Article 2011 nouveau du code civil
Définition de la fiducie

Ayant un objet semblable à l'article 2062 tel que rédigé par la proposition de loi, l'article 2011 du code civil tel que résultant des conclusions de la commission, donnerait une définition de la fiducie.

La rédaction proposée par votre commission tendrait à qualifier la fiducie « d'opération » juridique et non pas seulement de contrat. En effet, il convient de ne pas exclure le fait que la loi pourrait, le cas échéant, créer des fiducies répondant à la définition donnée dans le présent article, sans pour autant imposer la rédaction d'un contrat dans les conditions prévues par cette nouvelle division du code civil. Votre commission vous proposera d'ailleurs de préciser, à l'article 2012 du code civil, que la fiducie peut trouver sa source soit dans le contrat, soit directement dans la loi.

Aux termes de la rédaction proposée par votre commission, plusieurs constituants pourraient participer à l'opération fiduciaire.

Dans sa fonction de sûreté, il peut en effet être intéressant de prévoir plusieurs constituants à la fiducie. Le financement de certaines opérations étant particulièrement lourd, plusieurs débiteurs et plusieurs prêteurs peuvent être amenés à intervenir. Il peut donc être utile que l'ensemble de ces débiteurs aient eux-mêmes la qualité de constituants. Dans le cadre d'une fiducie-gestion, des exemples actuels montrent en effet que le fiduciaire gère parfois un patrimoine unique pour le compte de plusieurs constituants. Tel est le cas, en particulier, du trust de droit anglais « Euromillions », constitué de plusieurs loteries nationales, dont la Française des Jeux en qualité de settlors . De même, on peut imaginer que des actionnaires de sociétés puissent décider de remettre à un fiduciaire des actions pour réaliser une opération déterminée.

Il y a lieu de préciser que, dans une telle configuration, les biens et droits transmis par chacun des constituants feront alors partie du même patrimoine fiduciaire.

L'opération fiduciaire serait caractérisée par un transfert de « biens, de droits ou de sûretés ».

La fiducie pourra ainsi porter sur tout type de bien , qu'il soit meuble ou immeuble.

Le terme « droits » -générique- permettra de viser à la fois des droits personnels (par exemple, des créances, des droits de propriété intellectuelle, des contrats, des valeurs mobilières...) et des droits réels principaux (tels que des droits de propriété, des droit d'usufruit ou des servitudes) ou accessoires. Ce vocable pourrait englober, en particulier, des droits spécifiques tels que les droits « à polluer » issus du protocole de Kyoto.

Votre commission vous propose également de préciser que le contrat de fiducie peut permettre le transfert de sûretés , même si l'on peut également estimer qu'il s'agit de droits réels accessoires. Cette précision devrait être à même de rassurer les milieux économiques qui, entendus par votre rapporteur, ont fortement insisté pour une telle utilisation de la fiducie.

La généralité des termes proposés permet d'autoriser le transfert de biens ou de droits avec ou sans dépossession , en fonction de la volonté et des besoins des parties au contrat de fiducie.

Ces termes autorisent également le transfert de dettes. Le patrimoine fiduciaire ainsi constitué en vertu du contrat de fiducie pourra d'ailleurs être composé d'éléments de passif d'une valeur supérieure à celle des éléments d'actifs présents. La fiducie pourrait ainsi être utilisée dans le cadre d'opérations de « defeasance », par lesquelles le constituant transfèrerait à un fiduciaire une partie de ses dettes accompagnées de certains actifs, le fiduciaire étant chargé d'assurer le service de la dette.

En revanche, la rédaction proposée interdirait les fiducies qui emporteraient uniquement un transfert de dettes . Il est en effet important d'éviter que la fiducie puisse permettre à une personne de se décharger de l'intégralité de son passif, au mépris des droits de ses créanciers.

Ce transfert pourra porter sur un « ensemble » de biens, de droits ou d'obligations. Il s'agirait ainsi de faciliter la détermination de l'assiette de la fiducie. Des biens pourront faire l'objet d'un transfert fiduciaire dès lors qu'ils se rattachent à un « ensemble ». A défaut d'une telle mention, chaque bien pris isolément devrait être spécifiquement désigné, ce qui pourrait s'avérer lourd.

Ces biens ou droits transférés pourront être présents ou simplement futurs, le texte des conclusions présentées par votre commission ne faisant, contrairement à la proposition de loi initiale, aucune distinction selon que la fiducie est constituée aux fins de garantie ou non. La fiducie pourrait porter sur des éléments de patrimoine qui auraient, le cas échéant, un caractère simplement conditionnel. En revanche, les droits transmis ne sauraient être des créances purement éventuelles.

S'agissant particulièrement des modalités dans lesquelles le transfert de ces biens ou droits ainsi que le transfert des risques qui l'accompagne seraient opérés , votre commission vous propose , contrairement à la proposition de loi, de laisser s'appliquer les dispositions législatives préexistantes .

Dès lors, pour le transfert des risques, s'appliquera, sauf stipulation contraire expresse du contrat de fiducie, l'adage « res perit domino » : les risques seront donc à la charge du fiduciaire, nouveau titulaire des biens transférés. Pour le transfert des biens et droits du constituant, le régime applicable variera donc en fonction de la nature de la créance transférée dans le patrimoine fiduciaire. Ainsi, pour les créances civiles, les règles prévues par les articles 1689 et suivants du code civil devraient être suivies, tandis qu'en cas de cession de créances professionnelles, les dispositions des articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier auront vocation à s'appliquer.

Ce transfert s'opérera au profit d'un fiduciaire, mais les biens transférés resteront séparés du patrimoine propre de celui-ci. Sur ce point, le texte proposé par votre commission rejoint donc l'objet poursuivi par la proposition de loi, consistant à créer un patrimoine affecté aux seules fins de la fiducie.

Votre commission vous propose, contrairement à la proposition de loi, de ne pas spécifier, dans la définition, l'objet précis de la fiducie mais plutôt de prévoir que le fiduciaire « agit dans un but déterminé ».

Il apparaît en effet préférable de laisser aux parties un maximum de liberté dans l'objet de la fiducie, tout en précisant que le fiduciaire ne peut agir qu'en conformité avec les règles définies par le contrat de fiducie.

Si la formule proposée suggère plus aisément que la fiducie peut être constituée comme moyen de gestion, elle permet également d'englober la fiducie constituée à titre de sûreté. Dans un tel cas de figure, le fiduciaire peut aussi avoir la mission de conserver le bien en garantie et, en cas de défaillance du débiteur, de faire procéder à sa vente et à la répartition du prix de vente entre les mains de différents bénéficiaires.

Votre commission juge en effet préférable de ne pas « cloisonner » les usages et les objets du contrat de fiducie . Il n'est en effet pas exclu que les praticiens du droit créent, par la suite, en fonction de leurs besoins, des contrats de fiducie « mixtes », qui seraient à la fois des outils de gestion et de garantie, voire des instruments d'une autre nature, non encore envisagée à l'heure actuelle...

En dernier lieu, à l'instar de la définition retenue dans la proposition de loi, votre commission vous propose que la fiducie puisse profiter, le cas échéant, à un ou plusieurs bénéficiaires.

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