N° 159
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2007 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi de MM. Francis GIRAUD, Paul BLANC, Mme Brigitte BOUT, M. Jean-Pierre CANTEGRIT, Mme Isabelle DEBRÉ, M. Gérard DÉRIOT, Mme Bernadette DUPONT, MM. Michel ESNEU, Alain GOURNAC, Mmes Françoise HENNERON, Marie-Thérèse HERMANGE, Christiane KAMMERMANN, MM. Jean-Marc JUILHARD, André LARDEUX, Dominique LECLERC, Marcel LESBROS, Alain MILON, Mmes Catherine PROCACCIA, Janine ROZIER, Esther SITTLER et M. Louis SOUVET relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur,
Par M. Francis GIRAUD,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.
Voir le numéro :
Sénat : 90 (2006-2007)
Santé publique. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La proposition de loi « relative à la préparation du système de santé à des menaces sanitaires de grande ampleur », déposée par vingt et un sénateurs de la commission des affaires sociales, n'a pas pour ambition de réformer en profondeur la gestion des situations de crises sanitaires dans notre pays. Tout au contraire, elle est le fruit de l'expérience acquise dans le cadre des initiatives mises en place depuis le début de la décennie par les pouvoirs publics. Elle n'est pas un élément se surajoutant à l'édifice et contribuant à sa complexification : elle rationalise l'existant et donne un cadre juridique solide à un ensemble disparate, construit empiriquement au fil des ans.
I. ANTICIPER ET GÉRER LES CRISES SANITAIRES : LES ÉTAPES DE L'EFFORT RÉUSSI DE MISE À NIVEAU DE LA FRANCE
Ces dernières années ont été celles d'une réelle prise de conscience des menaces sanitaires de grande ampleur et du développement des concepts et des structures de veille et d'alerte dans ce domaine.
Trois dates en jalonnent le parcours :
2001 : les attentats survenus sur le sol américain, suivis du drame d'AZF à Toulouse, puis de l'alerte à l'anthrax ont mis en évidence la nécessité de doter le système de santé d'une organisation structurée pour les risques dits « NRBC », nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques. De cette succession d'événements sont nés le plan et le fond Biotox (plan rendu public le 5 octobre 2001 et fonds créé par l'article 42 de la loi du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002).
C'est également dans ce contexte qu'ont été conçus les moyens organisationnels, logistiques et matériels dont il était nécessaire de doter les établissements de santé. Ces travaux ont conduit à la publication de deux circulaires fondatrices : celle du 2 mai 2002 relative à l'organisation des soins médicaux en cas d'accidents nucléaires ou radiologiques et celle du 3 mai 2002 relative à l'organisation du système hospitalier en cas d'afflux de victimes.
2003 : personne n'a oublié l'épisode de la canicule , qui a inspiré certaines dispositions de la loi de santé publique n° 2004-806 du 9 août 2004 . Les plans blancs et plans blancs élargis ont alors reçu un cadre légal, un statut a été donné aux établissements de santé de référence et notre pays s'est doté d'un dispositif, centré autour du ministre de la santé, donnant à ce dernier des moyens d'intervention accrus en cas de menace sanitaire grave appelant des mesures d'urgence, notamment en cas de menace d'épidémie.
Enfin, 2005 : l'année de l'apparition du chikungunya et celle au cours de laquelle la menace de propagation de la grippe aviaire en Europe s'est précisée. Face au risque, le Gouvernement a mis en place son plan de prévention et de lutte « pandémie grippale », salué par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), aujourd'hui largement diffusé dans le public et « mis en musique » par un délégué interministériel 1 ( * ) , actuellement Didier Houssin, spécialement affecté à cette tâche.
Le plan gouvernemental, actualisé en janvier 2006, intègre les six nouvelles phases d'alerte définies par l'OMS et établit les différentes modalités de préparation et d'intervention des pouvoirs publics face à une pandémie grippale.
Les principaux objectifs de ce plan sont :
- la protection de la population en métropole et outre-mer ainsi que des ressortissants français à l'étranger ;
- la préparation du pays à une éventuelle apparition d'une pandémie grippale de grande ampleur ;
- la limitation des perturbations économiques et sociales qui en résulteraient.
Pour compléter le dispositif, le décret n° 2006-1581 du 12 décembre 2006 a créé, auprès du ministre de la santé, pour une durée de quatre ans, un comité d'initiative et de vigilance civiques sur une pandémie grippale et les autres crises sanitaires exceptionnelles. Ce comité, composé du délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et de personnalités qualifiées en sciences humaines et sociales compétentes dans le domaine des crises sanitaires, est chargé de « proposer au Gouvernement toute action pouvant améliorer l'appropriation par la population des mesures de prévention et de lutte contre la pandémie grippale et autres crises sanitaires exceptionnelles et de contribuer à renforcer la mobilisation de la population dans la perspective d'une telle pandémie. »
Parallèlement à cet effort d'organisation, le ministère de la santé a acquis les produits de santé et les équipements de protection ou de veille nécessaires , correspondant à chacun des contextes rappelés ci-dessus :
- en réponse à la vague d'attentats terroristes de l'automne 2001, la France a consenti un effort sans précédent pour constituer rapidement un important stock d'antibiotiques (fluoroquinolones), d'antidotes (cyanokits, contrathion...), d'iode stable, de vaccins antivarioliques et de matériel d'injection (aiguilles, embouts...) ; ces achats sont régulièrement renouvelés et complétés ;
- en réponse à la menace de pandémie grippale qui s'est précisée avec l'apparition dans plusieurs pays d'Asie de cas humains de grippe aviaire (261 morts officiellement recensés à ce jour dans dix pays différents), la France a constitué un important stock d'antiviraux (Tamiflu, Relenza, Oseltamivir), de masques de protection FFP2 et de masques anti-projections dits chirurgicaux ; elle a réservé d'importantes quantités de vaccin pandémique et de plus petites quantités de vaccin pré-pandémique (H5N1), avec le matériel d'injection correspondant ; elle a également acheté des caméras thermiques et a décidé d'équiper des équipes d'intervention dans les SAMU de cagoules de protection avec soufflantes ;
- enfin, face aux épidémies récurrentes de méningite (correspondant à plusieurs souches différentes), des stocks ont été constitués et utilisés (MenBVac, NeisVac, Ménomune).
A ce jour, malgré le nombre plutôt restreint de références (une cinquantaine), le coût total des achats réalisés sur quatre ans, entre 2003 et 2006, s'élève à 812 millions d'euros.
Tous les professionnels de santé, rencontrés par votre rapporteur lors de la préparation de la proposition de loi, l'ont souligné : la France a fait, en peu d'années, d'énormes progrès , instruite par l'expérience et soucieuse d'éviter ou, à tout le moins, d'anticiper dans les meilleures conditions possibles de nouveaux drames qui pourraient être d'une ampleur encore jamais éprouvée...
* 1 Décret n° 2005-1057 du 30 août 2005 instituant un délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire.