Rapport n° 449 (2006-2007) de M. Adrien GOUTEYRON , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 septembre 2007
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INTRODUCTION
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I. LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
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II. HISTORIQUE DES NÉGOCIATIONS
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III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
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I. LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
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EXAMEN EN COMMISSION
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ANNEXE : TABLEAU RÉCAPITULATIF DES
DISPOSITIONS DE LA CONVENTION
N° 449
SÉNAT
DEUXIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 septembre 2007 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l' évasion et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu ,
Par M. Adrien GOUTEYRON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Claude Belot, Marc Massion, Denis Badré, Thierry Foucaud, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Jean-Pierre Masseret, Joël Bourdin, vice-présidents ; M. Philippe Adnot, Mme Fabienne Keller, MM. Michel Moreigne, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Mme Marie-France Beaufils, M. Roger Besse, Mme Nicole Bricq, MM. Auguste Cazalet, Michel Charasse, Yvon Collin, Philippe Dallier, Serge Dassault, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, André Ferrand, Jean-Claude Frécon, Yves Fréville, Christian Gaudin, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Charles Guené, Claude Haut, Jean-Jacques Jégou, Alain Lambert, Gérard Longuet, Roland du Luart, François Marc, Michel Mercier, Gérard Miquel, Henri de Raincourt, Michel Sergent, Henri Torre, Bernard Vera.
Voir le numéro :
Sénat : 435 (2006-2007)
INTRODUCTION
La France et le Japon ont signé le 25 février 2005 un accord de sécurité sociale qui permet de continuer à faire bénéficier les personnels détachés à l'étranger du régime de sécurité sociale de leur pays d'origine.
Ce système est attractif pour les entreprises japonaises installées en France car leurs personnels détachés seront soumis aux cotisations sociales japonaises dont le montant est nettement inférieur aux cotisations françaises. Les salariés français, quant à eux, préservent l'intégralité de leurs droits en matière de retraite.
Toutefois, alors qu'en vertu de l'article 83-1°-0 bis du code général des impôts, les personnels détachés en France sont soumis à l'impôt sur le seul montant net de leur rémunération, le droit fiscal japonais ne permet pas la déduction des cotisations versées à un régime étranger de sécurité sociale. Afin de supprimer cette asymétrie, l'introduction d'une clause de déduction des cotisations sociales par un avenant à la convention fiscale franco-japonaise du 3 mars 1995 est nécessaire.
A cette occasion, les administrations fiscales française et japonaise ont convenu également d'étendre les discussions à l'ensemble du texte conventionnel afin de l'actualiser conformément au modèle de convention fiscale OCDE.
L'objectif poursuivi par cet avenant est d'introduire dans la convention fiscale franco-japonaise une clause de déduction des cotisations versées à un régime étranger et, partant, de moderniser ladite convention en y intégrant les évolutions du modèle OCDE afin de l'adapter aux nouveaux échanges économiques entre les deux Etats.
I. LE CONTEXTE POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
A. UNE SOCIÉTÉ EN MUTATION
Le modèle de société japonais connaît de profondes transformations , initiées par une partie de la jeune génération qui s'éloigne du modèle traditionnel.
La perception d'une culture commune, la « nipponité » 1 ( * ) , n'est plus unanimement partagée. Ainsi, le sentiment d'appartenance du salarié à l'entreprise perd de sa force et le fameux « triangle d'airain » (coopération entre hauts fonctionnaires, hommes politiques et grands patrons qui a contribué à la réussite économique du Japon d'après-guerre) subit des suspicions de corruption.
La population a commencé à diminuer en 2005 . Au rythme actuel, la population japonaise pourrait passer de 127 millions de personnes en 2005 à 100 millions en 2050, date à laquelle les plus de 65 ans représenteraient le tiers des habitants.
B. LA SITUATION ÉCONOMIQUE : DES INDICATEURS FAVORABLES
Le Japon connaît un rythme de croissance annuelle supérieur à 2 % ( 2,8 % en 2005 et 2,2 % en 2006) grâce à une série de réformes économiques que M. Shinzo Abe, Premier ministre depuis septembre 2006 2 ( * ) , s'est engagé à poursuivre.
Son PIB s'élève à 4.324 milliards de dollars et le place au second rang mondial. Son PIB par habitant est de 34.010 dollars.
Le maintien de cette croissance est attribué à la bonne tenue de la demande interne, tant au niveau de la consommation des ménages que de l'investissement, au dynamisme des exportations, grâce à la vigueur de la demande chinoise et à la faiblesse du yen, et à l'assainissement des entreprises japonaises, qui ont réduit leur dette et réalisé des gains de productivité.
Le taux de chômage est aujourd'hui en repli à 4 %. Des réformes en profondeur ont eu lieu : une plus grande flexibilité de l'emploi et le développement du travail temporaire se sont imposés.
L'assainissement de la dette publique a entraîné une diminution de cette dernière à 148 % du PIB fin 2006, contre 175 % en 2005, grâce à la diminution des dépenses budgétaires (- 3 % en 2006) et à l'augmentation des recettes. Le déficit budgétaire pourrait être réduit à 4,8 % du PIB fin 2007 . Au total, les autorités espèrent réduire les dépenses de 11 à 14 trillions de yens (82 à 150 milliards d'euros) sur la période 2006-2011.
Une hausse de la fiscalité reste cependant nécessaire pour réduire substantiellement la dette publique.
Par ailleurs, un rapport d'information de votre commission des finances s'était intéressé à la place du Japon et de la Corée dans l'économie mondiale 3 ( * ) .
C. LES RELATIONS FRANCO-JAPONAISES
1. Un dialogue politique renforcé
La perspective de la commémoration du 150 ème anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises, le 9 octobre 2008, ouvre la voie à un renforcement des relations politiques bilatérales : manifestations commémoratives, projet de visite du Président de la République au Japon et sommet du G8 de 2008 sous présidence japonaise.
La « Déclaration pour un nouveau partenariat franco-japonais » , adoptée lors de la visite du Président Jacques Chirac à Tokyo, en mars 2005, a permis la tenue, l'année suivante, de la première session du « dialogue stratégique de haut niveau », au cours de laquelle ont été évoqués le dossier iranien, l'avenir des pourparlers sur la Corée du Nord, et l'émergence politico-militaire de la Chine.
La visite en France du Premier ministre M. Shinzo Abe, en janvier 2007, a permis de souligner l'importance du partenariat stratégique bilatéral et d'une étroite concertation sur les dossiers de non-prolifération (soutien de la France au Japon suite à l'essai nucléaire nord-coréen et appel au retour de l'Iran à la table de négociation). La France a, en outre, réaffirmé son soutien à la candidature japonaise à un siège permanent au Conseil de sécurité de l'ONU.
2. Les relations commerciales bilatérales
Le Japon a représenté, en 2006, 1,98 % du commerce extérieur de la France, soit un volume de marché d'exportation comparable à la Pologne ou à la Turquie. Du côté des importations, la France achète autant au Japon qu'à la Russie ou à la Suisse.
En 2006, la part du marché japonais détenue par la France atteint 1,6 % et la part du marché français détenue par le Japon de 2,4 % (le Japon demeure son 9 ème fournisseur). La France a reculé du 16 ème au 17 ème rang des principaux clients du Japon, et du 15 ème au 16 ème rang de ses fournisseurs.
Les échanges en 2006 ont été marqués par une progression de 5,2 % des exportations françaises vers le Japon, (contre une progression de seulement 1,2 % en 2005). Le Japon a ainsi reculé de la 4 ème à la 6 ème place de nos principaux déficits bilatéraux (après la Chine, l'Allemagne, la Belgique, la Norvège et la Russie). En raison de la concurrence de la Chine, le Japon n'est plus que le deuxième partenaire commercial de la France en Asie.
La structure des exportations françaises vers le Japon fait apparaître une prédominance des biens de consommation (34 %). Les biens intermédiaires comptent pour 21 % du total, les biens d'équipement pour 18 % et les produits agroalimentaires, pour 17 %.
Mais la bonne performance des exportations françaises est principalement due à la livraison à une compagnie aérienne basée au Japon de deux Airbus . Ces performances devraient se renouveler en 2007 puisque la livraison de 7 Airbus A320 est programmée.
Les importations françaises en provenance du Japon, en revanche, ont diminué (- 1,5 %), surtout dans les biens intermédiaires et les équipements mécaniques et en dépit de la bonne tenue des achats d'automobiles (+ 5,2 %). La structure des importations françaises présente une nette supériorité des biens d'équipement (42 %).
Ces évolutions reflètent un affaiblissement de la relation bilatérale franco-japonaise : la faiblesse des ventes japonaises en France contraste, en effet, avec le dynamisme des exportations totales du Japon (+ 15 %). Ce recul des importations en provenance du Japon doit toutefois être relativisé : il reflète pour partie une substitution au profit de produits fabriqués en Chine, pays dont la majorité des exportations est réalisée par des sociétés étrangères, notamment japonaises.
3. Investissements directs étrangers et présence française
La présence économique française au Japon date de la fin du 19 ème siècle. Elle demeure globalement stable depuis 2002, avec 420 implantations identifiées 4 ( * ) en 2005, concentrée à 76 % à Tokyo.
Selon les données publiées en juillet 2006 par la Banque du Japon, les investissements français au Japon représentaient, en 2005, 11 % du stock total d'investissements directs étrangers (IDE), pour un total de 9 milliards d'euros, en baisse de 3 % par rapport à 2004. La France maintient néanmoins sa 3 ème place derrière les Etats-Unis (43 %) et les Pays-Bas (11,5 %). Néanmoins, en pratique, la France reste probablement le second investisseur au Japon, de nombreux investissements européens transitant par les Pays-Bas uniquement pour des raisons fiscales.
Le gouvernement japonais poursuit les mesures d'incitation à l'investissement, avec l'objectif de doubler le stock d'IDE en cinq ans.
Selon la Banque de France, les investissements français au Japon se répartissent en quatre secteurs : l'industrie manufacturière (principalement industrie chimique et mécanique, agroalimentaire et automobile) 5 ( * ) , l'intermédiation financière, le secteur de l'immobilier et des services aux entreprises, et enfin le secteur du commerce (pour l'essentiel des marques de luxe et de cosmétiques).
Le Japon représente 1 % du stock total français d'IDE et le stock d'IDE japonais en France se porte à 8,8 milliards d'euros, au 10 ème rang des investisseurs étrangers.
4. La communauté française au Japon
La communauté française au Japon comptait 6.045 individus en 2006, dont le quart est constitué de binationaux.
Plus de 90 % de la communauté résident dans la région du Kanto (métropole de Tokyo et préfectures limitrophes).
La communauté française est la seconde des communautés européennes représentées au Japon, après la communauté britannique.
II. HISTORIQUE DES NÉGOCIATIONS
Le contexte particulier de la négociation, préalable à la ratification d'un accord de sécurité sociale, a conduit à la tenue de négociations de janvier à juin 2006.
A l'issue du quatrième tour, un projet d'avenant a été paraphé le 26 juin 2006 à Paris. Après examen de la concordance des textes français et japonais, le projet définitif d'avenant a été signé le 11 janvier 2007.
Au Japon, l'avenant a été adopté par le Sénat le 11 avril 2007 et par la Chambre des députés le 7 juin 2007.
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la Convention entre la France et le Japon tendant à éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu a été déposé au Sénat le 29 août 2007 .
III. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LES REVENUS PASSIFS
La France obtient des avantages conséquents en matière de revenus passifs, c'est-à-dire les bénéfices issus des dividendes, des intérêts et des redevances :
- dividendes : non seulement le taux de retenue à la source de droit commun est abaissé de 15 % à 10 %, mais les champs d'application du taux réduit de 5 % et de l'exonération sont étendus, et selon des modalités qui estompent les différences de traitement des deux Etats opérées - au détriment de la France - par l'actuelle convention. Le dispositif est même plus favorable que celui que viennent d'obtenir les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Compte tenu du déséquilibre des flux constaté en faveur de la France sur ce type de revenus, ces évolutions sont très favorables ;
- intérêts : le champ des exonérations de retenue à la source est étendu. Compte tenu des exonérations existant déjà en droit interne français sur ce type de revenus, cette évolution est relativement neutre pour le budget de l'Etat ;
- redevances : la France obtient la taxation exclusive à la résidence, au lieu d'une imposition partagée avec une retenue à la source de 10 %. Cette évolution se fait au bénéfice de la France, compte tenu du poids des redevances en provenance du Japon encaissées par les entreprises françaises.
B. LE TRAITEMENT DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES
La convention actuelle confirme les règles applicables en matière de résidence fiscal des sociétés de personnes françaises .
Le projet de convention contient dorénavant des dispositions, inspirées du rapport OCDE sur les « partnerships », relatives aux sociétés de personnes transparentes. Ces clauses permettent de reconnaître la transparence des « partnerships » japonais.
Le traitement des sociétés transparentes étrangères est proche de celui déjà accordé par la France dans le cadre de la convention avec les Etats-Unis. Il est, toutefois, volontairement ciblé sur les seuls flux bilatéraux, à l'exclusion des revenus trouvant leur source dans des Etats tiers.
Il est conçu pour éviter les cas de double imposition comme ceux de double exonération. Ainsi :
- les revenus de source japonaise des sociétés de personnes françaises, dont la résidence est confirmée, continueront de bénéficier des avantages conventionnels ;
- pour les revenus de source française provenant d'une société japonaise transparente, les avantages conventionnels seront accordés aux membres de celle-ci, résidents japonais ou français, comme s'ils les avaient directement perçus.
C. LE TRAITEMENT D'ENTITÉS SPÉCIFIQUEMENT JAPONAISES
1. Les « pay-through entities »
Les « pay-through entities » sont des sociétés qui déduisent les dividendes versés à leurs membres du montant de leur revenu imposable au Japon. Ces entités étant ainsi redevables d'un impôt sur les sociétés réduit, l'intégralité des avantages conventionnels ne leur est pas accordée.
Ainsi, une nouvelle disposition est introduite : elle prive ces entités d'une partie des avantages conventionnels, pour ne leur accorder que le taux conventionnel « de droit commun » de retenue à la source (10 %).
2. Les « Tokumei Kumiai »
Les « Tokumei Kumiai » sont des sociétés de personnes japonaises dites « dormantes » (« sleeping partnerships »), dont les membres ou associés sont inconnus. Leurs revenus ne sont taxés que lors de leur distribution, par une retenue à la source de 20 % prévue par le droit interne japonais.
En l'absence de mention expresse dans la convention fiscale actuelle, le juge japonais qualifie, toutefois, ces revenus d'« autres revenus », imposables exclusivement par l'Etat de résidence des bénéficiaires des distributions.
Le Japon a souhaité introduire un article spécifique afin de préserver son droit de taxer à 20 % les distributions opérées au profit de non-résidents et d'éviter ainsi une double exonération économique.
La France a accédé à cette demande, également acceptée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, sous réserve d'exclure ces revenus du bénéfice de l'élimination de la double imposition. Cette exclusion permettrait selon l'administration fiscale d'éviter à la France de supporter, par le biais du crédit d'impôt, les conséquences de l'exonération des « Tokumei Kumiai » prévue par le droit interne japonais. L'exclusion de ces revenus du bénéfice de l'élimination de la double imposition aura également pour effet de restreindre les relations économiques entre les opérateurs français et ces entités spécifiquement japonaises, dans une volonté clairement dérogatoire par rapport aux règles conventionnelles habituelles. Justifiée en ce qu'elle permettra d'éviter le développement de montages d'optimisation fiscale parfois contestables, elle limitera également des opérations de financement faisant intervenir de tels acteurs.
Néanmoins, sur ce point, la rédaction de l'avenant à la convention gagnerait à être clarifiée rapidement afin d'éviter les incertitudes juridiques et fiscales qui entourent certaines opérations : l'organisation de l'imposition, comme la possibilité pour la France et le Japon de pratiquer une double imposition, gagnerait à être précisée. De même, la coordination entre l'instruction à venir et l'instruction du 29 mars 2007 (BOI 4H-5-07) applicable aux sociétés de personnes fiscalement transparentes devra être réalisée.
D. LE TRAITEMENT DES FONDS DE PENSION JAPONAIS
Dans le cadre de la convention fiscale actuelle, les fonds de pension japonais supportent une retenue à la source effective de 15 % sur les dividendes encaissés. Avant la suppression de l'avoir fiscal, ils bénéficiaient, de fait, d'une exemption.
L'avenant leur accorde le bénéfice des avantages conventionnels en matière de dividendes et d'intérêts.
La rédaction proposée permettra de faire entrer dans le dispositif les fonds de pension français actuels (Prefon, par exemple) ou à venir.
E. LA DÉDUCTIBILITÉ DES COTISATIONS SOCIALES
La France et le Japon ont convenu de résoudre l'asymétrie fiscale issue de l'accord de sécurité sociale du 25 février 2005 en insérant à l'article 18 « pensions » de la convention fiscale une clause inspirée des commentaires du modèle de convention fiscale de l'OCDE. La portée de cet article est explicitée par un échange de lettres, annexé à l'avenant.
Les cotisations versées aux régimes obligatoires de sécurité sociale d'un Etat contractant, par un salarié détaché dans l'autre Etat contractant, seront déductibles de son revenu imposable dans ce dernier Etat.
Le champ d'application de la déductibilité a été calqué sur celui de l'accord de sécurité sociale franco-japonais : seuls les régimes obligatoires qui y sont cités sont concernés (retraite et maladie) ; le régime est applicable pendant la durée du détachement, limitée à 60 mois consécutifs.
Toutefois, la déductibilité des cotisations salariales au Japon est soumise à un plafond. En effet, selon les « commentaires OCDE », la déductibilité fiscale des cotisations doit être soumise aux limitations prévues par le droit interne de l'Etat d'accueil du salarié détaché. Or, au Japon, le montant des cotisations obligatoires est plafonné par le droit social auquel le droit interne fiscal fait référence pour en autoriser la déduction. La France n'impose, quant à elle, aucune limite.
Le Japon consent néanmoins à cumuler les divers plafonds applicables à chacun de ses régimes de sécurité sociale. De plus, afin de compenser le fait que le bénéfice de la déductibilité est refusé aux non-résidents (situation fréquente durant la première année de détachement), ces derniers ne seront plus taxés à hauteur de la fraction de leurs revenus correspondant au montant des cotisations considérées comme déductibles pour les résidents.
F. CLAUSES LIMITANT LA PORTÉE DE LA CONVENTION
1. Clauses anti-abus
Un double dispositif anti-abus, inspiré des commentaires du modèle de convention fiscale de l'OCDE, est inséré s'agissant des revenus passifs et des « autres revenus ». Destiné à lutter contre l'usage abusif de la convention (« treaty shopping »), il reprend à la fois le modèle japonais fondé sur des critères objectifs, mais dont l'inconvénient est d'être trop restrictif, et le modèle privilégié par la France, fondé sur le critère d'intentionnalité.
2. Clause de limitation des avantages de la convention
Une clause limitant l'octroi de certains avantages conventionnels (exonération en matière de dividendes et d'intérêts, régime des redevances...) aux résidents satisfaisant à certaines conditions a été introduite.
Les particuliers, certaines personnes morales de droit public (gouvernements, collectivités territoriales...), les sociétés cotées et toute structure détenue à plus de 50 % par ces résidents précités y sont éligibles d'office. Les autres résidents peuvent se prévaloir de ces dispositions s'ils satisfont à l'un des « tests » prévus par cette clause.
La France dispose déjà d'une clause du même type dans sa convention fiscale avec les Etats-Unis, mais la rédaction retenue avec le Japon est plus simple et limite les risques d'un déni des avantages conventionnels. A la différence de la convention avec les Etats-Unis notamment, un résident non éligible à la clause de limitation des avantages de la convention serait privé de l'exonération au titre des intérêts et dividendes mais resterait, sous réserve des clauses anti-abus, éligible aux taux conventionnels.
3. Clauses afférentes à la coopération entre administrations
Le Japon a accepté d'inclure l'article relatif à l'échange de renseignements issu du dernier modèle de convention fiscale de l'OCDE.
Un point du protocole le complète en reconnaissant que le secret professionnel incombant aux professions juridiques peut en atténuer la portée. Cette précision permet de corriger une formulation excessive du modèle OCDE qui pourrait laisser penser que l'obligation d'échange doit prévaloir sur le secret professionnel des avocats. Néanmoins, les commentaires OCDE reconnaissent eux-mêmes les limites que peut opposer ce secret à l'échange de renseignement.
En revanche, le Japon n'a pas souhaité l'introduction de clauses d'assistance au recouvrement.
EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 19 septembre 2007, réunie sous la présidence de M. Jean Arthuis, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Adrien Gouteyron sur le sur le projet de loi n° 435 (2006-2007) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du Japon en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir et la fraude fiscales en matière d' impôts sur le revenu .
A l'issue de la présentation faite par M. Jean Arthuis, président, en remplacement du rapporteur et après un débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter ce projet de loi selon la procédure d'examen simplifiée.
ANNEXE : TABLEAU RÉCAPITULATIF DES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION
Tableau présentant les particularités de l'avenant par rapport au modèle de convention fiscale de l'OCDE
Articles de l'Avenant |
Articles de la convention fiscale visés |
Comparaison avec le modèle de l'OCDE |
Demande de la France |
Demande du Japon |
Conformité avec les conventions signées par la France dans la région |
Commentaires |
Résidence (Art 4 ) |
Un nouveau paragraphe 6 reconnaît la transparence des sociétés de personnes japonaises. Cette disposition s'inspire du rapport OCDE relatif à «L'application du modèle de convention fiscale de l'OCDE aux sociétés de personnes ». |
X |
Cette disposition constitue une innovation dans le réseau conventionnel français. |
Cette disposition est cohérente avec les évolutions récentes du droit interne français au regard des sociétés de personnes transparentes étrangères (cf. l'instruction sur les sociétés de personnes étrangères au BOI 4 H-5-07). |
||
Art. 5 |
Dividendes (Art 10 ) |
1) Les taux de retenue à la source (RAS) sont inférieurs à ceux préconisés par l'OCDE : - taux de principe de 10% (au lieu de 15%), - 5% dès détention directe ou indirecte de 10% du capital de la société distributrice française ou des droits de vote de la société distributrice japonaise (au lieu de 5% si détention directe de 25% du capital). L'avenant prévoit aussi des cas d'exonération de retenue à la source. 2) Enfin, les dividendes distribuées par les « pay through entities » sont soumises au taux de 10%. |
X |
X X |
1) ? Convention France-Corée : - taux principal :15%, - taux réduit : 10% en cas de détention directe de 10% du capital. ? Convention France-Chine : taux unique de 10%. ? Convention France-ex-URSS : taux unique de 15%. ? Convention France-Australie : taux unique de 15%. 2) Néant |
1) L'avenant allège les conditions actuelles d'imposition des dividendes afin de favoriser les échanges croissants entre la France et la Japon. En effet, la convention franco-japonaise en vigueur prévoit : - un taux principal de 15% ; - un taux réduit de 5% dès détention directe ou indirecte de 15 % du capital de la société distributrice française ou détention directe de 15% des droits de vote de la société distributrice japonaise ; - un cas d'exonération en faveur d'un résident dit « qualifié » d'un des deux Etats contractants. 2) Cette disposition répond aux spécificités des "pay through entities", structures japonaises. |
Articles de l'Avenant |
Articles de la convention fiscale visés |
Comparaison avec le modèle de l'OCDE |
Demande de la France |
Demande du Japon |
Conformité avec les conventions signées par la France dans la région |
Commentaires |
Art. 12 |
Pensions (Art 18 ) |
Clause sur la déductibilité fiscale des cotisations sociales. |
X |
X |
? Convention France-Corée : la déductibilité fiscale des cotisations de retraite est prévue. |
Cette clause répond à la volonté d'équilibrer la situation entre la France et le Japon suite à la signature de l'accord de sécurité sociale. Les commentaires 31 et suivants du modèle OCDE sur l'article 18 (pension) examinent le traitement fiscal des cotisations de retraite et propose une clause. La France et le Japon l'ont reprise pour les cotisations sociales obligatoires, visées par l'accord de sécurité sociale précité. |
Art. 13 |
Tokumei Kumiai (nouvel Art 20A) |
Les revenus tirés des Tokumei Kumiai sont imposables dans l'Etat contractant d'où proviennent ces revenus. |
X |
Néant |
Cette clause spécifique préserve dorénavant le droit du Japon de taxer à 20% les distributions opérées par les Tokumei Kumiai au profit de non-résidents et permet d'éviter ainsi une double exonération économique. En l'absence de cette mention expresse, le juge japonais qualifie, ces revenus d'« autres revenus », imposables exclusivement par l'Etat de résidence des bénéficiaires des distributions. |
|
Art. 16 |
Elimination des doubles impositions (Art 23 ) |
Exclusion des revenus distribués par les Tokumei Kumiai du bénéfice de l'élimination de la double imposition. |
X |
Néant |
La France a accepté la clause spécifique aux Tokumei Kumiai sous réserve d'exclure ces revenus du bénéfice de l'élimination de la double imposition. |
Articles de l'Avenant |
Articles de la convention fiscale visés |
Comparaison avec le modèle de l'OCDE |
Demande de la France |
Demande du Japon |
Conformité avec les conventions signées par la France dans la région |
Commentaires |
Art. 20 § 4 |
Protocole (Nouveau point 6A) |
Octroi aux fonds de pension des avantages conventionnels relatifs aux dividendes et aux intérêts. |
X |
Néant |
Dans le cadre de la convention actuelle, les fonds de pension japonais supportent une retenue à la source au taux de 15%. Avant la suppression de l'avoir fiscal, ils bénéficiaient de fait d'une exemption. La solution adoptée est comparable à celle prévue dans les conventions fiscales conclues par la France avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l'Autriche. |
|
Art. 20 § 8 |
Protocole (Nouveaux points 9A, 9B et 9C) |
Modalités de la déductibilité fiscale des cotisations sociales obligatoires. |
X |
X |
Néant |
Cf. ci-avant l'Art. 12 de l'avenant. |
Art. 20 § 9 |
Protocole (Nouveaux points 10Aet 10B) |
Définitions dont celle des Tokumei Kumiai |
X |
Néant |
Cf. ci-avant |
|
Art. 20 § 10 |
Protocole (Nouveaux points 13A et 13B) |
13A : recours à la procédure amiable pour résoudre l'éventuelle double imposition d'un revenu qui provient de l'un des deux Etats contractants par l'intermédiaire d'une entité, constituée dans un Etat tiers, dont la transparence n'est pas reconnue par la France et le Japon. |
X |
Néant |
Cette disposition innovante permet de prendre en compte au cas par cas la transparence d'une entité établie dans un Etat tiers à la conventions fiscale franco-japonaise. |
Source : ministère des affaires étrangères (août 2007)
* 1 Concept renvoyant aux ouvrages de japonologie (« nihonjinron »), miroirs tendus aux Japonais par eux-mêmes. Le thème de la spécificité japonaise dans le mode de pensée, les conceptions esthétiques, etc., y est récurrent.
* 2 M. Shinzo Abe a démissionné de ses fonctions le 12 septembre 2007.
* 3 « Le Japon et la Corée face à la mondialisation», rapport d'information (2006-2007) n° 17 de MM. Jean Arthuis, Philippe Marini, Denis Badré, Aymeri de Montesquiou, Yann Gaillard, Philippe Adnot, Michel Moreigne et François Marc, fait au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.
* 4 Sont recensées comme implantations françaises les entités suivantes : filiales de sociétés françaises détenues à hauteur d'au moins 10 %, succursales et bureaux de représentation.
* 5 Parmi les entreprises industrielles, peuvent être citées Saint Gobain, Total, Renault, Veolia Water, Sanofi-Aventis ou Schneider Electric.