C. UNE NÉCESSAIRE DÉMARCHE DE SUIVI ET D'ACCOMPAGNEMENT DU TEXTE

Votre rapporteur souligne que si le projet de loi, tel qu'amélioré par les amendements présentés, comporte des avancées notables qui rendent le contrat de partenariat indéniablement plus attractif , cet outil ne pourra, à l'avenir, représenter une part significative de la commande publique que s'il fait l'objet d'une politique ambitieuse de suivi et d'accompagnement. Cette démarche doit s'appuyer sur le renforcement des capacités d'expertise des décideurs publics (1), sur une évaluation honnête et sans complaisance du recours à ce mode contractuel (2) ainsi que sur une réflexion portant sur l'intelligibilité et l'accessibilité du droit de la commande publique (3).

1. Renforcer la capacité d'expertise des décideurs publics

Comme il l'a été précédemment indiqué, les nombreuses auditions organisées par votre rapporteur ont mis en évidence la nécessité d'améliorer la formation des décideurs publics aux contrats de partenariat, et plus généralement à toutes les formes de partenariats public-privé (PPP). Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, a également insisté sur ce point lors de son audition par votre commission 26 ( * ) .

En effet, certains acteurs publics paraissent parfois déroutés par la complexification du droit de la commande publique et éprouvent des difficultés à faire un choix entre les différents modes de dévolution qu'il propose.

Aussi votre commission se réjouit-elle que le gouvernement ait décidé en décembre 2007 de mettre en place un programme spécifique de formation à l'attention des agents publics, reposant sur trois orientations :

- un programme de formation des agents des administrations centrales (mis en oeuvre par la MAPPP) ;

- un programme national de formation des agents publics des administrations déconcentrées et des agents des collectivités territoriales et de leurs établissements publics ;

- une formation approfondie dédiée aux « spécialistes PPP » des ministères et des collectivités territoriales (en partenariat avec des organismes universitaires).

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, les formations qui seront dispensées devraient comprendre un contenu pédagogique à géométrie variable afin de s'adresser :

- sur un mode « initiation », à un public non averti, a priori non destiné à pratiquer les contrats de partenariat à court terme mais qui exprime un besoin d'information ;

- sur un mode « opérationnel », à un public non ou faiblement averti , mais pour qui le contrat de partenariat peut présenter une opportunité pratique dans le cadre de ses activités courantes ;

- sur un mode « perfectionnement », à un public averti et spécialisé , et désireux d'approfondir ses connaissances sur des aspects généraux (compatibilité, fiscalité, analyse économique, contrôle de légalité...) ou sectoriels (transports, performance énergétique...).

Votre rapporteur juge indispensable d'insister, au cours de ces formations, sur la méthodologie du rapport d'évaluation préalable. Il s'agit en effet d'une phase déterminante de la procédure du contrat de partenariat, qui, selon certains spécialistes, ne serait pas toujours bien conduite en Grande-Bretagne dans le cadre des PFI. Il appartient à la personne publique d'établir un rapport approfondi qui doit nettement faire apparaître les avantages attendus du recours au contrat de partenariat : coût global du projet (incluant le financement et l'exploitation et prenant en compte les possibilités de recettes annexes), délais de réalisation prévisionnels, qualité architecturale... Les raisons qui tiennent à la déconsolidation de la dette doivent être écartées, tant pour des raisons de principe (sincérité des comptes publics) que financières (les loyers pèsent, en tout état de cause, sur les budgets de fonctionnement).

L'évaluation préalable est une phase délicate qui doit être menée sans a priori ; elle nécessite une réelle expertise en matière juridique, financière, comptable et technique dont ne disposent pas toujours les acteurs de la commande publique. Il est donc fortement recommandé à la personne publique de faire appel à des conseils extérieurs si de telles compétences lui font défaut. Certes, la MAPPP, dont l'avis est obligatoire pour l'Etat et facultatif pour les collectivités territoriales, offre une capacité d'expertise reconnue et appréciée dans la phase préalable d'évaluation. Elle publie d'ailleurs un guide qui fait référence pour tous les acteurs de la commande publique. Elle n'a toutefois pas les moyens d'assurer un suivi complet du projet une fois ce dernier lancé.

A cet égard, M. Stéphane Coudert, directeur général des services de la Communauté urbaine de Lille, s'est félicité du choix qui y a été fait d'avoir recours à une Assistance à Maîtrise d'Ouvrage (AMO) pour le projet du Grand stade, eu égard à la complexité du montage juridique et financier. L'AMO présente, en effet, l'avantage d'offrir à la personne publique un accompagnement tout au long de la procédure, jusqu'à la livraison de l'ouvrage et permet d'assurer un pilotage effectif du projet, qui s'avère particulièrement utile lorsque la personne publique engage un dialogue avec des groupes parfaitement familiers des mécanismes du contrat de partenariat.

Les auditions ont souligné combien ce point est essentiel . Comme son nom l'indique, le contrat de partenariat est une coopération fructueuse, mutuellement profitable , certainement pas un dessaisissement au profit de la personne privée . Cette dernière met son savoir-faire et son expérience au service d'une personne publique qui doit définir le plus clairement possible ses attentes et ses objectifs et exercer un contrôle vigilant sur leur mise en oeuvre. Ça n'est qu'à cette condition que le contrat de partenariat prend toute sa mesure.

Afin de renforcer l'expertise de l'Etat en matière de contrats de partenariat sans grever inutilement les finances publiques, M. Claude d'Harcourt, directeur de l'administration pénitentiaire au ministère de la justice, a suggéré, au cours de son audition, une piste de réflexion que votre rapporteur juge particulièrement intéressante. Il a proposé de lancer un marché à bons de commande 27 ( * ) destiné à retenir un cabinet d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour l'ensemble des contrats de partenariat de l'Etat . Cette solution présenterait l'avantage de mutualiser les expériences et de favoriser les synergies entre ministères. Il semble, en effet, qu'à l'heure actuelle, les ministères conduisent leurs projets de manière relativement isolée, ce qui constitue sans doute un frein à l'essor du contrat de partenariat.

2. Évaluer les atouts du contrat de partenariat

Si le renforcement de l'expertise des acteurs publics constitue une condition sine qua non du développement du contrat de partenariat, il ne saurait constituer une condition suffisante. Encore faut-il que les compétences soient utilement enrichies par une base de données identifiant clairement les réussites mais aussi les échecs du contrat de partenariat propres à faciliter l'évaluation sans complaisance de l'intérêt du recours au contrat de partenariat .

Cette démarche ne constitue en rien une remise en cause de l'outil mais vise, au contraire, à en garantir le plein succès .

En effet, il ressort des auditions menées par votre rapporteur que, utilisé à bon escient, le contrat de partenariat peut permettre, d'une part, de réduire les délais de réalisation des ouvrages et équipements publics, d'autre part, d' abaisser le coût global du projet.

* Réduction des délais

Il apparaît établi que les contrats de partenariat peuvent permettre de réduire les délais de construction . Rappelons, à cet égard, que c'est précisément cet atout qui a été mis en avant par le Président de la République dans sa lettre au Premier ministre le 1 er octobre dernier : « Le contrat de partenariat offre très souvent la possibilité d'accélérer l'investissement : or chaque année de gagnée dans la réalisation des grands projets d'utilité publique est un gain pour notre pays ».

Cet avantage résulte de trois facteurs.

Le premier est qu'après un travail préparatoire approfondi, la personne publique retient un interlocuteur unique parfaitement au fait de ses besoins et assumant toute la coordination du projet dans un souci d'optimisation.

Le second tient à ce que, dans le cadre du contrat de partenariat, les modalités de la rémunération due au titre de la réalisation de l'ouvrage peuvent être liées pour partie au respect des délais de livraison. Cette puissante incitation pour l'opérateur privé est sans nul doute le facteur explicatif des résultats mis en évidence en particulier dans un rapport de la Chambre des communes britannique en 2003 28 ( * ) , qui montre que les PFI se traduisent en moyenne par un plus grand respect des délais conventionnellement fixés : le pourcentage de non-respect des échéanciers fixés dans le contrat serait respectivement de 70 % en marché public et 24 % en PFI. Dans ce même rapport qui analysait 37 projets de PFI, il était indiqué que 28 ouvrages avaient été livrés à temps ou avant la date limite ; que sur les neuf restant, six n'avaient connu qu'un retard inférieur à deux mois et que pour les trois autres de lourdes pénalités avaient été infligées à l'opérateur privé.

Enfin, le fait de confier à une entreprise unique la réalisation d'une mission globale facilite la coordination entre les différents corps de métiers du bâtiment et évite ainsi les retards imputables à la multiplication des intervenants sur un chantier.

*Réduction des coûts

S'il semble acquis que les contrats de partenariat permettent généralement d'accélérer les réalisations d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels, les avis semblent plus nuancés s'agissant du bilan financier de l'opération. Certes, il apparaît de manière relativement sûre que les contrats de partenariat, par leur caractère global, permettent de maîtriser les coûts fixés dans le contrat et évitent ainsi les mauvaises surprises. Ainsi, d'après le rapport cité plus haut, le pourcentage de projets de construction dont les coûts ont été supérieurs aux prix fixés par le contrat est de 73 % en marché public et de 22 % en PFI.

Toutefois, si le coût est maîtrisé, il n'en demeure pas moins qu'il est difficile d'affirmer à l'heure actuelle, faute de recul suffisant, que les contrats de partenariat permettent de réduire les coûts de construction et d'exploitation de manière certaine et inconditionnelle .

Le contrat de partenariat est en effet porteur à la fois de facteurs d'alourdissement de la dépense publique et de facteurs d'allègement :

Parmi les facteurs de renchérissement, citons :

- les frais financiers :

Comme le rappelle justement le guide élaboré par la MAPPP sur les contrats de partenariat, « une structure privée assurant le financement du contrat de partenariat obtient par nature des conditions de financement moins favorables que la puissance publique », et ce, même si la cession de créance, en transférant le risque sur la personne publique, améliore les garanties du projet, réduit les taux d'intérêt pour l'emprunteur et, par voie de conséquence, les versements de la personne publique.

- le coût de la situation « oligopolistique » :

Si votre rapporteur se réjouit des dispositions du projet de loi tendant à favoriser la mise en concurrence des entreprises (en particulier l'obligation de versement d'une prime aux candidats évincés qui ont fourni un investissement significatif pour participer au dialogue compétitif), il n'a pu que constater un certain déficit de concurrence pour les contrats de partenariat les plus importants. Seules trois ou quatre entreprises françaises peuvent effectivement répondre à certains projets de grande ampleur.

Il apparaît donc nécessaire d'examiner, avant le lancement d'un contrat de partenariat, la situation du marché et de ne pas hésiter à faire appel à la concurrence européenne, voire extra-européenne.

- le coût du montage juridique et financier :

Si une Assistance à Maitrise d'Ouvrage s'avère souvent, on l'a dit, très précieuse pour mener à bien un contrat de partenariat, il reste que cette solution présente un coût non négligeable pour la personne publique.

En revanche, le contrat de partenariat comporte également certains facteurs d'allègement des dépenses publiques, parmi lesquels :

- les possibilités de recettes annexes :

Comme indiqué précédemment, la possibilité pour le partenaire privé de percevoir des recettes accessoires est un des principaux atouts de la formule du contrat de partenariat. Elle amène le cocontractant privé à rechercher des solutions innovantes pour optimiser l'exploitation de l'espace alloué, exploitation dont tire profit la personne publique en baissant à due concurrence la rémunération qu'elle verse au titulaire du contrat de partenariat ;

- la prise en compte, dans le coût global, des coûts d'exploitation du bien réalisé :

Comme exposé plus haut, le contrat de partenariat, en permettant de confier au même partenaire privé la construction de l'ouvrage et son exploitation pendant une durée très longue, l'incite fortement à choisir des matériaux de construction d'une durée de vie élevée et des solutions énergétiques pérennes. Il s'agit là d'une différence fondamentale avec les marchés publics qui doit être prise en considération dans l'évaluation de l'intérêt financier du recours au contrat de partenariat.

- la réduction des coûts de gestion interne :

Il importe également de prendre en compte, dans le bilan financier, la réduction, voire la quasi-disparition des coûts de gestion interne de la collectivité. Le fait de n'avoir qu'un seul contrat à gérer et de transférer la maîtrise d'ouvrage est une source de simplification pour la personne publique et lui permet de se consacrer à d'autres activités d'intérêt général . Certes, ce « surcroît de disponibilité » n'est pas chiffrable, puisqu'il améliore le service rendu à la collectivité et ne relève pas du secteur marchand, mais d'aucuns considèrent qu'il participe de l'effort de rendre le meilleur service au meilleur coût.

- les économies d'échelles et effets d'apprentissage de la personne privée. En contrat de partenariat, la personne publique bénéficie des économies d'échelle ainsi que des effets d'apprentissage de l'opérateur privé liés à la durée du contrat.

Compte tenu de ces éléments financiers nuancés, il apparaît que le contrat de partenariat doit faire l'objet d'un usage circonstancié . Il semble, en particulier, constituer une solution plus adaptée aux opérations techniquement et financièrement complexes qu'aux « petits » projets.

Aussi votre commission invite-t-elle les décideurs publics à bien examiner l'impact financier prévisionnel du projet dans le cadre d'une évaluation préalable rigoureuse et sans complaisance . Il est édifiant de constater, à cet égard, que le dernier rapport de la Cour des comptes a montré du doigt deux partenariats public-privé passés sous la forme de LOA et d'AOT-LOA non soumis à évaluation préalable :

- le pôle renseignement du ministère de l'intérieur, situé à Levallois depuis 2005, qui, d'après la Cour, coûtera à l'Etat 121 millions de trop en raison d'une surévaluation de la valeur de l'immeuble et du versement d'un loyer supérieur à l'estimation des domaines ;

- le centre des archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères, situé à La Courneuve, dont la réalisation devrait se traduire par un surcoût de 41 % à la charge du contribuable selon les calculs de la Cour.

3. Vers un code de la commande publique ?

Enfin, votre rapporteur souligne que le contrat de partenariat et plus généralement les partenariats public-privé ne trouveront pleinement leur place dans la commande publique que s'il est engagé, dans les années à venir, un vaste chantier de simplification et de rationalisation au plus grand profit des acteurs publics et privés de la commande publique.

Si votre commission vous propose certaines harmonisations entre le code des marchés publics et les contrats de partenariat, il observe que ces derniers étant regardés par le droit communautaire comme des marchés publics, il serait souhaitable d'engager dès à présent une réflexion visant à une meilleure intelligibilité des textes .

Un premier effort doit porter sur une clarification du partage entre les dispositions législatives et réglementaires du contrat de partenariat et des marchés publics : à titre d'exemple, comment comprendre que la procédure du dialogue compétitif du contrat de partenariat soit définie par un texte de valeur -législative alors que celle du code des marchés publics résulte d'un décret ? Cette situation implique qu'on ne puisse simultanément, par le même véhicule juridique, modifier les deux procédures, par exemple si la directive communautaire 2004/18 applicable aux marchés publics venait à évoluer.

Une seconde démarche devrait aboutir à une harmonisation, voire une fusion des procédures applicables au contrat de partenariat et au marché public. Plutôt que de procéder par « sédimentation » des textes et des modes d'intervention des pouvoirs publics, il pourrait être envisagé de présenter, dans un même code, le contrat de partenariat comme un assouplissement du marché public (transfert de la maîtrise d'ouvrage, autorisation du paiement différé, définition d'objectifs de performances....).

Cette solution aurait l'avantage de mettre en évidence les éléments procéduraux communs : comment justifier que ces deux outils puissent être tous deux passés selon des procédures d'appel d'offres ou de dialogue compétitif définies par des dispositions quasi-identiques mais figurant dans des textes différents ? Cette situation est, à l'évidence, source de complexité pour les professionnels de la commande publique.

Cette démarche aurait notamment le mérite de conduire à examiner la question de l'extension aux marchés publics de certains principes applicables aux contrats de partenariat. Ainsi votre rapporteur s'interroge-t-il sur l'opportunité d'appliquer aux marchés publics d'une certaine importance le principe de l'évaluation préalable et note avec satisfaction que le gouvernement ne paraît pas insensible à cette idée 29 ( * ) .

Ce même souci de lisibilité et de cohérence devrait conduire également à réunir dans un même cadre juridique, les différents partenariats public-privé (AOT-LOA, BEA, BEH, contrats de partenariat).

Il suffirait, pour parachever ce bel ordonnancement et répondre aux objectifs constitutionnels d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, d'y inclure les délégations de service public et de créer ainsi un véritable code de la commande publique.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission vous propose d'adopter le projet de loi relatif aux contrats de partenariat ainsi modifié .

* 26 Audition commune aux commissions des lois, des affaires économiques et des finances.

* 27 Les marchés à bons de commande sont des marchés exécutés au fur et à mesure de l'émission de bons de commande, dont le nombre n'est pas précisément fixé dans le cahier des charges. Par exemple, un marché pourrait prévoir entre dix et quarante prestations d'AMO par an, ce qui créerait une sorte de « droit de tirage » pour les ministères.

* 28 « PFI : Construction Performance » report by the comptroller and Auditor general orderer by the House of Commons (5 février 2003).

* 29 A l'occasion d'un colloque sur l'optimisation de la commande publique organisé le 20 février 2008, M. Eric Besson, secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la prospective et de l'évaluation des politique publiques, a évoqué la mission que lui a confiée François Fillon qui vise à identifier les points de blocages et les pistes d'évolution en matière de commande publique afin d'offrir aux acheteurs publics un ensemble de dispositifs pour en faciliter la pratique. Il a évoqué une éventuelle extension de l'évaluation préalable, prévue dans le contrat de partenariat, aux délégations de service public et aux marchés publics complexes, afin que la personne publique soit capable de choisir en amont le type de contrat le mieux adapté à ses besoins.

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