C. MODIFIER AU PRÉALABLE LES RÈGLES DE GOUVERNANCE DES RÉGIMES DE RETRAITE DE BASE
L'assurance vieillesse souffre depuis longtemps de graves problèmes de gouvernance, bien plus importants au demeurant que ceux de l'assurance maladie. Cette question n'est pourtant presque jamais évoquée, ni dans le débat public, ni même dans la grande majorité des publications sur les retraites Votre rapporteur estime pour sa part qu'il conviendra en priorité de traiter ce problème à l'occasion de la clause de rendez-vous de 2008.
1. Des règles de gouvernance peu efficaces
La notion de gouvernance ou de régulation des régimes de retraite consiste à choisir les méthodes visant à préserver leur équilibre financier à moyen et long terme. Or, pour certains, les méthodes utilisées en France ne sont pas exemptes de critiques 10 ( * ) :
« La recherche de l'équilibre entre recettes et dépenses des régimes de retraites par répartition présente actuellement les caractéristiques suivantes : elle est morcelée, chaque régime faisant l'objet d'un traitement spécifique, ce qui rend la régulation d'ensemble très difficile ; elle est en permanence hautement politique, et cela dans des conditions défavorables, car pour les régimes par annuités, les ajustements effectués sur les pensions prennent principalement la forme d'une remise en cause, avec portée rétroactive, des règles de calcul des pensions. »
Votre rapporteur considère qu'il est nécessaire de renoncer à promettre aux assurés sociaux une retraite exprimée sur la base de sommes fixes ou de pourcentages déterminés du revenu de fin de carrière. L'économiste Jacques Rueff jugeait d'ailleurs que de telles promesses ne correspondent pas aux réalités de la production, et les qualifiait de « faux droits ». Dans un système par répartition, on prélève au niveau de l'ensemble de l'économie, pour le distribuer, un certain pourcentage des revenus du travail. Or, si le revenu national fluctue moins que les taux d'intérêts ou les profits des entreprises, le montant des richesses redistribuables n'est pas pour autant garanti, et nul n'a le pouvoir de le faire, pas même la puissance publique. Les recettes des régimes de retraite dépendent à court terme de la conjoncture, et sur le long terme de la démographie ainsi que du taux de croissance économique moyen. Les droits à pension devraient donc être attribués avec prudence, en fonction du facteur travail.
A l'inverse de la France, la Suède a mis en place des mécanismes qui permettent de réaliser automatiquement la stabilité financière du régime public par répartition dans le temps. Ce système repose, d'une part, sur la prise en compte de l'allongement de l'espérance de vie dans les modalités de calcul de la pension, d'autre part, sur un « mécanisme automatique d'équilibre » ajustant les paramètres du système dès que, sur le long terme, les engagements dépassent les ressources. Ces ajustements sont réalisés par l'intermédiaire de la valorisation des droits à la retraite. Comme le montre, en France, l'exemple des régimes complémentaires, il conviendrait que ce processus d'adaptation revête un caractère de simple gestion, au lieu de requérir des réformes lourdes au début de chaque législature.
En définitive, la régulation de notre système de retraite aurait besoin de dispositions permettant de faire ce que les Américains appellent « fine tuning », c'est-à-dire d'en modifier les paramètres d'une façon habituelle et simple, sans susciter des manifestations de rue ou des grèves massives. Or, le système des annuités oblige à procéder par révolutions, alors que l'on pourrait faire, chaque année, de simples réglages techniques.
* 10 Quelle régulation pour les régimes de retraite par répartition ? Jacques Bichot revue Droit social septembre-octobre 2006.