TRAVAUX DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 13 décembre 2006 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Alain Milon sur le projet de loi n° 91 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique
M. Alain Milon, rapporteur, a indiqué que le projet de loi de ratification de l'ordonnance relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titre et de l'exercice illégal de ces professions, comporte désormais dix neuf articles contre dix avant son examen par l'Assemblée nationale.
Ces articles sont d'une importance inégale. Quinze d'entre eux simplifient, clarifient ou harmonisent des dispositions relatives aux professions de santé (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues).
Parmi les quatre articles restants, deux sont consacrés aux conditions d'exercice de la profession de diététicien, un troisième tend à accorder le statut de profession de santé aux assistants dentaires, tandis que le dernier propose d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.
La ratification de l'ordonnance n° 2005-1040 est opérée par l'article premier du texte. Le nombre important de modifications entraînées par cette ordonnance s'explique par la volonté des pouvoirs publics d'harmoniser les modalités de fonctionnement des institutions ordinales des professions médicales (médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes), des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues. Ce travail d'homogénéisation a également porté sur les sanctions applicables en cas d'usurpation des titres ou d'exercice illégal d'une profession de santé.
Il a jugé que les quatorze articles suivants s'inscrivent dans le droit fil de l'ordonnance de simplification. Bien que très divers, ils concernent essentiellement le fonctionnement des instances ordinales de ces différentes professions.
Pour ce qui concerne la profession de diététicien, M. Alain Milon, rapporteur , a rappelé que jusqu'à présent, seul le titre de diététicien est réglementé et protégé par le code de la santé publique. Le projet de loi permet d'aller au-delà en prévoyant la reconnaissance de la profession de diététicien et en lui conférant le statut de professionnel de santé à part entière, avec tous les droits et devoirs afférents.
Cette reconnaissance intervient quelques semaines à peine après la mise en oeuvre du deuxième programme national nutrition santé (PNNS) présenté par le ministre de la santé et des solidarités le 6 septembre dernier. Ce n'est pas un hasard car les diététiciens seront appelés à jouer un rôle croissant dans la lutte contre l'obésité, dont la prévalence est en forte augmentation en France : ils seront chargés d'actions de prévention, comme l'éducation et le conseil, ou de la prise en charge des pathologies liées à une mauvaise nutrition.
Puis il a indiqué que ce texte vise également à accorder le statut de professionnel de santé aux assistants dentaires, mais uniquement pour ce qui concerne les questions de formation et non la définition de la profession et ses conditions d'exercice.
La question se pose donc de savoir s'il est nécessaire de conserver cet article en l'état, comme une première étape très partielle dans la reconnaissance de la profession d'assistant dentaire, ou s'il serait plus judicieux de supprimer cet article et d'élaborer un statut complet, pour lequel une concertation est d'ailleurs en cours, afin de lui donner ultérieurement une traduction législative. Cette interrogation se justifie d'autant plus que cette mesure ne fait pas l'objet d'un consensus chez les chirurgiens-dentistes regroupés au sein de la confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD).
Enfin, M. Alain Milon, rapporteur , a évoqué la demande d'habilitation déposée par le Gouvernement pour modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.
Des mesures du même ordre figurent déjà dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, en cours d'examen. Lors de sa première lecture au Sénat, la commission des affaires sociales avait porté une appréciation plutôt positive sur les dispositions ayant trait à la prise en charge des personnes hospitalisées d'office et avait insisté sur le rôle majeur joué par les maires dans ce dispositif. Elle avait toutefois vivement contesté l'insertion de ces mesures dans un texte consacré à la délinquance. De la même manière, celles-ci ont fait l'objet d'une opposition franche de la part d'associations de patients et de professionnels qui craignent un amalgame entre la lutte contre la délinquance et la prise en charge des malades mentaux.
Le Gouvernement propose désormais de supprimer les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la délinquance, sous réserve d'une habilitation accordée par le Parlement lui permettant de réviser la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux. C'est à quoi procède l'article 12 du présent projet de loi. Or, cette stratégie soulève trois interrogations.
La première est relative au champ de l'habilitation. Son périmètre est défini par six alinéas qui vont au-delà des dispositions du projet de la loi relatif à la délinquance. Le Gouvernement serait ainsi autorisé à agir par ordonnance dans le domaine de l'hospitalisation psychiatrique des personnes détenues, sujet non abordé jusqu'à présent. L'ordonnance serait également l'occasion de promouvoir un volet sanitaire qui concerne directement les professionnels de santé. Au total, l'habilitation sollicitée par le Gouvernement devrait lui permettre de refondre intégralement la législation actuelle relative à l'hospitalisation d'office. Ce faisant, elle dépasse largement le cadre de la simplification du droit pour aborder des thèmes sensibles touchant directement aux libertés publiques.
La deuxième interrogation porte sur des questions de procédure. L'introduction d'un article d'habilitation dans le projet de loi ne pose pas en soi de problème de respect des règles constitutionnelles. Néanmoins, la démarche suivie par le Gouvernement n'est pas banale puisque le vote de cet article d'habilitation par l'Assemblée nationale dans le présent texte n'a pas entraîné la suppression symétrique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance examiné dans le même temps. Il serait semble-t-il envisagé de ne procéder à cette suppression qu'après l'adoption définitive du présent projet de loi. Cette procédure n'est pas satisfaisante ; elle est source de confusion dans la présentation des dispositions soumises au vote du Parlement.
La troisième interrogation est relative au calendrier retenu. En vertu des dispositions figurant dans le II de l'article 12, le Gouvernement disposera d'un délai de deux mois suivant la promulgation de la présente loi pour publier l'ordonnance réunissant les différents textes pris sur le fondement de l'habilitation demandée. Ce délai de deux mois paraît bien court pour permettre la conduite d'une concertation large avec les professions de santé et les associations d'usagers concernées par l'hospitalisation d'office. Si l'ordonnance est bien prise dans un délai de deux mois, et si le projet de ratification est effectivement déposé sur le bureau des assemblées, son examen par le Parlement paraît difficile d'ici la fin de la législature.
En dépit de ces critiques, M. Alain Milon, rapporteur , est convenu de l'importance d'organiser la révision de la loi de 1990. C'est pourquoi il a proposé de donner un avis favorable à l'ensemble des dispositions du texte proposé.
M. Nicolas About, président , a reconnu que la procédure retenue pour régler la question de la réforme de la loi de 1990 sur l'hospitalisation en raison de troubles mentaux n'est pas satisfaisante mais qu'il y a nécessité d'agir et qu'en tout état de cause, la solution proposée satisfait la commission qui ne souhaitait pas l'insertion de ces dispositions dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
Sur la forme, M. Louis Souvet s'est élevé contre la procédure des ordonnances qui empêche le législateur de remplir sa fonction. Sur le fond, il a souligné la difficulté du rôle que doivent tenir les maires en matière d'hospitalisation d'office.
M. Nicolas About, président , a insisté sur la différence entre l'hospitalisation à la demande d'un tiers et l'hospitalisation d'office.
M. Paul Blanc a fait valoir que les médecins qui signent un certificat d'hospitalisation le font après mûre réflexion et renseignement auprès de l'entourage du malade. La décision du maire en matière d'hospitalisation d'office est toujours suivie d'une expertise psychiatrique, ce qui est protecteur des libertés. Néanmoins, le dispositif a le mérite de pouvoir régler les situations d'urgence.
M. Francis Giraud a estimé satisfaisant le dispositif actuel qui permet au maire de décider l'hospitalisation d'office avec, dans un très court délai, le recours à un expert psychiatrique.
M. Guy Fischer a dénoncé le nouveau coup de force du Gouvernement avec ce projet de loi qui, comme le projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'est considérablement étoffé au cours de son examen à l'Assemblée nationale. Le seul point positif du texte est la reconnaissance de la profession de diététicien.
M. Nicolas About, président , a rappelé que le retrait des dispositions relatives à l'internement des personnes en raison de troubles psychiatriques, du texte relatif à la prévention de la délinquance était une demande expresse de la commission.
M. Guy Fischer a regretté que l'examen du texte n'ait pas été précédé d'auditions, notamment des professions médicales, sur leurs conditions d'exercice, la formation ou les instances ordinales. Ce type de question est en effet rarement abordé au sein de la commission et un débat sur ces sujets aurait été utile. En réalité, le seul objectif de ce projet de loi est de permettre au ministre de l'intérieur de trouver une voie de sortie de l'impasse dans laquelle il s'est mis avec le projet de loi délinquance qui lui a valu l'hostilité de toute la profession psychiatrique et des familles et associations concernées. Il s'est également élevé contre le recours à la procédure des ordonnances. A ce sujet, il a approuvé les propos critiques et honnêtes du rapporteur mais regretté qu'ils s'achèvent par un avis favorable au projet de loi.
M. Alain Gournac a rappelé que lors de la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, un long débat a eu lieu au Sénat sur l'internement d'office en raison de troubles psychiatriques. Il a estimé indispensable que le texte soit rapidement voté et a donc apporté son soutien aux conclusions du rapporteur, tout en souhaitant que le texte sur la délinquance soit bien modifié en conséquence. Il a jugé important que dans ce genre de circonstances toujours difficiles, on respecte les médecins, les familles et les maires qui doivent prendre les décisions.
M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que le groupe socialiste s'abstiendrait sur la première partie du projet de loi, rappelant qu'il n'a pas habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l'organisation des professions de santé et que la concertation sur la question du statut des assistants dentaires a été manifestement insuffisante. Il a regretté que plusieurs rapports de la commission auxquels même les groupes de l'opposition pourraient souscrire en raison de la grande qualité de leur analyse, ne soient pas suivis d'effet car la commission finit par s'incliner devant les souhaits du Gouvernement, de gré ou de force. On l'a encore vu avec l'adoption d'un amendement gouvernemental rétablissant l'exonération des indemnités de départ à la retraite, ce que n'avaient pas souhaité les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
En ce qui concerne l'hospitalisation des personnes pour troubles psychiatriques, les règles actuelles ne posent pas de problème majeur d'application. En tout état de cause, leur révision devrait se faire dans un texte législatif uniquement consacré à cette matière et après une large concertation avec les professionnels, les familles et les élus. Il a regretté que la commission des affaires sociales ne présente pas d'avis sur la deuxième lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il s'est en outre étonné de ne pas avoir reçu d'invitation de la commission des lois pour pouvoir assister à l'audition du directeur général de la Haute Autorité de santé dans le cadre de l'examen de ce texte.
M. François Autain a regretté que les conclusions du rapport présenté ne tirent pas les conséquences des réserves fortes exprimées par le rapporteur. Ainsi, il s'est interrogé sur l'absence d'amendement de suppression de l'article 11 relatif aux assistants dentaires et de l'article 12 relatif à la réforme de la loi de 1990. Par ailleurs, la ratification de l'ordonnance prévue par ce dernier article ne pourra sans doute pas avoir lieu avant les élections.
M. Jean-Pierre Michel a souligné les bons arguments mais la mauvaise conclusion du rapport. Le vote, dans deux textes différents, des mêmes dispositions par le Parlement apparaît totalement illogique et nécessiterait que l'on puisse saisir le Conseil constitutionnel en cours de discussion d'un projet de loi. Sur le fond, tous les psychiatres qu'il a rencontrés sont, à des degrés divers, insatisfaits du texte proposé. Le maire comme le préfet n'apportent aucune garantie aux personnes hospitalisées. Une telle garantie ne peut se trouver que du côté des psychiatres. Il est donc indispensable que le maire ne puisse demander un internement sans certificat médical préalable.
Par ailleurs, le fichier des internements d'office pose de graves questions en matière de libertés publiques auxquelles un débat préalable aurait peut-être permis d'apporter des réponses. M. Jean-Pierre Michel a espéré que le groupe majoritaire de la commission suivrait le rapporteur si celui-ci présentait des amendements car le maintien du texte en navette lui paraît indispensable.
M. Alain Milon a rappelé que les débats sur l'hospitalisation d'office ont déjà eu lieu dans le cadre de l'examen du texte sur la prévention de la délinquance. Le présent projet de loi reprend ces dispositions et va un peu au-delà sur deux points, par l'ajout d'un volet sanitaire et de nouvelles modalités d'accompagnement des malades détenus. Les nombreux présidents d'ordres départementaux et nationaux qu'a rencontrés le rapporteur se sont tous déclarés satisfaits des dispositions de la première partie du projet de loi, pour lesquelles ils étaient d'ailleurs souvent demandeurs. Il ne proposera pas d'amendement à la commission sur ce texte.
M. Nicolas About, président , a indiqué qu'il serait toujours possible de revenir par la suite sur les dispositions législatives du présent projet de loi.
La commission a adopté les conclusions de son rapporteur.