G. AUDITION DE MM. DOMINIQUE TELLIER, DIRECTEUR DES RELATIONS DU TRAVAIL ET DES POLITIQUES DE L'EMPLOI ET BERNARD FALCK, DIRECTEUR DE LA FORMATION DU MOUVEMENT DES ENTREPRISES DE FRANCE (MEDEF)
M. Dominique Tellier, directeur des relations du travail et des politiques de l'emploi du Medef , a rappelé que les articles 1 à 3 du projet de loi rénovent le préapprentissage et la formation professionnelle des jeunes. La réussite de ce dispositif dépend largement de l'acquisition, par les jeunes en apprentissage, du socle des connaissances fondamentales, ainsi que de la bonne articulation entre l'équipe pédagogique chargée d'accompagner l'apprenti et les personnes accueillant celui-ci dans l'entreprise.
Parmi les dispositions du projet de loi, celle qui permet aux jeunes de réintégrer à tout moment un établissement scolaire risque de poser un problème aux entreprises. De même, l'octroi d'une gratification au jeune pendant la phase du parcours d'initiation aux métiers ne favorisera pas le succès du dispositif. Enfin, le crédit d'impôt prévu à l'article 3 sera difficilement mobilisé par les petites entreprises.
Par ailleurs, l'idée d'imposer aux entreprises un quota de jeunes en professionnalisation est peu réalisable, l'embauche dépendant essentiellement de l'activité économique et l'apprentissage représentant un effort supplémentaire pour l'entreprise. Dans ces conditions, la création éventuelle d'un quota ne favorisera peut-être pas l'augmentation significative du nombre des jeunes en professionnalisation. Au demeurant, le succès de l'apprentissage dépendra largement des initiatives des conseils régionaux en matière d'ouverture de centres de formation des apprentis, ainsi que de l'intérêt des jeunes eux-mêmes pour cette formation.
En ce qui concerne le stage en entreprise, le Medef est favorable à l'insertion des stages dans un processus éducatif débouchant sur la délivrance d'un diplôme. Dans cette optique, il faut conventionner les stages, désigner des tuteurs et des maîtres de stage. Le Medef est favorable à une charte des stages précisant les engagements de chacun.
M. Bernard Falck, directeur de la formation du Medef , a indiqué que le Medef est engagé avec les syndicats dans une négociation sur la diversité dans l'embauche. Par ailleurs, il mène avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) une opération de recrutement dans les quartiers sensibles.
M. Alain Gournac, rapporteur , s'est enquis des initiatives prises en faveur de la suppression rapide des discriminations. Il a souhaité connaître la position du Medef sur le curriculum vitae anonyme et sur le testing, et a demandé ce qui peut être envisagé pour améliorer le CPE.
M. Bernard Falck a confirmé qu'une réflexion est en cours sur la question de la discrimination et qu'une négociation est ouverte. Le moment est favorable à un engagement des entreprises dans ce domaine, car les besoins de main-d'oeuvre vont augmenter. Par ailleurs, la diversité est favorable à l'innovation, c'est-à-dire à la rentabilité. En outre, il importe de concilier avec l'impératif économique l'exigence éthique que représente la lutte contre les discriminations. Il convient, au demeurant, de faire évoluer les mentalités à la fois des employeurs et des employés.
Une charte de la diversité a été élaborée, elle convient mieux aux grandes entreprises qu'aux PME. Il serait nécessaire de disposer d'une panoplie d'outils adaptés à la diversité des entreprises.
Le curriculum vitae anonyme est une solution appropriée pour les entreprises qui souhaitent l'utiliser. Il en est de même du testing. A cet égard, le Medef élabore actuellement des outils permettant aux entreprises de recourir à cette formule.
Le Medef n'est pas opposé au CPE, qui a cependant l'inconvénient d'établir une distinction entre les jeunes et les autres. Il aurait préféré une extension du CNE.
M. Guy Fischer , évoquant l'engagement du Medef en faveur de la diversité, a noté l'aggravation de la ségrégation et des inégalités, spécialement dans les quartiers sensibles. Il a remarqué que les jeunes d'origine maghrébine ou extra européenne ont le sentiment que les qualifications n'ouvrent pas, à elles seules, l'accès à l'emploi. Il a demandé comment le Medef envisage de faire en sorte que les jeunes en CDD qui servent actuellement d'appoint aux entreprises accèdent à l'emploi et poursuivent un parcours normal.
M. Roland Muzeau a estimé que le Medef ne représente pas les entreprises les plus utilisatrices de l'apprentissage, les grandes entreprises y recourant essentiellement pour les formations supérieures. Il a souhaité savoir comment le Medef entend corriger cette tendance. Il a estimé que la lutte contre les discriminations n'est pas une question d'éthique, mais relève du simple respect de la loi. Il a enfin noté que le Medef n'a pas rejeté le CPE.
M. Alain Vasselle a demandé pour quelles raisons les petites entreprises ont difficilement accès au crédit d'impôt. Il s'est aussi interrogé sur le procédé consistant à créer dans les ZFU de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans prévoir leur compensation.
M. Michel Esneu a relevé que l'apprentissage intéresse différents types de talents et peut permettre à de nombreux jeunes de s'épanouir.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe a estimé possible de présenter le CPE comme un CDD de deux ans. Or, à l'expérience, il n'est pas nécessaire d'attendre deux ans pour juger de la qualité d'une personne. Il s'est par ailleurs interrogé sur la nécessité de créer de nouvelles formes de contrats de travail, alors que des solutions très diverses existent d'ores et déjà dans le code du travail.
M. Dominique Leclerc a rappelé que des filières très efficaces, telles que les instituts universitaires professionnalisés, actuellement en déshérence et qu'il faudrait conforter, offrent une perspective d'embauche assurée.
M. Dominique Tellier a affirmé que l'apprentissage, en progression constante depuis deux ans, n'est pas réservé à une catégorie particulière de personnes et qu'il convient de continuer à valoriser cette filière de formation.
Le Medef, qui ne représente pas seulement les grandes entreprises, est fortement engagé en faveur de l'apprentissage et l'ensemble de ses fédérations se mobilisent pour le premier niveau de formation. Par ailleurs, l'extrême complexité des circulaires d'application du ministère des finances explique la difficulté pour les petites entreprises de recueillir le crédit d'impôt. Enfin, l'enseignement professionnel, les lycées professionnels, tout comme les instituts universitaires professionnalisés, concourent à l'effort éducatif de la nation.
M. Bernard Falck a précisé que le Medef s'engage en faveur des jeunes des quartiers sensibles disposant de diplômes et de compétences, dans le cadre de l'opération « Nos quartiers ont des talents ». Il s'agit de mettre en contact les jeunes avec des entreprises. Les expériences menées depuis quelques mois vont être généralisées.
Le respect de la loi allant de soi, il est tout aussi normal de se soucier de l'ensemble des questions éthiques liées au respect de la personne. Le respect de la loi sera, au demeurant, rappelé dans l'accord actuellement en négociation avec les syndicats sur la diversité.
Le Medef a plaidé pour la généralisation du CNE mais pas pour le contrat unique, dont il n'a pas suggéré l'idée.
Les exonérations créées par l'article 11 du projet de loi intéressent le régime des artisans. Cependant, le Medef est favorable à tout ce qui peut contribuer aux progrès dans l'emploi dans les zones sensibles. Il n'en est pas moins sensible aux équilibres de la sécurité sociale et rappelle que la loi avait, en 1994, prévu la compensation des exonérations.
Enfin, le CPE et le CNE ne sont pas des CDD de deux ans : ils comprennent une période de consolidation de l'emploi qui ne peut pas être assimilée à une période d'essai, dans la mesure où elle crée des droits s'amplifiant dans la durée. Le CPE a l'avantage de diminuer la peur de l'embauche, très prégnante dans les petites entreprises.