EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 22 novembre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a examiné le rapport spécial de M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité ».
Présentant les principales caractéristiques de la mission, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a indiqué qu'après quelques « tâtonnements » lors de la conception initiale de la maquette budgétaire, le caractère interministériel de la mission « Sécurité », rassemblant police et gendarmerie nationales, était désormais une réalité tangible. Il a estimé qu'une véritable politique de mutualisation des forces de sécurité était désormais en oeuvre, et que les réflexes de travail en commun étaient acquis.
Il a considéré que le meilleur exemple en était probablement les groupements d'intervention régionaux (GIR), constitués à parité de policiers et de gendarmes. Toutefois, il a souligné que la reventilation de 53 % des crédits du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », soit 244,8 millions d'euros, vers le programme « Police nationale » de la présente mission témoignait, encore, de la survivance d'une certaine logique ministérielle, en contradiction avec l'esprit de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
Il a indiqué que la mission « Sécurité » était dotée de 16,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en hausse de 1,5 % par rapport à 2006, et de 15,6 milliards d'euros de crédits de paiement, en augmentation de 2,6 % par rapport à l'exercice précédent.
Il a souligné que les dépenses en personnel constituaient 83,4 % des moyens de la mission, soit 13 milliards d'euros. A cet égard, il a rappelé que les moyens supplémentaires et la réorganisation des forces sur le terrain ne constituaient pas une « fin en soi ». Il a jugé qu'ils ne pouvaient se concevoir que dans un souci de meilleur emploi des effectifs, des crédits et des locaux disponibles. Dans cette perspective, il a indiqué que M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, avait esquissé, lors de son audition par le rapporteur spécial, tout l'intérêt pour la police nationale d'avoir pu s'appuyer sur le rapport d'information n° 25 (2003-2004) du rapporteur spécial sur l'organisation et les systèmes d'information de la police et de la gendarmerie nationales.
M. Aymeri de Monstesquiou, rapporteur spécial, a estimé que l'harmonisation du projet annuel de performances (PAP) entre les deux programmes était très satisfaisante, mais s'est en revanche interrogé sur le nombre d'indicateurs, qui s'élevait à 23 pour chacun des deux programmes et qui lui paraissait trop important.
Il a constaté qu'en 2005, la délinquance avait baissé de 0,77 % en zone police et de 2,67 % en zone gendarmerie. Il a observé qu'au total, le nombre de crimes et délits constatés était revenu de 3.825.442 en 2004 à 3.775.838, soit une baisse de 49.604 faits constatés. Il a précisé que ces chiffres provenaient de l'état 4001 qui existe depuis 1972. Il a ajouté que, parallèlement, le taux d'élucidation global avait enregistré une légère progression et était désormais de 30,39 % en zone police et de 40,62 % en zone gendarmerie. Il a souligné que ce taux global recouvrait, toutefois, de grandes différences de performance selon la nature des catégories d'infraction. Il a précisé que, pour le programme « Police nationale », le taux d'élucidation variait de 12,37 % pour les vols, y compris le recel, à 51,37 % pour les escroqueries et les infractions économiques et financières, et à 51,96 % pour les violences contre les personnes.
Par ailleurs, il a jugé essentiel que les réseaux de communication des forces de sécurité intègrent, à terme, la conception d'un réseau unique et commun à la police, à la gendarmerie et aux personnels de sécurité civile.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a ensuite souligné que le programme « Police nationale » comportait, hors fonds de concours, 8,2 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 2,3 %. Il a précisé qu'au sein de ce programme, la lutte contre l'immigration clandestine mobilisait 91,2 millions d'euros, cette dotation incluant les coûts de fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA) et des zones d'attente (40,8 millions d'euros), ainsi que les frais d'éloignement des étrangers en situation irrégulière (50,4 millions d'euros). Il a indiqué que, hors frais de voyage, le coût de l'expulsion d'un clandestin s'élevait à 1.800 euros.
Il a ajouté qu'une dotation exceptionnelle de 4 millions d'euros devait permettre de prendre en compte l'impact financier du déménagement des services centraux de la direction de la surveillance du territoire (DST) et de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG) sur un site unique, à Levallois-Perret, pour y constituer un « pôle renseignement ».
Abordant ensuite les effectifs, M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a indiqué que le taux de réalisation de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 était satisfaisant et atteignait, pour 2007, 95,4 % pour la police nationale avec 6.200 emplois créés, dont 4.200 emplois de fonctionnaires actifs. Toutefois, il a souligné que ce taux, en matière de dépenses d'investissement, ne méritait pas le même satisfecit, puisqu'il n'était que de 66 %. A ce propos, il a souligné que la fongibilité des crédits s'était exercée en 2006, au sein de ce programme, des crédits d'investissement vers les crédits de fonctionnement, notamment en faveur de l'interopérabilité des forces de sécurité.
Il a estimé que, d'une manière générale, les efforts consentis par les contribuables pour ce renforcement des forces de sécurité devaient déboucher sur des progrès tangibles en termes d'efficacité. Dans cette perspective, il a considéré que le développement des violences urbaines, notamment, devait inciter à une réflexion approfondie et à une large concertation, menée sans idéologie. Il a rappelé que de nombreux commissariats de police de proximité avaient été fermés, et que la police nationale ne pouvait être réduite à un outil de représentation, mais devait également contribuer au travail de prévention.
En matière de performance du programme « Police nationale », il a relevé que le coût moyen d'une rétention administrative, qui s'élevait, en 2005, à 802 euros, s'inscrivait dans une tendance à la hausse. Il a précisé que cette évolution tenait, en particulier, à l'amélioration des prestations hôtelières (en application de nouvelles normes) et à l'augmentation de la durée moyenne de rétention liée à la multiplication des recours.
Comme en 2006, il a réitéré sa proposition de création d'un indicateur portant sur l'évaluation du taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire. Il a considéré qu'un tel indicateur permettrait de mesurer le « taux de réponse » donné par la police à la question de l'éloignement de personnes identifiées.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, a indiqué que le programme « Gendarmerie nationale » comportait, hors fonds de concours, 7,4 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une progression de 2,9 %. Il a souligné que la particularité de ce programme résidait dans le fait que l'ensemble de ses dépenses de fonctionnement, d'investissement et d'intervention relevaient d'une unique action : l'action « Commandement, ressources humaines et logistiques ».
Il a précisé que, parmi les innovations touchant le programme « Gendarmerie nationale » en 2007, il convenait de relever qu'à partir de l'année prochaine, la gendarmerie prendrait en charge les dépenses de fonctionnement des trois CRA placés sous sa responsabilité. Il a ajouté que leurs crédits de fonctionnement, d'un montant d'1,3 million d'euros, dépendaient auparavant du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ». En outre, il a déploré que les transferts des étrangers retenus dans les CRA ne soient pas encore assurés par des personnels pénitentiaires ou des personnels spécialisés.
Il a considéré que le niveau de création d'emplois pour ce programme en 2007, soit 950 emplois, ne répondait pas à l'espoir de voir les engagements de la LOPSI parfaitement tenus. Il a ajouté qu'au total, le déficit final en création d'emplois s'élèverait à 950 emplois, soit un taux de réalisation de 86,4 %.
Il a tenu à souligner que le financement du développement et de la modernisation du parc immobilier de la gendarmerie nationale figurait parmi les points qui, cette année, avaient tout particulièrement retenu son attention. Il a précisé que ce financement s'appuyait de manière croissante sur les partenariats publics-privés (PPP), via le recours, notamment, à des opérations sur bail emphytéotique administratif (BEA).
Concernant la mise en oeuvre des chantiers en lien avec ces PPP, il a signalé que des retards étaient à déplorer. Il a rappelé que, lors de son audition par la commission le jeudi 26 octobre 2006, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, était d'ailleurs longuement revenue sur cette question. Il a ajouté que, par ailleurs, ce mode de financement avait pour conséquence un renchérissement du coût de ces opérations pour la gendarmerie, du fait d'un coût du capital plus élevé lié à la prime de risque de l'opérateur privé. Il a précisé que le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, avait estimé ce surcoût à environ 30 %.
Il a déclaré que la gendarmerie nationale avait déployé, en 2006, 522 militaires en moyenne dans le cadre des opérations extérieures (OPEX). A cet égard, il a souligné que les missions hors du territoire de la métropole pesaient significativement sur la disponibilité de la gendarmerie mobile. En outre, il a rappelé que les remboursements internationaux ne couvraient qu'un tiers du coût de ces opérations.
Enfin, il a regretté que les deux indicateurs relatifs à la performance des OPEX mesurent plus une activité qu'une performance.
Après que M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial , eut proposé à la commission d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurité », un large débat s'est instauré.
M. François Trucy a rappelé que la gendarmerie relevait auparavant du budget de la défense. Il a salué son rattachement, désormais, à la mission « Sécurité » et a considéré qu'il en résultait une meilleure lisibilité des crédits consacrés à la sécurité de la France, ce qui faciliterait la comparaison avec les autres pays.
M. Paul Girod a regretté que la mission « Sécurité » se cantonne à la police et à la gendarmerie, et n'intègre pas la sécurité civile. Il a ensuite souhaité avoir des précisions sur la notion de « police de proximité ». Enfin, il a considéré que le surcoût entraîné par les PPP, à hauteur de 30 %, lui semblait excessif et s'est interrogé sur l'efficience de tels partenariats.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial , a estimé que la police de proximité apportait une plus grande efficacité en matière de sûreté publique. Il a constaté, toutefois, que les commissariats de proximité créés pouvaient être mieux utilisés. Il a souligné que la mission de la police ne devait pas être seulement de sanctionner, mais également de prévenir.
Au sujet des PPP, il a précisé les avantages apportés par le système public-privé, en particulier une meilleure qualité des travaux, un entretien des équipements et une expertise apportée par l'opérateur privé. Il s'est engagé, par ailleurs, à analyser plus particulièrement les chiffres relatifs au surcoût de ces dépenses, en considérant toutefois que la vision annuelle de la dépense se trouvait lissée par le recours à ces partenariats.
M. Jean Arthuis, président, a craint que le système des PPP ne masque le montant réel des dépenses publiques qui s'avérerait, à terme, plus important qu'annoncé.
M. Yves Fréville s'est interrogé sur la nature des relations entre les ministères de la défense et de l'intérieur s'agissant de la mission « Sécurité ». Il a estimé qu'il s'agissait plus d'une simple « juxtaposition » du côté du ministère de la défense.
Par ailleurs, il a remarqué que le montant des cotisations sociales correspondant aux rémunérations d'activité ne figurait pas clairement dans les documents budgétaires.
M. François Trucy a souligné la pertinence de la question de M. Yves Fréville quant à une nécessaire mise en relation du coût des rémunérations des personnels actifs et de la masse des prestations versées aux retraités.
M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur spécial, en réponse à M. Yves Fréville, a confirmé que la répartition des territoires respectifs avait été faite sans difficulté entre les deux ministères.
M. Jean Arthuis, président, a déclaré que la présentation faite des dépenses de personnel correspondait bien à la logique de la LOLF, que les cotisations payées à ce qui s'apparentait à une caisse de retraite des fonctionnaires figuraient dans le compte d'affectation spéciale « Pensions » et que la question posée par M. Yves Fréville était, par ailleurs, valable pour toutes les missions. Il a estimé qu'une réflexion sur le contenu et le mode de décompte des frais de personnel pourrait utilement être conduite par la commission.
Enfin, il a évoqué les cas de reconduite des clandestins à la frontière. A ce sujet, il a constaté qu'il n'y avait pas de réelle coordination entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur. Il a regretté, en effet, que le Quai d'Orsay n'exerce pas de « pression » sur l'Etat dont est issue la personne en situation irrégulière afin d'assurer son retour. Il a souhaité la création d'un nouvel indicateur mesurant le pourcentage de reconduite à la frontière, comme le proposait du reste M. Aymeri de Monstesquiou, rapporteur spécial.
La commission a alors décidé de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Sécurité ».
Réunie le jeudi 23 novembre 2006, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité », après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.