b) Le régime de l'information privilégiée et du délit d'initié
L'article premier de la directive « abus de marché » enrichit et précise la définition de l'information privilégiée, notion centrale dans le délit d'initié, par rapport à celle qui était posée dans la directive de 1989. Il s'agit d' « une information à caractère précis qui n'a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs d'instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d'influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d'instruments financiers qui leur sont liés ».
Les articles 2 et 3 prévoient plusieurs interdictions pour toute personne détentrice d'une information privilégiée, dont la transgression apparaît constitutive du délit d'initié , sans pour autant que ce dernier soit expressément défini : utiliser cette information pour la tentative ou la réalisation effective d'une transaction (achat ou cession, de manière directe ou indirecte, pour compte propre ou pour compte de tiers) sur les instruments financiers concernés, communiquer cette information à toute personne hors du cadre normal de l'activité professionnelle, et recommander à une autre personne d'acquérir ou de céder les instruments financiers auxquels se rapporte cette information. Cette dernière interdiction a pour effet d'inclure les analystes et journalistes financiers dans le champ de l'information privilégiée (cf. infra ).
c) Le régime de la manipulation de marché
L'article 5 de la directive pose un principe général d'interdiction à toute personne de procéder à des manipulations de marché. Les comportements que recouvre la notion de manipulation de marché, principale novation de la directive, sont définis extensivement par l'article premier. Il s'agit en particulier du « fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres qui donnent des indications fausses ou trompeuses en ce qui concerne l'offre, la demande ou le cours d'instruments financiers », et « qui fixent (...) le cours d'un ou plusieurs instruments financiers à un niveau anormal ou artificiel ».
La manipulation de marché concerne également « le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres qui recourent à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice », et la diffusion d'informations trompeuses, c'est-à-dire « le fait de diffuser des informations, que ce soit par l'intermédiaire des medias (dont Internet) ou par tout autre moyen, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur des instruments financiers, y compris le fait de répandre des rumeurs, alors que la personne ayant procédé à une telle diffusion savait ou aurait dû savoir que les informations étaient fausses ou trompeuses (...) ». L'imprécision et l'interprétation potentiellement large de certains termes permettent donc d'englober une grande variété d'intentions délictueuses, et le fait que la personne aurait dû connaître le caractère trompeur de l'information tend à créer une présomption d'intention de nuire.
Un régime d'exemption à cette définition est toutefois prévu lorsqu'il est établi que les opérations ou ordres réalisés répondent à des raisons légitimes et qu'ils sont « conformes aux pratiques de marché admises sur le marché réglementé concerné ». Les « pratiques de marché admises » sont définies comme celles qui « sont susceptibles d'être utilisées sur un ou plusieurs marchés financiers et qui sont acceptées par l'autorité compétente ». Cette disposition a, en particulier, une incidence sur l'encadrement des programmes de rachat d'actions (cf. infra ).