EXAMEN EN COMMISSION
Au cours d'une réunion tenue le mercredi 2 novembre 2005, sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a procédé à l'examen du rapport spécial de M. Jacques Baudot, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que sur l'article 75 rattaché.
Dans un premier temps, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a commenté les difficultés d'élaboration de cette mission et s'est félicité que le gouvernement soit revenu à un intitulé de mission plus significatif pour le monde combattant.
Il a précisé que sur les 5.434 emplois autorisés au sens des équivalents temps pleins travaillés (EPTP), près de 75 % étaient affectés au programme « Liens entre la Nation et son armée » qui bénéficiait également d'un effectif de 383 EPTP rémunérés par ses opérateurs, les musées de chacune des trois armes. Il a constaté que le programme « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » disposait du reste de l'effectif, soit 1.390 EPTP, et surtout des 1.860 EPTP de ses deux opérateurs, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC) et l'Institution nationale des invalides (INI).
Il a ajouté que la mission disposerait, en 2006, de près de 3,9 milliards d'euros de crédits de paiement et que les dépenses d'intervention y représentaient 93,4 %, dont les trois quarts étaient destinés à la gestion de la dette viagère.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a souligné que le programme 167 « Liens entre la nation et son armée » avait pour objectif de promouvoir l'esprit de défense, et que :
- l'action 1 : « Journée annuelle de préparation à la défense » (JAPD) regroupait les moyens de la direction du service national (DSN) et disposait de la majorité des crédits et des effectifs du programme ;
- l'action 2 : « Politique de mémoire » était tournée en priorité vers les jeunes générations ;
- l'action 3 : « Promotion et valorisation du patrimoine culturel » visait à sensibiliser le public à la culture de défense ;
- l'action 4 : « Communication », était pilotée par la délégation à l'information et à la communication de Défense (DICoD).
Le rapporteur spécial a précisé que ce programme disposerait de 279 millions d'euros en crédits de paiement. Il a relevé que l'approximation actuelle de certains des indicateurs proposés témoignait de la difficulté de mesurer la performance de ce programme mais qu'il était toutefois louable d'avoir choisi comme objectif de sensibiliser chaque classe d'âge à l'esprit de Défense par une JAPD de qualité et pour un coût maîtrisé.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a présenté le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » qui comprend l'ensemble des prestations bénéficiant aux anciens combattants et à leurs ayants cause. Il a précisé que :
- l'action 1 : « Administration de la dette viagère » recouvrait les dépenses relatives au paiement des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant ;
- l'action 2 : « Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité » concernait les droits ouverts à des titulaires d'une pension militaire d'invalidité, avec l'aide de l'ONAC et de l'INI ;
- l'action 3 : « Solidarité » comprenait les prestations et les avantages particuliers ouverts aux pensionnés ou titulaires d'un titre d'ancien combattant ou victime de guerre, l'Observatoire de la santé des vétérans (OSV), de création récente, lui étant rattaché, de même que les subventions à l'ONAC et l'INI ;
- l'action 4 : « Entretien des lieux de mémoire » était chargée de l'entretien courant des monuments et des lieux de la mémoire combattante, tant sur le territoire national qu'à l'étranger ;
- l'action 5 : « Soutien » regroupait les dépenses de soutien des actions aux autres actions du programme.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a relevé que les dépenses fiscales accordées aux anciens combattants figuraient toutes dans ce programme. Pour 2006, leur impact, pour celles qui étaient chiffrables, s'établissait à 585 millions d'euros, soit 15 % des crédits de la mission.
Il a précisé que ce programme disposerait de 3,4 milliards d'euros en crédits de paiement, soit la plus grande part des crédits de la mission (87,5 %), dont 2,8 milliards d'euros pour la dette viagère.
Il a indiqué que le projet de loi de finances pour 2006 permettrait de poursuivre l'augmentation des aides allouées par l'ONAC en matière de secours avec 13,1 millions d'euros, soit un effort de 0,5 million d'euros supplémentaire.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a observé que l'évolution du plafond de la rente mutualiste n'avait pas évolué depuis le bond de revalorisation de 7,5 points en 2003, après des majorations régulières de 5 points les années précédentes.
Régulièrement saisi de demandes concernant l'indemnisation des orphelins, d'une part, du fait de la deuxième guerre mondiale (tels que les orphelins des otages et des résistants) et, d'autre part, de prisonniers du Vietminh, il a proposé à la commission d'interroger le ministre sur les possibilités de leur accorder des droits à réparation.
Il s'est également inquiété des conséquences pour l'entretien des hauts lieux de mémoire et, notamment de « la Voie sacrée », du transfert, de l'Etat au département, de la responsabilité des routes nationales.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a présenté les deux actions du programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ».
Il a expliqué que l'action 1 « Indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation et des orphelins de persécutions antisémites » assurait la gestion des mesures de réparation résultant de deux décrets : le décret de 1999 qui avait institué une Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS), et le décret de 2000 étendant la réparation aux orphelins de victimes de persécutions antisémites.
Il a ajouté qu'il revenait à l'action 2 « Indemnisation des orphelins des victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale » de gérer la réparation étendue par un décret de 2004 aux orphelins de victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale.
Il a précisé que le versement des réparations, pour ces trois dispositifs, était effectué par l'ONAC et que les crédits du programme 158, avec 207 millions d'euros en crédits de paiement, étaient quasiment doublés en 2006 pour répondre à la pleine entrée en application des mesures de réparation prévues par le décret du 27 juillet 2004.
Il a annoncé que l'application des dispositifs prévus pour la réparation était en bonne voie et que l'instauration de ce programme était une saine décision.
En conclusion, M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , s'est félicité du transfert dans cette mission des crédits de réparation. Mais il a regretté, qu'à cette occasion, l'application de la LOLF n'ait pas abouti pleinement. Il a jugé que si l'on pouvait concevoir qu'elle soulevait quelques problèmes de délais d'adaptation des structures, il serait bon que le gouvernement prenne l'engagement de les résoudre dans un délai raisonnable. Il a ainsi cité les dépenses de personnel de la CIVS, qui s'élevaient à 2,6 millions d'euros et n'étaient que ventilées en crédits de soutien depuis le programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du gouvernement ». Il a relevé, également, la répartition des crédits de mémoire dans deux programmes et que la part, intégrée dans le programme 167, des crédits de communication de défense ne représentaient que la moitié des moyens consacrés à cette fonction.
Il a enfin noté que si les crédits destinés à la dette viagère étaient en baisse, du fait de la diminution des bénéficiaires, la moyenne des moyens dédiés à chaque ressortissant progressait toutefois de 1,45 %.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a ensuite présenté l'article 75 rattaché à la mission qui propose l'extension du droit à pension, dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, au conjoint survivant masculin et au partenaire survivant lié par un pacte civil de solidarité.
Il a déclaré que, dans le personnel militaire, on dénombrait actuellement près de 50.000 femmes. En l'état actuel, le nombre des éventuelles demandes était peu élevé. En conséquence, le coût de la mise en oeuvre de ces dispositions était évalué à 0,5 million d'euros. Il s'est montré favorable à ce dispositif appliquant le principe d'égalité entre les hommes et les femmes.
Enfin, il a évoqué une information, non encore confirmée, selon laquelle les retraites seraient revalorisées de 2 % en 2006.
Un large débat s'est alors instauré.
M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété du mode de financement d'une telle mesure.
M. François Trucy , relevant la récente entrée en application d'une des indemnisations prévue dans le programme 158, s'est interrogé sur l'évolution dans les années suivantes des crédits prévus pour 2006. Il a également interrogé le rapporteur spécial sur l'évolution du nombre des bénéficiaires de la retraite des anciens combattants.
M. Jean-Jacques Jégou , après s'être montré rassuré par l'augmentation de 1,45 % des moyens pour chaque ressortissant, s'est inquiété de l'évolution des effectifs des deux opérateurs alors que dans le même temps, le nombre de bénéficiaires était en diminution. Il a également émis des réserves sur les indicateurs de performance proposés pour l'INI.
M. Jean Arthuis, président , s'est inquiété du coût de fonctionnement de l'ONAC, rapporté au montant des masses financières gérées. M. Alain Lambert, après avoir approuvé ces propos, a constaté que les indicateurs proposés en la matière n'étaient pas très révélateurs de l'efficience des services.
M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a précisé qu'il y avait 4,2 millions de ressortissants de l'ONAC en 2003, et qu'ils devraient être 3,6 millions en 2008, et 2,8 millions en 2013. Il a relevé que, sur l'ensemble des demandes concernant la réparation prévue au programme 158, un nombre significatif de décisions avait déjà été pris, notamment pour l'indemnisation des victimes de spoliation, et qu'une grande majorité des bénéficiaires avait déjà été indemnisée. Concernant les effectifs, il a précisé que l'INI poursuivait la remise à niveau de son effectif, qui était incomplet depuis la suppression du service national. Il a expliqué que le personnel de l'ONAC était plus stable, hormis une évolution en faveur du cadre B. Il a ajouté que l'augmentation constante du nombre des retraités, avec 400.000 bénéficiaires supplémentaires depuis 5 ans, justifiait l'évolution du personnel nécessaire au traitement des dossiers.
M. Claude Haut a évoqué le problème de l'éventualité de mesures de reconnaissance des orphelins de résistants. M. Paul Girod a prolongé la question à propos des orphelins d'anciens prisonniers du Viet-Minh. Il a également évoqué le problème posé par la départementalisation des routes nationales pour l'entretien des « lieux de mémoire ». M. Maurice Blin s'est inquiété de l'extension de cette reconnaissance aux orphelins « pupilles de la Nation ». M. Jacques Baudot, rapporteur spécial , a précisé que ces derniers pouvaient être estimés à 200.000 et soulevé le problème du financement de ces extensions de droit à réparation. Il a d'ailleurs souligné que les associations d'anciens combattants ne semblaient pas considérer cette demande comme prioritaire. En ce qui concernait la départementalisation, il s'est voulu optimiste quant au traitement particulier qui serait réservé aux voies de « mémoire ».
M. Yves Fréville , après avoir, lui aussi, approuvé les propos du président Jean Arthuis, a, par ailleurs, émis des doutes sur le niveau des cibles proposées dans certains indicateurs.
A propos de l'article 75 rattaché, M. Alain Lambert s'est inquiété de la disparité juridique que produirait l'égalité de droit entre les conjoints survivants et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité. Il a donc préconisé une modification rédactionnelle sous forme d'amendement que la commission a adopté.
Suivant la recommandation de son rapporteur spécial, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », et de l'article 75 rattaché ainsi modifié.
Réunie le jeudi 24 novembre 2005 sous la présidence de M. Jean Arthuis, président, la commission a confirmé son vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » tels qu'amendés à l'Assemblée nationale. Elle a adopté l'article 75 relatif au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, tel qu'amendé à l'Assemblée nationale, et décidé de retirer l'amendement, qui avait été présenté par son rapporteur spécial, compte tenu de la volonté du gouvernement de déposer un amendement rédactionnel portant sur l'ensemble de cet article. Elle a adopté sans modification l'article 75 bis revalorisant de deux points l'indice de la retraite du combattant.