TITRE III - CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE
Article 24 (art. L. 222-4-1 nouveau du code de l'action sociale et
des familles, L. 131-8 et L. 131-9 du code de
l'éducation)
Création du contrat de responsabilité
parentale
Objet : Cet article institue un contrat de responsabilité parentale conclu entre le président du conseil général et les parents du mineur en situation d'absentéisme scolaire et, plus largement, en cas de carence éducative manifeste.
I - Le dispositif proposé
A. Les dispositifs existants en matière de soutien à la parentalité et de lutte contre l'absentéisme scolaire
L'aide aux parents en difficulté
L'accompagnement des parents en difficulté représente, depuis la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2001-2004 conclue entre l'Etat et la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), un secteur d'intervention croissant pour la branche famille. La COG 2005-2008 confirme cette orientation. De fait, les budgets consacrés à l'appui à la parentalité sont en augmentation continue depuis 2001 et s'élèvent à près de 120 millions d'euros en 2005. Les actions menées dans ce cadre poursuivent deux objectifs : valoriser les compétences parentales et renforcer les liens parents - enfants.
Les services offerts aux parents dans le cadre de l'aide à la fonction parentale reposent aujourd'hui exclusivement sur une démarche volontaire. 1° Les REAAP Les REAAP, issus d'un partenariat entre l'État, la Cnaf et les principales associations familiales, ont pour objectif d'aider et d'accompagner les parents en leur proposant un dialogue (débats, groupes de parole, etc.) entre eux et avec des professionnels. Le principe est que les parents s'aident mutuellement à trouver des repères et des réponses à leurs interrogations. Les REAAP s'inscrivent donc dans une logique préventive et interviennent principalement comme appui aux parents les plus fragilisés, mais également en matière d'accompagnement des parents de jeunes enfants, d'amélioration des relations entre les familles et l'école et de soutien aux parents de préadolescents et d'adolescents. 2° Les points info famille Issus d'une proposition de la Conférence de la famille pour 2003, les points info famille visent à offrir aux parents un accès centralisé à l'information et une meilleure orientation vers les services les plus adaptés à leurs besoins (accès aux prestations légales, soutien et conseil budgétaire, médiation familiale ou encore insertion et accompagnement social). 3° La médiation familiale La médiation familiale, en tant que mode alternatif de règlement des conflits, a été consacrée par la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale et par la Conférence de la famille pour 2003 qui prévoyait une professionnalisation de ce secteur et une consolidation de son financement à travers la création d'une prestation de service, confirmée par la COG 2005-2008. 4° Les actions proposées par les départements Il s'agit notamment des actions éducatives à domicile organisées par les services de l'aide sociale à l'enfance pour épauler les familles qui rencontrent des difficultés éducatives sérieuses (articles L. 222-2 et L. 222-3 du code de l'action sociale et des familles). 5° Les « écoles de parents »
La Fédération nationale des écoles des
parents et des éducateurs (FNEPE) fédère quarante
écoles des parents et des éducateurs (EPE). Différents
services y sont proposés aux familles : une information
téléphonique comme le service national « fil
santé jeunes », des consultations de soutien parental, de
conseil conjugal et de médiation familiale. Les EPE offrent aussi une
aide à des publics particuliers : accueil des parents adoptants,
aide aux parents d'enfants placés, aux familles dont un des parents est
incarcéré, etc.
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Les moyens de lutte contre l'absentéisme scolaire
Concernant plus spécifiquement la lutte contre l'absentéisme scolaire, c'est-à-dire la contravention non justifiée à l'article L. 131-1 du code de l'éducation qui dispose que l'instruction scolaire est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans, la sanction applicable a longtemps été prévue par l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.
Elle consistait à suspendre le versement des allocations familiales afférentes à l'enfant non assidu, lorsque l'organisme débiteur des prestations familiales était saisi d'un cas d'absentéisme scolaire par l'inspecteur d'académie, à compter du mois de signalement par l'inspecteur. Elles étaient rétablies lorsque l'enfant fréquentait à nouveau l'établissement pendant un mois. En cas d'absentéisme prolongé, ces prestations pouvaient être supprimées jusqu'à l'amélioration de la situation. Dans la pratique, les signalements d'enfants non assidus ont conduit à la suppression des prestations, dans trois cas sur quatre, et à leur suspension dans le quart restant.
Toutefois, ce dispositif n'a pas donné de résultats probants et il a fait l'objet de multiples critiques, notamment sur l'iniquité de la sanction en fonction du rang et de l'âge de l'enfant concerné. Il a donc été supprimé par la loi n° 2004-1 du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Un plan de lutte contre l'absentéisme scolaire, orienté vers la responsabilisation des familles et utilisant un arsenal gradué d'incitations et de sanctions, a alors été mis en place. Dans ce cadre, le décret n° 2004-162 du 19 février 2004 a instauré une contravention de quatrième classe (article R. 624-7 du code pénal), qui sanctionne par une amende de 750 euros les familles qui n'ont pas pris les mesures nécessaires pour remédier à l'absentéisme de leur enfant.
Dans les cas les plus graves, il peut par ailleurs être fait application de l'article 227-17 du code pénal qui prévoit une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende pour le parent qui se soustrait à ses obligations légales d'exercice de l'autorité parentale.
B. Une nouvelle réponse aux carences éducatives : le contrat de responsabilité parentale
Le paragraphe I du présent article crée un nouvel article L. 222-4-1 dans le code de l'action sociale et des familles, relatif au contrat de responsabilité parentale. Il est introduit dans la liste des prestations d'aide sociale à l'enfance. Il s'agit, en effet, d'une possibilité supplémentaire d'intervention en milieu ouvert des services d'action sociale des départements auprès des familles en difficulté.
Le premier alinéa de ce nouvel article indique que le contrat de responsabilité parentale est proposé par le président du conseil général, en charge de la protection de l'enfance depuis les premières lois de décentralisation, aux parents ou au représentant du mineur pour répondre à une situation d'absentéisme scolaire, à un trouble porté au fonctionnement de l'établissement scolaire et, plus largement, pour remédier à une carence caractérisée de l'autorité parentale. Ce dernier critère peut se lire en miroir de la définition de l'autorité parentale proposée par le code civil dans son article 371-1, soit un ensemble de droits et de devoirs qui s'appliquent aux père et mère jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant pour le protéger, assurer sa sécurité, sa santé, sa moralité et son éducation et permettre son développement au nom du respect dû à sa personne.
L'objectif du contrat est donc de responsabiliser les parents défaillants en leur rappelant leurs obligations éducatives tout en leur proposant un accompagnement, adapté aux difficultés traversées par leur famille et leur enfant, par les travailleurs sociaux du conseil général. Il s'agit notamment de répondre aux comportements qui, sans être délictueux, entraînent leurs auteurs sur la voie de la marginalisation.
Un décret en Conseil d'Etat précisera le contenu, la durée, ainsi que les modalités de saisine et de conclusion du contrat.
Les quatre alinéas suivants définissent le régime de sanctions applicable lorsque les obligations fixées par le contrat de responsabilité parentale n'ont pas été respectées par les parents ou le représentant légal du mineur ou en cas de refus de ceux-ci de signer un tel contrat, sans motif légitime. Ces sanctions sont de trois types et peuvent être utilisées sans distinction par le président du conseil général pour, selon le cas :
- demander au directeur de la CAF ou de la caisse de MSA compétente une suspension des prestations familiales afférentes à l'enfant dont le comportement a nécessité la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale ;
- saisir l'autorité judiciaire d'une demande tendant à l'application d'une contravention définie par décret en Conseil d'Etat. Il s'agit ici d'un élargissement du mécanisme d'amende prévu par le décret du 19 février 2004 précité ;
- saisir le juge des enfants pour une mise sous tutelle des prestations familiales. Aux termes de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale, le juge désigne un tuteur aux prestations sociales auxquelles sont versées les prestations familiales lorsque les enfants donnant droit à ces prestations sont élevés dans des conditions d'alimentation, de logement et d'hygiène manifestement défectueuses ou que leur montant n'est pas employé dans l'intérêt des enfants.
Enfin, un sixième alinéa prévoit que le contenu, la durée et les modalités de conclusion du contrat de responsabilité parental sont fixées par un décret en Conseil d'Etat. Cette précision est étonnamment identique à celle qui figure à la fin du premier alinéa de l'article L. 222-4-1 nouveau.
Le paragraphe II tire les conséquences de la création du contrat de responsabilité parentale et modifie, en fonction, le code de l'éducation.
Le premier aménagement porte sur l'article L. 131-8 relatif au contrôle de l'assiduité scolaire, qui est complété pour élargir les moyens d'intervention dont dispose l'inspecteur d'académie en la matière. Désormais, outre la possibilité d'adresser un avertissement aux parents dont l'enfant a été absent sans justification plus de quatre demi-journées dans le mois, l'inspecteur d'académie pourra également saisir le président du conseil général si la situation lui paraît relever de la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale ( 1° ).
L'article L. 131-9 fait l'objet d'une modification, qui constitue le pendant de la création du contrat de responsabilité nationale et de son intégration dans la liste des outils dont dispose l'inspecteur d'académie pour lutter contre l'absentéisme scolaire. Ainsi, lorsqu'il aura saisi le président du conseil général pour la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale, il ne lui sera plus possible de saisir lui-même le procureur de la République des manquements du mineur à l'obligation d'assiduité scolaire. Le soin en reviendra en effet au président du conseil général, en cas d'échec du contrat de responsabilité parentale à remédier à la situation ( 2° ).
II - Les modifications considérées comme adoptées par l'Assemblée nationale
Le texte transmis par l'Assemblée nationale présente plusieurs modifications. Outre quatre améliorations rédactionnelles d'origine gouvernementale, le Gouvernement a accepté un amendement de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales visant à préciser les modalités de saisine du président du conseil général pour un mineur susceptible de faire l'objet d'un contrat de responsabilité parentale. Ainsi, un contrat peut être proposé par le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l'inspecteur d'académie, du maire de la commune de résidence du mineur, du chef d'établissement scolaire, du directeur de la Caf ou de la caisse de MSA de la famille ou encore du préfet.
Le Gouvernement a souhaité compléter cet apport parlementaire par un amendement indiquant que le décret relatif au contenu, à la durée et aux modalités de conclusion du contrat de responsabilité parentale fixera également les conditions d'information des autorités de saisine, dont la liste a été précisée par l'amendement précité de la commission, par le président du conseil général sur la conclusion d'un contrat et sur sa mise en oeuvre.
Concernant les sanctions en cas de refus des parents ou du représentant légal du mineur concerné de signer le contrat de responsabilité parentale proposé ou en cas de non respect des obligations qu'il contient, une initiative commune du Gouvernement et de la commission a permis d'indiquer que le président du conseil général peut saisir le procureur de la République lorsque les faits du mineur sont susceptibles d'être sanctionnés pénalement ou lorsque la carence manifeste de l'autorité parentale peut comporter un danger pour celui-ci. Cette précision remplace la mention de la saisine de l'autorité judiciaire par le président du conseil général pour l'application d'une contravention en cas de non-respect ou de refus de signer un contrat de responsabilité parentale.
III - La position de votre commission
Au cours des événements qui ont secoué la France en novembre dernier, la présence de mineurs très jeunes, sur lesquels les parents semblaient ne plus avoir aucune prise, a été fréquemment constatée. Cet état de fait a conduit à la prise de conscience de la nécessité de remobiliser certains parents et de leur rappeler leurs devoirs d'éducation.
Mais ces familles sont généralement si désemparées qu'un tel rappel est insuffisant et inefficace s'il ne s'accompagne pas de mesures de soutien à la parentalité. Or, à l'heure actuelle, il manque un outil intermédiaire dans notre panoplie juridique entre la médiation familiale, qui suppose une reconnaissance par les parents de leurs difficultés et une démarche déjà volontaire pour s'en sortir, et la tutelle aux prestations sociales, qui relève d'une injonction unilatérale du juge. A ce titre, votre commission estime donc que le contrat de responsabilité parentale offre une voie nouvelle et intéressante.
Si elle en approuve donc le principe, votre commission reconnaît cependant que sa mise en oeuvre soulève un certain nombre de questions, à commencer par la nature des sanctions prévues en cas de non-respect ou de non-signature du contrat.
Le projet de loi rétablit en effet la possibilité de suspendre les prestations familiales qui avait été supprimée, il y a deux ans, par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et la protection de l'enfance. L'ensemble des acteurs concernés s'accordait alors pour constater le caractère inefficace et inéquitable de ces mesures de suppression qui ne pouvaient pas s'appliquer aux familles avec un enfant unique, ni à celles n'ayant plus qu'un enfant à charge, puisque aucune allocation familiale n'est due dans ce cas, et qui mettaient en difficulté des fratries entières pour un seul enfant posant des difficultés.
Votre commission concède toutefois que la suspension prévue par le présent projet de loi s'insère dans un dispositif différent de celui supprimé en 2004 : il ne s'agit plus d'une sanction automatique, comme c'était le cas en matière d'absentéisme scolaire, mais d'une sanction intervenant en dernier recours, après la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement définies avec la famille dans le cadre d'un contrat. Ainsi, contrairement au dispositif supprimé en 2004, la suspension des allocations familiales ne vient pas sanctionner une simple impuissance des familles mais leur absence d'engagement dans un processus de rétablissement de l'autorité parentale pourtant négocié avec elles.
Votre commission prend donc acte du rétablissement de la suspension des prestations familiales proposé par le présent projet de loi mais elle estime nécessaire qu'une évaluation de ce dispositif puisse être faite après quelques années de mise en oeuvre, pour apprécier l'ampleur de son utilisation et son efficacité réelle.
La mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale se heurte également à une difficulté : tel qu'il est actuellement rédigé, le présent article pourrait laisser à penser que le président du conseil général n'a aucune faculté d'appréciation quant à l'opportunité de signer un contrat de responsabilité parentale avec une famille, dès lors qu'il est saisi par une tierce personne habilitée.
Il convient de rappeler que le contrat de responsabilité parentale est un outil parmi d'autres au sein de la gamme dont disposent les départements en matière de protection de l'enfance : selon les cas, un simple suivi par un travailleur familial sera suffisant ou il faudra, au contraire, directement saisir le juge en vue de l'établissement de mesures d'assistance éducative - en milieu ouvert ou en placement. Il est donc évident que les présidents de conseils généraux devront toujours pouvoir proposer une mesure plus contraignante que le contrat de responsabilité parentale si le besoin s'en fait sentir.
En tout état de cause, à chaque fois qu'il sera saisi d'une demande de contrat de responsabilité parentale, le président du conseil général devra apporter une réponse, sous la forme d'un contrat ou de toute autre mesure d'aide à la famille.
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.