C. LES BRÈCHES AFFECTANT L'ÉQUILIBRE DE LA LOI DU 21 AOÛT 2003
1. Le coût des carrières longues
L'aggravation du déficit du régime général observé au cours des dernières années s'explique en grande partie par l'ampleur massive des départs anticipés des assurés sociaux intervenant à l'âge de cinquante-six, cinquante-sept ou cinquante-huit ans. Pour la seule Cnav, les dépenses correspondantes se sont élevées successivement à 1,4 milliard d'euros en 2005, à 1,8 milliard d'euros en 2006 et devraient atteindre 2 milliards d'euros en 2007. Ces sommes correspondent aux deux tiers du déficit constaté ou prévisible sur la période.
Les retraites anticipées
Source : Cnav
Le dispositif des longues carrières représentait la principale contrepartie réclamée par les partenaires sociaux pour signer le relevé de décisions du 15 mai 2003. Il semblait d'ailleurs légitime de prendre en compte la spécificité de la situation des personnes ayant commencé à travailler dès quatorze, quinze ou seize ans. Mais il convient de relever qu'au cours des travaux préparatoires qui ont été alors menés, ce dispositif avait été initialement conçu pour bénéficier aux personnes âgées de cinquante-huit et de cinquante-neuf ans. L'ouverture de la mesure aux personnes de cinquante-six et cinquante-sept ans n'avait pas été prévue.
Il en va de même pour la pratique du rachat des années d'études et des années de cotisations incomplètes qui n'avait pas été envisagée par le législateur de 2003. Ce cas de figure concerne aujourd'hui 15 % à 18 % des demandes et porte notamment sur la possibilité de régularisation des périodes d'apprentissage. Or, d'après une étude réalisée par les services de la Cnav, ces personnes bénéficient, en raison d'un barème financier inadapté, de taux de rendement financier exceptionnels pouvant atteindre jusqu'à 65 % par an. Il faut y voir une dérive car l'article 29 de la réforme des retraites prévoit expressément que ces rachats ne peuvent intervenir que « dans des conditions définies par décret garantissant la neutralité financière ». Cela n'est manifestement pas le cas en l'espèce.
Dans ces conditions, il n'est guère surprenant que le dispositif des carrières longues soit attractif et populaire. Le nombre des nouveaux bénéficiaires tend tout juste à se stabiliser, mais à un niveau très élevé : 102.000 en 2005, 105.000 en 2006 et probablement 95.000 en 2007. A partir de la fin de l'actuelle décennie et surtout du début des années 2010, on devrait néanmoins constater une lente décrue en raison de l'allongement de l'obligation scolaire, qui est passée de quatorze à seize ans à partir de la génération 1953.
Le coût des retraites anticipées atteindrait son maximum en 2007 |
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2004 |
2005 |
Prévisions |
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2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
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Flux de nouveaux bénéficiaires |
112.990 |
101.910 |
104.670 |
94.970 |
87.190 |
78 730 |
69.960 |
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Stock annuel moyen 1 |
68.350 |
146.530 |
192.390 |
208.930 |
203.780 |
181.410 |
160.010 |
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Coût de la mesure
2
|
594 |
1.344 |
1.805 |
2.007 |
2.007 |
1.855 |
1.704 |
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1
Nombre de prestataires de droit
propre vivants de moins de soixante ans.
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Source : Cnav |
Sur la base de l'ensemble de ces éléments, on peut se demander si le dispositif des carrières longues sera financièrement soutenable sur la durée. De fait, la large diffusion de cette mesure aboutit en pratique à créer un mécanisme de préretraite inédit au bénéfice de 10 % à 15 % des classes d'âge nées à la fin des années 40. Cette situation nuit aux tentatives engagées parallèlement dans le but d'augmenter le taux d'emploi des seniors.