TITRE II - DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE L'ACTION SOCIALE ET DES FAMILLES ET LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE |
Le titre II du projet de loi, divisé en trois chapitres, tend à modifier le code de l'action sociale et des familles afin de compléter le nouveau régime de protection des majeurs inscrit dans le code civil. Il prévoit :
- la définition d'une nouvelle mesure d'accompagnement social, préalable à la mise en oeuvre de la mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) définie par l'article 5 du projet de loi (chapitre premier) ;
- la création d'une profession unique -celle de « mandataire judiciaire à la protection des majeurs »- ayant pour objet spécifique l'exercice des mesures de protection des majeurs, définie par le titre XI du code civil dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi (chapitre II) ;
- une modification du régime de contrôle des établissements et des services sociaux ou médico-sociaux, dont certains sont appelés à jouer un rôle dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de protection des majeurs (chapitre III).
A l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé de ce titre afin de viser également le code de la santé publique, l'article 16 du projet de loi modifiant effectivement ce dernier.
CHAPITRE IER - L'ACCOMPAGNEMENT DU MAJEUR EN MATIÈRE SOCIALE ET BUDGÉTAIRE |
Article 8 (titre VII nouveau du code de l'action sociale et des familles) - Accompagnement social et budgétaire personnalisé
Cet article tend à créer, au sein du code de l'action sociale et des familles, un titre VII relatif à l'« accompagnement de la personne en matière sociale et budgétaire », comportant un article unique établissant une « mesure d'accompagnement social personnalisé ». Ce chapitre comporte huit articles numérotés L. 271-1 à L. 271-8.
Il est apparu indispensable de prévoir une mesure d'accompagnement social non judiciaire, jusqu'à ce jour inexistante, afin de limiter le recours à la tutelle aux prestations sociales, voire aux règles de la sauvegarde de justice, de la curatelle ou de la tutelle, alors même que la personne en difficulté ne connaît pas d'altération de ses facultés mentales ou de ses facultés corporelles de nature à entraver l'expression de sa volonté.
Le rapport des trois inspections, remis en juillet 1998, constatait que « si le critère légal de l'altération des facultés mentales ou corporelles de la personne demeure le fondement premier de l'ouverture des régimes de protection, d'autres considérations entrent également en jeu dans la décision des juges. Elles tiennent essentiellement à la situation sociale de l'intéressé » 127 ( * ) . Depuis cette date, il semble d'ailleurs que les dérives dans l'utilisation des régimes de protection judiciaire des majeurs se soient encore aggravées.
Outre une remise en cause des principes fondateurs des lois du 18 octobre 1966 et du 3 janvier 1968, le prononcé de mesures de protection judiciaire des majeurs là où un accompagnement social non judiciaire s'avère suffisant et adéquat entraîne un coût majeur pour les finances publiques.
Selon des données transmises par la direction générale des affaires sociales du ministère de la santé (DGAS), l' institution d'une mesure d'accompagnement social non judiciaire pourrait permettre d'éviter l'ouverture de 2 % des tutelles, 5 % des curatelles hospitalières, 10 % des sauvegardes de justice, 15 % des autres catégories de curatelles et 57 % des mesures de tutelles aux prestations sociales 128 ( * ) .
Le nombre de MASP devant être ouvertes en 2007 devrait ainsi avoisiner 8.300 en 2007 et 15.600 en 2011 129 ( * ) , pour un coût estimé entre 16,1 et 19,3 millions d'euros en 2007 et 23,9 à 25,7 millions d'euros en 2011. Le nombre envisagé par le Gouvernement, de personnels supplémentaires, au niveau des départements, est évalué à 146 emplois équivalents temps plein (ETPT) en 2009 et 673 ETPT en 2013 130 ( * ) .
De fait, le dispositif proposé par le présent article prévoit une prise en charge graduelle des personnes en difficultés sociales, assurée par le département, et comportant trois phases :
- l'institution d'une mesure d'accompagnement social de nature contractuelle ;
- en cas d'échec de l'approche contractuelle, l'affectation directe au bailleur, sur autorisation judiciaire, des prestations sociales à hauteur du montant du loyer et des charges locatives ;
- lorsque ces démarches n'ont pas abouti à améliorer la situation de l'intéressé, la transmission au procureur de la République, aux fins d'ouverture d'une mesure de protection judiciaire, d'informations sur la situation sociale, médicale et pécuniaire du bénéficiaire de l'accompagnement social.
Art. L. 271-1 du code de l'action sociale et des familles : Champ d'application et nature de la mesure d'accompagnement social personnalisé
La mesure d'accompagnement social personnalisé (MASP), prévue par l'article L. 271-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles, est ouverte à toute personne majeure dont « la santé ou la sécurité est menacée par les difficultés qu'elle éprouve à gérer ses ressources ».
Les difficultés de gestion budgétaire rencontrées par certaines personnes peuvent en effet menacer leur santé ou leur sécurité. Les exemples en sont nombreux. Ainsi, un défaut persistant de paiement de loyers peut conduire au prononcé d'une mesure d'expulsion aboutissant à ce que la personne ne dispose plus d'un domicile fixe, ce qui la met dans une situation d'insécurité et risque d'entraîner une dégradation rapide de sa santé.
On peut estimer que, concrètement, la MASP sera le plus souvent proposée par un travailleur social d'un centre communal d'action sociale, d'un organisme de logement (type HLM) ou de tout autre service qui aura identifié une difficulté dans la gestion budgétaire de la personne et estimera souhaitable de la diriger vers les services du département. L'intéressé pourra également solliciter la mise en place d'un tel accompagnement.
Votre commission tient à souligner que, en l'absence d'interdiction expresse sur ce point, la MASP pourra, dans certaines situations, se cumuler avec une mesure de traitement des situations de surendettement prévue par le code de la consommation.
Ainsi, le dépôt d'un dossier devant la commission de surendettement pourra intervenir en faveur d'une personne soumise à une MASP s'il est estimé que la combinaison des deux dispositifs peut permettre à l'intéressé de surmonter ses difficultés. A l'inverse, une MASP pourra très bien être proposée à une personne éprouvant des difficultés à respecter les engagements qu'elle a souscrit dans le cadre du plan de redressement de sa situation financière. La MASP pourra alors lui permettre de prendre conscience de ses difficultés et de leurs causes, de le conduire à des comportements plus adaptés aux contraintes de la vie courante.
La mesure proposée comporte une action en deux volets du département :
- d'une part, une aide à la gestion des prestations sociales.
La limitation de la MASP, dans le texte initial du Gouvernement, aux seules prestations sociales présente une continuité totale avec l'actuelle TPSA, dont elle constitue la modalité « administrative » ou, en tous les cas, « non judiciaire ».
Toutefois, contre l'avis du Gouvernement et de sa commission des lois, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de M. Claude Leteurtre, avec l'appui du rapporteur pour avis de sa commission des affaires culturelles, tendant à permettre d' apporter, dans le cadre de la MASP, une aide à la gestion « d'autres ressources » que les prestations sociales dont l'intéressé est bénéficiaire.
Votre commission est favorable à l'extension du dispositif décidé par l'Assemblée nationale.
Certes, le public concerné par cette mesure d'accompagnement social devrait, a priori, être composé d'individus disposant de revenus limités qui, pour l'essentiel -si ce n'est dans leur quasi-totalité- sont constitués de prestations ou d'allocations sociales. Pour autant, ces personnes peuvent parfois disposer d'autres ressources, d'un montant souvent réduit, mais qui peuvent leur apporter un complément réel sans leur faire perdre le droit à prestations. Il s'agit rarement de revenus du travail, mais ces personnes peuvent parfois disposer de biens reçus en héritage et dont ils peuvent, par exemple, tirer quelques fruits.
Elle vous soumet donc un amendement de clarification rédactionnelle prévoyant que la mesure ne peut être ouverte que si la personne en difficulté perçoit des prestations sociales et qu'elle comporte une aide à la gestion de l'ensemble « des ressources » de l'intéressé ;
- d'autre part, un accompagnement social individualisé.
Pour les personnes en grande difficulté sociale pouvant relever de la MASP, un véritable travail social doit être mené. Comme l'a indiqué le Gouvernement à votre rapporteur, l'aide à la gestion des ressources de ces personnes doit, pour être efficace, s'inscrire dans le cadre d'un accompagnement social personnalisé afin de faire émerger une prise de conscience des difficultés rencontrées, mais aussi de leurs causes, et de conduire à des comportements plus adaptés aux contraintes de la vie courante.
LA MASP apparaît comme un dispositif de nature contractuelle . En conséquence, cet accompagnement social ne pourra pas être juridiquement imposé à une personne : il ne pourra intervenir qu'avec le consentement de la personne dont la santé ou la sécurité est menacée.
En outre, le contrat comporte des engagements réciproques . Ces engagements pourraient être, par exemple, un contrat d'objectifs avec le département : en contrepartie de l'engagement du département dans le cadre de la MASP consistant à mettre à la disposition de la personne un travailleur social chargé de l'accompagnement social budgétaire et à assurer une gestion satisfaisante des prestations sociales, le bénéficiaire s'efforcera de gérer mieux son budget et, le cas échéant, versera une contribution financière. Cependant, pour l'essentiel, cette disposition annonce de manière générale les actions mentionnées à l'article L. 271-2 ainsi que la possibilité de solliciter de la personne bénéficiaire de la mesure une contribution financière en application de l'article L. 271-3.
Dès lors que cette mesure nouvelle d'accompagnement s'inscrit dans une démarche progressive et graduelle, le texte proposé fixe une durée maximale d'exercice de la MASP.
Le texte présenté par le Gouvernement prévoyait que la durée initiale de la MASP ne pouvait dépasser six mois. L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des affaires culturelles et avec l'avis favorable du Gouvernement, jugé ce délai trop court et a souhaité pouvoir l'allonger en fonction des circonstances. Aussi a-t-elle porté cette durée initiale à deux années.
Cette durée est cependant « renouvelable », sans qu'elle puisse au total dépasser quatre années.
Votre commission souligne que le renouvellement dont il s'agit porte en réalité, juridiquement, sur le contrat lui-même . Aussi vous soumet-elle un amendement transférant cette disposition à l'article L. 271-2 qui traite justement de ce renouvellement.
Art. L. 271-2 du code de l'action sociale et des familles : Objet et renouvellement du contrat instituant la mesure d'accompagnement social personnalisé
Aux termes de cette disposition, les services du département seront chargés contractuellement de deux types d'actions :
- d'une part, des actions en faveur de l'insertion sociale du bénéficiaire ;
- d'autre part, des actions destinées à rétablir les conditions d'une gestion autonome des prestations sociales .
A cette fin, le bénéficiaire de la mesure pourra, dans le contrat, autoriser le département à percevoir et à gérer pour son compte tout ou partie des prestations sociales qu'il perçoit, en les affectant en priorité au paiement du loyer et des charges locatives en cours. Il est souhaitable que cette mesure soit transitoire, afin de permettre au bénéficiaire de gérer peu à peu seul l'intégralité des prestations qui lui sont versées.
Le texte de l'article L. 271-2, dans sa version initiale, prévoyait que la liste de ces prestations devait être fixée par décret. L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, a supprimé cette disposition pour la réintroduire à l'article L. 271-8 nouveau du code de l'action sociale et des familles, sans en modifier la substance.
Le Gouvernement a fait connaître à votre rapporteur que les prestations sociales actuellement susceptibles de faire l'objet d'une TPSA seraient reprises dans le décret envisagé, certaines prestations complémentaires devant y être ajoutées.
En réalité, les prestations sociales concernées devraient être identiques à celles prévues pour la mesure d'assistance judiciaire 131 ( * ) .
Le texte proposé rappelle que les services sociaux chargés des actions susmentionnées devront s'assurer de leur coordination avec les mesures d'action sociale qui pourraient être déjà mises en oeuvre, ce qui apparaît de bonne gestion. En effet, la personne bénéficiaire de la mesure peut recevoir des prestations ou des aides provenant de l'Etat, du département ou des organismes sociaux. Il est donc essentiel qu'en pratique ces différents acteurs de l'action sociale veillent à la complémentarité effective de leurs actions d'accompagnement de la personne 132 ( * ) .
Compte tenu de l'extension de l'objet de la MASP à la gestion d'autres catégories de revenus que les prestations sociales, votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à prévoir que le contrat conclu avec le département prévoit des actions tendant à rétablir les conditions d'une gestion autonome « des ressources de l'intéressé » , en ce compris ses prestations sociales.
L'Assemblée nationale a complété le dispositif de cet article en adoptant, avec l'avis favorable de sa commission des lois et du Gouvernement, un amendement présenté par sa commission des affaires culturelles prévoyant que le contrat instituant la MASP peut être modifié par avenant.
Aux termes du texte proposé, le contrat doit faire l'objet d'une évaluation lorsqu'il est procédé à son renouvellement. Cette évaluation est indispensable et devra être réelle afin de ne pas voir se prolonger une mesure d'accompagnement dont l'objet ne s'avèrerait plus adapté à la situation de l'individu concerné.
Tout en apportant une amélioration rédactionnelle, votre commission vous propose de réintroduire, par amendement, les dispositions relatives à la durée du contrat.
Art. L. 271-2-1 (nouveau) du code de l'action sociale et des familles : Possibilité de délégation par le département de la mise en oeuvre de la mesure
L'article L. 271-2-1 nouveau du code de l'action sociale et des familles a été introduit par l'Assemblée nationale avec l'avis favorable du Gouvernement à l'initiative de sa commission des lois. En réalité, il n'est que la reprise des dispositions qui, dans le texte initial du projet de loi, figuraient à l'article L. 271-5 nouveau du même code, par ailleurs supprimé. Le rapporteur de l'Assemblée a en effet estimé préférable, afin d'assurer la cohérence du dispositif proposé, que les conditions de délégation éventuelle de la mise en oeuvre de la MASP soient définies juste après les dispositions relatives au contrat conclu entre l'intéressé et le département.
Il résulte du texte proposé que la MASP pourra être mise en oeuvre :
- soit directement par les services du département ;
- soit, grâce à une convention de délégation , par une autre collectivité territoriale, par un centre communal ou intercommunal d'action sociale, par une association ou un organisme à but non lucratif, ou un organisme débiteur de prestations sociales agréé à cet effet par décision du président du conseil général.
Ce dispositif permettra à chaque département de déterminer les modalités les plus adéquates de prise en charge des intéressés dans le cadre de cette nouvelle mesure. Il convient cependant de préciser que le choix opéré par chaque département pourra avoir des effets sur le coût de la MASP : la Cour des comptes estime ainsi qu'en cas de délégation à une association agréée, les charges de personnels (qui devraient constituer 80 % du coût de cette nouvelle mesure) seront augmentées de 20 % par le simple jeu de l'application des conventions collectives 133 ( * ) .
Art. L. 271-3 du code de l'action sociale et des familles : Contribution financière éventuelle du bénéficiaire de la mesure
L'article L. 271-3 nouveau du code de l'action sociale et des familles prévoit la possibilité pour le président du conseil général de demander une contribution financière au bénéficiaire de la MASP.
Cette contribution apparaît comme l'un des « engagements réciproques » essentiels du bénéficiaire.
Elle ne serait toutefois qu'une faculté pour le département qui, selon le montant de son budget affecté à l'action sociale, pourra décider de solliciter une participation financière de l'intéressé.
Le montant de cette contribution devra être arrêté par le président du conseil général dans les conditions prévues par le règlement départemental d'aide sociale. Le renvoi à cet acte de la collectivité locale est pertinent dans la mesure où, en vertu de l'article L. 121-3 du code de l'action sociale et des familles, le règlement départemental détermine, dans les conditions définies par la législation et la réglementation sociales, « les règles selon lesquelles sont accordées les prestations d'aide sociale relevant du département ».
Le texte initial du Gouvernement précisait que le montant de cette contribution pouvait faire l'objet d'une modulation qui pouvait notamment être définie en fonction des ressources de l'intéressé. La commission des lois de l'Assemblée nationale a cependant proposé à cette dernière, qui l'a accepté avec l'avis favorable du Gouvernement, de supprimer toute référence à la modulation, par souci de « simplification rédactionnelle ». Dès lors, selon le texte proposé, le montant de la contribution sera arrêté en fonction des seules ressources de l'intéressé , c'est-à-dire, en pratique, de leur montant.
Toutefois, un encadrement au niveau national est prévu . Un décret fixant les modalités d'application du présent article et, plus particulièrement, le plafond de cette contribution, devra en effet être pris par le Gouvernement.
Selon les indications données à votre rapporteur par le Gouvernement, ce plafonnement devra être défini, dans le cadre d'une concertation avec l'Assemblée des départements de France (ADF), en prenant comme référence la contribution attendue des personnes au financement de leur mesure de protection juridique. A cette date, le taux de ce plafonnement n'est pas arrêté, toutefois, le Gouvernement a indiqué qu'il veillerait à ce qu'à ressources identiques, le montant de la contribution qui pourrait être demandée aux bénéficiaires de MASP ne puisse excéder celui prévu pour les mesures de protection judiciaire -et en particulier la mesure d'accompagnement judiciaire.
Votre commission vous soumet un amendement de précision destiné à prévoir que seul le plafond de la contribution susceptible d'être demandée au bénéficiaire de la mesure sera déterminé par décret simple, le reste de la disposition étant mise en application par un décret en Conseil d'Etat en application de l'article L. 271-8 nouveau.
Art. L. 271-4 du code de l'action sociale et des familles : Possibilité d'affecter directement au bailleur, sur autorisation judiciaire, certaines prestations sociales
L'article L. 271-4 nouveau du code de l'action sociale et des familles envisage l'échec de la démarche contractuelle d'accompagnement social .
Dans la mesure où elle repose sur la seule volonté de l'intéressé de bénéficier d'un accompagnement, la MASP connaît des limites : la personne repérée par les services sociaux comme étant en situation de danger peut refuser purement et simplement le contrat qui lui est présenté par le département ; elle peut par ailleurs ne pas respecter les clauses du contrat qu'elle a signé, et notamment les objectifs de gestion qui lui ont été assignés.
Dans le but, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « de prévenir une expulsion locative » -le public visé par cette mesure étant, dans la majeure partie des cas, locataire de son logement- qui serait de nature à accroître les difficultés rencontrées par l'intéressé, le texte proposé autorise le président du conseil général à verser, chaque mois, directement au bailleur de la personne en difficulté les prestations sociales dont elle est bénéficiaire. Un tel versement ne pourra intervenir qu'à hauteur du montant du loyer et des charges locatives dont elle est redevable .
Une telle mesure coercitive ne pourrait être mise en oeuvre qu'à deux conditions cumulatives :
- d'une part, si l'intéressé ne s'est pas acquitté de ses obligations locatives depuis au moins deux mois. Ces obligations locatives consistent en un paiement du loyer lui-même ainsi que des charges qui l'accompagnent (eau, chauffage, etc...) ;
- d'autre part, si le président du conseil général a obtenu pour ce faire l'autorisation du juge d'instance, cette compétence juridictionnelle ayant été précisée par l'Assemblée nationale à l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement.
En l'absence de toute précision textuelle sur ce point, il convient d'estimer que le juge aura un pouvoir d'appréciation sur la nécessité de la mesure. En outre, le juge se prononcera sur le montant à verser directement au bailleur ainsi que sur le choix des prestations à partir desquelles interviendra le versement.
Dans sa rédaction initiale, cet article prévoyait que la liste de ces prestations devait être fixée par décret . Cette précision a été supprimée par l'Assemblée nationale qui, suivant l'avis de sa commission des lois, a transféré cette disposition, sans en modifier la substance, à l'article L. 271-8 nouveau du code de l'action sociale et des familles.
Selon les indications données par le Gouvernement à votre rapporteur, les prestations concernées devraient être les mêmes que celles qui pourront faire l'objet de la mesure d'accompagnement judiciaire .
En outre, afin que cette affectation directe de ressources n'aggrave pas les risques pour la santé ou la sécurité de l'intéressé, la mesure prise ne pourra, en tous les cas, avoir pour effet de le priver des ressources nécessaires à sa subsistance et à celle des personnes dont il assume la charge effective et permanente. Il reviendra au juge saisi de la demande d'autorisation de s'assurer, dans chaque cas d'espèce, du respect de cette limite.
Le juge devra également fixer la durée du prélèvement . Cette durée ne pourra excéder deux ans . Toutefois, elle pourra être renouvelée par la suite, sans que la durée totale dépasse quatre ans .
Cette durée distincte par rapport à celle choisie pour la phase contractuelle de la MASP s'explique par les différences d'approche et de contenu des deux interventions du département. En outre, les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de la MASP « contraignante » seront généralement plus lourdes que celles des personnes ayant conclu un contrat, ce qui justifie une mesure plus longue.
En l'absence de précision textuelle, il faut considérer que ce renouvellement ne pourra être décidé par le juge que sur la demande du président du conseil général. Il conviendra qu'une telle saisine intervienne au terme d'une nouvelle évaluation de la situation de l'intéressé.
En dernier lieu, le texte proposé prévoit que le président du conseil général pourra à tout moment saisir le juge pour mettre fin à la mesure . Il en ira ainsi, en pratique, s'il s'avère que la situation financière ou économique de l'intéressé s'étant améliorée, il peut désormais lui-même procéder au paiement de son loyer et de ses charges locatives.
Art. L. 271-5 du code de l'action sociale et des familles : Possibilité de délégation par le département de la mise en oeuvre de la mesure
Cet article a été supprimé par l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois et avec l'accord du Gouvernement, par coordination avec l'insertion de ses dispositions dans un nouvel article L. 271-2-1 du code de l'action sociale et des familles.
Art. L. 271-6 du code de l'action sociale et des familles : Transmission au procureur de la République, au terme des actions d'accompagnement social, d'un rapport sur la situation de l'intéressé
L'article L. 271-6 nouveau du code de l'action sociale et des familles constitue l'une des dispositions essentielles du présent article du projet de loi puisqu'il a pour objet d'assurer une évaluation personnalisée de la personne ayant fait l'objet d'une MASP ou d'une affectation directe de ses prestations sociales au bailleur de son logement, avant saisine éventuelle du procureur de la République aux fins d'ouverture d'une mesure d'accompagnement judiciaire.
Il tend donc à assurer une « passerelle » entre l'accompagnement social de la personne en difficulté et son accompagnement judiciaire. Cette procédure a en effet vocation à permettre l'examen du bien-fondé de la poursuite de l'accompagnement jusqu'alors mis en oeuvre par une mesure de protection de nature judiciaire plus restrictive de la liberté de la personne en difficulté.
La saisine du procureur de la République par le président du conseil général ne pourra intervenir que si deux conditions cumulatives sont réunies :
- en premier lieu, l'absence d'effet, sur la gestion des prestations sociales perçues par l'intéressé, des mesures d'accompagnement social jusqu'alors mises en oeuvre par le département en application des articles L. 271-1 à L. 271-4 nouveaux du code de l'action sociale et des familles.
Cette condition est opportune : le basculement vers une mesure de protection judiciaire ne doit en effet intervenir que si l'accompagnement social non judiciaire pratiqué par le département s'est soldé par un échec au regard de la restauration de l'autonomie sociale de l'intéressé passant par la gestion de ses prestations sociales.
Cependant, votre commission constate que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale ne prend pas en compte l'extension de la MASP à d'autres ressources que les prestations sociales. Il convient donc de préciser que cette première condition est remplie si les mesures d'accompagnement menées par le département n'ont pas permis à leur bénéficiaire de surmonter les difficultés à gérer les ressources qui en faisaient l'objet ;
- en second lieu, le fait qu'à raison de l'échec des mesures d'accompagnement social pratiquées par le département, la santé ou la sécurité de la personne en difficulté reste compromise. Ici encore, le texte proposé pose clairement un principe de nécessité d'une prise en charge judiciaire, mieux à même de protéger la personne.
Toutefois, le texte adopté par l'Assemblée nationale recèle une ambiguïté puisque l'on pourrait croire que le président du conseil général doit attendre d'avoir atteint le terme des mesures prévues dans le cadre de la MASP, alors qu'il convient de lui permettre de saisir le procureur dès lors que l'échec des mesures mises en place est patent, même avant que la MASP ne soit parvenue à son terme initial.
Dans sa rédaction initiale, cette disposition prévoyait une condition supplémentaire : l'appréciation par le président du conseil général de la nécessité ou de l'absence de nécessité de prononcer une sauvegarde de justice ou d'ouvrir une curatelle, une tutelle ou une mesure d'accompagnement judiciaire. En d'autres termes, le projet de loi faisait du président du conseil général un premier filtre, avant même la saisine du juge des tutelles.
Ce rôle -qui ne va en effet pas de soi- a été remis en cause par la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a estimé que seul le juge devait apprécier l'opportunité de recourir à une mesure de protection juridique, lourde dans ses effets. C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale a opportunément supprimé , avec l'avis favorable du Gouvernement, tout pouvoir d'appréciation du président du conseil général et a imposé à ce dernier, lorsque les deux conditions susmentionnées sont réunies, de transmettre au procureur de la République un certain nombre d'informations sur le bénéficiaire des mesures accompagnement social .
Le texte proposé impose la transmission au procureur de la République de deux éléments d'information .
D'une part, le président du conseil général devra transmettre un rapport comportant :
- une évaluation de la situation sociale et pécuniaire de la personne ayant fait l'objet de l'accompagnement social ;
- un bilan des actions personnalisées menées auprès d'elle en application des articles L. 271-1 à L. 271-4.
Le texte initial de cette disposition prévoyait que le rapport transmis devait également comporter une information sur la situation médicale de l'intéressé. L'Assemblée nationale a, à l'initiative tant de sa commission des lois que de sa commission des affaires culturelles, et avec l'avis favorable du Gouvernement, souhaité rendre facultative l'information du procureur de la République sur la situation médicale de l'intéressé, tout en précisant qu'elle devra intervenir « sous pli cacheté » afin de préserver le secret médical.
Il ressort des débats que l'information médicale a été rendue facultative car les causes d'échec de la MASP ne sont pas nécessairement liées à une altération des facultés mentales de la personne et qu'il ne saurait être exigé du département d'établir une expertise médicale, seule l'évaluation de la situation sociale des personnes relevant de sa compétence.
Votre commission relève néanmoins qu'en pratique, les services du département détiennent un certain nombre d'informations de nature médicale, obtenues notamment à l'occasion de l'examen du droit à l'octroi de l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation du handicap ou l'allocation adulte handicapé. Or, de tels éléments peuvent s'avérer utiles en vue de l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire.
Aussi vous propose-t-elle de supprimer le pouvoir d'appréciation donné au président du conseil général sur ce point, tout en précisant que la transmission à l'autorité judiciaire ne portera que sur les données médicales qui sont en possession du département . Ce dispositif n'imposera donc aucunement au département de procéder à une évaluation médicale.
Votre commission souligne l'importance de ces différents documents pour que la réforme atteigne son objectif, c'est-à-dire recentre les mesures de protection judiciaire sur les seules personnes connaissant une altération de leurs facultés mentales ou corporelles. Par ailleurs, c'est sur la base de ces éléments d'information que le procureur de la République décidera, en opportunité, de saisir ou non le juge des tutelles d'une demande d'ouverture d'une mesure d'accompagnement judiciaire (MAJ) 134 ( * ) . Aussi convient-il que l'évaluation de la situation de la personne intéressée soit menée de la manière la plus exigeante afin que tant le procureur de la République que le juge des tutelles puissent exercer leurs prérogatives de manière éclairée.
La DGAS estime que le dispositif proposé devrait donner lieu, en pratique, à la rédaction par les services départementaux d'environ 11.000 rapports d'évaluation par an. Il convient cependant de préciser que ces rapports ne feront que s'ajouter à ceux déjà rédigés par les services sociaux des départements en vue de l'ouverture de mesures de curatelles ou de tutelles à la demande de tiers, cette modalité d'ouverture étant conservée par l'article 430 du code civil dans sa rédaction proposée par l'article 5 du projet de loi.
Selon le Gouvernement, le coût annuel total des rapports pour le département, sans compter les charges de fonctionnement, devrait représenter environ 42.700 euros en 2009 et près de 45.350 euros en 2013.
Dans sa rédaction initiale, le dispositif proposé n'évoquait pas les pouvoirs du procureur de la République une fois ce dernier saisi de la transmission du président du conseil général.
Ce silence s'expliquait par le souci de ne pas reproduire, au sein du code de l'action sociale et des familles, des dispositifs déjà présents dans le corps du code civil. Ce dernier prévoit en effet que le procureur est habilité à saisir le juge des tutelles :
- soit, au même titre que d'autres demandeurs, d'une demande d'ouverture d'une sauvegarde de justice, d'une curatelle ou d'une tutelle 135 ( * ) ;
- soit, à titre de monopole, d'une demande d'ouverture d'une mesure d'accompagnement judiciaire 136 ( * ) .
Afin de mieux faire apparaître la « passerelle » entre l'accompagnement social et l'accompagnement judiciaire, l'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des lois, précisé que, au vu des éléments transmis par le conseil général, le procureur de la République, s'il estime nécessaire le prononcé d'une sauvegarde de justice ou l'ouverture d'une curatelle, d'une tutelle ou d'une mesure d'accompagnement judiciaire, saisit à cet effet le juge des tutelles compétent . Elle a également imposé, dans une telle circonstance, l'information du président du conseil général.
Votre commission souhaite que ce dispositif ne soit pas interprété comme imposant au procureur de la République de ne saisir le juge des tutelles que s'il a reçu l'information susvisée de la part du président du conseil général. Sans doute, tel sera-t-il le cas pour la MAJ, l'article 495-2 nouveau du code civil, dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi imposant que le magistrat se prononce sur la base du rapport qui lui est transmis. En revanche, pour les autres mesures de protection judiciaire, il importe que le procureur puisse exercer son droit de saisine même en l'absence du rapport établi par le département.
Aussi vous propose-t-elle de préciser que ce dispositif se limite à imposer l'information du président du conseil général lorsque, au vu des éléments fournis par le département, le procureur de la République saisit le juge des tutelles .
Votre commission vous soumet en conséquence un amendement de réécriture globale de cet article reprenant les modifications susmentionnées.
Art. L. 271-7 du code de l'action sociale et des familles : Données relatives à la mise en oeuvre de l'accompagnement social et budgétaire
Les différents rapports relatifs aux mécanismes de protection des majeurs ont souvent souligné le défaut de suivi statistique des mesures prises. Aussi, pour qu'un suivi statistique réel et efficace de l'accompagnement social et budgétaire prévu par les articles L. 271-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles puisse intervenir, l'article L. 271-7 nouveau prévoit-il les modalités de collecte des données nécessaires à l'évaluation statistique de ces mesures.
Dans des termes repris de l'article 48 de la loi n° 2003-1200 du 18 décembre 2003 portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité, cette disposition prévoit l'obligation, pour chaque département, de transmettre à l'État les données agrégées portant sur la mise en oeuvre des dispositions du présent chapitre, la liste de ces données ainsi que les modalités de leur transmission étant fixée par arrêté conjoint des ministres en charge de l'action sociale et des collectivités territoriales.
Il appartiendra par la suite aux services de l'Etat de transmettre aux départements les résultats de l'exploitation des données et informations recueillies qui devront par ailleurs faire l'objet de publications régulières.
Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que les représentants des conseils généraux seront consultés afin de définir les données quantitatives et qualitatives qui peuvent être transmises aux services de l'Etat.
Art. L. 271-8 du code de l'action sociale et des familles : Mesures réglementaires d'application
L'article L. 271-8 nouveau du code de l'action sociale et des familles précise la nature des dispositions réglementaires nécessaires à l'application des dispositions du chapitre II nouveau du titre VII nouveau du même code relatif à la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Les modalités d'application devront, en principe, être fixées par décret en Conseil d'État.
Toutefois, par exception, serait fixée par décret simple la liste des prestations sociales susceptibles de faire l'objet des mesures prévues par les articles L. 271-1 et L. 271-4 . Le texte proposé réserve également le cas des « dispositions contraires », ce qui fait implicitement référence à l'article L. 271-3 dont les modalités d'application et le plafond de la contribution demandée au bénéficiaire de la mesure devront être définies par décret en Conseil d'Etat.
Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel et vous propose d'adopter l'article 8 ainsi modifié.
* 127 Rapport précité, p. 29.
* 128 Communication de la Cour des comptes à la commission des Finances de l'Assemblée nationale, juillet 2006, p. 37.
* 129 Communication de la Cour des comptes précitée, p. 38.
* 130 Pour calculer le nombre de personnels des départements chargés de mettre en oeuvre les MASP, le Gouvernement a tenu compte du nombre d'heures de prise en charge des MASP, soit entre 2 et 8 heures par mois. Pour 50 % des personnes bénéficiant d'une MASP, le surplus de « travail social » a été estimé à 2 heures par mois, celles-ci bénéficiant déjà d'un accompagnement social. Pour 25 % des autres personnes, l'accompagnement social mensuel a été estimé à 4 heures. Pour 25 % des autres personnes, l'accompagnement social a été estimé à 8 heures. Il a été tenu par ailleurs compte du temps de travail mensuel effectif d'un travailleur social qui est de 133,9 heures dans la fonction publique territoriale (sur la base d'un temps de travail annuel de 1.607 heures).
* 131 Voir supra, le commentaire de l'article 495-4 du code civil, tel que rédigé par l'article 5 du projet de loi.
* 132 Des relations de partenariat devront ainsi s'établir avec le référent RMI, la caisse de retraite, les services sociaux des CCAS ou des départements, l'ANPE pour un projet de retour à l'emploi ou de reconversion professionnelle, et les autres organismes concernés pour la reconnaissance d'une invalidité...
* 133 Communication précitée, p. 38.
* 134 Voir, supra, le commentaire de l'article 495 du code civil dans sa rédaction issue de l'article 5 du projet de loi.
* 135 Voir supra, le second alinéa de l'article 430 du code civil tel que rédigé par l'article 5 du présent projet de loi.
* 136 Voir supra, le commentaire de l'article 495-2 du code civil tel que rédigé par l'article 5 du projet de loi.