C. UN RÉEXAMEN DES RÈGLES APPLICABLES AUX DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES AU NIVEAU EUROPÉEN
La nécessité d'une évolution du droit français des procédures collectives découle également de la naissance d'un véritable droit européen des faillites et s'inscrit dans un mouvement général de réexamen, dans de nombreux Etats, des dispositifs actuels de lutte contre les difficultés des entreprises.
1. Le droit communautaire des procédures d'insolvabilité
Le règlement du Conseil de l'Union européenne n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité , entré en vigueur le 31 mai 2002, a instauré, pour la première fois, un système juridique cohérent destiné à régir les procédures de faillite concernant des entreprises de dimension transnationale.
Il pose le principe de la compétence des juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur pour l'ouverture de la procédure d'insolvabilité, en reconnaissant au jugement d'un autre Etat membre la même autorité sur le territoire où il a été reconnu que sur le territoire sur lequel il a été rendu. La loi applicable est alors celle de l'Etat sur le territoire duquel la procédure a été ouverte.
Toutefois, le texte reconnaît la possibilité d'ouvrir une procédure dite « secondaire » sur le territoire d'un Etat membre qui n'est pas celui où se trouve le centre des intérêts principaux du débiteur, ainsi qu'une procédure dite « territoriale », lorsque l'ouverture d'une procédure principale ne peut être ouverte en raison des dispositions de la loi de l'Etat membre.
Ce corpus juridique communautaire, qui commence seulement à faire l'objet de décisions de juridictions du fond 18 ( * ) , crée ainsi un risque de forum shopping , les personnes concernées par une procédure de faillite pouvant être tentées de choisir la loi qui serait la plus favorable à leurs intérêts. Dans ce contexte, il importe donc que le droit français des procédures collectives ne soit pas plus pénalisant ou stigmatisant que les droits des autres Etats membres et puisse être à même de faciliter la poursuite de l'activité des entreprises en difficulté. Comme l'a en effet récemment noté M. Sébastien Huygues, dans son rapport sur l'attractivité du territoire pour les sièges sociaux des grands groupes internationaux, les investisseurs étrangers prennent en compte, dans leur décision d'implantation dans tel ou tel Etat, les conditions dans lesquelles les difficultés rencontrées par leurs filiales seront traitées 19 ( * ) .
Cette européanisation du droit de la faillite est également perceptible dans certains secteurs spécifiques de la législation, puisque des directives dites « sectorielles » prévoient des règles d'harmonisation particulières pour les établissements d'assurance et les établissements de crédit . La transposition de ces deux derniers textes n'est cependant pas l'objet du présent projet de loi, la loi n° 2004-237 du 18 mars 2004 portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnance, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire, ayant autorisé le Gouvernement à intervenir par voie d'ordonnance en ces matières 20 ( * ) .
L'intervention du droit communautaire rend donc souhaitable une certaine mise en cohérence des droits nationaux. Les réformes des droits des Etats membres de l'Union européenne tendent d'ailleurs à prévoir des mécanismes d'une parenté de plus en plus affirmée, la majorité d'entre eux affirmant la sauvegarde de l'entreprise comme l'objectif prioritaire du droit des procédures collectives.
* 18 Voir ainsi, pour la reconnaissance d'une procédure ouverte par une juridiction anglaise à l'encontre d'une société commerciale française, Cour d'appel de Versailles, 4 septembre 2003, Kempla es qualité c. SAS ISA Daysitek, Droit et patrimoine, n° 122, janvier 2004, p. 28.
* 19 « L'attractivité du territoire pour les sièges sociaux des grands groupes internationaux », rapport au Premier ministre, octobre 2003, p. 41.
* 20 Ordonnance n° 2004-504 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/17/CE du 19 mars 2001 concernant l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance ; ordonnance n° 2004-1127 du 21 octobre 2004 portant transposition de la directive 2001/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 avril 2004 concernant l'assainissement et la liquidation des établissements de crédit.