2. L'évolution récente des droits nationaux de la faillite
Les dernières années ont été marquées, dans de nombreux Etats, par une refonte plus ou moins profonde des règles applicables aux cas de faillites d'entreprises . Si ce mouvement a concerné plusieurs Etats à travers le monde 21 ( * ) , il a plus spécifiquement intéressé les Etats membres de l'Union européenne.
En Allemagne , la loi sur l'insolvabilité du 5 octobre 1994 ( Insolvenzordnung ) est applicable depuis le 1 er janvier 1999. Si l'objectif de la procédure d'insolvabilité, désormais unique, est la satisfaction des créanciers, la législation a été modifiée afin de favoriser davantage la sauvegarde de l'entreprise.
Dans ce but, un nouveau cas d'ouverture de la procédure a été introduit : l'incapacité de payer « imminente » permet ainsi au débiteur de solliciter l'ouverture de la procédure d'insolvabilité. En outre, un plan de résorption de l'insolvabilité, inspiré du « chapter 11 » prévu par la législation fédérale américaine sur la faillite, a été institué. Enfin, l'ensemble des privilèges de paiement auparavant prévus par la législation a été supprimé, à commencer par ceux du fisc et des salariés.
Au Royaume-Uni , la loi de 1986 sur l'insolvabilité ( Insolvency Act ) a été modifiée en 2000 et 2002 à l'occasion de réformes portant sur la procédure de l'« arrangement volontaire » et sur la procédure de l'« administration ». L'objectif prioritaire est désormais celui de la survie de l'entreprise. Dans ce cadre, la procédure collective peut être ouverte dès lors que l'entreprise est incapable de payer ses dettes ou risque de se retrouver dans une telle situation.
La continuation de l'entreprise est assurée par le biais d'une procédure dite de l'« arrangement volontaire » ou par la procédure d'« administration ». Ces deux procédures entraînent la suspension des poursuites contre le débiteur. Toutefois, l'administration de l'entreprise est, dans le premier cas, laissée au débiteur, et dans le second, assurée par un administrateur.
La procédure de l'arrangement volontaire aboutit à la conclusion d'un accord permettant le réaménagement de la dette du débiteur ou une réorganisation de l'entreprise, qui doit être approuvé par les créanciers (représentant les trois-quarts de la valeur des créances), ainsi que par les associés (à la majorité simple). La procédure d'administration conduit à la présentation de propositions en vue du redressement de l'entreprise par l'administrateur. Elle aboutit à un concordat avec les créanciers, mais peut également conduire à un arrangement volontaire.
En Espagne , le droit des procédures collectives a été réformé par la loi n° 22/2003 du 9 juillet 2003 ( ley de concurso ). Ce texte, entré en vigueur le 1 er septembre 2004, remplace les anciennes procédures de faillite et de suspension des paiements en renforçant les mécanismes destinés à favoriser la sauvegarde des entreprises, l'objectif principal de la procédure demeurant cependant la satisfaction des intérêts des créanciers.
Cette procédure unique conduit à la signature d'un concordat entre le débiteur et ses créanciers, prévoyant la remise de certaines créances ou l'octroi de moratoires, qui doit être adopté par les créanciers détenteurs de la moitié du montant des créances ordinaires. Une fois adopté, le concordat s'impose à tous, sauf aux créanciers privilégiés qui ne l'ont pas approuvé.
En Italie , la loi n° 266 du 16 mars 1942 prévoit trois régimes distincts. Deux sont ouverts à l'initiative du seul débiteur. Le régime de l'« administration contrôlée », dont l'objectif est la signature d'un concordat avec les créanciers, est ouvert en cas de difficultés temporaires du débiteur. Le « concordat préventif » est applicable aux entreprises en situation d'insolvabilité avérée et peut conduire à la cession de l'entreprise en difficulté. La procédure de faillite, ouverte à l'initiative des créanciers, a pour objet d'organiser la cession des éléments du patrimoine du débiteur en vue du désintéressement des créanciers.
Plus récemment, la loi n° 270 du 8 juin 1999 ( legge nelle amministrazione straordinaria ) comporte des règles spécifiques permettant la sauvegarde des grandes entreprises, notamment compte tenu des effets sur l'économie nationale qu'entraînerait la disparition de plusieurs milliers d'emplois.
En Suède , la loi du 4 juin 2003, entrée en vigueur le 1 er janvier 2004, a réformé en profondeur la législation applicable à la faillite, afin d'accroître les chances de sauvetage pour les entreprises rentables à long terme mais confrontées à des difficultés économiques. Pour ce faire, il a été choisi de supprimer certains privilèges jusqu'alors prévus par la loi. Ainsi, le privilège des créances fiscales et des autres créances publiques est aboli, à l'instar du privilège reconnu aux bailleurs pour les loyers consentis.
Aux Pays-Bas , le régime applicable à la faillite est défini par une loi du 30 septembre 1893. La procédure de faillite ne peut être ouverte qu'après la cessation des paiements du débiteur. En revanche, une procédure automatique de sursis des paiements est organisée. Le sursis est provisoirement accordé de manière automatique, mais peut être prononcé à titre définitif, sous certaines conditions, à l'égard des seuls créanciers chirographaires. Toutefois, le tribunal peut également prononcer l'arrêt des poursuites pendant une durée d'un mois, renouvelable une fois (période dite de « refroidissement »), opposable à l'ensemble des créanciers, même titulaires de sûretés.
Bien que le débiteur reste formellement aux commandes de l'entreprise, il perd dans une mesure importante sa capacité d'action autonome. Il présente un plan de redressement qui, une fois adopté par les créanciers, doit être homologué par le tribunal.
Un projet de modification de la législation, destiné à renforcer les possibilités de sauvegarde des entreprises en difficulté, est en cours de discussion au Parlement. Il prévoit de limiter les conditions d'octroi du sursis des paiements, en étendant son application aux créanciers privilégiés. La période de « refroidissement » serait portée à quatre mois. Les conditions d'acceptation du plan par les créanciers, ainsi que ses conditions d'homologation seraient simplifiées.
C'est dans ce contexte nouveau, tant au plan économique qu'au plan juridique, par rapport à celui du milieu des années 1980 que s'inscrit le projet de loi déposé, le 12 mai 2004, par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale.
* 21 Voir notamment, « La sauvegarde des entreprises en difficulté », série de législation comparée du Sénat, n° LC 135 - juin 2004.