendant des années des nouvelles qui n'arriveront jamais et se trouvent dans l'incapacité de faire leur deuil. A l'angoisse s'ajoute souvent la détresse matérielle, lorsque la victime était la principale source de revenus de la famille. Faute de certificat de décès, les proches ne peuvent pas toujours obtenir une pension ou une aide.
Nous sommes donc face à un nouveau délit, un crime d'Etat, que les lois en vigueur ne prévoient généralement pas puisqu'il n'y a en apparence ni auteur -étant donné que celui-ci ne se manifeste d'aucune manière- ni victime -puisque par construction elle a disparu. Les formes d'enlèvement, de détention arbitraire, de tortures, d'assassinat, etc. ne permettent nullement de qualifier juridiquement la disparition.
La forme la plus semblable à la disparition : l'enlèvement, se différencie également de celle-ci, car l'auteur, bien qu'agissant dans la clandestinité, finit généralement par se manifester, revendiquant l'enlèvement en demandant une rançon ou posant des exigences.
La disparition est également différente de la détention, légale ou illégale, accompagnée ou non de mise au secret, car, dans le cas de disparition, les autorités n'admettent pas retenir la victime.
Pour ces raisons, il est apparu indispensable d'établir un délit pénal spécifique.
III. LES DISPARITIONS FORCÉES EN DROIT INTERNATIONAL
A. LES PRÉCÉDENTES RÉACTIONS
La première réaction au niveau international a été celle de l'Organisation des États Américains concernant les disparus au Chili, à la suite du coup d'Etat du 11 septembre 1973, à l'occasion de la visite du secrétaire exécutif de la commission interaméricaine des droits de l'Homme en octobre de la même année.
Dans le cadre des Nations unies , la première résolution sur la question des disparus date de décembre 1978 1 ( * ) . Dans cette résolution, présentée par la France, l'Assemblée générale s'inquiétait des rapports issus de diverses parties du monde au sujet des disparitions forcées de personnes et se disait émue par l'angoisse que ces disparitions engendraient. Elle demandait aux gouvernements de garantir que les autorités ou organisations chargées de faire respecter la loi et la sécurité soient tenues responsables juridiquement en cas d'abus conduisant à des disparitions forcées ou involontaires.
En 1980 fut créé, par la Commission des droits de l'Homme de l'Onu. un groupe de travail chargé de la question des disparitions forcées . Ce groupe de travail a continué de travailler. Il a rendu un rapport annuel en 2007 et devrait examiner 799 cas de disparitions forcées en 2008.
Au niveau régional, la résolution 666 (XIII - 083) de l'Assemblée générale de l'Organisation des États Américains , approuvée en novembre 1983, a considéré que « la pratique des disparitions forcées de personnes en Amérique (était) un affront à la conscience de l'hémisphère et (constituait) un crime de lèse humanité ».
Le 18 décembre 1992, l'Assemblée générale de l'Onu a adopté la Déclaration relative à la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (résolution 74/133). Deux aspects de la Déclaration de 1992 méritent d'être soulignés. D'une part, les disparitions forcées constituent un délit spécifique, différent, par exemple, de l'enlèvement. D'autre part, la Déclaration exclut de manière expressive la compétence de la juridiction militaire en cas de jugement d'auteurs présumés de disparition forcée.
La Convention interaméricaine du 9 juin 1994, adoptée par la résolution 1256 de l'Assemblée Générale de l'Organisation des Etats Américains, reconnaît, dans son préambule, la persistance du phénomène des disparitions forcées de personnes au sein du continent et considère qu'il s'agit « d'une offense grave et odieuse à la dignité intrinsèque de la personne humaine ». Il convient de remarquer qu'en 1988 et en 1989 la Cour interaméricaine des droits de l'Homme a condamné l'Etat du Honduras dans le cas des disparitions forcées de M. Angel Manfredo Velázquez Rodriguez et de M. Saul Godinez, en se fondant sur la Convention Américaine relative aux droits de l'Homme.
Parmi les autres instruments internationaux traitant de la question des disparitions forcées, il importe d'évoquer le projet de Code des crimes contre la paix et la sécurité de l'humanité , rédigé par la Commission du droit international, ainsi que le Statut de Rome de 1998 portant création de la Cour pénale internationale. La proposition d'un article 21 faite par M. Vargas Carreno, reproduite dans l'annuaire de la CDI (1995-Vol. II, 2e partie) reconnaissait la disparition forcée comme une violation systématique ou massive des droits de l'homme. En son article 7§1, le statut de Rome a inclus la disparition forcée dans la liste des actes constitutifs de crime contre l'humanité. A n'en pas douter, c'est aujourd'hui le Statut de Rome qui est appelé à constituer la référence en matière de définition des crimes de droit international
B. L'ÉLABORATION D'UNE CONVENTION INTERNATIONALE
Après la Déclaration de 1992, l'Assemblée générale des Nations unies commença un travail d'élaboration d'une convention. L'examen du dossier et l'élaboration d'un projet furent menés par une sous-commission des droits de l'Homme, qui acheva son travail en 1998 avec la rédaction, par l'expert français Louis Joinet, d'un projet d'instrument contraignant sur les disparitions forcées, disposant dans l'article 3§1 : « la pratique systématique et massive des disparitions forcées constitue un crime contre l'humanité ».
La commission des droits de l'Homme constitua ensuite un groupe de travail, qui se réunit la première fois en 2003 et aboutit à l'adoption d'un projet de texte, le 23 septembre 2005. L'élaboration en fut laborieuse, certains Etats contestant la nécessité d'une telle convention. En outre, la question s'est posée de savoir s'il fallait étendre la notion de disparition forcée aux enlèvements commis par des individus ou des groupes agissant à leur propre initiative.
Quoiqu'il en soit, le projet de convention fut adopté par le nouveau Conseil des droits de l'Homme lors de sa première session le 29 juin 2006, puis, définitivement, par consensus et avec 103 co-parrainages, par l'Assemblée générale des Nations unies, le 20 décembre 2006. La convention fut ouverte à la signature le 6 février 2007 (voir annexe).
Il convient de souligner le rôle éminent joué par la France dans l'adoption de cette convention. La France, à l'origine de la première résolution de 1979, a ensuite présidé les négociations relatives à la Déclaration de 1992. En 1998, c'est, rappelons-le, un expert français, Louis Joinet qui a rédigé le premier projet d'instrument. Enfin, la France a assuré la présidence du groupe de travail, créé par la Commission des droits de l'Homme, chargé de l'élaboration d'un projet d'instrument contraignant.
IV. OBJECTIFS ET CONTENU DE LA CONVENTION
La Convention des Nations unies contre les disparitions forcées est le premier traité universel qui définisse la disparition forcée comme un crime et l'interdise. Elle poursuit trois objectifs et organise un mécanisme de contrôle et de suivi.
A. COMBATTRE L'IMPUNITÉ
En ratifiant la Convention, les Etats parties s'obligent, pour l'essentiel, à :
- établir la disparition forcée comme une infraction au regard de leur droit pénal national ( article 4 ) ;
- traduire en justice les auteurs de disparitions forcées ( article 3 ) ;
- poursuivre aussi bien les auteurs que les commanditaires et les complices des disparitions forcées ( article 6, al. 1 er ), étant entendu qu'« aucun ordre ou instruction émanant d'une autorité publique, civile, militaire ou autre ne peut être invoqué pour justifier un crime de disparition forcée » ( article 6, al. 2 ) ;
- poursuivre les auteurs de l'infraction non seulement lorsqu'ils ont commis le crime de disparition forcée sur le territoire de l'Etat partie, mais également lorsque l'infraction alléguée relève d'une autre juridiction ( article 9 ) (régime dit de compétence quasi universelle ) ;
Au-delà de ces obligations, la présente Convention pose le principe d'une coopération renforcée entre les Etats parties. Cette coopération repose sur une entraide judiciaire la plus large possible ( article 14 ). Elle vise à porter assistance aux victimes de disparition forcée ainsi qu'à rechercher, localiser et libérer des personnes disparues ( article 15 ).
B. PRÉVENIR LA PRATIQUE DES DISPARITIONS FORCÉES
La Convention prévoit un certain nombre de mesures préventives destinées à empêcher les disparitions forcées, dont les plus importantes sont :
- l'interdiction des lieux de détention secrets ( article 17 ), ce qui signifie que les Etats parties doivent garder toutes les personnes privées de liberté dans des lieux de détention « officiellement reconnus et contrôlés », tenir des registres actualisés et disposer de dossiers détaillés sur tous les détenus et les autoriser à communiquer avec leur famille et un avocat. La convention prévoit également un droit de recours devant un tribunal pour toute personne privée de liberté ;
- l'institution d'un droit d'accès aux informations relatives aux personnes privées de liberté en faveur de leurs proches ou de leurs avocats ainsi que des mesures de protection de ces derniers contre toute forme d'intimidation ou de sanction en raison de la recherche de ces informations ( article 18 ). Cet accès aux informations est encadré dans les conditions prévues par l' article 20 de la Convention.
C. ÉTABLIR DE NOUVEAUX DROITS POUR LES VICTIMES ET LEURS PROCHES
La Convention contre les disparitions forcées établit toute une série de nouveaux droits pour les victimes et leurs proches.
En tout premier lieu, la convention retient une définition large de la notion de victime , incluant « toute personne physique ayant subi un préjudice direct du fait d'une disparition forcée », en d'autres termes, les proches ( article 24, alinéa 1 er ).
Ensuite, elle énonce un droit des victimes à connaître la vérité sur les circonstances de la disparition forcée et le sort de la personne disparue, reconnaissant ainsi la légitimité du « droit de savoir » ( article 24, alinéa 2 ). Dans cette perspective, la Convention impose aux Etats parties de prendre toutes les mesures appropriées pour la recherche, la localisation et la libération des personnes disparues.
La convention proclame également un droit des victimes à réparation du préjudice moral et physique subi ( article 24, alinéas 4 et 5 ) susceptible de prendre la forme d'une indemnisation ou d'une réhabilitation.
La Convention impose aux Etats parties de garantir le droit de former des associations ayant pour objet de contribuer à l'établissement des circonstances des disparitions forcées et du sort des personnes disparues ainsi qu'à l'assistance aux victimes de disparition forcée ( article 24, alinéa 7 ).
La Convention oblige également les Etats parties à reconnaître un régime de prescription plus favorable aux victimes ( article 8 ). Le délai de prescription de l'action pénale doit être de longue durée, proportionnée à l'extrême gravité du crime de disparition forcée. S'agissant d'une infraction continue, son délai de prescription commence à courir dès que cesse ce crime, ce qui est une avancée importante.
Enfin, la Convention comprend des dispositions spécifiques concernant les cas de soustraction d'enfants soumis à une disparition forcée et celui de la falsification, la dissimulation ou la destruction de documents attestant de la véritable identité des enfants disparus ( article 25 ). Elle impose aux Etats parties de prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer pénalement l'adoption et le placement d'enfants nés en captivité ou dont les parents sont victimes d'une disparition forcée. Elle prévoit, en particulier, la possibilité d'annulation d'une adoption d'enfant trouvant son origine dans une disparition forcée ( article 25, alinéa 4 ). Dans tous les cas, « l'intérêt supérieur de l'enfant » doit être pris en compte. Le principe d'assistance mutuelle entre les Etats parties est affirmé afin de faciliter la recherche et l'identification des enfants concernés ainsi que la détermination du lieu où ils se trouvent ( article 25, alinéa 3 ).
D. L'INSTITUTION D'UN MÉCANISME DE SUIVI : LE COMITÉ DES DISPARITIONS FORCÉES
Afin de veiller à la mise en oeuvre de ses dispositions, la présente Convention institue un « Comité des disparitions forcées », composé de dix experts indépendants, siégeant à titre personnel et agissant en toute impartialité ( article 26 ). Ces experts sont élus et leur mandat est de quatre ans, renouvelable une fois.
De façon classique, le Comité des disparitions forcées veille à l'application des dispositions du traité . Il examine les rapports présentés par les Etats parties sur les mesures prises pour donner effet à leurs obligations au titre de la Convention ( article 29 ). Le cas échéant, il peut émettre des commentaires, observations ou recommandations sur ces rapports. Il peut également examiner des communications individuelles, si l'Etat concerné reconnaît expressément sa compétence, en présentant une déclaration en ce sens ( article 31 ) et, dans les mêmes conditions, des communications interétatiques, par lesquelles un Etat partie prétend qu'un autre Etat partie ne s'acquitte pas de ses obligations ( article 32 ). Chaque année, le Comité soumet aux Etats parties et à l'Assemblée générale des Nations unies, un rapport sur ses activités.
De façon plus originale, la Convention prévoit que le Comité jouera un rôle préventif afin d'empêcher la survenance de disparitions forcées. Dans ce but, il est doté de pouvoirs d'investigation et d'une capacité d'interpellation. Il peut être saisi, en urgence, par les proches d'une personne disparue, d'une demande visant à chercher et retrouver une personne disparue ( article 30 ). S'il admet la recevabilité de la plainte, le Comité demande à l'Etat concerné de lui fournir des renseignements sur la situation de la personne recherchée. Au vu des informations obtenues, il peut lui transmettre une requête demandant de prendre « toutes les mesures, y compris conservatoires, pour localiser et protéger la personne recherchée conformément à la présente Convention ». Le Comité peut effectuer des visites sur place , en cas de grave atteinte à la Convention ( article 33 ) avec l'accord de l'Etat concerné . Enfin, le Comité peut émettre des appels urgents auprès de l'Assemblée générale des Nations unies, s'il reçoit des informations selon lesquelles la disparition forcée est pratiquée de manière généralisée ou systématique sur le territoire d'un Etat partie à la Convention ( article 34 ).
CONCLUSION
Face à la persistance de disparitions forcées dans le monde, la Convention internationale contre les disparitions forcées représente une réelle avancée en matière de défense des droits de l'Homme.
Il importe donc que la France, qui a joué un rôle majeur dans l'élaboration de ce texte, l'adopte dans les meilleurs délais. Une procédure d'adoption simplifiée en séance publique de ce projet de loi pourrait même être envisagée.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du 2 juillet 2008.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Robert del Picchia, président, a interrogé le rapporteur sur la différence entre les disparitions forcées et les disparitions volontaires. En réponse, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a indiqué que la différence ne pouvait être établie que ex post , lorsqu'il était avéré, notamment, que la disparition résultait d'agissements d'agents de l'Etat. Elle a fait observer que c'était précisément dans l'administration de la preuve que résultaient toutes les difficultés pour les victimes de ce crime inhumain.
M. Charles Pasqua a enfin fait remarquer que cette convention ne permettrait pas de résoudre le problème des prises d'otages, ce que Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur, a bien voulu admettre avec lui.
La commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifiée en séance publique.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, ouverte à la signature à Paris le 6 février 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi. 2 ( * )
ANNEXE 1 - ETUDE D'IMPACT
I. Etat du droit existant :
L'objet de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées consiste à prévenir et sanctionner les auteurs de crime de disparitions forcées. Le droit français ne comporte pas de disposition applicable à la disposition forcée en temps de paix telle que celle-ci est définie à l'article 2 de la Convention entendue comme «la détention, l'enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté commis par des agents de l`État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l`autorisation, l`appui ou l`acquiescement de l`État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ».
II. Effets de la Convention sur l'ordonnancement juridique interne :
Compte tenu de l'état actuel de notre droit, d'une part, des modifications que prévoit d'y introduire le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale, d'autre part, la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées devrait impliquer des modifications additionnelles de la législation nationale, allant dans le sens des indications suivantes :
Incrimination : nécessité de créer une incrimination spécifique du crime de disparition forcée tel que celui-ci est défini à l `article 2, permettant de répondre à l'obligation fixée à l'article 4 en temps de paix et pour tenir pénalement responsable la catégorie de personnes et les actes visés au b i) de l'article 6.
Peine : nécessité de fixer un quantum des peines appliquées au crime de disparition forcée, conformément à l'article 7, afin d'alourdir celle que prévoit le code pénal en matière d'enlèvement et de séquestration et de fixer, par exemple, une réclusion criminelle à perpétuité pour les disparitions forcées lorsqu'elles constituent un crime contre l'humanité.
Atténuation de peine : le cas échéant, introduire dans le code pénal une disposition relative aux circonstances atténuantes « notamment en faveur de ceux qui, impliqués dans la commission d`une disparition forcée, auront contribué efficacement à la récupération en vie de la personne disparue ou auront permis d`élucider des cas de disparition forcée ou d`identifier les auteurs d`une disparition forcée » (article 7).
Prescription : fixer, pour les crimes visés par la Convention, un délai de prescription « de longue durée et proportionné à l`extrême gravité de ce crime » conformément à l'article 8. Ce délai pourrait être de trente ans en référence à celui applicable en matière des crimes les plus graves (crime de terrorisme ou trafic de stupéfiants).
Compétence quasi-universelle des juridictions françaises : ajouter la présente convention à la liste de celles visées par l'article 689-1 du Code pénal.
Principe « extrader ou juger » : adapter la disposition pertinente du code pénal (article 113-8-1) au caractère inconditionné de la stipulation de l`article 11 de la convention.
III- Déclaration au titre des articles 31 et 32.
En outre, il convient de relever que la France effectuera, au moment du dépôt de son instrument de ratification, la déclaration suivante :
La France déclare qu'elle reconnaît la compétence du comité des disparitions forcées pour recevoir et examiner les communications
ANNEXE 2 - LISTE DES PAYS SIGNATAIRES ET DES RATIFICATIONS
* 1 Résolution 33/173 de l'Assemblée générale de l'Onu. du 20 décembre 1978.
* 2 Voir le texte annexé au document AN - n° 878 (XIII è législature)