C. DES RÈGLES DÉCALÉES
L'analyse des législations étrangères sur la protection juridique des majeurs réalisée par le service des études juridiques du Sénat, au mois de juin 2005, fait apparaître un mouvement général de réforme des régimes de protection, que l'Allemagne a entamé dès 1990.
Grâce à des mesures personnalisées prononcées pour une durée limitée, les nouveaux textes s'efforcent de mieux prendre en compte les besoins individuels des personnes à protéger. Ils ouvrent aussi la possibilité d'anticiper l'organisation de sa propre protection.
1. Un mouvement généralisé de réformes en Europe
En Allemagne , la loi du 12 septembre 1990 sur la réforme de la tutelle et de la curatelle des majeurs est entrée en vigueur le 1 er janvier 1992. Elle a remplacé les diverses mesures de protection des majeurs existant précédemment par un dispositif unique d'assistance.
Au Danemark , la loi du 14 juin 1995 sur la tutelle est entrée en application le 1 er janvier 1997. Elle a supprimé le principe, qui remontait à 1922, selon lequel la protection d'une personne majeure entraînait automatiquement la privation de la capacité d'exercice. Considéré comme stigmatisant, le dispositif de protection était peu employé.
En Espagne , la loi du 18 novembre 2003 portant protection du patrimoine des personnes incapables a renforcé les droits des personnes protégées, en permettant à celles-ci de choisir leur tuteur ou leur curateur. Elle a également prévu que chacun puisse anticiper l'organisation de sa propre protection.
En Italie , la loi du 9 janvier 2004 portant modification du code civil a non seulement réformé certains des articles relatifs à la tutelle et à la curatelle pour associer les personnes protégées au choix de leur tuteur ou de leur curateur, mais a aussi introduit une nouvelle mesure de protection plus légère, « l'administration de soutien ».
Au Royaume-Uni , la loi du 7 avril 2005 a regroupé un ensemble de règles législatives et jurisprudentielles dispersées et mis l'accent sur les intérêts de la personne protégée. Elle entrera toutefois en vigueur en avril 2007.
2. Une volonté d'adapter les mesures de protection aux besoins des majeurs et de permettre d'anticiper l'organisation de sa propre protection
A l'exception de la loi espagnole, les réformes adoptées dans les Etats membres de l'Union européenne privilégient l'adaptation des mesures de protection des majeurs aux besoins individuels des intéressés. En outre, les lois allemande, anglaise, espagnole, italienne ont toutes prévu la possibilité d'anticiper l'organisation de sa propre protection.
a) L'adaptation des mesures de protection aux besoins des majeurs
Il existe en Espagne deux mesures de protection, la tutelle et la curatelle, qui correspondent peu ou prou à leurs homologues en droit français et qui sont prononcées sans limitation de durée.
Les autres pays privilégient l'adoption de mesures de protection personnalisées. Cette évolution correspond à la volonté d'échapper au caractère automatique des mesures traditionnelles et aux conséquences que cette rigidité entraîne (choix d'une mesure insuffisamment protectrice, dans le seul but d'éviter les effets trop importants d'une autre, etc.). Les mesures de protection sont donc personnalisées et généralement limitées dans le temps.
En Allemagne , en Angleterre et au pays de Galles, tout comme au Danemark , il n'existe qu'une mesure de protection, dont la teneur dépend de l'état de la personne protégée. Celle-ci peut en effet être simplement assistée pour certains actes et entièrement représentée pour d'autres.
En Italie , la réforme de 2004 a certes laissé subsister les traditionnelles tutelle et curatelle, mais elle a également institué un nouveau dispositif, « l'administration de soutien ». Or, les pouvoirs de l'administrateur sont définis par le juge de façon à préserver au maximum l'autonomie de la personne à protéger.
La recherche de personnalisation de la mesure s'accompagne d'une limitation de la durée de la protection. En Allemagne, la décision d'assistance est réexaminée au plus tard au bout de cinq ans, la loi anglaise de 2005 prescrit une durée « aussi courte que possible », et les autres textes recommandent d'adapter la durée aux besoins.