Rapport n° 492 (2005-2006) de M. Jean-René LECERF , fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 septembre 2006

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N° 492

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2005-2006

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21 septembre 2006

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 septembre 2006

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif au contrôle de la validité des mariages,

Par M. Jean-René LECERF,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Marcel Rainaud, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 2838, 2967 et T.A . 557

Sénat : 275 (2005-2006)

Mariage et régimes matrimoniaux.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

La commission des lois du Sénat, réunie le mercredi 27 septembre 2006, sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, a examiné sur le rapport de M. Jean-René Lecerf, le projet de loi n° 275 (2005-2006) relatif au contrôle de la validité des mariages .

Le rapporteur a tout d'abord rappelé l'augmentation concomitante du nombre de mariages de Français avec des étrangers, de signalements aux procureurs de la République pour suspicion de mariages simulés, ainsi que d'annulations de mariage. Il s'est en particulier inquiété de la concentration de ces mariages dans certains pays soumis à une très forte pression migratoire, et a jugé les résultats en matière de lutte contre les mariages simulés insuffisants, en dépit d'un important dispositif législatif encore récemment complété.

Le rapporteur a donc approuvé le renforcement prévu par le projet de loi des formalités préalables au mariage d'un Français devant une autorité étrangère, dont le respect conditionnera désormais la transcription du mariage.

La commission a cependant :

- précisé que le remplacement des témoins indiqués préalablement à la publication des bans lors du mariage ne peut empêcher sa célébration (article 1er du projet de loi) ;

- obligé l'autorité diplomatique ou consulaire ou l'officier de l'état civil à saisir « sans délai » le procureur de la République en cas de doute avant la célébration d'un mariage, afin d'éviter tout retard arbitraire remettant en cause la liberté du mariage (article 3 du projet de loi) ;

- prévu la possibilité de dispenser d'audition les époux s'étant mariés devant une autorité étrangère sans solliciter de certificat de capacité à mariage , lorsqu'au vu du dossier il n'existe aucun doute sur la réalité ou la liberté du consentement au mariage (article 3 du projet de loi) ;

S'agissant du second volet du projet de loi consacré à la vérification de la validité des actes de l'acte de l'état civil étranger , la commission a approuvé l'abrogation de la procédure introduite par la loi du 26 novembre 2003 prévoyant une centralisation auprès du procureur de la République de Nantes.

Cependant, à l'initiative du rapporteur, elle a précisé dans le projet de loi la teneur de la procédure administrative amenée à la remplacer, qui permettra aux administrations saisies de faire procéder elles-mêmes aux vérifications dans un délai de quatre mois renouvelable une fois.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi en première lecture du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, déjà examiné par l'Assemblée nationale le 22 mars 2006.

Ce texte poursuit deux objectifs :

- lutter plus efficacement contre la fraude au mariage, devenue l'un des moyens privilégiés de contourner la législation sur l'entrée et le séjour des étrangers ainsi que les règles d'acquisition de la nationalité française (chapitre Ier) ;

- rendre plus effectif tout en le simplifiant le contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers (chapitre II).

Touchant au droit des personnes, ces deux objectifs doivent se concilier avec le respect de la vie privée et de la liberté du mariage, d'une part, et la présomption de régularité des actes d'état civil étrangers « établis dans les formes usitées localement », d'autre part.

Ces phénomènes ont récemment été étudiés par la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine 1 ( * ) . En outre, le dispositif proposé par le présent projet de loi doit également se comprendre en relation avec les récentes lois n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs et n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration.

I. RENFORCER LA LUTTE CONTRE LES MARIAGES SIMULÉS

A. UN PHENOMENE EN FORTE AUGMENTATION

La circulaire du 2 mai 2005 relative à la lutte contre les mariages simulés ou arrangés qualifie de simulé tout mariage qui ne repose pas sur une volonté libre et éclairée de vouloir se prendre pour mari et femme, qu'il ait été conclu exclusivement à des fins migratoires ou pour obtenir un avantage professionnel, social, fiscal ou successoral. Cette notion recouvre les mariages de complaisance (contraires à l'article 146 du code civil en l'absence de consentement), mais aussi les mariages forcés (contraires à l'article 180 du code civil du fait d'un vice du consentement).

Certes, il serait caricatural d'assimiler mariages binationaux et mariages simulés. L'importance du phénomène de mondialisation, l'arrivée à l'âge du mariage de la population française issue de l'immigration parmi laquelle certains souhaitant se marier avec un ressortissant du pays d'origine de leurs parents, expliquent largement ce phénomène.

Néanmoins, la coïncidence de ce phénomène avec le renforcement des contrôles de l'immigration et l'intérêt comparatif accru du mariage binational n'apparaît pas totalement fortuite.

Petites précisions lexicales

- Les mariages binationaux sont des mariages entre des ressortissants Français et des étrangers, ressortissants ou non de l'Union européenne.

- Les mariages transcrits sont les mariages célébrés à l'étranger devant l'officier de l'état civil local, et ensuite enregistrés à l'état civil français par la représentation diplomatique ou consulaire française territorialement compétente.

- Les mariages célébrés par l'officier de l'état civil consulaire sont dits «  dressés » et non transcrits. Dans la plupart des pays, l'officier de l'état civil consulaire ne peut célébrer le mariage que si les conjoints sont tous deux Français. 345 mariages ont été dressés par les consuls français en 2004.

1. L'augmentation concomitante des mariages binationaux, notamment avec des ressortissants de pays à forte pression migratoire, et des annulations de mariages

? De 1999 à 2003, le nombre des mariages célébrés en France entre des Français et des ressortissants étrangers a progressé de 62 %. En 2005, ils représentaient 50.000 des 275.000 mariages célébrés en France.

Par ailleurs, les mariages célébrés à l'étranger ont plus que doublé en dix ans, passant de 20.607 en 1994 à 44.727 en 2004. La quasi-totalité de ces mariages étaient des mariages binationaux.

Par conséquent, 95.000 des 320.000 mariages célébrés chaque année sont mixtes .

Cette progression est particulièrement importante pour certains pays, dans lesquels la pression migratoire est par ailleurs très forte (Maghreb, Turquie, Afrique subsaharienne francophone). Ces pays regroupent 60 % de ces mariages et connaissent les progressions les plus rapides (+ 123,6 % pour la Tunisie en seulement cinq ans, + 187 % pour le Cameroun). Ainsi, en dix ans, le nombre de mariages de Français avec un ressortissant d'un pays du Maghreb célébrés à l'étranger a triplé pour s'établir à près de 19.000 en 2004.

Évolution du nombre de mariages transcrits sur la période de 1999 à 2004
et évaluation de la part de mariages binationaux en 2004

1999

2004

Évolution

Évaluation
de la part des mariages binationaux
(année 2004)

Algérie

3.645

7.840

+ 115 %

100 %

Maroc

3.702

7.831

+ 111,5 %

100 %

Tunisie

1.416

3.166

+ 123,6 %

100 %

Ensemble Maghreb

8.763

18.837

+ 115 %

Turquie

1.961

2.727

+ 39 %

100 %

États-unis

2.755

2.385

+ 2,9 %

74 %

Suisse

2.330

1.577

- 32,3 %

92 %

Royaume-Uni

1.323

1.191

- 10 %

95 %

Sénégal

774

1.033

+ 33,5 %

99 %

Allemagne

1.386

1.002

- 27,7 %

97 %

Madagascar

462

948

+ 105 %

99 %

Espagne

739

821

+ 11,1 %

94 %

Canada

824

672

- 18,4 %

89 %

Belgique

1.110

629

- 43,3 %

89 %

Israël

550

619

+ 12,5 %

95 %

Italie

718

614

- 14,5 %

87 %

Cameroun

210

603

+ 187 %

98 %

Île Maurice

323

537

+ 66 %

64 %

Vietnam

416

504

+ 21 %

99 %

Côte d'Ivoire

281

479

+ 62,9 %

98 %

Brésil

223

368

+ 65 %

97 %

Mali

172

339

+ 97 %

99 %

Portugal

330

333

+ 1 %

98 %

Mexique

193

331

+ 71,5 %

99 %

Chine

221

313

+ 41,6 %

95 %

Inde

566

297

- 47,5 %

92 %

Liban

311

292

- 6,1 %

97 %

Cambodge

102

262

+ 157 %

98 %

Thaïlande

96

250

+ 160 %

99 %

Luxembourg

236

225

- 4,7 %

79 %

Argentine

80

222

+ 177 %

99 %

Ensemble du Monde

32.269

44.405

+ 37,6 %

Source : Service central d'état civil

Ces statistiques sous-estiment le phénomène puisqu'elles ne prennent pas en compte les mariages à l'étranger dont les intéressés ne demandent pas la transcription (par exemple lorsque le conjoint est un ressortissant communautaire et ne sollicite donc pas de titre de séjour ou la nationalité française).

? Entre 1995 et 2004, le nombre des annulations de mariages est passé de 449 à 786, soit une augmentation de 75 %. En 2004, les tribunaux ont prononcé l'annulation du mariage dans 73,6 % des dossiers dont ils ont été saisis.

Évolution du nombre d'annulations de mariages de 1995 à 2004
(base 100 en 1995)

Source : Répertoire général civil

Les mariages annulés

Année
du jugement

Nombre
de mariages
annulés

Taux
d'annulation

1995

449

81,2

1996

520

82,9

1997

563

81,1

1998

430

81,4

1999

484

85,1

2000

545

79,0

2001

536

75,4

2002

520

74,3

2003

679

73,7

2004

786

73,6

Lecture : en 1995, 449 mariages ont été annulés par le TGI ; la part des mariages annulés sur l'ensemble des demandes d'annulation terminées au fond est de 81,2 %.

Source : Répertoire général civil

2. Des conséquences migratoires importantes

? Jusqu'à la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, le mariage d'un étranger avec un Français présentait de nombreux avantages en matière de droit de la nationalité et du séjour des étrangers en France :

- s'agissant du droit à un titre de séjour, l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyait la délivrance de droit de la carte de résident à l'étranger marié depuis au moins deux ans avec un ressortissant français, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française, que le mariage, s'il a été célébré à l'étranger, ait été transcrit à l'état civil français, et que la présence de l'étranger ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- s'agissant du droit à l'acquisition de la nationalité , les articles 21-2 à 21-4 du code civil permettaient à un étranger marié à un ressortissant français d'obtenir la nationalité française par simple déclaration après au moins deux ans de mariage (trois ans si le conjoint étranger n'avait pas résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an en France), à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé au moment de la déclaration et que le conjoint étranger justifie d'une connaissance suffisante de la langue française.

Le Gouvernement pouvait cependant s'opposer pendant un an par décret en Conseil d'État à l'acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger, « pour indignité ou défaut d'assimilation, autre que linguistique » . Le ministère public pouvait encore contester la déclaration enregistrée dans le délai d'un an si les conditions légales n'étaient pas satisfaites, et dans le délai de deux ans à compter de la découverte d'un mensonge ou d'une fraude, la cessation de la communauté de vie dans les douze mois suivant l'enregistrement constituant une présomption de fraude.

? Du fait de ces dispositions, le mariage avec un Français est devenu la première source d'immigration légale en France .

50 % des titres de séjour sont aujourd'hui délivrés à des ressortissants étrangers conjoints de Français. Selon le rapport au Parlement sur les orientations de la politique d'immigration, en 2004, sur 75.753 personnes devenues françaises par déclaration de nationalité, 34.440 le sont devenues à raison du mariage, contre 19.493 en 1994, soit une augmentation de 77 %.

L'Algérie, le Maroc, la Tunisie et le Portugal représentent près de la moitié des naturalisés par déclaration.

Évolution du nombre d'acquisitions de la nationalité française
à raison du mariage entre 1999 et 2004 pour les 14 nationalités
pour lesquelles les accédants sont les plus nombreux

Année
1999

Année
2003

Année
2004

Évolution 1999/2004

Évolution 2003/2004

Algérie

4.638

6.153

7.389

+ 59,3 %

+ 20,1 %

Maroc

3.375

5.156

5.832

+ 72,8 %

+ 13,1 %

Tunisie

1.102

1.708

1.949

+ 76,8 %

+ 14, 1 %

Portugal

1.304

1.045

1.076

- 17,5 %

+ 3 %

Madagascar

751

903

1.026

+ 36,6 %

+ 13,6 %

Cameroun

506

776

871

+ 72,1 %

+ 12,2 %

Sénégal

522

708

789

+ 51,1 %

+ 11,4 %

Turquie

357

637

748

+ 109,5 %

+ 17,4 %

Côte d'Ivoire

443

616

706

+ 59,4 %

+ 14,6 %

Etats-Unis

357

443

575

+ 61,1 %

+ 29,8 %

Russie

400

533

564

+ 41 %

+ 5,8 %

Suisse

880

662

489

- 44,4 %

- 26,1 %

Liban

420

413

431

+ 2,6 %

+ 4,3 %

Pologne

439

460

405

- 7,7 %

- 12 %

Ensemble du Monde

24.091

29.608

33.131

+ 37,5 %

+ 11,9 %

Source : Sous-Direction des naturalisations du ministère de l'Emploi de la cohésion sociale et du logement.

B. DES MOYENS DE LUTTE INSUFFISANTS ENCADRÉS PAR DES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS

1. Le principe de la liberté du mariage

Jusqu'en 1981 2 ( * ) , la France soumettait le mariage d'un étranger avec un Français à une autorisation délivrée par le préfet. Cette disposition a été abrogée, car jugée contraire à l'article 12 de la convention européenne des droits de l'homme qui pose le principe du droit au mariage.

Le principe de la liberté du mariage « composante de la liberté individuelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 » a ensuite été affirmé par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993 et rappelé dans sa décision du 20 novembre 2003. Si le respect de ce principe interdit de subordonner la célébration du mariage à la régularité du séjour d'un futur conjoint étranger sur le territoire français, il ne fait pas obstacle à ce que soient prises des mesures de prévention ou de lutte contre les mariages contractés à des fins étrangères aux droits et obligations énoncés aux articles 212 et suivants du code civil 3 ( * ) . Cependant, l'irrégularité du séjour de l'un des deux futurs époux ne constitue pas en soi un indice sérieux de l'absence de consentement au mariage.

2. Un dispositif législatif pléthorique...

La lutte contre les mariages de complaisance intervient sur plusieurs plans.

a) Le dispositif civil

La loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil, ainsi que la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ont posé les premiers jalons d'un contrôle de la réalité de l'intention matrimoniale.

? Préalablement au mariage :

La loi du 30 décembre 1993 a mis en place une procédure d'opposition à la célébration du mariage en France 4 ( * ) en cas d'indices sérieux laissant présumer l'absence de réelle intention matrimoniale . L'officier de l'état civil peut saisir le procureur de la République qui doit dans les quinze jours de la saisine, soit laisser procéder au mariage, soit y faire opposition, soit décider qu'il sera sursis au mariage. La durée du sursis ne peut excéder un mois (renouvelable une fois depuis la loi du 26 novembre 2003). Les futurs époux peuvent contester cette décision devant le tribunal de grande instance puis la cour d'appel, qui doivent statuer dans les dix jours.

Depuis la loi du 26 novembre 2003 précitée, tant les officiers de l'état civil, pour les mariages célébrés en France 5 ( * ) , que les agents diplomatiques ou consulaires, pour les mariages célébrés à l'étranger 6 ( * ) , doivent recevoir les futurs époux avant la célébration du mariage, afin de vérifier leur intention matrimoniale. Cette obligation conditionne la publication des bans. Une exception est cependant prévue en cas d'impossibilité, ou s'il apparaît au vu des pièces du dossier qu'il n'y a pas de doutes quant à une absence de consentement. Cette audition peut être commune aux deux futurs époux ou réalisée séparément. Elle vise à faciliter la saisine par l'officier de l'état civil du procureur de la République.

? Lors de la demande de transcription du mariage sur les registres de l'état civil français :

La loi n° 93-1027 du 24 août 1993 relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France a instauré un mécanisme de contrôle a posteriori de la validité des mariages conclus à l'étranger devant une autorité étrangère lorsqu'un conjoint est Français, lors de la demande de transcription du mariage sur les registres de l'état civil français 7 ( * ) . L'agent diplomatique ou consulaire doit surseoir à la transcription en cas d'indices sérieux de mariage frauduleux, et informer le ministère public, qui se prononce dans un délai de six mois . A l'issue de ce délai et à défaut de réponse, la transcription de l'acte est automatique.

Depuis la loi du 26 novembre 2003, les époux sont entendus préalablement à la transcription.

? Afin de renforcer l'efficacité de ce contrôle, le contentieux relatif aux mariages à l'étranger a été concentré sur le seul tribunal de grande instance de Nantes 8 ( * ) . Cette centralisation, effective depuis le 1er mars 2005, garantit une jurisprudence unifiée dans un domaine éminemment technique émanant d'une juridiction spécialisée dans le domaine de l'état civil étranger.

b) Le dispositif pénal

La loi du 26 novembre 2003 a créé une nouvelle infraction passible de cinq ans d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende pour les personnes ayant contracté un mariage aux seules fins d'obtenir ou faire obtenir un titre de séjour ou d'acquérir ou faire acquérir la nationalité française. Les mêmes peines s'appliquent en cas d'organisation ou de tentative d'organisation de mariages frauduleux. Elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et 750.000 euros d'amende si l'infraction est commise en bande organisée 9 ( * ) .

Le ministère des affaires étrangères fait état de témoignages convergents de ses services dénonçant le développement de véritables filières. Une filière d'immigration clandestine tunisienne a ainsi été mise à jour dans la région de Clermont-Ferrand. Entendu par la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration, M. Pascal Clément, garde des Sceaux, a indiqué que ces réseaux d'organisation de mariages de complaisance, demandaient entre 12.000 et 15.000 euros au ressortissant étranger et rétribuaient 3.000 à 8.000 euros le conjoint français, le plus souvent des femmes en situation de précarité.

3. ... Aux résultats largement insuffisants

Sur un plan pénal, seules quatorze condamnations ont été prononcées en 2004, dont seulement trois à des peines d'emprisonnement ferme.

Le dispositif civil n'apparaît pas beaucoup plus efficace.

a) S'agissant des mariages célébrés en France

En 2004, les procureurs de la République ont été saisis de 5.272 signalements en vue d'une opposition au mariage par les officiers de l'état civil , soit 2 % des mariages célébrés, qui ont abouti à 444 oppositions . Dans un tiers des décisions (31,6 %), la décision quelle qu'elle soit, intervient après un sursis à la célébration du mariage. 22,9 % des sursis à la célébration du mariage aboutissent à des oppositions. Dans 91,5 % des décisions d'opposition, le couple concerné est mixte. Le conjoint étranger est le plus souvent originaire du Maghreb (Algérie pour l'homme et Maroc pour la femme). Dans 94,8 % des décisions d'opposition, le procureur déduit l'absence de véritable intention matrimoniale du fait que le mariage est destiné à régulariser ou à pérenniser le séjour en France d'un des deux conjoints.

b) S'agissant des mariages célébrés à l'étranger

Ces nouvelles dispositions se sont heurtées à l'insuffisance des moyens des consulats, notamment en raison d'un phénomène de rationalisation qui a entraîné la fermeture de nombreuses représentations. Les autorités diplomatiques et consulaires hésitent parfois à procéder à ces signalements, qui impliquent une charge de travail supplémentaire, et ont pu être découragées par les faibles taux d'opposition prononcées par les parquets.

Cependant, les signalements ont progressé, notamment grâce à l'instauration en 2003 de l'audition des futurs époux. Alors qu'on n'en comptait que 346 en 1998, il y en a eu 1.733 en 2005, dont 787 proviennent du Maroc, 211 de Tunisie, 184 d'Algérie et 185 de Turquie.

Le vice-procureur du tribunal de grande instance de Nantes a indiqué lors de son audition par votre rapporteur que 1.359 des 44.700 mariages binationaux célébrés à l'étranger en 2004 avaient fait l'objet de signalements au parquet du tribunal de grande instance de Nantes (soit 3 %). 35 % de ces dossiers ont ensuite fait l'objet d'une procédure d'annulation.

Nombre de mariages simulés signalés au Parquet par les consulats

Source : Répertoire général civil

Pays de provenance des dossiers 170-1 toutes causes confondues
(année 2005)

Statistiques du service civil du parquet de Nantes sur la procédure d'annulation des mariages célébrés à l'étranger
(article 170-1)

Année

Fondement du « 170-1 »

Total

Décisions
d'assignation

Taux
d'assignation

Mariage
« Blanc »

Défaut de comparution de l'époux français

Bigamie

Incompétence de l'officier de l'état civil et mariage clandestin

Fraude à la loi (190-1)

Non-respect des conditions d'âge, d'alliance/Absence de consentement du tuteur, ou des parents d'un mineur ou majeur protégé

1998

82

124

120

1

6

13

346

182

- 16 -

53 %

1999

126

+ 53 %

121

- 2 %

85

- 30 %

2

8

14

356

+ 3 %

159

- 13 %

45 %

2000

184

+ 46 %

127

+ 5 %

92

+ 8 %

3

4

11

421

+ 18 %

179

+ 13 %

42 %

2001

254

+ 38 %

172

+ 35 %

136

+ 48 %

1

5

12

580

+ 38 %

208

+ 16 %

36 %

2002

376

+ 48 %

109

- 37 %

119

- 12 %

1

1

15

621

+ 7 %

214

+ 2,8 %

34,5 %

2003

678

+ 80 %

139

+ 27 %

203

+ 70 %

34

9

1063

+ 71,2 %

339

+ 58 %

32 %

2004

1074

+ 58 %

104

- 25 %

176

- 13 %

1

1

3

1359

+ 28 %

475

+ 40 %

35 %

2005
(au 31 janvier 2006)

1353

+ 26 %

129

+ 24 %

245

+ 39 %

3

2

1

1733

+ 27 %

681

L'enregistrement des jugements d'annulation prononcés par le tribunal de grande instance de Nantes étant effectué au greffe et non au secrétariat du Parquet, le nombre d'annulations prononcées n'est pas connu.

C. LE PROJET DE LOI ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ÉLÉMENT D'UN DISPOSITIF PLUS GLOBAL

1. Un durcissement récent de la lutte contre les mariages simulés

a) La loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs

Cette loi a permis deux avancées importantes.

? Tout d'abord, elle a créé un dispositif spécifique de lutte contre les mariages forcés , en :

- relevant à l'initiative du Sénat l'âge nubile des femmes de 15 à 18 ans ;

- en rappelant plus explicitement que les dispositifs de lutte contre les mariages simulés (audition des époux et futurs époux, sursis à la célébration ou à la transcription du mariage) ne visent pas uniquement les mariages de complaisance, mais aussi les mariages forcés ;

- en autorisant le ministère public à demander la nullité d'un mariage contracté sans le consentement libre des époux ;

- en considérant que l'exercice d'une contrainte sur les époux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage ;

- en étendant les délais de recevabilité des demandes en nullité des mariages célébrés sans le consentement libre des époux.

? En outre, cette loi a, dans un souci de pragmatisme et au regard des difficultés matérielles rencontrées par les officiers de l'état civil et les autorités diplomatiques ou consulaires pour réaliser les auditions, autorisé la délégation de la réalisation des auditions à des fonctionnaires titulaires. Elle a enfin prévu, lorsque l'un au moins des futurs époux ne réside pas dans le pays de célébration du mariage projeté, que cette audition pourrait être réalisée par l'officier de l'état civil territorialement compétent.

b) La loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration

Cette loi a visé à rendre moins attractif le mariage avec un Français au regard des règles en matière de droit au séjour ou d'acquisition de la nationalité française :

- en supprimant le caractère automatique de la délivrance de la carte de résident et en portant le délai à compter duquel la carte peut être délivrée à trois ans de mariage (art. L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) ;

- en allongeant les délais pour l'acquisition de la nationalité par déclaration : après quatre ans (et non plus deux 10 ( * ) ) de mariage, voire cinq ans (contre trois auparavant) lorsque l'étranger n'a pas résidé de manière ininterrompue en France pendant trois ans (contre un an avant) ou si le conjoint français n'a pas été inscrit à l'étranger au registre des Français établis hors de France. De même, le Gouvernement peut désormais s'opposer pendant deux ans (et non plus un an) à l'acquisition de la nationalité.

En outre le conjoint étranger d'un Français doit désormais demander un visa de long séjour pour se rendre en France si le mariage a été célébré à l'étranger .

Le présent projet de loi vise essentiellement à renforcer les contrôles avant même la célébration du mariage.

2. Le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale

a) Renforcer le contrôle préalable des mariages célébrés en France

Le projet de loi prévoit tout d'abord que les futurs époux devront justifier de leur identité au moyen d'une pièce délivrée par une autorité publique, et indiquer à l'avance l'identité de leurs témoins, afin qu'apparaissent plus facilement les cas de nullité objective (art. 63 du code civil, article 1 er du projet de loi).

b) Renforcer l'effectivité des auditions préalables à la célébration ou à la transcription du mariage

? Le futur conjoint mineur devra être entendu séparément et en l'absence de ses parents (art. 63 du code civil, article 1 er du projet de loi).

? S'agissant des mariages célébrés en France, l'audition du futur époux étranger pourra être déléguée à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente lorsqu'il ne réside pas en France.

L'Assemblée nationale a étendu cette possibilité dans toutes les hypothèses où l'un des futurs époux (qu'il soit Français ou étranger) réside dans un pays autre que celui de la célébration du mariage (qu'il soit prévu en France ou dans un pays étranger), puis a autorisé la délégation de la réalisation de l'audition à un fonctionnaire titulaire du service de l'état civil (articles 1 er et 3 du projet de loi).

c) Soumettre les Français se mariant à l'étranger devant une autorité étrangère aux mêmes règles que pour un mariage en France et lier la transcription du mariage au respect des formalités préalables

? Le projet de loi privilégie les contrôles antérieurs à la célébration du mariage, alors qu'actuellement, ceux-ci interviennent principalement lors des demandes de transcription du mariage dans les registres de l'état civil français.

Un Français désirant se marier devant une autorité étrangère devra obtenir préalablement un certificat de capacité à mariage , attestant qu'il a rempli les formalités requises -notamment l'audition (art. 171-3 nouveau du code civil, article 3 du projet de loi).

En cas de doute sur la validité du mariage, le ministère public, saisi par l'autorité diplomatique ou consulaire pourra désormais s'opposer à sa célébration . Si cette opposition ne peut pas empêcher l'autorité étrangère de célébrer le mariage, elle empêchera sa transcription à l'état civil français. Les époux devront en effet d'abord obtenir la mainlevée judiciaire de l'opposition (art. 171-4 et 171-6 nouveaux du code civil, article 3 du projet de loi).

Si les époux se sont mariés sans certificat de capacité à mariage , la demande de transcription donnera obligatoirement lieu à une audition -sans dérogation possible. En cas de doute sur la validité du mariage, l'officier de l'état civil consulaire pourra saisir le parquet. A défaut de réponse de celui-ci dans un délai de six mois, la transcription ne sera pas automatique, et les époux devront saisir le tribunal de grande instance afin qu'il statue sur la transcription du mariage. L'Assemblée nationale a précisé que celui-ci devrait statuer dans le délai d'un mois, ainsi que la cour d'appel le cas échéant (art 171-7 nouveau du code civil, article 3 du projet de loi).

En revanche, si la célébration du mariage s'est faite après présentation du certificat de capacité à mariage , la transcription sera en principe acquise, à défaut d'éléments nouveaux mettant en cause la validité du mariage. Dans ce dernier cas, les époux devront être auditionnés. Le ministère public disposera de six mois pour statuer, l'absence de décision de sa part entraînant la transcription du mariage (art. 171-8 nouveau du code civil, article 3 du projet de loi).

d) Subordonner l'opposabilité en France du mariage célébré à l'étranger devant une autorité étrangère à sa transcription

Actuellement, le mariage d'un Français célébré devant une autorité étrangère n'a pas à être transcrit pour être opposable en France, hormis si le conjoint étranger souhaite s'en prévaloir pour obtenir un titre de séjour ou la nationalité française par déclaration. Le projet de loi fait désormais de la transcription du mariage une condition de son opposabilité en France  (art. 171-5 du code civil, article 3 du projet de loi).

L'Assemblée nationale a cependant précisé que le mariage produirait ses effets civils en France à l'égard des époux et des enfants et que cette inopposabilité ne concernerait donc que les tiers.

e) Renforcer les pouvoirs du parquet

Le projet de loi supprime enfin la caducité automatique de l'opposition faite par le ministère public après le délai d'un an, en requérant dorénavant une mainlevée judiciaire (art. 176 du code civil, article 4 du projet de loi).

L'Assemblée nationale a rétabli la possibilité pour la famille des conjoints de renouveler son opposition à l'issue du délai de caducité d'un an, initialement abrogée par le projet de loi.

Ces dispositions entreront en vigueur quatre mois après la promulgation de la présente loi (article 8 du projet de loi).

D. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission vous propose :

- de préciser que le fait que les témoins présents lors de la cérémonie ne soient pas ceux indiqués préalablement à la publication des bans ne peut empêcher la célébration du mariage (art. additionnel après l'article 74 du code civil, article 1 er du projet de loi) ;

- d' obliger l'autorité diplomatique ou consulaire ou l'officier de l'état civil à saisir « sans délai » le procureur de la République en cas de doute avant la célébration d'un mariage, afin d'éviter tout retard arbitraire remettant en cause la liberté du mariage (art. 171-4 nouveau et 175-2 du code civil, article 3 du projet de loi) ;

- de prévoir la possibilité de dispenser d'audition les époux s'étant mariés devant une autorité étrangère sans solliciter de certificat de capacité à mariage , lorsqu'au vu du dossier il n'existe aucun doute sur la réalité ou la liberté du consentement au mariage. En effet, un tel oubli n'est pas forcément révélateur d'une fraude (art. 171-17 nouveau du code civil, article 3 du projet de loi) ;

- de prévoir qu'un décret en Conseil d'Etat précisera les modalités de réalisation de l'audition ainsi que les délais dans lesquels elle doit intervenir (article additionnel après l'article 7).

II. LUTTER CONTRE LA RECRUDESCENCE DE LA FRAUDE AUX ACTES DE L'ÉTAT CIVIL

A. UNE FRAUDE AUX PROPORTIONS INQUIÉTANTES

La fraude aux actes de l'état civil se manifeste de plusieurs façons :

- il peut s'agir de faux actes fabriqués par des personnes ou des officines privées, ou d'actes délivrés par les autorités locales mais altérés par surcharge, rature, découpage et collage ;

- la fraude peut consister en la production de documents falsifiés ou frauduleux délivrés avec la complicité ou non des autorités locales, corrompues ou abusées. Ce sont alors de « vrais-faux », puisqu'ils remplissent les conditions de régularité formelle, même si les événements mentionnés sont faux.

Beaucoup de ces actes, et notamment les jugements supplétifs ou rectificatifs, concernent des naissances ou des filiations fictives et des reconnaissances mensongères d'enfants.

Les services consulaires sont sollicités soit pour transcription d'un acte étranger rattachant une personne à un parent de nationalité française, soit pour des visas au titre du regroupement familial. En outre, ils sont sollicités par les autorités administratives saisies d'une demande de carte d'identité, de passeport ou de certificat de nationalité, en vue de la vérification de la régularité de l'acte étranger produit à l'appui de la demande.

Si la fraude au mariage touche essentiellement le Maghreb et la Turquie, la fraude à l'état civil se concentre aux Comores et en Afrique subsaharienne, où 30.000 actes de l'état civil sont vérifiés chaque année. Le taux d'actes faux ou frauduleux dépasse 90 % des actes présentés aux autorités consulaires françaises dans certains pays comme les Comores ou la République Démocratique du Congo.

Pays

Poste

% des actes
frauduleux ou faux

République Fédérale Islamique des Comores

Moroni

90 % voire plus

République Démocratique du Congo

Kinshasa

90 %

République de Guinée

Conakry

60 %

République du Congo

Brazzaville

65 %

Pointe Noire

50 %

République du Sénégal

Dakar

30 %

Saint-Louis

70 % de jugements supplétifs, région du fleuve 90 %

République de Côte d'Ivoire

Abidjan

10 à 40 %

République du Mali

Bamako

10 à 40 %

République du Nigéria

Abuja

32 % en 2002

24 % en 2001

20 % en 2000

République du Tchad

N'D `jamena

Actes globalement non crédibles

(vrais-faux actes)

République du Togo

Lomé

Idem

République du Cameroun

Yaoundé

Au moins 10 %

Douala

Plus de 33 %

Garoua

9 %

République de Madagascar

Tananarive

5 % minimum mais nombreux jugements supplétifs

Diego-Suarez

45 % en moyenne

Tamatave

10 à 15 % - 80 %
sur les communes rurales

République d'Haïti

Port au Prince

30 %

République Islamique de Mauritanie

Nouakchott

> 10 %

Sont inclus les jugements déclaratifs d'état civil (supplétifs) dont l'objet est de permettre l'enregistrement d'un événement d'état civil qui n'a pas été déclaré.

Source : ministère des Affaires étrangères.

B. UNE RECONNAISSANCE DE PRINCIPE DES ACTES D'ÉTAT CIVIL ÉTRANGERS DE PLUS EN PLUS SOUMISE A EXCEPTIONS

Si l'article 47 du code civil posait traditionnellement une présomption de régularité lorsque l'acte avait été dressé selon les formes usitées localement, en vertu des principes de confiance et de réciprocité sur lesquels se fondent les relations internationales, la loi du 24 août 1993, puis celle du 26 novembre 2003, ont atténué ce principe.

1. L'existence d'une procédure dérogatoire en matière d'entrée et de séjour des étrangers

La loi du 24 août 1993 a prévu une procédure dérogatoire à l'article 47 du code civil afin de permettre aux autorités chargées de l'application de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France de demander aux agents diplomatiques et consulaires la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur son authenticité.

Depuis la loi du 26 novembre 2003, les agents diplomatiques ou consulaires peuvent, de leur propre initiative, procéder à la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur son authenticité lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa ou d'une demande de transcription d'un acte d'état civil. Ils peuvent alors surseoir sur la demande de visa pendant un délai de quatre mois, renouvelable une fois, afin d'accomplir les vérifications.

La récente loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a abrogé cette procédure 11 ( * ) actuellement prévue à l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par anticipation avec la réforme globale de l'article 47 du code civil proposée par le présent projet de loi.

2. Une présomption de validité amoindrie

La loi du 26  novembre 2003 a subordonné le principe selon lequel fait foi tout acte de l'état civil étranger rédigé dans les formes usitées localement à l'absence d'éléments établissant l'irrégularité de l'acte, sa falsification ou la preuve d'un mensonge .

En outre a été instaurée une procédure de sursis administratif et de vérification judiciaire permettant de statuer sur la validité d'un acte de l'état civil étranger produit à l'appui d'une demande adressée à une administration française.

L'administration peut surseoir en cas de doute, à charge pour le demandeur de saisir dans les deux mois le procureur de la République de Nantes, qui peut faire procéder à des vérifications dans un délai de six mois renouvelable une fois .

C. LE PROJET DE LOI : SIMPLIFIER ET AMÉLIORER LES PROCÉDURES DE VÉRIFICATION DES ACTES DE L'ÉTAT CIVIL ÉTRANGERS

1. Supprimer le caractère judiciaire de la procédure de vérification des actes de l'état civil étrangers

Le projet de loi supprime le mécanisme de sursis administratif et de vérification par le procureur du tribunal de grande instance de Nantes créé par la loi du 26 novembre 2003, jugé trop complexe et en pratique resté inutilisé (article 6 du projet de loi).

Ainsi, le procureur de la République de Nantes n'a été saisi qu'à dix-neuf reprises en 2004 et dix fois en 2005. Ceci n'a abouti à aucune saisine du tribunal de grande instance de Nantes, alors même que quatre greffiers avaient été affectés en décembre 2003 afin d'y faire face.

Ainsi que l'a indiqué à votre rapporteur le vice-procureur au tribunal de grande instance de Nantes, responsable du service civil du parquet, la majorité des saisines a été le fait d'administrations, alors que qu'elles ne peuvent que notifier leur décision de sursis au requérant, à charge pour ce dernier de saisir le parquet.

Cependant, toute procédure de sursis à statuer ou de vérification n'est pas écartée.

2. Autoriser les administrations saisies à opérer elles-mêmes les vérifications dans un délai de huit mois

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la Chancellerie, une procédure de vérification de la régularité des actes de l'état civil étrangers sera fixée par décret en Conseil d'État. Ces dispositions devaient initialement figurer dans le projet de loi mais ont été disjointes par le Conseil d'Etat en raison de leur nature réglementaire.

En cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre procèderait ou ferait procéder aux vérifications utiles près de l'autorité étrangère compétente . Dans un délai de deux mois, elle devrait informer l'intéressé de l'engagement de ces vérifications.

Le silence gardé pendant huit mois vaudrait décision de rejet . Le juge administratif pourrait alors être saisi par le requérant . Il formerait sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé.

La vérification de l'existence de l'acte original, en pratique par la consultation par les autorités consulaires françaises des registres détenus par les autorités étrangères locales ou par une levée d'actes auprès de celles-ci, exige en effet un délai supplémentaire. La rapidité de ces opérations dépend de la diligence des services étrangers sollicités -et varie donc d'un Etat à l'autre- ainsi que des moyens dont disposent les autorités consulaires françaises à l'étranger.

D. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission reconnaît la pertinence d'une simplification de ce dispositif.

La décision sur la validité de l'acte civil étranger dépendra de toute façon des vérifications effectuées par l'autorité diplomatique ou consulaire, qui devra rechercher concrètement si l'acte existe dans les registres de l'état civil étranger ou non. Le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes apparaît actuellement comme une simple boîte à lettres.

Néanmoins, il ne parait pas possible de procéder à une réforme d'une telle ampleur par décret en Conseil d'Etat. En effet, il ne s'agit pas seulement de déroger au délai au terme duquel le silence de l'administration équivaut à un rejet, mais également de prévoir la compétence du juge administratif et non plus du procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes, puis du tribunal de grande instance.

Votre commission vous propose donc de prévoir explicitement le dispositif envisagé par le Gouvernement et d'adopter par ailleurs un amendement de précision .

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE Ier - DISPOSITIONS RELATIVES AU CONTRÔLE DE LA VALIDITE DES MARIAGES
Article 1er (art. 63 du code civil) - Composition du dossier de mariage et audition des futurs époux

Cet article tend à modifier l'article 63 du code civil relatif aux formalités préalables à la publication des bans ou, en cas de dispense de publication décidée par le procureur de la République pour causes graves, à la célébration d'un mariage par l'officier de l'état civil, c'est-à-dire le maire, ses adjoints, ou un conseiller municipal sur délégation.

Il tend à préciser la composition du dossier de mariage et la chronologie des formalités et à autoriser la délégation de la réalisation de l'audition des futurs époux.

1- S'agissant de la composition du dossier

a) Le droit en vigueur

? Actuellement, l'officier de l'état civil ne peut procéder à la publication des bans ou la célébration du mariage qu'après la remise de deux documents :

- un certificat médical prénuptial de moins de deux mois (art. 63 du code civil), sauf dispense du procureur de la République de l'arrondissement de célébration du mariage dans des cas exceptionnels ou en cas de péril imminent de mort de l'un des époux 12 ( * ) ;

-  une expédition de l'acte de naissance des futurs époux comportant l'indication de leur filiation, de moins de trois mois si elle est délivrée en France, et de moins de six mois si elle est délivrée par un officier de l'état civil consulaire (art. 70 du code civil). En cas d'impossibilité de se procurer un extrait d'acte de naissance, il peut être produit un acte de notoriété délivré par le juge du tribunal d'instance du lieu de naissance ou du domicile (art. 71 du code civil).

b) Les dispositions du projet de loi

Tout d'abord, le projet de loi mentionne désormais à l'article 63 du code civil l'exigence d'un extrait de l'acte de naissance ou d'un acte de notoriété prévus aux articles 70 -modifié par l'article 2 du projet de loi et visant désormais la copie intégrale de l'acte de naissance - et 71 du code civil.

En outre, il prévoit deux formalités supplémentaires :

- les futurs époux devront justifier de leur identité par une « pièce délivrée par une autorité publique » ;

- les futurs époux devront indiquer par avance à l'officier de l'état civil l'identité, la date et le lieu de naissance, la profession et le domicile des témoins . Cette obligation est exclue s'agissant des mariages célébrés par une autorité étrangère, qui obéissent aux conditions de forme de la loi locale.

c) La position de votre commission

? L'obligation de s'assurer de l'identité des futurs époux n'est actuellement prévue que par une circulaire du 2 mai 2005, qui prévoit en outre que la seule production d'un extrait d'acte de naissance est insuffisante. Cependant, faute de disposition législative, les officiers de l'état civil ne peuvent refuser de célébrer le mariage, sous peine de commettre une voie de fait. En revanche, ils peuvent, au vu d'autres éléments du dossier, saisir le procureur de la République sur le fondement de l'article 175-2 du code civil, afin qu'il fasse opposition au mariage.

L'exigence d'une « pièce délivrée par une autorité publique », pour floue qu'elle apparaisse, ne fait que traduire le fait qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'énumère les documents valant pièce justificative d'identité, ainsi que le rappelait un récent rapport d'information 13 ( * ) sénatorial sur la fraude documentaire.

La circulaire précitée indique que la preuve de l'identité peut être rapportée par tous moyens, mais en particulier par la carte nationale d'identité, le passeport ou un autre document officiel délivré par une administration publique et comportant une photographie.

La carte nationale d'identité 14 ( * ) est le seul document officiel ayant pour objet exclusif de certifier son identité . Elle vaut extrait d'acte de naissance et certificat de nationalité française pour l'accomplissement de démarches courantes 15 ( * ) . Valable dix ans, elle continue au-delà à certifier l'identité de son titulaire s'il demeure reconnaissable. Le passeport 16 ( * ) , document international de voyage, permet également de faire la preuve de son identité et de la nationalité française. D'autres pièces administratives peuvent servir de mode de preuve de l'identité de leur titulaire 17 ( * ) . La plus utilisée est le permis de conduire. Les permis de chasser, les cartes d'identité professionnelles ou encore la carte du combattant peuvent également être utilisés.

Si cette souplesse témoigne d'un principe de confiance entre administrations et citoyens, la grande hétérogénéité des niveaux de protection des pièces valant justificatifs d'identité s'avère particulièrement néfaste à une politique efficace de lutte contre la fraude documentaire à l'identité. La mission préconisait donc de retenir la carte d'identité et le passeport comme seuls documents valant titre d'identité.

Désormais, l'officier de l'état civil pourra donc s'opposer à la célébration d'un mariage lorsqu'il subsiste un doute sur l'identité des futurs époux, ce que votre commission salue, tout en souhaitant que la carte nationale d'identité, dorénavant gratuite, soit prochainement rendue obligatoire.

? De même, l'exigence d'indiquer au préalable quels seront les témoins parait tout à fait opportune. Ceux-ci peuvent actuellement être choisis au moment même de la célébration, ce qui rend difficile une vérification de leur identité et de leur âge, alors même qu'ils doivent normalement certifier l'identité des futurs époux et être majeurs (art. 37 du code civil).

Cette indication vise principalement à permettre de réaliser une enquête préalable à la célébration du mariage, en cas de doutes sur la validité du mariage projeté.

Afin d'éviter que l'absence de l'un des témoins indiqués -retard, accident...- et son remplacement lors de la cérémonie par une autre personne ne soient considérés comme empêchant la célébration du mariage par l'officier de l'état civil, votre commission vous soumet un amendement de précision.

Précisons en outre que le fait de changer de témoin entre la publication des bans et la cérémonie ne serait pas constitutif d'une nullité absolue, puisque l'article 63 n'est pas visé par l'article 184 du code civil. Une telle annulation ne pourrait intervenir que si ce changement avait été inspiré par un objectif de fraude.

2- S'agissant de l'audition des futurs époux

a) Le droit en vigueur

La loi n° 2003-119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, aux conditions d'entrée et de séjour en France et à la nationalité a modifié l'article 63 du code civil afin d'introduire l'obligation, pour les officiers de l'état civil, de procéder à une audition des futurs époux avant toute publication des bans.

Cette audition vise à éviter qu'un mariage irrégulier soit sanctionné après sa célébration, c'est-à-dire après obtention des effets recherchés (par exemple la régularisation d'un séjour ou l'acquisition de la nationalité). Elle permet surtout à l'officier de l'état civil de saisir à temps le procureur de la République en cas de doute sur la validité du mariage projeté et de déclencher le dispositif de sursis à mariage prévu par l'article 175-2 du code civil.

Cette audition n'est toutefois pas requise dans deux cas :

-  lorsque l'entretien est inutile au regard des articles 146 et 180 du code civil, les pièces du dossier ne faisant apparaître aucun doute sur l'existence ou la liberté 18 ( * ) du consentement au mariage ;

-  lorsque l'audition est impossible , cette impossibilité étant appréciée par l'officier de l'état civil. La circulaire du 2 mai 2005 a précisé que l'incarcération, l'hospitalisation, l'éloignement géographique ou le handicap d'un futur conjoint ne devaient pas être systématiquement considérés comme rendant impossible l'audition. Cependant, constitue une impossibilité au sens de l'article 63 le fait pour un futur conjoint étranger vivant à l'étranger de ne pouvoir venir en France en l'absence de visa dont la délivrance lui a été refusée au motif de l'absence de publication des bans, elle-même subordonnée à la réalisation de l'audition 19 ( * ) .

Si l'audition est en principe commune aux deux futurs époux, l'officier de l'état civil peut, s'il l'estime nécessaire, les recevoir séparément.

b) Les dispositions du projet de loi

Le projet de loi apporte deux précisions.

Le futur conjoint mineur devra être entendu séparément et en l'absence de ses parents ou de son représentant légal. Cette disposition, qui vise également à empêcher les mariages forcés, conserve son intérêt en dépit du relèvement de l'âge nubile des femmes à 18 ans par la loi précitée. En effet, un mineur français peut toujours se marier sur dispense du procureur de la République et, surtout, le mariage d'un Français avec un mineur étranger dont la législation autorise le mariage reste possible.

Prenant acte du fait que, si l'audition est en principe obligatoire, elle est de fait souvent impossible dans l'hypothèse d'un futur époux étranger résidant à l'étranger -en raison des difficultés pour obtenir un visa afin de se rendre à l'audition- le projet de loi initial prévoyait que l'officier de l'état civil pourrait alors demander à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à l'audition , le compte-rendu de l'audition lui étant adressé sans délai.

c) Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a souhaité améliorer l'effectivité de la réalisation de l'audition, en s'inspirant des assouplissements déjà adoptés par la loi du 4 avril 2006 précitée, et issus d'une recommandation commune du défenseur des enfants et du médiateur de la République 20 ( * ) . Elle a pour ce faire déplacé des dispositions introduites par cette loi initialement insérées à l'article 170 du code civil, abrogé par l'article 5 du présent projet de loi.

En effet, le projet de loi initial ne vise que l'hypothèse d'un futur époux étranger résidant à l'étranger.

? L'Assemblée nationale a tout d'abord prévu, à l'initiative du rapporteur de la commission des Lois, M. Patrick Delnatte, et avec l'avis favorable du Gouvernement, une possibilité de délégation de la réalisation de l'audition à des fonctionnaires titulaires du service de l'état civil de la commune (s'agissant d'un mariage célébré en Franc) ou des services diplomatiques ou consulaires (s'agissant d'un mariage célébré à l'étranger).

Lors de l'examen du texte relatif aux violences au sein du couple, le garde des sceaux avait contesté cette possibilité de délégation d'un élu à un fonctionnaire. Néanmoins, il convient de souligner qu'il ne s'agit là que d'une formalité préalable et non du recueil des consentements. Les officiers de l'état civil et les agents diplomatiques ou consulaires demeureraient seuls responsables des suites à donner à cette audition, et donc seuls habilités à surseoir et saisir le procureur de la République.

Le maire peut déjà déléguer à un ou plusieurs fonctionnaires titulaires de la commune les fonctions qu'il exerce en tant qu'officier de l'état civil s'agissant de la réception des déclarations de naissance, de décès, d'enfants sans vie, des reconnaissances d'enfant naturel, des déclarations parentales conjointes de changement de nom de l'enfant naturel, du consentement de l'enfant de plus de treize ans à son changement de nom, du consentement d'un enfant majeur à la modification de son nom en cas de changement de filiation, ainsi que de la transcription, en marge de tous actes ou jugements sur les registres de l'état civil 21 ( * ) .

En revanche, le pouvoir de célébrer des mariages et de dresser les actes de mariage, qui incombe de plein droit au maire et ses adjoints 22 ( * ) , et sur délégation aux conseillers municipaux 23 ( * ) , ne peut être délégué à des fonctionnaires.

? L'Assemblée nationale a également étendu, toujours à l'initiative de sa commission des Lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, les assouplissements prévus pour la réalisation de l'audition lorsque l'un des deux futurs époux ne réside pas dans le pays de célébration du mariage .

Ainsi, s'agissant d'un mariage célébré en France, l'officier de l'état civil peut demander à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente de procéder à l'audition de l'un des futurs époux résidant à l'étranger, qu'il soit français ou étranger .

De même, l 'autorité diplomatique ou consulaire devant laquelle doit être célébré le mariage pourra, lorsque l'un des futurs époux -qu'il soit français ou étranger- réside dans un autre pays que celui de la célébration, demander à l'officier de l'état civil territorialement compétent de procéder à son audition.

d) La position de votre commission

? S'agissant de la possibilité de délégation à un fonctionnaire, votre commission ne peut que saluer une disposition pragmatique, tirant les conséquences de l'emploi du temps chargé de l'officier de l'état civil ou des agents diplomatiques ou consulaires. Elle devrait permettre d'examiner la réalité du consentement et de l'intention matrimoniale des futurs époux, et de détecter, le cas échéant, une union forcée.

De même, le refus de confier la réalisation de l'audition à l'étranger à des contractuels locaux apparaît tout à fait opportun, au vu de l'importance des conséquences d'un sursis à mariage -en termes migratoires, mais aussi d'intrusion dans la vie privée- et des risques de pressions et de corruption encourus. Il n'en reste pas moins qu'en l'absence de renforcement conséquent des moyens tant humains que matériels des consulats, cette obligation risque de rester lettre morte, du fait de la charge budgétaire que représentent les fonctionnaires, et des fermetures de postes intervenues ces dernières années.

? Par ailleurs, sur le fond, certaines des personnes entendues par votre rapporteur ont préconisé une notification du rapport de l'audition aux époux dans un délai donné. Cette notification n'est prévue par le projet de loi qu'à l'officier de l'état civil ou l'autorité diplomatique ou consulaire compétent pour la célébration du mariage en cas de délégation lorsque l'un des futurs époux habite dans un autre pays.

Jusqu'à récemment, aucune disposition ne fixait les conditions -notamment les délais- dans lesquelles l'audition devait intervenir, ce qui pouvait alimenter le soupçon de retards arbitraires.

La circulaire du 2 mai 2005 24 ( * ) précise dorénavant que l'organisation et la gestion des entretiens est laissée à la libre appréciation de l'officier de l'état civil. Il peut décider de recevoir séparément les futurs époux avant d'organiser un entretien commun, ou organiser plusieurs rencontres. Cependant, « les délais de fixation des dates d'audition ne doivent pas constituer par leur durée une atteinte à la liberté matrimoniale des époux ; ces auditions doivent être réalisées dès l'existence du doute sur la sincérité du projet matrimonial envisagé ».

La circulaire précise en outre qu'un compte-rendu de l'audition doit être dressé, daté et signé par l'officier de l'état civil qui a procédé à l'audition. Il doit également être signé par la personne entendue. Son refus de signer fait l'objet d'une mention. Le compte-rendu mentionne l'identité de l'officier qui procède à l'audition, sa qualité, la date de l'entretien. Le refus de répondre opposé par les futurs époux ou l'un d'entre eux doit être consigné. Dans la mesure du possible, le compte-rendu est rédigé avant la clôture de l'entretien. En cas d'entretien séparé, deux comptes-rendus distincts sont établis.

Si ces précisions sont effectivement très utiles, votre commission déplore qu'elles soient prévues par une simple circulaire au regard des enjeux et vous propose de prévoir par amendemen t que les modalités de l'audition et de rédaction et de notification du compte-rendu doivent être précisées par décret en Conseil d'Etat et de supprimer en conséquence les dispositions relatives à la notification du compte-rendu, puis d'adopter l'article 1er ainsi modifié .

Article 2 (art. 70 du code civil) - Contenu de l'acte de naissance remis par les futurs époux

Cet article définit le contenu de l'acte de naissance que chaque futur époux doit remettre à l'officier de l'état civil préalablement au mariage.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 70 du code civil impose un acte de naissance spécial précisant le cas échéant la qualité d'époux des père et mère, ou, si le futur conjoint est mineur, l'indication de la reconnaissance dont il a été l'objet, ainsi que la mention « délivrée en vue du mariage ».

Ces indications spécifiques se justifiaient par la nécessité de vérifier que les consentements au mariage avaient été donnés par les personnes qualifiées. En effet, jusqu'à la loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 sur la filiation, le consentement, en cas de décès des parents, émanait des aïeux dans le cas de l'enfant légitime, mais du conseil de famille s'agissant de l'enfant naturel. Depuis cette loi, l'enfant naturel a les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime et il entre dans la famille de son auteur. En cas de décès de ses parents, le droit de consentir à son mariage passe donc à ses aïeux.

Ces indications, qui n'ont plus lieu d'être depuis 1972, sont finalement abrogées par le présent projet de loi, qui prévoit en outre la remise d'une copie intégrale de l'acte de naissance, et non plus d'un simple extrait , afin de permettre à l'officier de l'état civil de prendre connaissance de l'ensemble des mentions figurant sur l'acte original.

Le délai de validité du document reste inchangé : la copie de l'acte de naissance ne doit pas dater de plus de trois mois si elle a été délivrée en France, six mois si elle a été délivrée dans un consulat.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification .

Article 3 (art. 171-1 à 171-8 du code civil) - Contrôle de la validité des mariages des Français à l'étranger

Cet article insère dans le titre V du livre premier du code civil un chapitre II bis consacré au contrôle des mariages des Français à l'étranger, comportant trois sections :

-  la section 1 relative aux dispositions générales applicables à tous les mariages contractés à l'étranger ;

-  la section 2 relative aux formalités requises préalablement à la célébration du mariage d'un Français à l'étranger par une autorité étrangère ;

-  la section 3 précisant les effets et les conditions de transcription du mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère.

Chapitre II bis
Du mariage des Français à l'étranger

Section 1
Dispositions générales

Art. 171-1 du code civil :
Conditions de validité d'un mariage célébré à l'étranger
devant une autorité étrangère

Cet article définit les conditions de validité du mariage célébré à l'étranger devant une autorité étrangère.

? Le droit en vigueur :

Actuellement, la validité du mariage contracté à l'étranger devant une autorité étrangère entre Français, ou entre un Français et un étranger, est soumise à deux conditions (art. 170 du code civil) :

- le mariage doit avoir été célébré dans les formes usitées dans le pays de célébration (caractère civil ou religieux du mariage, formalités de célébration ...) et avoir été précédé de la publication des bans prévue par l'article 63 du code civil ;

-  le ou les futurs époux de nationalité française doivent respecter les règles de fond prévues par les articles 144 à 164 du code civil 25 ( * ) : l'âge nubile (art. 144 et 145), le consentement exprès des époux (art. 146), la comparution du conjoint français (art. 146-1), l'absence d'union antérieure non dissoute (art. 147), le consentement éventuel de tiers (art. 148 à 160), l'absence d'empêchements tenant aux liens de parenté ou d'alliance (art. 161 à 164). Ces conditions de validité s 'appliquent à tous les mariages contractés à l'étranger, qu'ils aient été célébrés par une autorité étrangère selon la loi locale ou par les autorités diplomatiques ou consulaires selon la loi française .

Rappelons que le mariage entre un Français et un étranger devant une autorité diplomatique ou consulaire n'est possible que dans les pays désignés par le décret du 26 octobre 1939 modifié par le décret du 15 décembre 1958 26 ( * ) , seuls les mariages entre Français pouvant en principe être célébrés par les autorités diplomatiques ou consulaires françaises. Cela représente moins de 1 % des mariages de Français à l'étranger.

? Les dispositions du projet de loi :

L'article 5 du projet de loi abrogeant l'article 170 du code civil, ces dispositions sont reprises au nouvel article 171-1 du code civil.

En revanche, l'exigence d'une publication préalable du mariage en France n'est pas reprise dans le présent article. Elle figure désormais à l'article 171-2 du code civil qui regroupe l'ensemble des formalités requises pour la célébration, à l'étranger et par une autorité étrangère, du mariage d'un Français.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois, adopté deux amendements rédactionnels.

Section 2
Des formalités préalables au mariage célébré à l'étranger
par une autorité étrangère

Art. 171-2 du code civil : Obligation d'obtention du certificat de capacité à mariage

Cet article prévoit que tout Français désirant se marier à l'étranger devant l'autorité locale compétente doit préalablement obtenir de l'autorité diplomatique ou consulaire un certificat de capacité à mariage .

? Cette obligation n'a actuellement qu'une valeur réglementaire 27 ( * ) .

De plus, le certificat atteste aujourd'hui uniquement que la publication des bans a été effectuée et que l'intéressé remplit les conditions pour pouvoir contracter mariage (âge, consentement, absence de bigamie ou d'empêchement à mariage), sans que son absence soit véritablement sanctionnée .

? Les dispositions du projet de loi :

Peu de Français le demandant en pratique, le projet de loi propose de lui donner valeur législative et de conditionner à sa délivrance la transcription du mariage à l'état civil français .

En outre, son obtention dépendra de l'accomplissement de l'ensemble des formalités prévues pour un mariage célébré en France par l'article 63 du code civil , à savoir la remise d'un certificat médical prénuptial, d'une copie intégrale de l'acte de naissance des futurs conjoints ou, à défaut, d'un acte de notoriété, la justification de l'identité des futurs conjoints et leur audition, et non plus seulement la publication des bans auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage.

De plus, sauf dispense accordée en application de l'article 169 du code civil par le procureur de la République 28 ( * ) pour des causes graves, les bans devront également être publiés auprès de l'officier de l'état civil ou de l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu où le futur époux français a son domicile ou sa résidence. Cette dérogation au principe selon lequel la loi du lieu de célébration est seule compétente pour régir les conditions de forme et de publicité du mariage vise à permettre à des tiers d'avoir connaissance du projet de mariage et de pouvoir y faire opposition.

Ainsi, le mariage d'un Français à l'étranger par une autorité étrangère sera soumis aux mêmes formalités que celles prévues pour un mariage célébré en France. Cet alignement permettra d'améliorer le contrôle a priori sur la validité du mariage envisagé au regard du droit français.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois, adopté un amendement précisant que ce certificat de capacité à mariage n'est exigé que pour les mariages célébrés à l'étranger par une autorité étrangère et non pour ceux célébrés par l'autorité diplomatique ou consulaire.

? Afin d'éviter que la limitation de la délégation de la réalisation des auditions à des fonctionnaires titulaires interdise de procéder à des auditions dans les postes dont la compétence en matière d'état civil a été transférée à un poste centralisateur, votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision, afin d'éviter de faire référence au ressort de l'autorité diplomatique ou consulaire.

Art. 171-3 du code civil : Autorité chargée de réaliser l'audition des futurs époux

Cet article prévoit un assouplissement des modalités de la réalisation de l'audition des futurs époux devant se marier devant des autorités diplomatiques ou consulaires lorsque l'un au moins des futurs époux ne réside pas dans leur ressort, c'est-à-dire réside en France ou dans un autre pays étranger.

1- Le droit en vigueur :

Depuis la loi du 26 novembre 2003, les futurs époux désirant se marier à l'étranger doivent être entendus par l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré, ce qui pose problème lorsque les futurs conjoints ou l'un d'eux résident en France ou dans un pays étranger autre que celui où le mariage doit être célébré.

L'article 170 du code civil prévoit ainsi que, sauf en cas d'impossibilité, ou lorsqu'il apparaît au vu des pièces du dossier que cette audition n'est pas nécessaire au regard des articles 146 et 180 -relatifs à l'existence et à la liberté du consentement- les agents diplomatiques ou consulaires doivent procéder à l'audition commune ou séparée des futurs époux ou des époux, soit lors de la demande de publication des bans, soit lors de la délivrance du certificat de mariage, soit en cas de demande de transcription du mariage par le ressortissant français (voire à ces trois reprises).

2- Les dispositions du projet de loi :

Le projet de loi propose qu'à la demande de l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré, l'audition soit réalisée par l'autorité chargée de l'état civil du lieu de résidence du ou des futurs époux (officier de l'état civil s'il vit en France, autre autorité diplomatique ou consulaire s'il vit à l'étranger).

Le compte rendu de l'audition serait adressé sans délai à l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage doit être célébré.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de coordination.

Art. 171-4 du code civil : Opposition à la célébration du mariage

Cet article instaure une procédure d'opposition spécifique à la célébration du mariage d'un Français contracté à l'étranger devant une autorité étrangère, afin de donner à l'autorité diplomatique ou consulaire et au parquet les moyens de prévenir les mariages frauduleux.

1- Le droit en vigueur :

? Une procédure d'opposition à la célébration d'un mariage existe depuis la loi n° 93-1417 du 30 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la maîtrise de l'immigration et modifiant le code civil, réformée par la loi du 26 novembre 2003 précitée.

L'article 175-1 du code civil prévoit une possibilité d' auto-saisine par le ministère public pour former opposition « pour les cas où il pourrait demander la nullité du mariage », ce qui inclut en théorie les mariages célébrés à l'étranger. Sa mise en oeuvre est cependant aléatoire, son information étant délicate.

Le procureur de la République peut ainsi demander la nullité d'un mariage en vertu des articles 180 29 ( * ) et 184 du code civil. L'article 180 du code civil renvoie au vice de consentement, tandis que l'article 184 du code civil vise le non respect de l'âge nubile, l'absence de consentement ou de présence des époux au mariage, la bigamie ou des empêchements à mariage.

? Une procédure spécifique prévue à l'article 175-2 du code civil permet au seul officier de l'état civil de saisir le procureur de la République, lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vue de l'audition des futurs époux, que le mariage envisagé est susceptible d'être un mariage de complaisance (art. 180 du code civil), ou, depuis la loi du 4 avril 2006, un mariage forcé (art. 146 du code civil).

Le procureur de la République doit en informer les intéressés et, dans les quinze jours de la saisine, soit laisser procéder au mariage, soit y faire opposition, soit décider qu'il sera sursis à sa célébration dans l'attente des résultats de l'enquête qu'il diligente. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil et aux intéressés. La durée du sursis ne peut excéder un mois, renouvelable une fois par décision spécialement motivée depuis la loi du 26 novembre 2003. A l'issue du sursis, il fait connaître par une décision motivée s'il s'oppose au mariage ou laisse procéder à la cérémonie.

L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal de grande instance qui statue dans les dix jours. Cette décision peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans les mêmes délais.

Selon la circulaire du 2 mai 2005, la saisine doit être motivée par l'indication d'indices sérieux, précis, objectifs et probants. Elle ajoute que « si la loi n'impose aucun délai à l'officier de l'état civil pour transmettre son signalement et les pièces qui l'accompagnent au procureur de la République, il est opportun que cette saisine soit réalisée le plus rapidement possible après l'audition des époux ».

2- Les dispositions du projet de loi :

Le projet de loi crée une procédure d'opposition spécifique pour le mariage d'un Français célébré devant une autorité étrangère, inspirée de la procédure prévue pour les mariages célébrés en France.

Néanmoins elle s'en distingue sur plusieurs points :

- son champ d'application est plus large . La saisine du procureur de la République compétent -qui sera celui du tribunal de grande instance de Nantes, compétent pour tous les mariages célébrés à l'étranger- interviendra non pas uniquement en cas d'indices sérieux laissant présumer une absence ou un vice de consentement au mariage (art. 146 et 180 du code civil), mais à chaque fois que le dossier de mariage laissera présumer une nullité au titre des articles 180, 184 30 ( * ) ou 191 31 ( * ) du code civil. Sont ainsi visés les cas de nullité pour non-respect de l'âge nubile (art. 144), pour absence de consentement des époux (art. 146), pour absence de l'époux français lors de la cérémonie (art. 146-1), pour existence d'union antérieure non dissoute (art. 147) ou d'empêchements tenant aux liens de parenté ou d'alliance (art. 161 à 163), pour vice de consentement des époux (art. 180) et pour mariage clandestin (art. 191) ;

- cette saisine ne sera pas facultative , mais s'imposera à l'autorité diplomatique ou consulaire en cas de doute sur la validité du mariage ;

- la procédure est simplifiée : le procureur de la République dispose de deux mois à compter de la saisine pour former opposition au mariage par acte motivé. Il n'est plus question de donner au ministère public 15 jours pour faire opposition, tout en lui réservant la possibilité de surseoir à la célébration pendant un mois renouvelable une fois afin de diligenter une enquête.

Le projet de loi indique en outre que l'acte d'opposition est signifié aux futurs époux

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement de clarification afin de viser les hypothèses dans lesquelles la procédure d'opposition au mariage pourra jouer par référence directe aux conditions de validité du mariage, et non par référence aux conditions dans lesquelles il peut être annulé. Il est donc désormais fait référence aux articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 et 191 du code civil.

3- La position de votre commission :

Votre commission souscrit à cette nouvelle procédure, tout en observant qu'en pratique, cette opposition ne concernera que le futur conjoint français et non l'autorité étrangère , qui demeurera, en vertu de la souveraineté des États, toujours libre de célébrer le mariage 32 ( * ) . En revanche, ce mariage ne pourra être transcrit en France et, d'après le présent projet de loi, produire d'effets en France, hormis dans les relations entre les époux et envers les enfants.

En pratique, la brièveté du délai laissé au procureur de la République pour faire opposition peut poser problème. En effet, si ce délai s'avère insuffisant pour rassembler des preuves de fraude, une mainlevée judiciaire sera prononcée, entraînant par là en principe une transcription du mariage. Cependant, ce délai s'explique par la nécessité de respecter la liberté du mariage. La procédure d'opposition ne devrait être utilisée que dans l'hypothèse d'une suspicion de fraude objective, comme la bigamie ou l'incapacité. Au contraire, dans l'hypothèse d'une suspicion de mariage de complaisance, il pourrait être préférable de laisser célébrer le mariage et de procéder à des vérifications lors de la demande de transcription.

? Votre commission vous propose en outre de prévoir par amendement que l'officier de l'état civil ou l'autorité diplomatique ou consulaire saisissent sans délai le procureur de la République, afin d'éviter des retards indus pouvant constituer des voies de fait.

? Votre commission vous propose enfin de renvoyer par amendement au décret en Conseil d'Etat les conditions de notification de cette décision aux futurs époux.

Section 3
De la transcription du mariage célébré à l'étranger
par une autorité étrangère

Art. 171-5 : Condition d'opposabilité du mariage en France

Cet article fait de la transcription à l'état civil français une condition de l'opposabilité en France du mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère.

1- Le droit en vigueur

L'article 47 du code civil prévoit que l'acte de l'état civil étranger fait foi -à condition d'être traduit-, sauf si d'autres actes ou pièces, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent qu'il est irrégulier, falsifié ou mensonger.

Les officiers de l'état civil et les administrations ne peuvent exiger des personnes dont les actes de mariage ont été dressés par des autorités étrangères qu'ils fassent procéder à leur transcription. Ainsi, certains mariages ne sont jamais transcrits, ou le sont des années plus tard lorsque les époux décident de s'installer en France.

Néanmoins, ces actes produisent des effets familiaux, successoraux et patrimoniaux, et sont opposables aux tiers.

En effet, l'absence de transcription du mariage ne constitue pas une cause de nullité, dans la mesure où la transcription n'est qu'une opération de publicité par inscription sur les registres de l'état civil français. Les causes de refus de transcription étant les mêmes que les causes de nullité, un mariage transcrit est cependant présumé valable (même si l'action en nullité n'est pas interdite), alors qu'un mariage non transcrit ne bénéficie pas d'une telle présomption.

Seules l'obtention d'un titre de séjour en faveur du conjoint étranger (art. L. 313-11 et L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) et l'acquisition de la nationalité française (art. 14 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993) nécessitent aujourd'hui la transcription préalable du mariage.

2- Les dispositions du projet de loi :

Le projet de loi lie désormais l'opposabilité en France des mariages célébrés à l'étranger à leur transcription sur les registres de l'état civil français.

L'article 194 du code civil prévoit déjà que « nul ne peut réclamer le titre d'époux et les effets civils du mariage » s'il ne produit un acte inscrit sur les registres de l'état civil. Cette disposition vise actuellement tous les registres de l'état civil, français ou étrangers. Désormais, le mariage d'un Français devrait figurer sur les registres de l'état civil français.

Cette obligation de transcription concernera tous les mariages célébrés à l'étranger devant une autorité étrangère, indépendamment du fait que la France ait ou non signé une convention contenant une clause de dispense de légalisation des actes de l'état civil avec ces pays. En effet, la légalisation est une mesure administrative qui n'a pour objet que d'authentifier la signature et la qualité du signataire par l'apposition d'un contreseing officiel 33 ( * ) .

L'autorité diplomatique ou consulaire devra informer les candidats au mariage, au moment de la délivrance du certificat de capacité à mariage, qu'ils ne pourront se prévaloir en France d'un mariage célébré par l'autorité étrangère qu'après sa transcription. Cette information ne touchera donc que les personnes sollicitant le certificat.

Enfin, le projet de loi précise que la demande de transcription doit être faite auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire du lieu de célébration du mariage, et non de celle du lieu de résidence des époux.

3- Les modifications apportées par l'Assemblée nationale :

Le projet de loi aboutit donc à ce qu'un mariage célébré par une autorité étrangère puisse être valable en France, sans y être opposable .

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois, adopté, outre un amendement rédactionnel, un amendement précisant que l'inopposabilité de l'acte de mariage étranger non transcrit ne joue qu'à l'égard des tiers - une autorité publique notamment.

Un mariage valablement célébré par une autorité étrangère pourra ainsi produire des effets civils à l'égard des époux et des enfants même s'il n'est pas transcrit. Cet amendement applique aux mariages étrangers le régime juridique prévu par le code civil pour les mariages putatifs . L'article 201 du code civil prévoit ainsi que le mariage déclaré nul produit néanmoins ses effets à l'égard des époux lorsqu'il a été contracté de bonne foi. Si la bonne foi n'existe que de la part de l'un des époux, le mariage ne produit ses effets qu'en faveur de cet époux.

Cette précision apparaît particulièrement opportune.

4- La position de votre commission :

Votre commission comprend et partage l'objectif recherché par le projet de loi. En effet, il est de l'intérêt, tant des époux que de l'Etat, de faire transcrire le plus rapidement possible la transcription des mariages célébrés à l'étranger devant une autorité étrangère, afin d'éviter des complications tardives, notamment au moment de la liquidation des retraites ou des successions, mais aussi de permettre d'exercer un réel contrôle sur la validité de ces mariages.

Néanmoins, votre commission s'interroge sur la portée pratique d'une telle proposition.

La notion d'effets civils demeure ambiguë, même s'il est vrai qu'elle figure déjà à l'article 194 du code civil. Ainsi, un des époux pourra-t-il revendiquer de conserver le bail du logement conjugal en cas de décès de son conjoint ?

De même, en cas de décès en France d'un ressortissant Français marié à un ressortissant étranger, les autres héritiers (en l'absence d'enfants) pourraient dénier au conjoint survivant sa qualité d'héritier. Celui-ci ne bénéficierait en outre pas des abattements et taux réservés au conjoint survivant. Une transcription post-mortem sera donc nécessaire, ce qui n'est pas le cas actuellement, et risque de prendre un certain délai -au moins trois mois pour un mariage célébré dans un pays de l'Union européenne, beaucoup plus s'agissant de certains pays. Or en pratique, ceci risque de toucher principalement les conjoints étrangers ressortissants de l'Union européenne , qui n'auront pas eu besoin de faire transcrire leur mariage pour vivre en France, contrairement aux autres, et qui sont pourtant les moins susceptibles d'être soupçonnés de mariages simulés.

Les époux ne pourront en outre pas déclarer conjointement leurs revenus, ou demander à bénéficier d'horaires de visite privilégiés en prison.

Cette disposition est cependant sans incidence sur le droit au séjour ou à l'acquisition de la nationalité française, puisque des textes spécifiques requièrent déjà la transcription du mariage. De même, le mariage est neutre pour les prestations familiales, fondées sur la filiation et non le mariage.

En revanche, les tiers pourront invoquer la théorie de l'apparence pour se retourner solidairement contre des personnes se présentant comme mariées, par exemple pour le paiement d'un loyer, qui fait partie des charges du ménage pour lesquelles la solidarité des époux est engagée.

Enfin, il demeure paradoxal que deux Marocains mariés au Maroc puissent prétendre à des avantages non liés à la nationalité tandis qu'un marocain et un Français mariés au Maroc n'y auraient pas droit.

Cette disposition requerra donc un effort d'information important, notamment de la part des notaires et des services fiscaux.

Art. 171-6 à 171-8 du code civil :
Conditions de transcription du mariage

Ces articles modifient les règles de transcription du mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère. Ils remplacent les dispositions actuellement prévues aux articles 170 et 170-1 du code civil, abrogées par l'article 5 du projet de loi.

1. Le droit en vigueur

Actuellement, des contrôles sont déjà prévus au moment de la demande de transcription sur les registres de l'état civil français d'un mariage célébré par une autorité étrangère.

a) L'audition des époux

L'article 170 du code civil (introduit par la loi du 26 novembre 2003 et modifié par celle du 4 avril 2006) oblige les agents diplomatiques ou consulaires à auditionner les futurs époux ou époux, sauf impossibilité ou s'il n'y a aucun doute sur l'existence ou la liberté du consentement au mariage : soit lors de la demande de publication des bans, soit lors de la délivrance du certificat de mariage, soit en cas de demande de transcription du mariage par le ressortissant français 34 ( * ) . La présence des époux peut être requise pour chacune de ces formalités.

b) Le sursis à transcription

L'article 170-1 du code civil (introduit par la loi du 24 août 1993 et modifié par celles du 26 novembre 2003 et du 4 avril 2006) a instauré un mécanisme de sursis à transcription en cas de doute sur la régularité du mariage célébré à l'étranger.

Lorsqu'il dispose d'indices sérieux lui permettant de considérer que le mariage d'un Français célébré par une autorité étrangère dont on lui demande la transcription est susceptible d'être annulé en application des articles 180, 184 et 191 du code civil, l'agent diplomatique ou consulaire surseoit à la transcription et en informe immédiatement le ministère public.

Sont visés les mariages susceptibles d'être annulés pour non-respect de l'âge nubile (art. 144), pour absence de consentement exprès des époux (art. 146), pour absence de comparution personnelle de l'époux français (art. 146-1), pour existence d'union antérieure non dissoute (art. 147) ou d'empêchements tenant aux liens de parenté ou d'alliance (art. 161 à 163), pour vice de consentement des époux (art. 180) et pour mariage clandestin ou célébré devant un officier de l'état civil incompétent (art. 191).

Si le procureur de la République demande au juge la nullité du mariage, la transcription est limitée à la seule fin de saisine du juge.

Cependant, la transcription est de droit si le procureur ne s'est pas prononcé dans un délai de six mois à compter de sa saisine.

Le décret n° 2005-170 du 23 février 2005, entré en vigueur le 1 er mars 2005, a conféré une compétence exclusive au procureur du lieu où est établi le service central d'état civil du ministère des affaires étrangères, c'est-à-dire du tribunal de grande instance de Nantes (art. 1056-1 du code de procédure civile) 35 ( * ) .

2. Le projet de loi

Le projet de loi prévoit de nouvelles possibilités de refuser la transcription du mariage d'un Français à l'étranger par une autorité étrangère.

Désormais, trois procédures différentes sont ouvertes, en fonction de l'importance des irrégularités constatées.

Art. 171-6 du code civil : Exigence d'une mainlevée de l'opposition préalablement à la transcription en cas de mariage célébré malgré l'opposition du procureur de la République

Le nouvel article 171-6 du code civil prévoit que tout mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère malgré l'opposition du ministère public ne pourra être transcrit qu'après mainlevée de l'opposition par le tribunal de grande instance de Nantes à la demande des époux.

Cette sévérité est logique, les époux ayant délibérément passé outre l'opposition du ministère public. Le tribunal de grande instance devra se prononcer sur l'opportunité de l'opposition prononcée. Il n'est pas prévu de délai spécifique pour obtenir cette mainlevée, contrairement à l'hypothèse dans laquelle l'opposition intervient avant la célébration du mariage. Dans cette hypothèse, les articles 177 et 178 du code prévoient que le tribunal de grande instance et, le cas échéant, la cour d'appel, statuent dans un délai de dix jours. L'enjeu n'est en effet pas le même : dans un cas, la liberté du mariage, dans l'autre, uniquement son opposabilité aux tiers.

Art. 171-7 du code civil : Nécessité d'une audition des époux et possibilité de sursis à la transcription d'un mariage célébré en l'absence de certificat de capacité à mariage

? Les dispositions du projet de loi :

Lorsque le mariage a été célébré malgré l'absence de certificat de capacité à mariage, la transcription doit être précédée de l'audition des époux, ensemble ou séparément, par l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle le mariage a été célébré.

Comme pour l'audition préalable à la publication des bans, il est prévu une possibilité de délégation de la réalisation de cette audition à l'officier de l'état civil du lieu du domicile ou de résidence en France des époux, ou à l'autorité diplomatique ou consulaire territorialement compétente si les époux ont leur domicile ou résidence à l'étranger. Le compte rendu de l'audition est adressé sans délai à l'autorité diplomatique ou consulaire dans le ressort de laquelle a été célébré le mariage.

Il n'est plus prévu la possibilité (actuellement prévue par l'article 170 du code civil) pour l'agent diplomatique ou consulaire de déroger à cette obligation en cas d'impossibilité de réaliser l'audition.

Lorsque des indices sérieux laissent présumer que le mariage célébré à l'étranger encourt la nullité au regard des conditions de fond définies par le droit français 36 ( * ) , l'agent diplomatique ou consulaire chargé de transcrire l'acte en informe immédiatement le ministère public et surseoit à la transcription. Le champ d'application du sursis demeure identique à celui prévu actuellement par l'article 170-1 du code civil.

Le procureur de la République se prononce sur la transcription dans les six mois à compter de sa saisine. S'il demande dans ce délai la nullité du mariage, il ordonne que la transcription soit limitée à la seule fin de saisine du juge. Jusqu'à la décision de celui-ci, une expédition de l'acte transcrit ne peut être délivrée qu'aux autorités judiciaires ou avec l'autorisation du procureur de la République.

A la différence de la procédure en vigueur, l'absence de décision du procureur de la République dans le délai de six mois n'entraîne pas la transcription de droit du mariage : les époux doivent la demander au tribunal de grande instance .

Cette disposition vise à empêcher la transcription par défaut d'un mariage présumé frauduleux, puisque célébré en l'absence de certificat de capacité à mariage.

Néanmoins, il incombera toujours au procureur de la République de démontrer l'irrégularité du mariage.

? Les modifications apportées par l'Assemblée nationale :

A l'initiative de sa commission des Lois, et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a :

- permis la délégation de la réalisation de l'audition à des fonctionnaires titulaires chargés de l'état civil ;

- précisé que la procédure de sursis à transcription prévue par l'article 171-7 du code civil ne concerne pas tous les mariages célébrés à l'étranger . En effet, ne sont pas concernés les mariages célébrés devant les autorités diplomatiques ou consulaires ;

- apporté des garanties substantielles et particulièrement opportunes aux époux en prévoyant que le tribunal de grande instance , saisi par les époux dans l'hypothèse d'une absence de décision du procureur de la République à l'issue du délai de six mois ou d'un refus de transcription, devra se prononcer dans un délai d'un mois . De même, l'Assemblée nationale a prévu que la cour d'appel se prononcerait dans le même délai d'un mois. Notons cependant que l'article 643 du nouveau code de procédure civile, qui permet un allongement du délai de deux mois en raison de l'éloignement géographique entre le lieu où siège la juridiction et celui où résident les époux, demeure applicable.

? La position de votre commission :

- Votre commission souscrit tout à fait à la volonté de soumettre les Français se mariant à l'étranger devant une autorité étrangère aux mêmes formalités que les Français se mariant en France. Il apparaît donc normal de prévoir leur audition lors de la demande de transcription si celle-ci n'a pu intervenir auparavant. Néanmoins, supprimer la possibilité ouverte à l'autorité diplomatique ou consulaire d'apprécier l'opportunité d'y renoncer en cas d'absence de doute sur la liberté ou la réalité du consentement ne parait pas pertinent .

Comment les autorités diplomatiques ou consulaires arriveront-elles à faire face à toutes ces auditions ? Si certaines se révèleront en outre totalement inutiles en l'absence de tout doute, il est à craindre que certains mariages frauduleux ne soient pas détectés, si, en raison de la quantité d'auditions à réaliser, celles-ci prennent une tournure toute théorique. Le projet de loi pourrait ainsi paradoxalement affaiblir cette détection.

Votre commission vous propose donc de rétablir par amendement la possibilité de renoncer à l'audition en cas d'absence de doute sur la liberté et l'existence du consentement.

- Votre commission s'interroge également sur la pertinence de la sévérité du dispositif proposé. En effet, l'absence de certificat de capacité à mariage ne traduit pas forcément une volonté de fraude, mais plutôt une méconnaissance de cette obligation, qui existe déjà, rappelons-le. Un effort de communication conséquent devra être fourni, les Français désireux de se marier à l'étranger devant une autorité locale ne s'enquerrant pas forcément des formalités requises par la loi française avant la célébration, surtout s'ils résident en France et ne peuvent donc être avertis par les postes consulaires, qui ne les connaissent par définition pas. En outre, tous les résidents Français à l'étranger ne sont pas immatriculés auprès des postes consulaires, loin s'en faut.

S'agissant de l'inversion de la règle selon laquelle le silence gardé pendant six mois par le procureur de la République emporte transcription automatique du mariage, votre commission s'interroge là encore. Certes, l'amendement de l'Assemblée nationale a permis d'introduire une obligation pour le juge de se prononcer en urgence (dans un délai d'un mois).

Le Gouvernement met en avant les difficultés inhérentes au recueil de renseignements pour apprécier les motivations réelles du mariage et la présence de cas dans le passé où des mariages irréguliers ont été transcrits par défaut faute de temps. Néanmoins, ainsi que l'a indiqué le vice-procureur au tribunal de grande instance de Nantes, responsable du service civil du parquet, la centralisation de ces affaires au tribunal de grande instance de Nantes a permis une plus grande rigueur dans la gestion de ces dossiers et de tels cas ne se produisent plus actuellement. Si des transcriptions par défaut demeurent, elles traduisent plus l'accord implicite du parquet que son impuissance. Il est en outre paradoxal que des contingences purement matérielles justifient ainsi une atteinte au droit des époux.

Votre commission vous propose enfin d'adopter un amendement rédactionnel ainsi qu'un amendement de coordination.

Art. 171-8 du code civil : Possibilité de sursis à la transcription d'un mariage célébré avec certificat de capacité en cas d'éléments nouveaux laissant présumer une irrégularité

? Les dispositions du projet de loi :

Le nouvel article 171-8 du code civil prévoit une procédure de sursis à transcription du mariage d'un Français célébré à l'étranger par une autorité étrangère, alors même que ce mariage a été célébré dans les formes de la loi locale et que l'époux Français a produit un certificat de capacité à mariage.

L'autorité diplomatique ou consulaire doit vérifier, au moment de la demande de transcription, qu'aucun élément nouveau susceptible d'établir l'irrégularité du mariage au regard des conditions de fond définies par la loi française 37 ( * ) n'est intervenu.

Dans ce dernier cas, l'audition des époux, ensemble ou séparément, est obligatoire , sans que soit prévue de possibilité de dérogation en cas d'impossibilité. Là encore, des délégations sont prévues lorsque les époux vivent en France ou dans un autre pays.

Les suites données au sursis à la transcription sont identiques à celles actuellement prévues par l'article 170-1 du code civil : le procureur de la République, informé de la décision de sursis, dispose de six mois pour demander au juge l'annulation de mariage, l'absence de décision de sa part entraînant la transcription de droit du mariage . Cette disposition parait logique, puisque les époux se sont conformés aux formalités requises.

Le projet de loi précise néanmoins que cette transcription par défaut ne peut pas faire obstacle à une annulation ultérieure du mariage en application de l'article 184 du code civil.

? L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, précisé que la transcription par défaut d'un acte de mariage étranger ne privait pas les époux ou le ministère public de la possibilité d'en demander l'annulation pour vice de consentement. Cette précision parait purement déclaratoire, tout comme celle concernant la possibilité de demander l'annulation du mariage en application de l'article 184 du code civil.

L'Assemblée nationale a enfin étendu la possibilité de délégation de l'audition à des fonctionnaires titulaires du service de l'état civil.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel et un amendement de coordination, puis d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

Article additionnel après l'article 3 (art. 175-2 du code civil) - Saisine du procureur de la République par l'officier de l'état civil

Votre commission vous soumet un amendement de coordination tendant à insérer un article additionnel afin de modifier l'article 175-2 du code civil prévoyant que l'officier de l'état civil peut saisir le procureur de la République lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé comme consistant en un mariage de complaisance ou un mariage simulé.

Cet amendement vise à prévoir que cette saisine se fait « sans délai », afin d'éviter qu'un officier de l'état civil ne puisse abusivement retarder le mariage, sans pour autant saisir le procureur de la République, dont la décision est, elle, encadrée dans des délais. Un amendement identique a été proposé par votre commission s'agissant des mariages célébrés à l'étranger devant une autorité étrangère (art. 171-4 du code civil, article 3 du projet de loi).

Article 4 (art. 176 du code civil) - Contenu et caducité de l'acte d'opposition à la célébration du mariage

Cet article modifie l'article 176 du code civil, qui définit le contenu de l'acte d'opposition à la célébration du mariage susceptible d'être annulé et prévoit sa caducité à l'expiration d'un délai d'un an en l'absence de renouvellement.

1- Le droit en vigueur :

? L'article 176 du code civil prévoit que tout acte d'opposition, à peine de nullité et d'interdiction de l'officier ministériel ayant signé l'acte contenant opposition, doit énoncer la qualité qui donne à l'opposant le droit de la former, ainsi que les motifs de l'opposition et la reproduction du texte de loi sur lequel elle se fonde. Il contient élection de domicile dans le lieu où le mariage doit être célébré.

Après une année révolue, l'acte d'opposition cesse de produire effet, sauf renouvellement . Le renouvellement est cependant impossible en cas de mainlevée judiciaire d'une opposition au mariage formée par un ascendant.

? L'opposition peut émaner :

-   d'une personne engagée par mariage avec l'une des deux parties du mariage projeté (art. 172 du code civil) ;

-  des parents ou à défaut des aïeuls des futurs conjoints, même majeurs, à condition qu'il n'y ait pas déjà eu mainlevée judiciaire d'une opposition à ce mariage de la part d'un ascendant (art. 173) ;

-  à défaut d'ascendant, du frère, de la soeur, de l'oncle, de la tante ou du cousin germain, à condition d'être majeurs, dans deux cas : l'absence de consentement du conseil de famille requis pour le mariage d'un mineur sans ascendant, et l'état de démence du futur époux (art. 174) ;

-  du tuteur ou du curateur, dans les deux cas précités, avec l'autorisation du conseil de famille (art. 175).

Le procureur de la République peut également former opposition :

- à la célébration de tout mariage dont il pourrait demander la nullité (art. 175-1 inséré par la loi du 24 août 1993) ;

- sur saisine de l'officier de l'état civil devant célébrer le mariage, en cas d'indices sérieux laissant présumer que le mariage est susceptible d'être annulé pour défaut de consentement (depuis la loi du 26 novembre 2003) ou vice de consentement (explicitement depuis la loi du 4 avril 2006) (art. 175-2).

En outre, le projet de loi crée une procédure d'opposition par le ministère public spécifique aux mariages célébrés à l'étranger par une autorité étrangère.

2- Les dispositions du projet de loi :

? Le projet de loi procède tout d'abord à des adaptations rédactionnelles.

En outre, il supprime la possibilité de renouveler l'acte d'opposition après sa caducité au bout d'un an , tout en prévoyant une exception au profit de l'opposition faite par le ministère public , qui ne cesse de produire effet que sur décision judiciaire.

Cette exception se justifie par le rôle de gardien de l'ordre public du ministère public. Les aspirants au mariage devront donc demander la mainlevée judiciaire de l'opposition.

3- Les modifications apportées par l'Assemblée nationale :

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois, adopté un amendement rédactionnel, puis rétabli la possibilité pour les personnes de la famille ou leurs représentants (hormis les ascendants en présence d'une mainlevée judiciaire d'une opposition antérieure formée par un ascendant) de renouveler leur opposition après le délai d'un an, ce qui est le droit en vigueur .

4- La position de votre commission :

Votre commission soutient ce rétablissement, ainsi la suppression de la caducité des oppositions formées par le ministère public.

Néanmoins, en l'absence d'une centralisation des oppositions formées consultable par les officiers de l'état de l'état civil, les candidats au mariage pourront toujours essayer de s'adresser à une nouvelle commune pour se marier 38 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter un amendement de précision puis d'adopter l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 170 et 170-1 du code civil) - Abrogation

Cet article abroge les articles 170 et 170-1 du code civil, qui fixent actuellement les règles de validité et de transcription des mariages de Français célébrés à l'étranger. Ces règles sont désormais prévues par les articles 171-1 à 171-8 du code civil créés par le projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 5 sans modification.

CHAPITRE II - DISPOSITIONS DIVERSES ET TRANSITOIRES
Article 6 (art. 47 du code civil) - Force probante des actes de l'état civil étrangers

Cet article tend à rendre plus effectif le contrôle de la validité des actes de l'état civil des Français et des étrangers faits par une autorité étrangère.

1- Une présomption de régularité largement entamée

? Les relations internationales étant fondées sur la confiance et la réciprocité, l'article 47 39 ( * ) du code civil prévoyait, dans sa version antérieure à la loi du 26 novembre 2003 précitée, que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger 40 ( * ) , fera foi, s'il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays ».

Il posait donc une présomption de régularité formelle de l'acte de l'état civil établi à l'étranger dans les formes usitées localement 41 ( * ) , à condition qu'il s'agisse d'« un écrit dans lequel l'autorité publique constate, d'une manière authentique, un événement dont dépend l'état d'une ou plusieurs personnes » 42 ( * ) , cet événement devant, selon la conception française, relever de l'état civil.

La Cour de cassation 43 ( * ) a toutefois refusé de considérer qu'il s'agissait d'une présomption irréfragable. L'acte recelant des incohérences internes ou en contradiction avec des actes précédemment produits n'en bénéficiait pas 44 ( * ) .

En outre, la force probante de l'acte de l'état civil étranger se limitait à ce que l'acte avait pour objet de constater. Ainsi, elle ne portait pas sur les précisions concernant l'état civil des parents (âge, qualité d'épouse...) figurant dans l'acte de naissance de leur enfant, ni sur les informations concernant le lieu de naissance s'agissant d'un acte de décès.

? Néanmoins, ainsi que l'a relevé le rapport d'information du Sénat sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire 45 ( * ) , on a observé une forte augmentation du nombre d'actes de l'état civil établis à l'étranger irréguliers ou falsifiés ayant pour objectif premier de contourner la législation sur l'entrée et le séjour en France et d'obtenir un titre d'identité français.

Ainsi, les justificatifs nécessaires à l'acquisition de la nationalité française ne sont que des copies intégrales d'actes de l'état civil étrangers, qui peuvent être irréguliers ou frauduleux.

Ceci concerne également la délivrance des certificats de nationalité française, qui servent à prouver cette dernière, et peuvent être produits pour l'obtention d'une première carte nationale d'identité ou d'un passeport. Ces certificats doivent être demandés auprès du greffier en chef du tribunal d'instance du domicile ou du lieu de naissance du demandeur, à partir d'un acte de naissance. Le service central de l'état civil ayant constaté des fraudes concernant des personnes nées ou résidant à l'étranger à l'occasion de l'établissement de leur acte de naissance, le greffier en chef du tribunal d'instance du premier arrondissement de Paris est depuis 2006 seul compétent pour délivrer les certificats aux personnes nées et résidant à l'étranger 46 ( * ) .

? La loi du 24 août 1993 a introduit un article 34 bis dans l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France, en vue de lutter contre la fraude à l'état civil dans certains pays.

Par dérogation à l'article 47 du code civil, les autorités chargées de l'application de l'ordonnance (services préfectoraux, services de police et des douanes, parquets, juges d'instruction et juges des libertés et de la détention) peuvent demander aux agents diplomatiques et consulaires la légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur son authenticité .

? La loi du 26 novembre 2003 relative à l'immigration, à l'entrée et au séjour des étrangers en France et à la nationalité française a ensuite réécrit l'article 47 du code civil , et remis en cause le caractère supposé absolu de la valeur probante des actes étrangers, en ouvrant la possibilité d'en contester l'authenticité.

Ainsi, le premier alinéa, tout en maintenant la présomption favorable aux actes de l'état civil étrangers, prévoit son inversion si « d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même, établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ».

En outre, cette même loi a instauré un mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire destiné à établir la validité de l'acte, précisé par un décret n° 2005-170 du 23 février 2005 entré en vigueur au 1 er mars 2005.

En cas de doute sur la validité d'un acte fait à l'étranger, l'administration compétente, saisie d'une demande d'établissement, de transcription ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, peut surseoir à la demande et informer l'intéressé de la possibilité qui lui est offerte dans un délai de deux mois de saisir le procureur de la République de Nantes pour vérification de l'authenticité de l'acte.

Si le procureur de la République estime la demande de vérification sans fondement, il en avise l'intéressé et l'administration dans le délai d'un mois. En cas de doute , il fait procéder à toutes investigations utiles dans un délai de six mois renouvelable une fois , notamment en saisissant les autorités consulaires compétentes. En pratique, celle-ci peut se traduire par une demande de certificat de coutume à l'Etat concerné, par une « levée d'acte » (demande de renseignement formulée par lettre) ou par une consultation des registres étrangers par les autorités consulaires françaises. L'intéressé et l'administration qui a sursis à la demande sont informés des résultats de l'enquête dans les meilleurs délais.

Au vu de ces résultats, le procureur de la République peut saisir le tribunal de grande instance de Nantes qui, après toutes mesures d'instruction utiles, statue sur la validité de l'acte, c'est-à-dire sur son authenticité, mais également sur les conditions de son obtention. En effet, dans les pays où la corruption est répandue, des actes d'état civil peuvent être formellement authentiques (et correspondre aux conditions de validité fixées par la rédaction antérieure de l'article 47 du code civil) mais obtenus frauduleusement.

? A côté de cette réforme de l'article 47 du code civil, la loi du 26 novembre 2003 a maintenu et complété le dispositif dérogatoire prévu par l'article 34 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Les agents diplomatiques ou consulaires peuvent également, de leur propre initiative , procéder à la légalisation 47 ( * ) ou la vérification de tout acte d'état civil étranger en cas de doute sur l'authenticité de ce document, lorsqu'ils sont saisis d'une demande de visa ou d'une demande de transcription d'un acte d'état civil .

Pour ces vérifications, et par dérogation aux dispositions de l'article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, les autorités diplomatiques et consulaires sursoient à statuer sur la demande pendant une période maximale de quatre mois, renouvelable une fois si, malgré les diligences accomplies, ces vérifications n'ont pas abouti. Les procédures de vérification de l'authenticité des actes issus des États concernés sont en effet souvent longues (plus de six mois dans la moitié des cas) en raison de la faiblesse ou de l'absence de collaboration des autorités locales .

Toutefois, de nombreuses conventions et accords bilatéraux dispensent de toute légalisation, ce qui soulève des difficultés dans les pays où, en l'absence de véritable état civil, circulent un nombre élevé d'actes faux. Le Gouvernement a donc décidé de renégocier les conventions bilatérales signées avec les États où le taux d'actes faux est très important.

? La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a modifié l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (qui a repris en les codifiant les dispositions de l'article 34 bis de l'ordonnance 48 ( * ) ). Elle a supprimé la procédure dérogatoire destinée aux personnes chargées d'appliquer les dispositions en matière d'entrée et de séjour des étrangers et renvoie désormais à l'article 47 du code civil. Cette disposition a donc anticipé sur la présente réforme. Pour éviter qu'elle n'entre en vigueur avant l'adoption du présent projet de loi, son entrée en vigueur a été reportée à une date fixée par décret en Conseil d'Etat et au plus tard au 1 er janvier 2007.

2- Les dispositions du projet de loi

? Le projet de loi maintient la limitation de la validité de l'acte de l'état civil étranger à l'absence de données établissant que l'acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité, en ajoutant que cette constatation peut intervenir « le cas échéant après toutes vérifications utiles ».

Il supprime surtout le mécanisme de sursis administratif et de vérification judiciaire créé par la loi du 26 novembre 2003, jugé trop complexe, et en pratique resté inutilisé.

Ainsi, le procureur de la République de Nantes n'a été saisi que 19 fois en 2004 et 10 fois en 2005. Aucune enquête n'a été diligentée et aucune saisine du tribunal de grande instance de Nantes n'est intervenue 49 ( * ) .

Ainsi que l'a indiqué à votre rapporteur le vice-procureur au tribunal de grande instance de Nantes, responsable du service civil du parquet, la majorité des saisines a été le fait d'administrations, alors qu'elles ne peuvent que notifier leur décision de sursis au requérant, à charge pour ce dernier de saisir le parquet.

? Cependant, toute procédure de sursis à statuer ou de vérification n'est pas écartée.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la Chancellerie, une procédure de vérification de la régularité des actes de l'état civil étranger sera fixée par décret en Conseil d'État. Ces dispositions devaient initialement figurer dans le projet de loi mais ont été disjointes par le Conseil d'Etat en raison de leur nature réglementaire.

En cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou d'un titre, procèderait ou ferait procéder aux vérifications utiles près de l'autorité étrangère compétente . Dans un délai de deux mois, elle devrait informer l'intéressé de l'engagement de ces vérifications.

Le silence gardé pendant huit mois vaudrait décision de rejet . Le juge administratif pourrait alors être saisi par le requérant . Il formerait sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé.

Cette nouvelle procédure s'appuiera sur l'article 21 de la loi n° 2000-231 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, qui prévoit que, par décret en Conseil d'État, le délai de deux mois au-delà duquel le silence gardé par l'autorité administrative vaut rejet peut être augmenté si la complexité de la procédure le justifie.

La vérification de l'existence de l'acte original, en pratique par la consultation par les autorités consulaires françaises des registres détenus par les autorités étrangères locales ou par une levée d'actes auprès de celles-ci, exige en effet un délai supplémentaire. La rapidité de ces opérations dépend de la diligence des services étrangers sollicités -et varie donc d'un Etat à l'autre- ainsi que des moyens dont disposent les autorités consulaires françaises à l'étranger.

3- La position de votre commission

? Si la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine 50 ( * ) avait souscrit à l'objectif de simplification recherché par le projet de loi, votre rapporteur estime anticipé d'incriminer l'échec de la procédure introduite par la loi du 26 novembre 2003. En effet, le vice-procureur au tribunal de grande instance de Nantes, responsable du service civil du parquet, a reconnu lors de son audition par votre rapporteur que la procédure avait été bloquée, en raison d'incertitudes quant à la notion d'administration, au manque de moyens du parquet de Nantes, mais surtout d'instructions enjoignant d'attendre une circulaire qui n'a jamais été publiée. Enfin, cette nouvelle procédure a également pâti de la parution tardive du décret précisant les conditions de cette procédure en 2005 51 ( * ) .

? Néanmoins, il est certain que cette procédure a fait apparaître de nombreuses interrogations.

De plus, si l'on peut se demander s'il est acceptable de laisser une administration décider seule de la validité d'un acte, il faut souligner qu'un recours devant le juge administratif sera toujours possible, et que celui-ci est déjà compétent pour statuer sur le caractère frauduleux ou non d'une carte d'identité. Il ne s'agira pas d'apprécier l'état civil de l'intéressé, mais la validité de l'acte présenté.

En outre, la décision sur la validité de l'acte civil étranger dépendra de toute façon, comme aujourd'hui, des vérifications effectuées par l'autorité diplomatique ou consulaire , qui devra rechercher concrètement si l'acte existe dans les registres de l'état civil étranger ou non. Le procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes apparaît actuellement comme une simple boîte à lettres. A cet égard, votre commission ne peut qu'encourager les efforts de coopération déployés par le Gouvernement afin d'aider certains pays à tenir avec plus de rigueur leur état civil et préconise de donner véritablement les moyens aux autorités consulaires de procéder à ces vérifications.

Enfin, le délai accordé aux fins de vérifications sera identique à celui prévu actuellement par la procédure administrative dérogatoire et dans une large mesure inférieur à celui actuellement prévu pour la procédure de droit commun , qui peut atteindre quinze mois -un premier délai au terme duquel l'administration décide de surseoir puis deux mois pour le requérant afin de saisir le procureur de la République de Nantes et enfin six mois renouvelables une fois pour le procureur.

? Si votre commission approuve donc la réforme envisagée, il ne parait néanmoins pas possible de procéder à une réforme d'une telle ampleur par décret en Conseil d'Etat. En effet, il ne s'agit pas seulement de déroger au délai au terme duquel le silence de l'administration équivaut à un rejet, mais également de prévoir la compétence du juge administratif et non plus du procureur de la République du tribunal de grande instance de Nantes, puis du tribunal de grande instance.

Votre commission vous propose donc de prévoir explicitement le dispositif envisagé par le Gouvernement et d'adopter par ailleurs un amendement de précision .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7 (art. 169 du code civil) - Coordination

Cet article modifie le deuxième alinéa de l'article 169 du code civil autorisant le procureur de la République à dispenser les futurs époux de l'obligation de produire un certificat médical, par coordination avec la nouvelle rédaction de l'article 63 du code civil.

L'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de sa commission des Lois un amendement de coordination à l'article L. 2121-1 du code de la santé publique relatif à l'examen médical prénuptial.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 7 sans modification.

Article additionnel après l'article 7- Décret en Conseil d'Etat

Votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir un décret en Conseil d'Etat précisant les modalités de réalisation de l'audition des époux et futurs époux, de telles précisions ne pouvant comme actuellement faire l'objet d'une simple circulaire.

La circulaire du 2 mai 2005 52 ( * ) précise ainsi que l'organisation et la gestion des entretiens est laissée à la libre appréciation de l'officier de l'état civil. Il peut décider de recevoir séparément les futurs époux avant d'organiser un entretien commun, ou organiser plusieurs rencontres.

La circulaire précise en outre qu'un compte-rendu de l'audition doit être dressé, daté et signé par l'officier de l'état civil qui a procédé à l'audition. Il doit également être signé par la personne entendue. Son refus de signer fait l'objet d'une mention. Le compte-rendu mentionne l'identité de l'officier qui procède à l'audition, sa qualité, la date de l'entretien. Le refus de répondre opposé par les futurs époux ou l'un d'entre eux doit être consigné. Dans la mesure du possible, le compte-rendu est rédigé avant la clôture de l'entretien. En cas d'entretien séparé, deux comptes-rendus distincts sont établis.

Article 8 - Entrée en vigueur

? Cet article prévoit une entrée en vigueur différée de quatre mois des dispositions du chapitre Ier du projet de loi relatives au contrôle de la validité des mariages (articles 1 er à 5 du projet de loi).

Ces nouvelles dispositions seront applicables uniquement aux mariages célébrés après leur entrée en vigueur.

L'Assemblée nationale a, à l'initiative de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, adopté un amendement précisant que les nouvelles modalités de contrôle des mariages ne seront pas applicables aux mariages célébrés avant leur entrée en vigueur, afin de soumettre au nouveau dispositif les mariages pour lesquels une demande a été émise avant cette date en vue d'une célébration postérieure .

? En revanche, les dispositions du chapitre II étant d'application immédiate, la procédure de vérification de la validité des actes de l'état civil faits à l'étranger sera donc supprimée, conformément à l'article 6, dès la promulgation de la présente loi.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement afin de prévoir que seul l'article 6 entrera en vigueur immédiatement, puis d'adopter l'article 8 ainsi modifié.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.

* 1 « Immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, humaine et juste » ; commission d'enquête sur l'immigration clandestine, Rapport du Sénat n° 300 (2005-2006), M. Georges Othily, président, M. François-Noël Buffet, rapporteur.

* 2 Loi n°81-973 du 29 octobre 1981.

* 3 Décisions du Conseil constitutionnel n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France  et 2003-484 DC du 20 novembre 2003.

* 4 Art. 175-2 du code civil.

* 5 Art. 63 du code civil.

* 6 Art. 170 du code civil.

* 7 Art. 170-1 du code civil.

* 8 Décret n° 2005-170 du 23 février 2005 pour l'application des articles 47 et 170-1 du code civil. Le service n'a cependant reçu aucun renfort pour faire face à cette nouvelle charge de travail.

* 9 Art. 21 quater de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 devenu l'article L. 623-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 10 Rappelons qu'avant la loi du 26 novembre 2003, ce délai n'était que d'un an.

* 11 Un décret en Conseil d'Etat doit fixer la date d'entrée en vigueur de cette abrogation, qui doti intervenir au plus tard au 1 er janvier 2007.

* 12 Art. 169 du code civil.

* 13 Rapport d'information du Sénat n° 439 (2004-2005) sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire, M. Jean-René Lecerf, rapporteur, M. Charles Guené, président.

* 14 Créée par un décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955.

* 15 Décret n° 2000-1277 du 26 décembre 2000 portant simplification de formalités administratives et suppression de la fiche d'état civil.

* 16 Décret n° 2001-185 du 26 février 2001.

* 17 L'article 78-2 du code de procédure pénale autorise ainsi, en cas de contrôle de police, à justifier de son identité par tout moyen c'est-à-dire, selon une circulaire d'application du 11 décembre 1995, par un document officiel comportant une photographie, toutes autres pièces probantes ou le témoignage de tiers. L'article L. 131-15 du code monétaire et financier prévoit que toute personne « doit justifier de son identité au moyen d'un document officiel portant sa photographie » lors de la remise d'un chèque.

Dans les communes de plus de 5.000 habitants, les électeurs peuvent produire au choix : une carte nationale d'identité ou un passeport, même périmés, une carte du combattant, une carte d'invalidité civile ou militaire avec photographie, une carte d'identité de fonctionnaire avec photographie, une carte d'identité ou de circulation avec photographie délivrée par les autorités militaires, un permis de conduire, un permis de chasser avec photographie ou un titre de réduction de la SNCF avec photographie (art. R. 60 du code électoral et arrêté du 24 septembre 1998).

* 18 Depuis la loi du 4 avril 2006 précitée.

* 19 Cour d'appel de Versailles, 23 février 2005.

* 20 Qui ont en outre fait des préconisations de nature réglementaire : préciser par voie de circulaire les conditions de déroulement de l'audition, éventuellement séparée, pour assurer son caractère confidentiel, et de rédaction du compte-rendu, qui devrait comporter la mention de la date, du lieu et de la qualité de la personne ayant procédé à l'audition, ainsi que sa signature ; prévoir la délivrance par les services de l'état civil aux futurs époux d'un guide d'information juridique sur les droits et devoirs du mariage et sur les moyens d'agir, notamment en cas de mariage forcé.

* 21 Art. R. 2122-10 du code général des collectivités territoriales.

* 22 Les adjoints tiennent leur qualité d'officier de l'état civil de la loi et peuvent exercer les fonctions correspondantes sans délégation du maire (Art. L. 2122-32 du code général des collectivités territoriales).

* 23 Art. L. 2122-18 et 2122-20 du code général des collectivités territoriales.

* 24 Circulaire CIV/09/05 du 2 mai 2005 relative à la lutte contre les mariages simulés ou arrangés.

* 25 Chapitre Ier relatif aux qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.

* 26 Afghanistan, Arabie Saoudite, Chine, Égypte, Irak, Iran, Japon, Maroc -dans la zone de Tanger-, sultanat d'Oman, Thaïlande et Yémen, Cambodge, Laos.

* 27 Art. 10 du décret n° 46-1917 du 19 août 1946 sur les attributions des agents diplomatiques et consulaires en matière d'état civil.

* 28 Qui vise normalement le procureur de la République dans l'arrondissement duquel sera célébré le mariage, mais qui sera ici celui du lieu de résidence de l'époux français.

* 29 Depuis la loi du 4 avril 2006 précitée.

* 30 Tout mariage contracté en contravention aux dispositions des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162 et 163 peut être attaqué.

* 31 Tout mariage qui n'a pas été contracté publiquement et qui n'a pas été célébré devant l'officier public compétent.

* 32 Cependant, la convention franco-marocaine du 10 août 1981 ne dispense pas le mariage célébré par l'autorité marocaine de l'obligation de transcription préalablement à la déclaration d'acquisition de la nationalité française par mariage. Son article 6 prévoit même que tout mariage entre un Français et un Marocain ne peut être célébré par l'autorité marocaine que sur présentation par l'époux français du certificat à capacité matrimoniale.

* 33 Ainsi, si le protocole judiciaire du 28 août 1962 relatif à l'Algérie prévoit une dispense de légalisation (art. 36) et l'information réciproque des officiers de l'état civil de chaque État des actes devant être portés en marge d'actes dressés sur le territoire de l'autre État (art. 37), l'obligation de transcription pour l'acquisition de la nationalité par mariage demeure.

* 34 Si seul le conjoint français peut en principe demander la transcription du mariage, une possibilité de transcription post-mortem sera ouverte au conjoint étranger.

* 35 Avant cette date, l'autorité diplomatique ou consulaire désirant surseoir à la transcription avisait le parquet civil de Nantes par l'intermédiaire du service central du ministre des affaires étrangères. Le parquet de Nantes transmettait le dossier au parquet territorialement compétent au regard du lieu de domicile des époux, qui examinait le bien-fondé de la demande d'annulation et se prononçait sur la transcription de l'acte de mariage étranger. Ensuite pour la décision repassait par le parquet de Nantes. Depuis 1993, le parquet de Nantes regardait donc tous ces dossiers.

En pratique, dorénavant, le parquet de Nantes saisi par un agent diplomatique ou consulaire transmet le dossier au parquet territorialement compétent au regard du lieu de domicile des époux (le parquet de Paris lorsque les deux conjoints résident à l'étranger) qui se prononce sur la transcription. Lorsque la demande ne lui paraît pas fondée, ce parquet en informe le procureur près le tribunal de grande instance de Nantes qui saisit le service central d'état civil aux fins de transcrire l'acte. Lorsque le parquet du domicile du défendeur décide d'assigner les époux, il en informe le procureur près le tribunal de grande instance de Nantes pour que l'acte soit transcrit à la seule fin d'annulation.

* 36 Au titre des articles 144, 146, 146-1, 147, 161, 162, 163, 180 ou 191, c'est-à-dire chaque fois qu'il y a présomption de non-respect de l'âge nubile, d'absence de consentement exprès des époux, d'absence de comparution personnelle de l'époux français, d'existence d'union antérieure non dissoute ou d'empêchements tenant aux liens de parenté ou d'alliance, de vice de consentement des époux ou de mariage clandestin ou célébré devant un officier de l'état civil incompétent.

* 37 Qui sont les mêmes qu'actuellement.

* 38 Ce qui nécessite toutefois d'y élire son domicile ou sa résidence (art. 165 du code civil).

* 39 Insérée par la loi du 10 mars 1938.

* 40 Les actes établis avant l'indépendance de l'Algérie ou dans d'autres territoires dépendant antérieurement de la France sont considérés comme des actes étrangers.

* 41 La preuve du respect de la loi locale peut être apportée par la production d'un certificat de coutume, attestation délivrée par un juriste et mentionnant le contenu de la loi étrangère en cause.

* 42 C. cass., 1ère ch. civ., 14 juin 1983.

* 43 C. cass., ch. crim., 13 oct. 1986.

* 44 La Cour de cassation a confirmé le 24 octobre 2000 l'arrêt d'une cour d'appel, statuant en matière de nationalité, indiquant que « la contradiction résultant du fait que le nom de la mère des enfants porté sur les actes de naissance produits devant le juge d'instance pour obtenir des certificats de nationalité française n'était pas le même que celui porté sur les actes produits devant le tribunal de grande instance ne permettait pas de reconnaître à ces actes la valeur probante accordée par l'article 47 du code civil aux actes de l'état civil faits en pays étranger ».

* 45 Rapport d'information n° 439 (2004-2005) sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire (M. Charles Guené, président, M. Jean-René Lecerf, rapporteur).

* 46 Décret n° 2005-460 du 13 mai 2005 relatif aux compétences des juridictions civiles, à la procédure civile et à l'organisation judiciaire.

* 47 La légalisation est une mesure administrative qui consiste pour le consul français dans la circonscription duquel agit le fonctionnaire étranger ayant délivré l'acte à authentifier une signature et la qualité du signataire par l'apposition d'un contreseing officiel.

* 48 Les deux premiers alinéas de cet article ont été codifiés par ordonnance n° 2004-1248 du 24 novembre 2004 relative à la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur le 1er mars 2005. Les deux derniers relatifs au mécanisme de sursis à statuer relevant du domaine réglementaire, ils demeurent en vigueur jusqu'à la publication des dispositions réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 49 Alors qu'une étude du ministère des affaires étrangères citée par le service civil du parquet de Nantes estimait à 15.000 le nombre annuel d'actes étrangers douteux susceptibles de faire l'objet d'une saisine.

* 50 Rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine : une réalité inacceptable, une réponse ferme, juste et humaine n° 300 (2005-2006)- MM. Georges Othily, président, François-Noël Buffet, rapporteur.

* 51 Décret n° 2005-170 du 23 février 2005 pris pour l'application des articles 47 et 170-1 du code civil.

* 52 Circulaire CIV/09/05 du 2 mai 2005 relative à la lutte contre les mariages simulés ou arrangés.

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