Article L. 214-19 [nouveau] du
code de l'environnement -
Décret d'application
L'article L. 214-19 ( nouveau ) précise qu'un décret en Conseil d'Etat précisera les conditions d'application des deux articles précédents.
Le paragraphe II de cet article reformule le libellé de la section III du chapitre II du titre III du livre IV du code de l'environnement actuellement intitulé « Obligations relatives aux ouvrages ». Dans la mesure où les articles L. 214-17 à L. 214-19 se substitueront aux obligations des articles L. 432-5 à L. 432-8, abrogés par l'article 49 du projet de loi, il ne restera, dans la section considérée, que l'article L. 432-9 qui traite des vidanges des plans d'eau. En conséquence, le projet de loi propose que cette section soit désormais intitulée « Obligations relatives aux plans d'eau ».
Observations de votre commission :
Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une grande partie des classements effectués par les dix décrets en Conseil d'Etat précités a été réalisée sur la base de motifs souvent appréciés localement et qui n'ont pas fait l'objet d'un consensus entre les divers utilisateurs de la ressource en eau . Il a ainsi été indiqué à votre rapporteur que ces classements ont parfois été définis sur des fondements scientifiques incomplets et ont constitué une entrave non négligeable au développement de l'hydroélectricité, sans que cela soit toujours justifié par un intérêt environnemental démontré. Le président Jean-Paul Emorine, dans son rapport sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, jugeait qu'en conséquence une réforme de ce dispositif était nécessaire afin de « parvenir à un meilleur équilibre entre protection de la qualité écologique des eaux et des milieux aquatiques et développement nécessaire des énergies renouvelables, conformément aux objectifs de la directive 2001/77 21 ( * ) ». De ce point de vue, la réforme de la procédure de classement constitue sans conteste un progrès indéniable car sa déconcentration au niveau du préfet coordonnateur de bassin permettra que les décisions soient prises à un niveau territorial plus pertinent et, selon l'exposé des motifs du projet de loi, après une consultation des acteurs locaux concernés, dont les modalités seront précisées par décret.
Votre rapporteur adhère bien entendu aux objectifs poursuivis par le projet de loi et tient à rappeler que la directive cadre sur l'eau oblige la France à atteindre l'objectif de bon état écologique des eaux d'ici 2015. Ce bon état se caractérise tant par des critères ayant trait à la qualité chimique des eaux que par la présence et le développement des milieux aquatiques. Or, il est indéniable que l'installation d'un ouvrage hydraulique sur un cours d'eau constitue un obstacle à sa continuité écologique, qu'il s'agisse de la circulation des sédiments ou des poissons migrateurs, dont les chances de survie s'amenuisent avec le nombre d'ouvrages franchis. Votre rapporteur considère ainsi qu'il n'est pas souhaitable de favoriser le « suréquipement », notamment en « microcentrales », des cours d'eau actuellement protégés, qui constituent des axes importants pour les poissons migrateurs en voie de disparition . Il n'en demeure pas moins persuadé qu'il est indispensable de définir , avec toute la rigueur scientifique nécessaire , les critères qui doivent conduire à la protection de ces cours d'eau et de ne pas geler le développement économique de certains territoires qui pourraient accueillir de nouvelles installations hydrauliques dont la neutralité sur les milieux aquatiques serait démontrée. Il convient donc que les classements établis sur la base des critères définis par le projet de loi soient équilibrés.
En revanche, votre commission tient à faire part de ses inquiétudes quant aux contraintes qui pourraient peser sur les capacités de production d'hydroélectricité avec les règles relatives au débit réservé. En effet, selon les estimations réalisées par les hydrauliciens français, le passage pour les ouvrages existants d'un débit réservé fixé au 40 ème du module au 10 ème ou au 20 ème pourrait aboutir à des pertes évaluées à 3 TWh (dont 2,3 produits par Électricité de France), ce qui correspond à 5 % de la production hydroélectrique française, soit l'équivalent de la consommation annuelle d'une ville comme Nantes. Au surplus, près des deux tiers de ces pertes correspondraient à de l'énergie modulable, c'est à dire à de l'électricité consommée pendant les périodes de pointe de consommation. Or, comme votre rapporteur l'a déjà précisé dans son commentaire de l'article 2, ces pertes de capacités de production ne peuvent être compensées que par des moyens de production thermique, fortement émetteurs de gaz à effet de serre. Une telle substitution conduirait ainsi à augmenter les émissions de CO 2 de plus d'un million de tonnes , volume qui correspond d'ailleurs peu ou prou au différend qui avait opposé le Ministère de l'écologie et du développement durable et la Commission européenne au moment de la transmission et de l'approbation du plan national d'allocation des quotas.
Au total, votre commission juge nécessaire d'apporter plusieurs types de modifications à cet article 4 afin de concilier enjeux environnementaux et énergétiques.
Proposition de votre commission :
Votre commission vous propose, sur cet article, d'adopter cinq amendements .
Elle préconise tout d'abord l'adoption de trois amendements tendant à la réécriture de l'article L. 214-17 du code de l'environnement qui traite du classement des cours d'eau. Outre des améliorations rédactionnelles, ces amendements visent à alléger les décisions de classement en précisant que les cours d'eau qui répondent aux critères définis par cet article (très bon état écologique ou protection complète des migrateurs) ne sont pas systématiquement classés et que cette décision est prise au cas par cas. Ils proposent également de donner à l'autorité administrative la responsabilité des décisions de classement afin qu'elles soient prises, en fonction des situations locales, par les préfets coordonnateurs de bassin ou par les préfets de région. Ils prévoient qu'avant toute décision de classement en Corse l'avis de l'Assemblée territoriale est recueilli.
En outre, votre commission note qu'à un classement effectué au niveau national par décret, qui permet d'appréhender de manière globale ses effets, se substitue une procédure renvoyant aux autorités administratives déconcentrées le soin de prendre ces décisions. Or, il est probable que cette réforme ne permette pas à l'Etat de mesurer avec précision les effets du classement sur le potentiel hydroélectrique français. Aussi votre commission vous propose-t-elle dans ces amendements que les autorités administratives établissent les listes de classement après une étude de leur impact sur les ouvrages hydroélectriques existants afin que les décisions locales soient prises en toute connaissance de cause.
Sur l'article L. 214-18 relatif au débit réservé, votre commission préconise, outre celle d'un amendement rédactionnel, l'adoption d'un dispositif visant à répondre au souci de garantir les capacités de production françaises en matière d'énergie de pointe. Il est ainsi proposé un amendement prévoyant une dérogation supplémentaire aux règles de débit réservé pour les ouvrages hydroélectriques qui jouent un rôle éminent en matière de production d'énergie de pointe . Pour limiter les pertes de production qui seraient liées à l'augmentation des débits réservés, cet amendement prévoit que le débit réservé des ouvrages qui contribuent, par leur capacité de modulation, à fournir de l'énergie pendant les pics de consommation, dont la liste est fixée par décret pris après avis du Conseil supérieur de l'énergie, est fixé au 20 ème du module.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé. |
* 21 Directive 2001/77 du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité.