TRAVAUX DE COMMISSION
I. AUDITION DES MINISTRES
Réunie le mardi 21 février 2006 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, Mme Catherine Vautrin , ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, et M. Philippe Bas , ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur le projet de loi n° 203 (2005-2006), considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence, pour l'égalité des chances .
Après avoir prié les sénateurs présents d'accepter les excuses de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, retenu à l'Assemblée nationale par les débats en séance publique sur la motion de censure, M. Nicolas About, président, a estimé que ce projet de loi comporte des mesures certes très diverses, mais permettant d'aborder les différents aspects de l'égalité des chances dans leur pluralité.
MM. Roland Muzeau et Guy Fischer ont considéré que les dispositions de ce texte apparaissent à ce point disparates qu'il est tentant de le qualifier d'« auberge espagnole ».
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a estimé que, loin d'être une « auberge espagnole » le projet de loi répond sans tabou à la volonté du Président de la République de faire de 2006 l'année de l'égalité des chances. Il apporte des réponses concrètes aux problèmes de ceux qui subissent l'exclusion avant même de connaître des difficultés dans leur parcours professionnel. C'est ainsi que sont prévues des dispositions concernant les zones franches urbaines (ZFU) ou le renforcement des moyens d'action de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Lorsque le chômage des jeunes atteint 50 % dans certains quartiers ou que le taux de refus des curriculum vitae (CV) des jeunes en proie à la discrimination ethnique est cinq à six fois supérieur à la moyenne, il est urgent de présenter des propositions concrètes et opérantes.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, a rappelé que les quatre-vingt-cinq ZFU actuelles ont été créées en deux vagues successives. Elles ont d'ores et déjà démontré leur capacité à dynamiser le commerce et l'esprit d'entreprise et à normaliser la vie quotidienne dans ces quartiers. Le projet de loi concrétise l'engagement du Premier ministre, dans son discours du 8 novembre 2005 devant l'Assemblée nationale, de créer quinze nouvelles ZFU. Toutefois, cette création nécessite, au préalable, l'autorisation de la commission européenne. A cet égard, elle a indiqué que la liste des zones éligibles a été transmise dès le 6 février 2006 aux autorités européennes et que le Gouvernement est en attente de leur décision.
Elle a ensuite présenté le régime fiscal dérogatoire appliqué dans les ZFU au profit des entreprises de taille moyenne et que le texte proroge jusqu'en 2011 : exonération d'impôt sur les bénéfices totale pendant cinq ans, puis dégressive les trois années suivantes, et exonération de cotisations sociales, de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties pour la même durée. Le texte propose d'y joindre une mesure nouvelle visant à encourager la prise de participation partielle par des grandes entreprises dans des petites et moyennes entreprises (PME) implantées en ZFU, afin de dynamiser l'activité économique dans ces zones.
Elle s'est félicitée que la clause locale d'embauche, votée en 2003 au Sénat et qui prévoit qu'un tiers des salariés embauchés réside dans les zones urbaines sensibles, soit d'ores et déjà respectée. Pourtant, une étude récente de la délégation interministérielle à la ville (Div) retrace la difficulté des chefs d'entreprise à trouver dans ces quartiers une main-d'oeuvre qualifiée. Un effort supplémentaire pourrait être fait en ce sens, pour améliorer le niveau de qualification des habitants des Zus.
En outre, Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a indiqué qu'il existe un différentiel persistant entre les Zus et leurs agglomérations de référence en ce qui concerne l'implantation des commerces de proximité puisque le ratio de commerces de détail pour 1.000 habitants y est respectivement de 4,6 contre 8,6. Pour cette raison, elle a souligné la nécessité d'accompagner davantage la création et l'implantation des commerces dans ces quartiers.
Elle a souligné toute l'importance de la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances qui représente un autre axe majeur de ce projet de loi, visant à renforcer la cohérence des actions des nombreux acteurs de la politique de la ville. Plusieurs rapports récents, dont celui de M. Pierre André, ont d'ailleurs mis en évidence une certaine confusion régnant dans ce domaine.
Elle a précisé que le Gouvernement entend mettre un terme aux gaspillages de temps et à la dispersion des efforts que représente, pour les associations, l'obligation de solliciter tout au long de l'année les subventions des collectivités publiques, dans le cadre de financements croisés au montage complexe. En se fondant sur l'expérience de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), il s'agit de permettre au tissu associatif de disposer d'un guichet unique pour l'obtention de ces subventions. L'agence devrait être opérationnelle au second semestre 2006 mais, dès le vote du présent projet de loi, une structure légère sera mise en place pour raccourcir les délais de mise en oeuvre et améliorer la procédure de contractualisation de la politique de la ville.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a indiqué que le troisième axe de la partie du projet de loi dont elle a la charge concerne la lutte contre les incivilités, notamment par le développement des travaux d'utilité collectifs destinés à réparer les dégradations faites aux bâtiments publics.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, a précisé que l'ampleur et la persistance du phénomène des discriminations au faciès dans notre pays illustrent la nécessité de renforcer les pouvoirs de la Halde. Il a d'ailleurs été confronté lui-même très récemment à une situation de ce type lorsqu'un contrôleur de la SNCF l'a sommé de présenter ses papiers d'identité et ce, bien qu'il ait justifié au préalable de sa qualité de membre du Gouvernement. Il a considéré que s'il lui est possible, à titre personnel, d'appréhender ce type de situation déplaisante avec recul et calme, il n'en va certainement pas de même pour de jeunes adolescents de dix huit ans qui se voient refuser, par exemple, l'entrée d'une discothèque et réagissent alors avec dégoût et colère. Ces discriminations dans la vie quotidienne ont pour effet de porter atteinte au pacte républicain et de miner la confiance des jeunes issus de l'immigration à l'égard des institutions, et de la société française dans son ensemble.
Soulignant que certaines personnes ressentent un désespoir tel qu'elles ne voient même plus l'intérêt de se présenter à un entretien d'embauche, il a estimé qu'il convient, au sens propre du terme, de traquer ces discriminations. Dans cet esprit, le renforcement des pouvoirs de sanction de la Halde représente un signal très fort et la légalisation de la pratique du testing aura vraisemblablement une puissante vertu pédagogique dans les lieux de discrimination.
Il s'est également prononcé en faveur de l'accroissement de la diversité ethnique dans les médias, afin de transformer le regard de l'ensemble de la société française sur les personnes issues de l'immigration. Les succès de l'équipe nationale de football représentent un puissant facteur d'intégration, qui ne doit cependant pas faire croire que le seul espoir des jeunes gens des minorités visibles réside dans le sport, au lieu de chercher à s'investir dans le monde de l'entreprise, la fonction publique ou la vie politique et sociale.
M. Guy Fischer a regretté qu'aujourd'hui encore seules trois sénatrices soient issues de l'immigration.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, a souligné le besoin impératif d'encourager la mobilité des jeunes des quartiers, qui restent encore trop souvent confinés dans leurs cités, au point même qu'il ait fallu une disposition législative pour leur interdire de demeurer dans les halls d'immeubles. Il a indiqué par ailleurs que le Gouvernement s'est fixé un objectif ambitieux de développement du service civil volontaire : 50.000 personnes sur une durée de deux ans.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a évoqué le double phénomène auquel la France s'est habituée depuis une vingtaine d'années. D'une part, le taux de chômage des seniors est particulièrement élevé par rapport aux taux européens. Le président de la République a pris à cet égard en 2000 l'engagement de porter au-dessus de 50 %, d'ici à 2010, le taux d'activité des seniors. D'autre part, le taux de chômage des jeunes est en France parmi les plus élevés de l'organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il représente le double du taux moyen de chômage.
Le Gouvernement entend rompre avec le parcours chaotique trop souvent infligé aux jeunes, dont plus de 70 % rentrent dans le monde du travail avec un contrat à durée déterminée (CDD) ou par le biais de l'intérim. Par ailleurs, la moitié des jeunes connaît une période de chômage dans les trois années qui suivent leur sortie du système éducatif. Enfin, le taux de chômage des jeunes diplômés atteint en moyenne 38 % dans certains quartiers. Ces jeunes n'accomplissent généralement pas le parcours professionnel de six mois nécessaire pour accéder à l'indemnisation du chômage.
Or, certains pays étrangers ont obtenu d'excellents résultats dans ce domaine en mettant en place des actions spécifiques. C'est ainsi que le taux de chômage des jeunes a diminué de 10 % en Irlande et de 20 % en Espagne. Il est donc possible de changer la donne et c'est ce que le projet de loi entreprend de réaliser.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a indiqué que des mesures ont été prises afin de renforcer l'accompagnement personnalisé des jeunes demandeurs d'emploi par le service public de l'emploi : le nombre des contrats d'insertion dans la vie sociale (Civis) signés s'élève actuellement à 146.000, ce qui démontre son utilité ; un service public de l'orientation sera mis en place en septembre prochain ; le soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje) connaît un grand succès.
Il a indiqué les apports du texte en la matière : extension du Seje à de nouvelles catégories de jeunes et création d'une formation d'apprenti junior destinée à renforcer la formation en alternance.
Cette formation ne consiste pas à abaisser l'âge de l'apprentissage à quatorze ans mais à instaurer, dès cet âge, un parcours d'initiation aux métiers ne débouchant sur un contrat d'apprentissage que si l'équipe pédagogique chargée de suivre le jeune atteste que celui-ci a acquis le socle commun de connaissances. Des exemples existent à l'étranger, notamment en Allemagne où les passerelles entre l'apprentissage et le système éducatif fonctionnent de façon satisfaisante et où le taux de chômage des jeunes est la moitié du nôtre.
Le projet de loi encadre aussi les stages de formation qui, trop souvent, ne remplissent pas les conditions pédagogiques nécessaires, institue des modalités d'indemnisation des stagiaires et prévoit que des conventions de stage devront être signées avec les entreprises d'accueil. Une charte des bonnes pratiques est par ailleurs en cours d'élaboration. Ces différentes initiatives permettront de préciser les engagements de l'entreprise à l'égard des stagiaires et ceux des enseignants utilisant les stages comme étapes du parcours pédagogique des étudiants.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a ensuite indiqué que le contrat première embauche (CPE) constitue un bon équilibre entre la souplesse et la sécurité de l'emploi. Il s'agit d'un contrat à durée indéterminée comportant une phase initiale de consolidation de deux ans prenant en compte les périodes de travail, les stages et les missions d'intérim éventuellement effectués dans l'entreprise auparavant. La possibilité de bénéficier du droit individuel à la formation (Dif) dès la fin du premier mois de l'embauche en CPE, l'existence d'une indemnité de licenciement égale à 8 % de la rémunération et exonérée de prélèvements fiscal et social, constituent par ailleurs des éléments de sécurisation de l'emploi.
Dans le même sens, le « locapass » apportera aux jeunes embauchés en CPE une garantie de vingt-quatre mois favorisant leur accès au logement. De fait, les 180.000 locapass enregistrés en 2005 ont connu moins d'incidents de paiement que les autres formules d'accès au bail locatif et des négociations sont en cours avec les grandes associations de bailleurs pour améliorer la mise en oeuvre de ce dispositif.
Enfin, compte tenu de l'importance du taux de rupture du contrat de travail dans les trois ou quatre premiers mois de son exécution, le Gouvernement a pris l'engagement de mettre en place un accompagnement des jeunes dans l'entreprise sous la forme de contrats personnalisés d'accompagnement dans l'emploi. Cette formule sera créée par décret.
Présentant les grandes lignes du contrat de responsabilité parentale, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille , a souligné qu'avant même l'école, la cohésion de la famille représente la base sur laquelle doit reposer la promotion de l'égalité des chances. Il a jugé que le cadre juridique actuel ne permet pas de traiter d'une façon satisfaisante le cas de l'absentéisme des enfants de dix à douze ans : dans cette situation, il n'est possible que d'imposer une amende de 750 euros ou de suspendre les allocations familiales. Le dispositif proposé par le Gouvernement comporte pour les parents à la fois des droits, comme la possibilité d'un suivi régulier et d'un accompagnement par les services sociaux, mais aussi des devoirs, à commencer par celui d'agir pour restaurer leur autorité. Il a été décidé de confier la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale aux services des conseils généraux, dans la mesure où ils ont la charge de l'aide sociale depuis 1984, disposent de nombreux travailleurs sociaux et consacrent 5 milliards d'euros par an à l'aide à la famille.
Ce contrat pourra être mis en oeuvre à la demande de l'école, de l'inspection académique, du maire ou des travailleurs sociaux, et ce pour une durée moyenne de six mois, à l'échéance de laquelle les parents devront avoir rétabli une situation familiale normale. Si tel ne devait pas être le cas, l'alternative consistera alors, dans un second temps seulement, à recourir aux procédures judiciaires actuelles ou à suspendre, pendant une durée limitée, le paiement des prestations familiales. Les services de l'Etat et des collectivités territoriales agiront avec discernement, dans le cadre d'une approche au cas par cas, mais en veillant aussi à prendre en compte la mauvaise volonté éventuelle de certains parents. C'est seulement en cas d'échec du contrat de responsabilité parentale que des mesures coercitives plus fortes seront prises.
M. Alain Gournac, rapporteur , a souhaité savoir quel sera le contenu de l'évaluation prévue par le CPE ainsi que la suite qui lui sera donnée. Il a demandé comment on peut analyser la discrimination ethnique lors de l'insertion professionnelle.
Après avoir souligné que les auditions qu'il a menées ont mis en évidence la difficulté de trouver des personnes qualifiées dans les Zus, obstacle majeur au respect de la clause locale d'embauche, il s'est interrogé sur les dispositifs de formation existant dans les collectivités territoriales compétentes ou dans le cadre du service public de l'emploi.
Il a souhaité savoir quelle sera l'organisation territoriale de la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, quels seront ses rapports avec les préfets des régions, les préfets des départements, les préfets à l'égalité des chances et les sous-préfets à la ville, et quelle forme prendra la coopération entre cette nouvelle agence et l'Agence nationale de rénovation urbaine.
Il s'est interrogé enfin sur les moyens susceptibles de faire de la lutte contre les discriminations une véritable priorité.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a précisé que l'évaluation du CPE portera sur ses conditions de mise en oeuvre, sur le profil des personnes embauchées, sur celui des employeurs, sur l'existence éventuelle d'effets de substitution entre le CPE et les CDI traditionnels et sur le taux de rupture comparé du CPE et des autres catégories de contrats de travail. L'objectif est d'évaluer l'efficacité du CPE en matière d'insertion dans l'emploi. Une commission associant les organisations d'employeurs et les syndicats représentatifs sur le plan national sera chargée d'effectuer cette évaluation dont le Parlement sera saisi afin que le législateur soit en mesure de se prononcer sur les suites à donner à la formule du CPE.
M. Nicolas About, président , a regretté que les motifs de rupture des CPE ne soient pas communiqués aux salariés licenciés.
M. Gérard Larcher, ministre délégué , a souligné que le Gouvernement a tenu compte de la judiciarisation croissante des rapports sociaux. Il a aussi rappelé que le droit commun s'applique aux CPE, notamment en matière de discrimination et de charges de la preuve de la discrimination.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a souligné la nécessité d'améliorer les parcours de formation afin de prendre en compte les besoins spécifiques des entreprises en ZFU, tout en réaffirmant la compétence des préfets de région qui seront prochainement destinataires d'une circulaire sur ce point. Elle a indiqué que les préfets des départements signeront les conventions passées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et que le mécanisme des contrats de ville sera rénové par le biais d'un approfondissement de la coopération entre les maires d'une part, les sous préfets de ville et les préfets à l'égalité des chances, d'autre part. Les rapports entre l'Anru et la nouvelle agence seront facilités par le rôle qu'exercent les préfets dans ces deux organismes.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances , a précisé que l'ampleur des phénomènes de discrimination est illustrée par les résultats d'une étude récente montrant qu'à qualification égale, les curriculum vitae des jeunes issus de l'immigration de l'Afrique du Nord ont statistiquement cinq fois moins de chances d'être retenus que la moyenne de la population.
Il a indiqué qu'outre les mesures législatives envisagées, le Gouvernement encourage déjà et accompagne le lancement de quatre initiatives concrètes destinées à promouvoir l'égalité des chances dans l'accès au marché du travail. Des entreprises installées autour des collèges, dans les quartiers, se sont ainsi engagées auprès du ministère de l'éducation nationale à accorder des stages, sans qu'aucune discrimination ne soit pratiquée. L'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) s'est également fixé pour objectif de réinsérer dans le monde du travail six mille jeunes actuellement sans emploi, alors même qu'ils sont titulaires d'un diplôme de niveau Bac + 2 ou Bac + 3. Trois cents entreprises se sont par ailleurs engagées à respecter une charte de la diversité consistant à rechercher activement les personnes issues de minorités visibles. Il s'est félicité, enfin, de la création d'un site internet « pro diversité » et ayant pour objectif de promouvoir l'égalité des chances lors de l'embauche. Toutes ces initiatives visent à restaurer la confiance des personnes issues de l'immigration envers la société française en général et les institutions de la République en particulier.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques , a souligné que la politique de la ville, grâce en particulier à la création des ZFU, a fait la preuve, au cours des dix dernières années, de sa capacité à créer des emplois. Pour autant, il a considéré que la suppression ou la réduction des interventions des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC) pour l'implantation de surfaces commerciales en ZFU posent le problème de priver les élus locaux de leur droit de regard sur l'aménagement de leur ville. Il a estimé qu'il serait préférable de réduire les délais d'instruction devant la CDEC et a souhaité connaître la position du Gouvernement sur ce point.
Il s'est également interrogé sur le rôle exact que jouera l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances dans la mise en oeuvre des contrats qui succéderont aux contrats de ville.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a précisé que l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a pour objet d'être un outil au service de la contractualisation de la politique de la ville, mais aussi d'assurer une évaluation des dispositifs en vigueur. S'agissant des autorisations d'implantation en ZFU, elle s'est déclarée par avance attentive au débat parlementaire et disposée à étudier avec attention les solutions avancées par les sénateurs.
Après avoir rappelé les conclusions du rapport récent de M. Roger Fauroux sur la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi, M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois, s'est demandé si le moment n'est pas venu de demander à des organismes publics comme l'Institut national des études démographiques (Ined), l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ou la Halde de procéder à un recensement des minorités ethniques en France.
M. Nicolas About, président , a estimé qu'une telle démarche permettrait de mieux connaître la société, tout en répondant à une demande exprimée par un nombre croissant d'entreprises.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances , a considéré à son tour qu'il convient d'analyser la société française dans toute sa diversité. Il a souligné par ailleurs que les zones urbaines sensibles représentent un atout économique et social considérable pour notre pays, dans la mesure où les populations qui y vivent, et en particulier les jeunes, souhaitent ardemment sortir de la situation difficile dans laquelle ils se trouvent. Il a considéré que promouvoir l'égalité des chances passe aussi par l'élaboration d'indicateurs, avec l'accord des personnes concernées, et fondés sur l'auto-déclaration, afin d'appréhender l'origine ethnique de la population. Une société moderne ne doit pas avoir peur de dire les choses clairement et d'employer des mots qui gênent.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances , a regretté qu'en dépit d'une demande écrite de la commission des finances, le Gouvernement se soit refusé à fournir la liste des ZFU : l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n'a pas été respecté sur ce point. Il s'est demandé s'il convient de fixer à 250 salariés le seuil des exonérations de charges aux entreprises et s'est déclaré personnellement favorable au plafond actuel de cinquante salariés. Il a souhaité savoir quelles seront les implications de la création de la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances en ce qui concerne les crédits déconcentrés du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre la discrimination (Fasild).
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a regretté de ne pas être en mesure de fournir au Parlement la liste exacte des nouvelles zones franches urbaines dans la mesure où les négociations avec la direction de la concurrence de la Commission européenne sont encore en cours. Pour autant, la proposition du Gouvernement sera fondée sur plusieurs critères, notamment le taux de chômage et l'effectif de la population, qui pourrait être fixé à 8.500 habitants. Elle a précisé que les débats parlementaires permettront certainement de préciser le dispositif de plafonnement des exonérations dont bénéficient les entreprises.
Après avoir rendu hommage à la qualité du travail de fond qui a rendu possible l'élaboration de ce projet de loi , M. Louis Souvet a fait part de son inquiétude et même, dans une certaine mesure, de son découragement. Faisant référence à son expérience d'élu local, il a indiqué que dans l'agglomération de Montbéliard, il existe aussi des poches de chômage très importantes, mais ce phénomène lui semble moins lié à des problèmes de discrimination qu'à la désindustrialisation de l'économie.
M. Roland Muzeau a déploré les conditions dans lesquelles ce projet de loi est soumis au Sénat, après avoir fait l'objet, à l'Assemblée nationale, de la procédure expéditive de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il a souligné que la commission n'a organisé qu'une seule audition sur ce texte et que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) n'a été invité que tardivement à assister aux auditions du rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur , a réfuté l'idée que l'opposition sénatoriale n'ait pas été associée, de la meilleure façon possible, au processus d'examen en commission du projet.
M. Nicolas About, président , a fait valoir qu'à l'Assemblée nationale, l'opposition n'a pas déposé de motion de censure dans le cadre de la procédure de l'article 49, alinéa 3, ce qui a permis l'adoption automatique du projet de loi. Le groupe socialiste a fait un choix différent, consistant à présenter une motion de censure, à l'issue des vacances parlementaires, sur la base de l'article 49, alinéa 2, de la Constitution.
M. Roland Muzeau a rappelé que M. François Fillon, alors ministre des affaires sociales, s'était engagé en 2002 à ce qu'aucun projet de loi modifiant les dispositions du droit du travail ne soit présenté au Parlement avant d'avoir fait l'objet au préalable d'une concertation avec les partenaires sociaux. Il a constaté que, dans le cas du contrat première embauche (CPE), cette promesse n'a pas été respectée.
Il a souhaité, par ailleurs, avoir des éclaircissements sur plusieurs points précis du projet de loi, à commencer par la question des aides éventuelles de l'Etat destinées à promouvoir le CPE. Il s'est demandé également quelles pourraient être les implications du nouveau contrat sur les seuils sociaux issus de la loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires des minima sociaux.
Puis il s'est interrogé d'une part, sur l'incidence possible du CPE sur les crédits du fonds de péréquation de la formation continue, d'autre part, sur l'intérêt de faire figurer dans ce texte des dispositions relatives à la licence des débits de boissons. Il a enfin regretté que le projet de loi ne comporte pas de dispositions permettant de sanctionner effectivement les discriminations avérées.
Après avoir déploré que le Gouvernement ait refusé de transmettre au groupe CRC les conclusions du rapport de M. Henri Proglio sur l'insertion des jeunes sortis de l'enseignement supérieur, il a observé que ce document, qu'il a pu finalement se procurer sur le site internet du journal Les Echos, apparaît singulièrement dérangeant, dans la mesure où il tend à réaffirmer l'importance du contrat à durée indéterminée (CDI) dans le droit du travail.
M. Guy Fischer a souligné l'imprécision des missions de l'Agence nationale de cohésion sociale et regretté que le projet de loi n'aborde pas la question de la prévention de la délinquance. Il s'est interrogé sur la perception qu'a le Gouvernement de la notion de cohésion sociale et a souhaité savoir si le ministre de l'intérieur fera partie des autorités de tutelle de la nouvelle agence.
Après avoir souligné l'importance des nouveaux pouvoirs que le projet de loi se propose d'accorder à la Halde, M. Bernard Seillier s'est interrogé sur la notion même de discrimination. Il a considéré que toute décision comporte nécessairement une dimension discriminante et qu'une procédure de recrutement en particulier suppose de choisir une personne parmi d'autres. Tout le problème consiste donc à définir si ce choix est légitime ou non, ce qui constitue un exercice très difficile. Or, la Halde est une institution créée très récemment qui a tout juste commencé à fonctionner et la Cour des comptes elle-même ne dispose pas des pouvoirs de sanction que l'on propose de lui accorder. Dans ce contexte, il s'est demandé s'il n'est pas prématuré d'étendre aussi rapidement les missions de la Halde.
M. Jean-Pierre Godefroy a critiqué les conditions dans lesquelles le parlement examine le projet de loi, rappelant que les dates prévues ont été changées trois fois et estimant que la date finalement retenue a été fixée en fonction de la date des vacances dans la plupart des académies. Il a regretté que les auditions de la commission aient été effectuées au « pas de charge », chaque syndicat ne disposant que de trente minutes pour exprimer son point de vue. Il a jugé anormal que l'examen d'un texte de cette importance ait lieu dans ces conditions.
Rappelant l'hostilité au CPE des personnes auditionnées, il a demandé pour quelles raisons le rapport de M. Henri Proglio, président de Veolia Environnement, sur l'insertion professionnelle des jeunes, qui se prononce en faveur du renforcement du CDI traditionnel, n'a pas été mieux pris en compte.
Il a estimé que les jeunes susceptibles d'être licenciés sans motif, en application du CPE, seront profondément déstabilisés et démotivés. Leur insertion dans la société et dans l'emploi en souffrira. D'ores et déjà, la mise en oeuvre du contrat nouvelles embauches (CNE) connaît de nombreuses dérives, telles que des licenciements de femmes enceintes, dont les prud'hommes ont à connaître. Tous ces éléments sont incompatibles avec le contrat social. De même, l'apprentissage à quatorze ans est une formule inacceptable. En Allemagne, la tendance est au report de l'âge de l'entrée dans l'apprentissage. Par ailleurs, la possibilité de retourner au collège quand on l'a quitté à quinze ans est parfaitement illusoire.
En ce qui concerne la suspension des allocations familiales, le Parlement avait supprimé, en 2004, le système que l'on souhaite rétablir aujourd'hui. Ce revirement est donc incohérent.
Par ailleurs, l'extension des possibilités de travail de nuit des mineurs, opérée récemment par décret, est incompatible avec le déroulement normal de la scolarité : comment seront organisés les temps de récupération et de repos ? Est-il vraiment nécessaire de prévoir un apprentissage en travail de nuit dans un bar ?
Il a aussi considéré que l'octroi d'une gratification aux jeunes accomplissant la première année de formation d'apprenti junior risque d'inciter certaines familles à orienter leurs enfants vers l'apprentissage afin de percevoir ce revenu.
Mme Sylvie Desmarescaux a regretté que l'opposition sénatoriale n'accompagne pas de propositions constructives les critiques sévères qu'elle formule sur ce texte. En faisant référence à son expérience d'élue locale, elle a indiqué par ailleurs que des phénomènes, même minoritaires, comme la fraude au revenu minimum d'insertion (RMI) ou l'utilisation des allocations familiales par certains parents à d'autres fins que les besoins de leurs enfants, représentent une réalité que l'on ne peut nier.
Elle s'est prononcée en faveur de la réintroduction de cours d'éducation civique à l'école afin de lutter contre les incivilités, et jugé souhaitable de permettre à certains jeunes de quatorze ans, en situation d'échec scolaire, d'être placés à leur demande en apprentissage.
Après s'être interrogé sur la pertinence du contrat de responsabilité parentale, M. Bernard Cazeau a souhaité avoir des précisions sur la nature exacte des pouvoirs que le projet de loi se propose de confier aux présidents de conseil général en la matière. Il s'est demandé en particulier si le président de l'exécutif départemental bénéficiera d'une liberté d'appréciation ou d'une compétence liée par rapport à la décision du préfet.
Mme Raymonde Le Texier a souligné l'importance des mesures éducatives pour lutter efficacement contre l'absentéisme scolaire. Elle a réfuté l'opinion avancée par M. Philippe Bas, selon laquelle le cadre juridique actuel ne permettrait pas de traiter efficacement le problème des enfants de dix ou douze ans en situation d'échec. En se fondant sur son expérience de vingt-cinq années de travail auprès de l'enfance maltraitée, elle a indiqué qu'elle n'avait jamais vu un juge prendre une mesure de suspension des allocations familiales, sans une étude approfondie de la situation familiale et sans mesures préalables pendant six mois à deux ans. Elle s'est demandé pourquoi le Gouvernement semble tenir à renforcer les pouvoirs du président du conseil général, au lieu de faire confiance au travail des juges pour enfants.
M. Paul Blanc a approuvé le dispositif du CPE et a estimé qu'il pourrait être éventuellement étendu aux personnes handicapées, compte tenu des très gros problèmes de formation et de chômage qu'elles rencontrent.
M. Claude Domeizel a fait part de son scepticisme sur les mesures envisagées par le Gouvernement en matière de formation professionnelle des adolescents en difficulté de quatorze ou quinze ans. Il s'est demandé si cette activité professionnelle, qui s'inscrit à la frontière entre l'obligation scolaire stricto sensu et le monde du travail, serait susceptible d'être éligible au titre du mécanisme des longues carrières de l'assurance vieillesse.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité , a précisé que la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances sera placée sous la tutelle du ministère des affaires sociales.
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, a estimé qu'il convient de privilégier aujourd'hui les actions destinées à inciter les entreprises à promouvoir l'égalité des chances, plutôt que d'imaginer un système de sanction très lourd. S'agissant de la Halde, il a réaffirmé que trois mois après les émeutes urbaines du mois de novembre 2005, il convient d'adresser à l'opinion publique un signal fort. En réponse à Mme Sylvie Desmarescaux, il a indiqué que la promotion de l'esprit civique passe aussi par l'exercice du droit de vote, la participation à la vie de la société et le réveil des consciences.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille , a souligné que le contrat de responsabilité parentale repose non pas sur une philosophie coercitive, mais sur l'idée de donner une chance supplémentaire aux familles d'assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs enfants mineurs.
Il a indiqué que le président du conseil général aura la responsabilité d'apprécier au cas par cas la situation de ces personnes et de décider s'il convient de saisir la justice, de recourir aux mécanismes d'aide sociale à l'enfance ou de mettre en oeuvre le contrat de responsabilité parentale.
M. Bernard Cazeau a pris acte de ces explications, mais a maintenu que le texte présente, dans sa rédaction actuelle, une ambiguïté sur l'ampleur du pouvoir d'appréciation laissé aux présidents de conseils généraux.
M. Nicolas About, président , a considéré qu'il convient d'interpréter le texte du Gouvernement comme la volonté de voir le président du conseil général agir et non comme une simple faculté d'intervention qui lui serait laissée.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a indiqué qu'aucune aide publique n'accompagne le CPE, mais que celui-ci est en revanche cumulable avec le dispositif Seje. Par ailleurs, la mesure relative au décompte des effectifs de l'entreprise vise à éviter la double prise en compte des travailleurs temporaires dans l'entreprise d'accueil et dans l'entreprise qui les emploie.
Il a indiqué que le rapport de M. Henri Proglio comporte trois propositions : le développement de l'apprentissage, la revalorisation du CDI et l'amélioration de l'orientation des jeunes. A cet égard, il est utile de rappeler que le taux d'angoisse des jeunes atteint son plus fort niveau dans les filières non « professionnalisantes ». Il a donc considéré qu'il n'existe aucune antinomie entre ce rapport et le projet de loi.
Il a précisé que la création d'une gratification pour les jeunes en parcours d'initiation aux métiers a fait l'objet de discussions approfondies au sein d'un groupe de travail comportant des représentants de l'éducation nationale, des médecins et des psychologues. Cette rémunération se veut une marque de reconnaissance accordée aux jeunes s'engageant dans la formation d'apprenti junior.
La formation en alternance est un facteur positif d'insertion professionnelle et humaine. Sa réussite est largement liée à l'efficacité de l'orientation. Celle-ci doit être organisée afin de mettre fin à une situation dans laquelle 40.000 jeunes sortent du système éducatif sans posséder le socle commun de connaissances et de compétences et 15.000 sont en errance scolaire. La formation professionnelle doit être une nouvelle chance pour eux.
En ce qui concerne le travail de nuit des mineurs, le récent décret crée une situation plus protectrice que celle prévalant auparavant.
Puis, sachant que plus de 80 % des formations en alternance sont assumées par des entreprises de moins de cinquante salariés, il a souligné l'intérêt d'instituer des quotas obligatoires à la charge des grandes entreprises. C'est ainsi qu'il sera possible d'atteindre l'objectif de 500.000 jeunes engagés dans une formation en alternance en 2009.
Par ailleurs, le CPE s'appliquera aux travailleurs handicapés. Une réflexion est en cours en ce qui concerne l'ouverture du contrat de professionnalisation.
Enfin, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes , a rappelé que la frontière entre l'obligation scolaire et la formation est déjà rendue perméable par les dérogations actuelles à l'âge minimum de l'entrée en apprentissage. La formation d'apprenti junior permettra de conclure dès quinze ans un contrat d'apprenti quand l'équipe pédagogique accompagnant le jeune le jugera possible.