III. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 14 juin 2006 sous la présidence de M. Nicolas About , la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. André Lardeux sur le projet de loi n° 330 (2005-2006) réformant la protection de l'enfance .
M. André Lardeux, rapporteur , a tout d'abord présenté les conclusions de son rapport (cf. exposé général).
M. Nicolas About, président , s'est félicité de ce que le rapporteur ait fait référence à la notion de « bientraitance », estimant que celle-ci devait inspirer l'ensemble de la politique de protection de l'enfance.
M. Guy Fischer a reconnu que le projet de loi avait fait l'objet d'une large concertation, mais il a estimé que ses mesures ne permettraient pas de contrebalancer les effets d'autres textes, notamment ceux sur la prévention de la délinquance, sur l'immigration, sur la réforme des ordonnances de 1945 et sur l'égalité des chances. Il a regretté le manque d'ambition du projet de loi, qui ne s'attache pas à résoudre les difficultés de fond de la protection de l'enfance et dont la mise en oeuvre se heurtera à l'insuffisance des moyens humains et financiers à la disposition des départements. Il a enfin considéré que la réforme proposée repose sur une approche excessivement comportementaliste et qu'au total, elle risque d'accroître les inégalités. Pour toutes ces raisons, il a déclaré que le groupe communiste républicain et citoyen voterait contre le texte.
M. Bernard Cazeau a relayé la déception des associations de protection de l'enfance devant un texte qui n'améliore qu'à la marge les dispositifs existants. Il s'est toutefois déclaré satisfait de la reconnaissance du rôle de chef de file du département en matière de protection de l'enfance. Il a estimé que les mesures prévues en faveur du développement de la prévention précoce se heurteraient à un problème de financement. Il a enfin dénoncé le télescopage entre cette réforme et celle prévue en matière de prévention de la délinquance. Il a donc annoncé que le groupe socialiste, apparentés et rattachés, s'abstiendrait sur le texte.
M. Louis Souvet s'est déclaré satisfait de la concertation menée par le Gouvernement sur le texte. Il a voulu savoir si la réforme s'était inspirée d'expériences fructueuses menées à l'étranger. Après avoir approuvé le retour d'informations prévu en faveur des maires, il s'est interrogé sur le rôle de l'éducation nationale en matière de signalement. Il a enfin souhaité connaître les aides prévues pour les femmes dont les difficultés auraient été repérées au cours du nouvel entretien obligatoire du quatrième mois de grossesse.
Après avoir salué à son tour la concertation ayant présidé à l'élaboration de la réforme, M. Gérard Dériot a approuvé la réaffirmation du rôle de chef de file des présidents de conseil général opérée par le projet de loi. Il a signalé que la mise en oeuvre des mesures prévues en matière de partage d'informations suppose un changement de culture des travailleurs sociaux. Il a également prévenu que l'extension des compétences des services de PMI se heurterait à la pénurie de médecins capables de les mettre en oeuvre. Le contrôle de légalité devra impérativement être plus souple pour permettre aux départements de recourir à des médecins vacataires. Il a enfin approuvé la proposition du rapporteur de prévoir une compensation financière intégrale pour les départements, tout en s'interrogeant sur les modalités de celle-ci.
Mme Bernadette Dupont a insisté sur la nécessité de passer d'un système de protection de l'enfance uniquement centré sur l'enfant à un dispositif d'assistance à la famille. Elle a salué l'action des conseillères en économie sociale et familiale (CESF), dont le recrutement doit être encouragé. Le développement de cette profession suppose toutefois d'accroître le nombre de personnes formées chaque année, ce qui nécessite une coopération accrue avec les régions désormais responsables des établissements de formation en travail social. Elle a souligné, elle aussi, que la mise en oeuvre de la réforme implique un changement de mentalité chez les professionnels de la protection de l'enfance.
Mme Isabelle Debré s'est à son tour inquiétée du financement de la réforme. Elle a salué l'initiative du rapporteur de renforcer le retour d'informations en faveur des maires qui signalent des familles en difficulté. Elle a enfin regretté que la réforme proposée par le Gouvernement reste en deçà des attentes des associations.
Mme Claire-Lise Campion a reconnu que l'élaboration du texte avait été précédée d'un vrai débat avec les professionnels de la protection de l'enfance, mais elle a regretté que le projet de loi se borne finalement à améliorer l'existant. Elle a émis des doutes sur la capacité de l'éducation nationale à participer à la prévention, alors que le Gouvernement a décidé de réduire fortement le nombre de postes au sein de ce ministère. Elle a déploré l'absence d'une véritable politique nationale de la famille. Elle a également repéré plusieurs oublis dans le projet de loi, notamment sur la prise en charge des mineurs étrangers isolés et sur la reconnaissance des lieux de rencontre parents-enfants. Elle s'est enfin inquiétée du financement de la réforme et de son télescopage avec le texte sur la prévention de la délinquance.
M. Alain Vasselle s'est félicité de l'extension du rôle des services de PMI. Il a approuvé l'initiative du rapporteur d'élargir l'objet de la visite médicale obligatoire à l'entrée en cours préparatoire et de créer un examen similaire à l'entrée au collège. Il a appuyé la demande du rapporteur de prévoir une compensation des charges nouvelles pour les départements, dès lors que les crédits ne seront pas prélevés sur la branche famille de la sécurité sociale.
Mme Brigitte Bout a salué le rôle fondamental des techniciennes d'intervention sociale et familiale (TISF) et des CESF pour accompagner les familles et les enfants en amont de toute difficulté. Elle a approuvé l'idée de mieux associer les maires au dispositif de signalement, tout en soulignant les difficultés actuelles rencontrées par les élus pour travailler avec les assistantes sociales. Elle a enfin insisté sur la nécessité de mieux recruter et contrôler les familles d'accueil pour éviter des placements inadaptés et préjudiciables à l'enfant.
M. Claude Domeizel s'est ému des délais de prescription en matière d'abus sexuels, trop brefs à son sens pour certaines victimes. Il a ensuite plaidé pour que les infractions sexuelles mineures commises par des jeunes de moins de seize ans puissent ne pas être inscrites durablement à leur casier judiciaire. Aujourd'hui en effet, les jeunes subissent les conséquences de leur acte malheureux pendant plus de vingt ans, car ils sont automatiquement inscrits au fichier des délinquants sexuels, ce qui les empêche d'accéder à certaines professions.
M. Jean-Pierre Godefroy a regretté le mutisme du texte sur la question des mineurs étrangers isolés, estimant qu'on ne peut pas renvoyer chez eux, à leur majorité, des enfants qu'on avait auparavant accepté de prendre en charge.
Mme Gélita Hoarau a dénoncé les reconductions à la frontière opérées ces derniers mois à Mayotte, où des enfants ont été renvoyés chez eux sans leurs parents, et vice versa. Elle a également protesté contre les suppressions de postes dans l'éducation nationale et le manque de moyens humains des PMI, estimant que ces facteurs ne pouvaient que conduire à un échec de la réforme présentée. Elle a enfin considéré que la protection de l'enfant commence avec le devoir de lui assurer un toit décent et qu'il conviendrait d'envisager la politique de l'enfance d'une manière globale et cohérente.
M. Nicolas About, président , a observé que le nombre d'enfants scolarisés n'a jamais été aussi faible qu'aujourd'hui et que, par conséquent, le nombre d'enseignants par élève est actuellement à son niveau le plus élevé. Les suppressions de postes envisagées lui sont donc apparues comme étant des mesures de bonne gestion, car l'augmentation continue de la dépense publique contribue également à mettre en difficulté les familles qui en assument la charge.
M. André Lardeux, rapporteur , a pris acte de la déception de certaines associations, tout en observant qu'aucune d'entre elles n'avait été en mesure de lui faire des propositions d'amendements pour améliorer le texte. Il a toutefois indiqué que les associations doivent avoir toute leur place dans le dispositif de signalement et au sein des observatoires départementaux de la protection de l'enfance.
S'agissant du financement de la réforme, il a dit comprendre les inquiétudes des présidents de conseil général, mais il a constaté qu'eux non plus n'avaient pas cru bon de lui faire parvenir des propositions d'amendements. Il a indiqué que ses contacts avec le cabinet du ministre lui permettent d'annoncer que le Gouvernement proposerait la création d'un fonds alimenté par l'Etat et par la branche famille pour financer la réforme.
Il a ensuite indiqué que la comparaison avec les modèles étrangers permet de conclure à la performance du système français de protection de l'enfance.
Abordant le rôle de l'éducation nationale en matière de signalement, il a expliqué que celle-ci participerait au dispositif départemental de signalement. Les enseignants vont toutefois devoir modifier leur comportement, puisqu'ils ont aujourd'hui le réflexe de s'adresser systématiquement au juge sans en avertir en parallèle les services du conseil général.
Revenant sur la création d'un entretien obligatoire au quatrième mois de grossesse, il a expliqué que ce nouvel outil vise à améliorer le repérage des futurs parents en difficulté, afin de les orienter vers des dispositifs d'aide existants, mais mal mobilisés.
M. André Lardeux, rapporteur , a reconnu que la pénurie de médecins rend difficile le recrutement des professionnels nécessaires dans les services de PMI. Il a approuvé le recours à des vacations de médecins libéraux ou retraités.
Il a expliqué que l'assistance à la famille en amont des difficultés constitue l'un des objectifs du projet de loi, à travers notamment la création de la nouvelle mesure d'accompagnement en économie sociale et familiale. Il a reconnu qu'il faudrait augmenter le nombre de CESF et améliorer leur formation.
Concernant le rôle des maires, il s'est dit en faveur d'un meilleur retour d'informations quand ceux-ci signalent une famille en difficulté, mais il a estimé difficile de leur confier d'autres missions en matière de protection de l'enfance, sous peine de brouiller la clarification des compétences à laquelle tente de procéder le projet de loi.
M. André Lardeux, rapporteur, s'est déclaré favorable à la définition d'une véritable politique de la famille, mais il a souligné que sa mise en oeuvre suppose de faire des choix par rapport à d'autres priorités dans un contexte budgétaire contraint.
S'agissant du recrutement des familles d'accueil, il a insisté sur le rôle de contrôle du département. Il a également précisé que les assistants familiaux ne peuvent pas être multipliés simplement pour répondre à un problème d'emploi.
Abordant la question de la prescription en matière d'agressions sexuelles sur mineurs, il a précisé que le code pénal prévoit déjà que les plaintes en la matière peuvent être déposées jusqu'à vingt ans après la majorité ; aller au-delà consisterait à conclure à l'imprescriptibilité de ces crimes. Il a ensuite déclaré n'être pas opposé à un aménagement de l'inscription au fichier des délinquants sexuels pour les jeunes de moins de seize ans ayant commis des infractions sexuelles mineures.
S'agissant enfin des mineurs étrangers isolés, M. André Lardeux, rapporteur , a rappelé qu'ils pourront bénéficier de la procédure de mise à l'abri provisoire prévue par le projet de loi, mais il a reconnu qu'une solution de prise en charge à long terme doit être trouvée en leur faveur.
La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.
A l'article premier (définition de la protection de l'enfance et renforcement du rôle des services de protection maternelle et infantile), la commission a adopté un amendement visant à confier aux PMI un rôle de repérage et d'orientation des enfants rencontrant des difficultés psychologiques, ainsi qu'un amendement visant à associer la médecine scolaire à la politique de prévention en matière de protection de l'enfance.
Elle a adopté sans modification les articles 2 (élargissement du dispositif de protection de l'enfance à la prévention des dangers et des risques de danger pour l'enfant), 3 (conditions de dispense de l'obligation alimentaire), et 4 (audition de l'enfant dans le cadre des procédures judiciaires qui le concernent).
A l'article 5 (recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger et procédure de signalement à l'autorité judiciaire), elle a adopté un amendement visant à prévoir la participation des associations de protection de l'enfance au dispositif départemental de recueil des informations préoccupantes sur les mineurs en danger, ainsi qu'un amendement visant à sécuriser la transmission de ces informations lorsqu'elles sont couvertes par le secret professionnel. Elle a ensuite adopté deux amendements, le premier tendant à rendre systématique la transmission par le procureur au département de toutes les saisines directes qui lui parviennent, le second obligeant l'autorité judiciaire à informer le président du conseil général des suites données à ses signalements. Elle a enfin adopté un amendement faisant obligation au département d'assurer à son tour un retour d'information vis-à-vis des maires qui signalent un enfant en danger.
La commission a adopté sans modification l'article 6 (coordination entre protection administrative et protection judiciaire des mineurs en danger).
A l'article 7 (partage d'information entre personnes également soumises au secret professionnel), elle a adopté deux amendements rédactionnels et un amendement de coordination.
A l'article 8 (création d'observatoires départementaux de la protection de l'enfance), elle a adopté un amendement visant à élargir les compétences des nouveaux observatoires départementaux de la protection de l'enfance au suivi des schémas départementaux de l'enfance, ainsi qu'un amendement visant à prévoir une participation des associations concourant à la protection de l'enfance et de la famille à ces observatoires. Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel.
A l'article 9 (inscription de l'accueil de jour parmi les mesures de placement susceptibles d'être décidées par le juge), la commission a adopté un amendement visant à rectifier une erreur matérielle.
A l'article 10 (information réciproque du président du conseil général et de l'autorité judiciaire sur la situation des mineurs faisant l'objet d'une mesure de protection), elle a adopté deux amendements visant à supprimer des dispositions relevant du niveau réglementaire.
Elle a adopté l'article 11 (droits des parents dans leurs relations avec le service de l'aide sociale à l'enfance) sans modification.
A l'article 12 (création d'une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale et d'une mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial), la commission a adopté un amendement visant à préciser l'autorité compétente pour financer la nouvelle mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial. Elle a en outre adopté un amendement de précision rédactionnelle et trois amendements de coordination.
A l'article 13 (diversification des modes d'accueil des enfants placés et clarification des règles relatives au droit de visite des parents), elle a adopté un amendement visant à mieux distinguer les procédures applicables en matière d'accueil d'urgence selon que l'enfant est en danger au sein de sa famille ou qu'il se met lui-même en danger en abandonnant le domicile familial. Elle a ensuite adopté un amendement visant à préciser les conditions dans lesquelles les services d'AEMO sont autorisés à héberger de façon exceptionnelle et périodique les mineurs que le juge leur a préalablement confiés, ainsi qu'un amendement visant à inclure, parmi les éléments retenus par le juge pour déterminer le lieu d'accueil de l'enfant, la nécessité de préserver ses liens avec ses frères et soeurs. Elle a enfin adopté un amendement de coordination.
La commission a adopté sans modification l'article 14 (unités de vie distinctes pour les enfants accueillis en établissement en fonction des motifs du placement).
A l'article 15 ( formation des professionnels participant à des missions de protection de l'enfance), elle a adopté un amendement visant à inclure les personnels d'animation relevant du ministère de la jeunesse et des sports parmi les professionnels ayant l'obligation de suivre une formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l'enfance, ainsi que deux amendements visant à prévoir des modules de formation communs aux différentes professions et institutions participant aux missions de la protection de l'enfance. Elle a enfin adopté un amendement visant à supprimer des dispositions redondantes dans le code de l'action sociale et des familles et dans le code de l'éducation.
A l'article 16 (dispositions transitoires), elle a adopté un amendement visant à porter de deux à trois ans le délai laissé aux établissements accueillant des enfants confiés à l'ASE pour se mettre en conformité avec leur obligation de s'organiser en unités de vie distinctes en fonction des motifs ayant présidé au placement des enfants qu'ils accueillent.
Elle a enfin adopté un amendement portant article additionnel après l'article 16 visant à prévoir une compensation par l'Etat des charges résultant de la mise en oeuvre du projet de loi.
La commission a ensuite adopté le projet de loi ainsi amendé .