PREMIÈRE PARTIE : UN HÉRITAGE ADMINISTRATIF À RATIONALISER ET À MODERNISER
I. LE RECENSEMENT PARTIEL DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE L'IMMIGRATION ET DE L'INTEGRATION
La mission « Immigration, asile et intégration » ne recense pas l'ensemble des crédits de l'Etat dévolus à l'immigration et à l'intégration. Aucune évaluation budgétaire exhaustive n'est à ce jour disponible. Déjà, dans son rapport public de novembre 2004 relatif à l'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration, la Cour des comptes n'avait pas été en mesure de procéder à un tel chiffrage. Ceci conduit votre rapporteur spécial à envisager la création d'un document de politique transversale « Immigration », dont ce serait précisément l'objet.
A. COMMENT TRADUIRE SUR UN PLAN BUDGÉTAIRE LE DÉCRET D'ATTRIBUTION DU 31 MAI 2007 ?
1. Les compétences du ministre de l'immigration
La mission « Immigration, asile et intégration », créée dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2008, constitue la traduction budgétaire du nouveau ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Selon les termes du décret n° 2007-999 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre, celui-ci est chargé :
« - en liaison avec le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, de la lutte contre l'immigration illégale et la fraude documentaire intéressant des ressortissants étrangers ;
- en liaison avec le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, de la lutte contre le travail illégal des étrangers ;
- conjointement avec le ministre des affaires étrangères et européennes, de la politique d'attribution des visas. »
Il est compétent en matière d'exercice du droit d'asile et de protection subsidiaire et de prise en charge sociale des personnes intéressées. Il est responsable de l'accueil en France des ressortissants étrangers qui souhaitent s'y établir et est chargé de l'ensemble des questions concernant l'intégration des populations immigrées en France.
Pour l'exercice de ses attributions, le ministre a autorité, conjointement avec le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, sur la direction des libertés publiques et des affaires juridiques et, en tant que de besoin, sur la direction générale de la police nationale, conjointement avec le ministre des affaires étrangères et européennes, sur la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France et conjointement avec le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, sur la direction de la population et des migrations.
Ainsi, si le ministre dispose d'attributions étendues, la définition de compétences partagées sur plusieurs aspects de la politique de l'immigration, et l'existence de cas d'autorité conjointe sur un certain nombre de services, pouvaient conduire à s'interroger sur le périmètre budgétaire du nouveau ministère, et sur son unité.
Le premier exercice lié à la mission « Immigration, asile et intégration » aboutit à un document budgétaire de qualité et à un résultat cohérent en termes de présentation des crédits , même si l'étendue de ceux-ci reste encore limitée. En gestion, le défi consistera à agréger des administrations aux cultures de travail éparses et aux traditions parfois antagonistes . C'est tout l'enjeu d'une politique de l'immigration efficiente, mise en oeuvre de manière ordonnée par les services de l'Etat.
2. Un budget de l'immigration encore partiel
Les crédits présentés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2008, d'un montant de 618,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 609,6 millions d'euros en crédits de paiement, constituent ainsi la première étape de l'intégration des dépenses des administrations publiques concourrant à la politique de l'immigration et de l'intégration du gouvernement. Deux programmes figurent au sein de la mission :
- le programme 303 « immigration et asile » pour 422,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 414,5 millions d'euros en crédits de paiement . Il regroupe les crédits relatifs aux centres de rétention administrative, aux reconduites à la frontière, au fonctionnement de l'administration centrale des visas, à l'accueil et à l'hébergement des demandeurs d'asile et au traitement de leur demande par l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la commission de recours des réfugiés (CRR). Il inclut également les fonctions « support » de la future administration centrale du nouveau ministère ;
- le programme 104 « intégration et accès à la nationalité française » pour 195,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement . Il finance l'accueil des étrangers par la voie du contrat d'accueil et d'intégration mis en oeuvre par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM), ou l'intégration par le biais d'associations financées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ACSé). Il inclut également les dépenses de l'administration centrale de la naturalisation ainsi que les dépenses de personnel relatives à la direction de la population et des migrations.
Le responsable des deux programmes est M. Patrick Stefanini, aujourd'hui conseiller spécial de M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, qui devrait devenir, au 1 er janvier 2008, le secrétaire général du nouveau ministère.
La construction de la mission « Immigration, asile et intégration » s'est faite par le transfert de crédits en provenance de trois missions budgétaires, « Solidarité et intégration 3 ( * ) », « Sécurité » et « Action extérieure de l'Etat », relevant de plusieurs ministères pour un montant total, en autorisations d'engagement, de 613,3 millions d'euros et, en crédits de paiements, de 604,6 millions d'euros, 5 millions d'euros supplémentaires correspondant aux moyens de la nouvelle administration centrale.
Les crédits transférés concernent principalement quatre ministères : celui du travail pour 430 millions d'euros, le ministère de l'intérieur pour 77 millions d'euros, le ministère des affaires étrangères pour 64 millions d'euros, le ministère de la défense pour 2,5 millions d'euros. En outre, le ministère de l'économie et le ministère du budget participent à hauteur de 4 millions d'euros aux moyens de fonctionnement de l'administration centrale et du cabinet.
Le poids respectif des programmes 303 « immigration et asile » et 104 « intégration et accès à la nationalité » et de leurs programmes
(en millions d'euros)
Source : projet annuel de performances pour 2008
50 % des crédits de la mission concernent l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile. Ceci témoigne d'une part du caractère encore partiel du budget du ministère de l'immigration mais aussi, d'autre part, de la tension sur la dépense d'asile , liée à des délais de traitement encore trop longs des demandes, en phase administrative, mais aujourd'hui essentiellement en phase juridictionnelle.
Compte tenu des modalités de négociation des contours de la nouvelle mission budgétaire, et de son caractère encore récent, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ont donc un triple objet : asile, reconduite des personnes en situation irrégulière et soutien à des actions de « lutte contre la discrimination » , au détriment de ce qui apparaît au coeur d'une réelle politique de l'immigration, selon le Président de la République : l'attractivité de notre territoire pour les travailleurs étrangers qualifiés ainsi que les procédures d'entrée et de maintien sur le territoire (chaîne des visas, de la carte de séjour et de l'autorisation de travail).
Par ailleurs , il convient de remarquer que les crédits de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) , qui joue un rôle important dans la lutte contre les discriminations, figurant dans la loi de finances pour 2007 au sein du programme 104, ont été retirés de la mission, et intégrés au sein du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement », programme rattaché au Premier ministre regroupant notamment certaines autorités administratives indépendantes.
De même, l'aide médicale d'Etat , qui permet aux personnes en situation irrégulière de bénéficier d'une couverture médicale, ne figure pas au sein de la présente mission, mais au sein du programme 183 « protection maladie » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
L a mission comprend les crédits nécessaires à l'application du projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile adopté définitivement le 23 octobre 2007 par le Parlement, à savoir :
- 7 millions d'euros au titre du bilan de compétences désormais prévu dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration ;
- 2,8 millions d'euros au titre des formalités liées à la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration à l'étranger pour les candidats au regroupement familial ;
- 600.000 euros au titre des cours de français délivrés aux personnes bénéficiant du regroupement familial et aux conjoints de Français ;
- 150.000 euros 4 ( * ) pour la mise en oeuvre de la faculté ouverte aux candidats au regroupement familial de faire valoir leur filiation par le biais d'un test génétique, en absence de document d'état-civil.
* 3 Dénommée à compter du projet de loi de finances pour 2008 « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
* 4 Sur la base de 1.500 demandes pour un coût unitaire de 100 euros. Le coût serait partagé entre la mission « Immigration, asile et intégration » et la mission « Justice » au titre des frais de justice.