ARTICLE 18 - Financement de l'apprentissage
Commentaire : le présent article, supprimé par l'Assemblée nationale, a pour objet d'accélérer le processus de suppression de la dotation budgétaire versée aux régions au titre de l'apprentissage et son remplacement par l'augmentation de la contribution au développement de l'apprentissage.
I. LE DROIT EXISTANT
Afin, notamment, de renforcer l'autonomie financière des régions, qui assurent, depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1983, la mise en oeuvre des actions d'apprentissage et de formation professionnelle continue, l'article 37 de la loi de finances pour 2005 a modifié profondément le financement de l'apprentissage. Elle a, en particulier, créé au profit des régions une contribution au développement de l'apprentissage sous la forme d'une taxe additionnelle à la taxe d'apprentissage.
Les règles relatives à cette contribution sont fixées par l'article 1599 quinquies A du code général des impôts qui précise que :
- le produit de la contribution est reversé aux fonds régionaux de l'apprentissage et de la formation professionnelle continue 122 ( * ) ;
- sont redevables de la contribution les personnes ou entreprises soumises à la taxe d'apprentissage en application de l'article 224 du code général des impôts ;
- la contribution est assise sur les rémunérations retenues pour l'assiette de la taxe d'apprentissage.
Le taux de la contribution a été fixé à 0,06 % des rémunérations versées en 2004, 0,12 % des rémunérations versées en 2005 et 0,18 % pour les rémunérations versées à compter du 1 er janvier 2006. La montée en puissance de cette taxe est gagée par une réduction correspondante des dotations de décentralisation relatives à la formation professionnelle et à l'apprentissage à raison d'un tiers chaque année jusqu'au montant de 593,76 millions d'euros en valeur 2005, « indexé chaque année selon le taux de la dotation globale de fonctionnement ».
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
L'article 18 du projet de loi de finances vise à accélérer la mise en place de la nouvelle contribution à la charge des entreprises en anticipant la dernière étape et en fixant, dès 2006, le taux de la taxe à 0,18 %.
Les schémas de transfert, actuel et proposé, sont détaillés dans les tableaux suivants :
(en % et en millions d'euros)
Système actuel |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Taux de la contribution |
0 ,06 % |
0,12 % |
0,18 % |
|
Produit attendu |
197,92 |
395,84 |
593,76 |
|
Dotations de décentralisation |
395,84 |
197,92 |
0 |
Système proposé |
2005 |
2006 |
2007 |
|
Taux de la contribution |
0,06 % |
0,18 % |
0,18 % |
|
Produit attendu |
197,92 |
593,76 |
593,76 |
|
Dotations de décentralisation |
395,84 |
0 |
0 |
Le I du présent article modifie l'article 1599 quinquies A du code général des impôts pour supprimer le taux intermédiaire de 0,12 %.
Le paragraphe II suivant modifie, en conséquence, l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales pour supprimer le montant intermédiaire des crédits transférés par l'Etat au titre de la formation professionnelle continue et de l'apprentissage qui devraient s'élever, en 2006, à 395,84 millions d'euros.
Le paragraphe III du présent article, par coordination, supprime, pour l'année 2007, l'obligation de remise d'un rapport annuel par le gouvernement au Parlement sur la question du rendement de la contribution au développement de l'apprentissage.
L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de sa commission des finances et de nos collègues députés Philippe Auberger et François Vannson, un amendement de suppression du présent article. Cette suppression a été approuvée par le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État qui a reconnu que « l'idée d'accélérer le processus n'était pas bonne, car les entreprises pourraient l'interpréter comme une remise en cause de la parole donnée ».
En conséquence de ce vote, l'Assemblée nationale a prévu d'inscrire une dotation de décentralisation aux régions à hauteur de 203 millions d'euros lors de l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » en deuxième partie du présent projet de loi.
Cette inscription sera neutre pour les finances publiques car si l'amendement vise à augmenter les crédits du programme 3 « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques », et précisément ceux de l'action n° 2 « Amélioration de l'accès des actifs à la qualification » (ce qui correspond aux crédits nécessaires s'agissant des dotations de décentralisation pour les régions) il diminue à due concurrence, comme le permet la LOLF, les crédits du programme 2 « Accès et retour à l'emploi » de la mission.
Par ailleurs, comme le souligne notre collègue député Alain Joyandet, rapporteur spécial de la mission « Travail et emploi », ce transfert de crédits « ne remet aucunement en cause ni le bon fonctionnement des outils de la politique de l'emploi ni la montée en charge des dispositifs récemment mis en place pour encourager l'emploi des publics les plus fragiles. En fonction des informations disponibles à ce jour, il pourrait être suggéré de diminuer les crédits relatifs à l'allocation spécifique de solidarité (ASS) à hauteur de 50 millions d'euros, les crédits relatifs au budget de fonctionnement de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) à hauteur de 103 millions d'euros (action n° 1 « Indemnisation des demandeurs d'emploi et rapprochement de l'offre et de la demande »), ainsi que les crédits relatifs à certains contrats de travail aidés à hauteur de 50 millions d'euros, étant donné les chiffres parfois moins importants que prévu en termes d'entrées dans les différents dispositifs concernés (action n° 2 « Mise en situation d'emploi des publics fragiles ») » .
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission des finances s'était félicitée, en 2005, de la réforme du financement de l'apprentissage notamment parce qu'elle substituait des ressources propres à des dotations budgétaires.
Elle ne peut admettre pour autant l'accélération du processus telle qu'elle figurait au projet de loi de finances initiale et que l'Assemblée nationale a fort justement supprimée. Trois raisons principales s'y opposent :
- cette accélération aurait pour conséquence une forte augmentation, dès 2006, des charges des entreprises au moment où tous nos efforts doivent porter sur l'amélioration de la situation de l'emploi ;
- comme le soulignait le ministre lui-même, cette initiative, intervenant un an après le vote de la réforme et sans qu'il y ait eu de concertation réelle avec les entreprises, risquerait de porter atteinte à la crédibilité des engagements du gouvernement ;
- enfin, la réforme du financement de la taxe d'apprentissage était assortie d'un engagement de présenter au Parlement un bilan de son application. Alors que celui-ci n'a pas encore été présenté, une modification des textes un an après leur adoption serait à la fois prématurée et difficile à justifier.
Décision de la commission : votre commission vous propose de confirmer la suppression de cet article.
* 122 Selon une clef de répartition « fixée par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et des ministres chargés du travail et du budget ».