III. QUELS ENSEIGNEMENTS POUR LA PRÉPARATION DE LA PROCHAINE RÉFORME DES RETRAITES ?

A. PARTIR D'UN CONSTAT LUCIDE ET ÉCLAIRÉ

Le processus de sauvegarde du système d'assurance vieillesse nécessitera encore d'importants efforts à l'avenir. Il convient donc de veiller à ne pas entretenir dans l'opinion publique un message trop optimiste.

1. Privilégier une approche réaliste

Aujourd'hui encore, le débat public sur l'avenir des retraites est perturbé par de nombreux arguments servant d'alibis pour justifier le statu quo. La relecture des débats parlementaires de 2003, ainsi que des positions exprimées par la plupart des confédérations syndicales à cette occasion, fait apparaître un très large spectre d'idées fausses ou de manoeuvres dilatoires :

- la contestation de la possibilité même de réaliser des projections à long terme pour évaluer les besoins de financement de l'assurance vieillesse ;

- la mise en avant des efforts déjà demandés aux assurés sociaux à l'occasion des réformes Balladur de 1993 et Fillon de 2003 ;

- l'ampleur des inégalités affectant le système de retraites ;

- l'existence de besoins sociaux insatisfaits, par définition illimités ;

- le renvoi de toute décision sur l'avenir des régimes spéciaux à une hypothétique négociation avec les partenaires sociaux, appelés à trouver un « compromis fructueux » ;

- le refus du catastrophisme ;

- l'affirmation de principe suivant laquelle le « financement relève d'un choix de société » sans plus de précision ;

- l'idée générale que l'harmonisation des retraites doit intervenir par le haut, en s'alignant sur le mieux-disant ;

- l'affirmation suivant laquelle une augmentation des financements est nécessaire et une forte hausse des cotisations semble parfaitement envisageable ;

- la relativisation de l'ampleur des hausses de cotisations intervenues dans le passé ;

- le refus de l'existence même de disparités entre les retraites du secteur privé et celles du secteur public ;

- l'idée que la croissance future de la productivité permettra à elle seule de préserver en grande partie les équilibres des systèmes de retraites.

Il est malheureusement quasiment certain que ces arguments seront de nouveau avancés à l'occasion de la clause de rendez-vous de 2008. Dans un domaine aussi complexe que celui des retraites, il est infiniment plus aisé de développer un argumentaire simpliste, voire populiste, que de défendre des positions argumentées, fondées sur une évaluation réaliste des difficultés.

Là réside d'ailleurs une réelle spécificité française par rapport aux autres pays européens. En Suède, en Allemagne ou Espagne, par exemple, la quasi-totalité des forces politiques est parvenue, au nom de l'intérêt général, à s'entendre sur les bases des réformes de l'assurance vieillesse et à ne pas utiliser la question des retraites comme une arme électorale. Dans notre pays, en revanche, prédominent encore largement des affrontements idéologiques d'un autre temps et un refus largement répandu de voir la réalité en face.

Il est pourtant possible de piloter sur le long terme les grands équilibres des régimes de retraite. Cela suppose de prendre en compte les temps de réaction généralement très longs pour en modifier les paramètres. Il n'est pas rare, en effet, de devoir attendre vingt ans pour percevoir l'impact de certaines mesures. C'est le cas aujourd'hui pour la réforme Balladur de 1993, dont la totalité des effets ne se fera pas sentir avant 2008.

Avec le recul du temps, les mesures les plus efficaces sont celles prises longtemps avant l'apparition des difficultés de financement, qui répartissent l'effort en modifiant le plus grand nombre de leviers possibles et qui mettent à contribution les cotisants comme les retraités.

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