EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
(art. 132-16-3 et 132-16-4 nouveaux du code pénal)
Extension
de la catégorie des délits assimilés
au regard de la
récidive
Le présent article vise à étendre la catégorie des délits assimilés au regard de la récidive correctionnelle .
L'état de récidive correctionnelle est constitué si, cinq ans après avoir été condamnée définitivement pour un délit puni d'une peine inférieure à dix ans, la personne commet une infraction identique ou considérée par la loi comme identique .
Le législateur doit prévoir expressément l'assimilation des délits pour faire jouer la règle de la récidive.
Le code pénal distingue aujourd'hui quatre catégories au sein desquelles les différentes infractions visées sont considérées, au regard de la récidive, comme une même infraction :
- le vol, l'extorsion, le chantage, l'escroquerie et l'abus de confiance (art. 132-16) ;
- les délits d'agressions sexuelles et d'atteintes sexuelles (art. 132-16-1 introduit dans le code pénal par la loi n° 98-468 du 17 juin 1998) ;
- les délits d'homicide involontaire ou d'atteinte à l'intégrité de la personne commis par imprudence ou à la suite d'un manquement à une obligation de sécurité à l'occasion de la conduite d'un véhicule routier, d'une part, et la conduite sans permis, sous l'empire d'un état alcoolique ou d'une substance psychotique, un excès de vitesse supérieur à 50 Km/h, d'autre part (art. 132-16-2 introduit dans le code pénal par la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière) ;
- le recel et le délit qui a procuré le bien recelé (art. 321-5).
Si le législateur a été conduit à élargir, dans la période récente, les catégories des délits assimilés au regard de la récidive, ces derniers n'en demeurent pas moins limités 30 ( * ) . En outre la liste des assimilations légales doit être entendue strictement 31 ( * ) .
Ainsi certaines infractions pourtant très proches ne peuvent toutefois être assimilées au regard de la récidive. Tel est en particulier le cas pour le proxénétisme et la traite des êtres humains 32 ( * ) . Il en est de même des actes commis avec violence. Ainsi la jurisprudence a refusé s'assimiler les délits de coups et blessures sur un simple particulier et les violences à agent 33 ( * ) .
Selon les statistiques, la délinquance violente contre les personnes 34 ( * ) a crû de 20 % entre 2000 et 2003. Malgré le léger infléchissement d'ensemble enregistré cette année (- 0,25 %, soit 320.989 faits) certaines formes de violences continuent de progresser comme les violences liées au comportement, parfois gratuites, ou celles commises à l'encontre des dépositaires de l'autorité. Ces infractions tendent précisément à s'inscrire dans une délinquance d'habitude comme en témoigne le taux élevé de « recondamnation » des auteurs de violence (de l'ordre de 34 % dans un délai de cinq ans).
Ces constats ont conduit les députés à proposer d'insérer deux nouveaux articles après l'article 132-16-2 du code pénal pour définir deux nouvelles catégories d'infractions assimilables au regard de la récidive.
En premier lieu, les délits de traite des êtres humains prévus par les articles 225-4-1, 225-4-2 et 225-4-8 du code pénal et les délits de proxénétisme définis par les articles 225-5 à 225-7 et 225-12 du même code seraient considérés comme une même infraction.
De même, les délits de violences volontaires aux personnes ainsi que tout délit commis avec la circonstance aggravante de violence seraient assimilés au regard de la récidive.
Cette dernière disposition devrait conduire à une extension importante des délits assimilés. En effet, dans les cas où la circonstance aggravante de violences a été prévue par le code pénal, elle est entendue de manière très large : à titre d'exemple, le vol (art. 311-4, 4°) est aggravé lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de violences sur autrui même s'il n'a pas entraîné d'incapacité de travail. Le vol à l'arraché tombe ainsi sous le coup de cette disposition.
Faudrait-il dès lors, définir de manière plus restrictive cette circonstance aggravante en la limitant aux violences ayant entraîné une incapacité de travail supérieure à huit jours ? Compte tenu des appréciations très différentes auxquelles peut donner lieu, selon les médecins, cette incapacité, votre commission, suivant les recommandations des magistrats entendus par son rapporteur, a préféré ne pas retenir ce critère limitatif.
Votre commission vous invite à adopter l'article 1 er sans modification .
Article 2
(Sous-section 2-1
[nouvelle] - art. 132-16-6 nouveau du code pénal)
Définition
du régime de la réitération d'infractions
Cet article tend à insérer un article 132-16-6 nouveau dans le code pénal afin de définir le régime de la réitération d'infractions.
Le code pénal ne prévoit de régime spécifique de peine en cas de pluralité d'infractions que dans deux hypothèses : le concours d'infractions et la récidive 35 ( * ) . Toutes les autres situations relèvent de la réitération d'infractions et n'emportent pas de conséquence sur le régime de la peine : la nouvelle infraction est considérée comme une infraction isolée et la peine applicable n'est pas modifiée.
En premier lieu, la notion de réitération vise une infraction commise après une condamnation définitive et se distingue ainsi du concours d'infractions. En second lieu, cette nouvelle infraction ne répond pas aux conditions de la récidive légale : elle intervient après une infraction punie d'une peine inférieure à dix ans ; en outre elle est soit différente de l'infraction précédente ou non assimilable au sens du code pénal, soit identique mais commise au-delà du délai de cinq ans après expiration ou prescription de la peine prononcée pour la première infraction.
La distinction entre concours d'infraction, récidive et réitération échappe aux statistiques policières qui confondent ces trois cas de figure sous le même terme de réitération. En effet, agit en état de réitération, selon les services de police, une même personne signalée à plusieurs reprises comme auteur d'infractions dans le fichier STIC 36 ( * ) . Selon la mission d'information de l'Assemblée nationale relative au traitement de la récidive des infractions pénales, la définition de la réitération permettrait de lever toute ambiguïté sémantique et favoriserait une approche harmonisée entre les différents acteurs de la chaîne pénale. Afin de concrétiser cette recommandation, la proposition de loi suggère de définir à droit constant la réitération.
Elle précise ainsi, d'une part, que l'état de réitération est constitué lorsqu'une personne déjà condamnée définitivement pour un crime ou un délit commet une nouvelle infraction sans que les conditions de la récidive légale soient remplies . Votre commission vous soumet un amendement rédactionnel.
La proposition de loi rappelle, d'autre part, que la juridiction prend en compte les antécédents du prévenu pour prononcer la peine et en déterminer le régime.
Cette précision n'apparaît pas indispensable : d'une part, elle ne fait que rappeler le principe d'individualisation de la peine déjà affirmée à l'article 132-24 du code pénal ; d'autre part, elle introduit dans le code pénal une nouvelle notion, celle d'« antécédent », susceptible d'interprétations divergentes entre la justice et les services de police, à rebours de l'objectif visé par les députés. Votre commission vous propose par un amendement de la supprimer.
Actuellement, en pratique, la condamnation précédente, du fait de la consultation du casier judiciaire, influence souvent le quantum de la peine appliquée par le juge à la nouvelle infraction dans la limite, bien sûr, du maximum prévu par la loi 37 ( * ) . Par ailleurs, elle peut déterminer également le régime d'exécution de la peine. Ainsi le juge ne peut accorder le bénéfice du sursis simple si le prévenu a déjà été condamné dans les cinq ans précédant les faits à une peine de réclusion ou d'emprisonnement (art. 132-30, al. 1 et 132-33, al. 1 du code pénal).
La proposition de loi prévoit enfin, au deuxième alinéa du nouvel article 132-16-6 que les peines prononcées pour des infractions commises en situation de réitération se cumulent sans limitation de quantum et sans qu'il soit possible d'ordonner leur confusion.
La rédaction retenue par l'Assemblée nationale prête à des interprétations ambiguës critiquées, à ce titre, par un grand nombre des juristes entendus par votre rapporteur.
En effet, s'agissant d'une personne qui, déjà condamnée définitivement, commet une nouvelle infraction, le texte proposé conduit, comme tel est aujourd'hui le cas , à additionner, sans possibilité de confusion, la peine prononcée pour la nouvelle infraction avec la première infraction. La situation du réitérant apparaît alors moins favorable que celle du prévenu , auteur de plusieurs infractions qui n'ont pas fait l'objet de condamnations définitives (et, partant, appelé à bénéficier du cumul plafonné des peines dans la limite de la peine la plus sévère et du bénéfice possible d'une confusion des peines) mais demeure plus favorable que celle du récidiviste qui encourt des peines doublées.
En revanche, le doute est permis quant à la situation du réitérant qui après une première condamnation définitive, commet plusieurs infractions nouvelles . Les peines qui, en cas de poursuites séparées, seraient prononcées par différentes juridictions, devraient-elles être additionnées sans limitation de quantum ? Tel n'a certainement pas été l'objectif recherché par les députés. En effet, les infractions nouvellement commises après une première condamnation définitive, doivent, si elles n'ont pas fait l'objet de condamnations définitives, continuer d'être traitées selon les modalités du concours réel d'infraction (emportant le cumul plafonné des peines dans la limite de la peine la plus sévère). La peine ainsi prononcée pour ces différentes infractions s'ajoutant de manière automatique et sans confusion possible à la première condamnation.
Aussi, afin de lever toute équivoque, votre commission vous propose-t-elle par un amendement de supprimer le second alinéa de cet article.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 ainsi modifié .
Article 3
(art. 132-41 du code
pénal)
Limitation du nombre de sursis avec mise à
l'épreuve
susceptibles d'être prononcés par les
juridictions
Aux termes du présent article, le nombre de sursis avec mise à l'épreuve prononcé à l'occasion d'une condamnation serait limité à deux pour des délits commis en état de récidive et à un seul lorsque cette infraction présente un caractère particulièrement grave.
Le sursis, il convient de le rappeler, est une dispense d'exécution conditionnelle de la peine prononcée par le juge. La peine est suspendue tant que le condamné n'a commis, dans le délai imparti par le jugement, aucun fait susceptible d'entraîner la révocation du sursis. Dans le cas contraire, le sursis peut être révoqué et la peine, ramenée à exécution. L'octroi du sursis vise ainsi à prévenir la récidive.
Actuellement, le sursis avec mise à l'épreuve (SME) est susceptible d'être ordonné quel que soit le passé pénal du délinquant . Il se différencie ainsi du sursis simple qui ne peut être accordé si le prévenu a été condamné au cours des cinq années précédant les faits, pour crime ou délit de droit commun à une peine de réclusion ou d'emprisonnement (art. 132-30, al. 1 er et art. 132-33, al. 1 er du code pénal).
Par ailleurs, le sursis avec mise à l'épreuve ne peut être prononcé que pour les condamnations à l'emprisonnement d'une durée de cinq ans au plus prononcées pour crime ou délit de droit commun (art. 132-41 du code pénal) 38 ( * ) .
Comme son nom l'indique, le sursis avec mise à l'épreuve est assorti de mesures de contrôle et d'obligations précises.
Les mesures de contrôle , énumérées à l'article 132-44 du code pénal, accompagnent obligatoirement toute mise à l'épreuve. Elles consistent en particulier pour le condamné à répondre aux convocations du juge de l'application des peines, à recevoir les visites du travailleur social et à prévenir celui-ci des changements d'emploi ou de résidences. En contrepartie, le sursitaire bénéficie de mesures d'aide destinées à « seconder les efforts du condamné en vue de son reclassement social » (art. 132-46 du code pénal). Les obligations , fixées à l'article 132-46 du code pénal, sont, elles, diverses et relèvent du libre choix de la juridiction de jugement ou du juge de l'application des peines. Il peut s'agir d'exercer une activité professionnelle ou de suivre un enseignement ou une formation professionnelle, de se soumettre à des mesures d'examen médical, de réparer les dommages causés par l'infraction ou encore de s'abstenir de paraître en tout lieu spécialement désigné.
Aux termes de l'article 132-42, al. 1 er du code pénal, le délai d'épreuve ne peut être inférieur à 18 mois ni supérieur à trois ans. La loi du 9 mars 2004 a réduit le délai minimum à 12 mois mais l'application de cette disposition a été reportée au 31 décembre 2006.
L'échec de l'épreuve peut résulter soit du manquement aux mesures de contrôle ou aux obligations spécialement imposées, soit de la commission d'une nouvelle infraction. La révocation du sursis peut alors être décidée mais elle n'est pas obligatoire. Le juge dispose ainsi d'une grande liberté d'appréciation conformément au principe de l'individualisation de la peine.
Si l'épreuve est couronnée de succès, la condamnation comportant le sursis est alors réputée non avenue. Il en est de même, de manière plus surprenante, lorsque le sursis a été partiellement révoqué.
L'absence de condition relative au passé pénal du délinquant de même que la faculté de ne pas révoquer le sursis avec mise à l'épreuve malgré la rechute dans la délinquance autorise le cumul des sursis . Une telle situation peut entretenir un sentiment d'impunité incompatible avec la vocation probatoire de cette mesure.
C'est pourquoi la proposition de loi prévoit une double limitation à l'octroi du SME. En premier lieu, les auteurs de ce texte suggèrent, dans le prolongement des travaux de la mission d'information, d'interdire l'octroi du SME à une personne ayant déjà fait l'objet de deux condamnations assorties du SME pour des délits commis en situation de récidive légale. Votre commission estime cette limitation justifiée. En premier lieu, elle n'interviendrait qu'après l'octroi de deux SME précédés, le cas échéant, d'un sursis simple. Elle ne vaudrait par ailleurs que dans l'hypothèse de la récidive légale soumise, on le sait, à des conditions strictes tant au regard de la nature de l'infraction que du délai dans lequel elle est commise. Ainsi la limitation de l'octroi des SME ne jouerait qu'à l'encontre de multirécidivistes méritant à ce titre une sanction rigoureuse sous la forme d'une condamnation ferme.
Enfin, cette limitation ne serait pas applicable si le juge décide de prononcer le SME sur une partie de la peine d'emprisonnement. En effet, en vertu de l'article 132-42 du code pénal, la juridiction peut « décider que le sursis ne s'appliquera à l'exécution de l'emprisonnement que pour une partie dont elle détermine la durée ». La proposition de loi préserve ainsi la liberté de prononcer le SME dès lors que ce sursis permet de conjuguer détention et mise à l'épreuve.
Le présent article prévoit une seconde limitation à l'octroi du SME. Celle-ci résulte d'un amendement de M. Christian Estrosi, adopté par les députés avec l'avis favorable de la commission des Lois ainsi que du Gouvernement .
Elle prévoit que le juge ne peut prononcer de SME pour un crime, un délit de violences volontaires, un délit d'agressions ou d'atteintes sexuelles ou d'un délit commis avec la circonstance aggravante de violences lorsque cette infraction est commise dans les conditions de la récidive par une personne ayant déjà fait l'objet d'une condamnation assortie d'un SME. La portée de cette mesure doit être ramenée à sa juste mesure.
D'abord, cette seconde limitation comme la première ne s'applique pas aux peines mixtes, pour partie fermes et pour partie assorties d'un SME.
Ensuite, il convient de rappeler que l'article 132-41 du code pénal n'autorise l'octroi du SME que pour des condamnations à l'emprisonnement d'une durée de 5 ans au plus prononcées pour crime ou délit de droit commun. Aussi, l'octroi du SME apparaî-il d'ores et déjà, en principe, écarté pour les crimes ou les délits les plus graves que le juge punit le plus souvent d'une peine supérieure à cinq ans.
En outre, l'intéressé aura pu bénéficier successivement de deux sursis, un sursis simple et un SME.
L'obligation de punir d'un emprisonnement ferme les infractions les plus graves commises en état de récidive apparaît pleinement justifiée. Elle devrait favoriser une réponse pénale plus cohérente parce que plus progressive dans l'application de la sanction. Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 sans modification .
Article 4
(art. 465-1 nouveau
du code de procédure pénale)
Incarcération, dès
le prononcé de la peine,
des prévenus en état de
récidive légale en matière sexuelle,
pour des faits de
violence ou commis avec violence
Cet article a pour objet de compléter le code de procédure pénale afin de permettre au juge de délivrer un mandat de dépôt dès le prononcé d'une condamnation à une peine d'emprisonnement sans sursis à l'encontre d'une personne en situation de récidive pour certaines infractions.
En principe, en l'état de notre droit, le jugement sur le fond n'est pas immédiatement exécutoire dans la mesure où les voies de recours de l'opposition ou de l'appel possèdent normalement un effet suspensif ; l'exécution de la peine reste ainsi subordonnée au caractère définitif du jugement.
Néanmoins cette règle connaît diverses exceptions.
Ainsi, aux termes de l'article 465 du code de procédure pénale, dans le cas d'un délit de droit commun, et si la peine prononcée est au moins d'un an d'emprisonnement sans sursis, le tribunal peut, par décision spéciale et motivée, décerner mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu « lorsque les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté ». En comparution immédiate , le tribunal peut même délivrer le mandat de dépôt « quelle que soit la durée de la peine » (art. 397-4 du code de procédure pénale). Il s'agit alors, conformément à la logique de cette procédure, de garantir une répression immédiate .
Une telle considération inspire également les nouvelles dispositions retenues par la proposition de loi. La mission d'information de l'Assemblée nationale a en effet estimé nécessaire de renforcer la répression de la récidive par une exécution plus rapide des décisions de justice.
La faculté de décerner mandat de dépôt dès le prononcé de la peine serait assortie néanmoins d'un double tempérament.
Elle ne viserait en premier lieu que certaines infractions, les plus violentes, commises en état de récidive. Il s'agit d'une part des délits d'agression ou d'atteintes sexuelles considérés comme une infraction identique au sens de la récidive (art. 132-16-1 du code pénal) et, d'autre part, des délits de violence volontaire ou commis avec la circonstance aggravante de violences que la présente proposition de loi propose également d'assimiler au sens de la récidive (art. 132-16-4 nouveau du code pénal - voir article 1 er de la proposition de loi).
Le second tempérament apporté par les auteurs du texte permettrait au tribunal correctionnel de déroger au principe de la délivrance immédiate du mandat de dépôt par « une décision spécialement motivée » afin notamment de prendre en compte la personnalité de l'intéressé.
Ainsi, tandis que la délivrance du mandat de dépôt par le tribunal correctionnel doit en principe, aujourd'hui, demeurer l'exception (justifiée à ce titre par une décision spéciale et motivée), elle deviendrait la règle pour les cas de récidive visés par la proposition de loi -règle à laquelle il ne pourrait être fait exception que par décision motivée du tribunal.
Par ailleurs, contrairement à l'article 465 du code de procédure pénale mais selon la même logique retenue pour la comparution immédiate, la proposition de loi ne fixe aucune condition quant au quantum de la peine prononcée. Le mandat de dépôt pourrait donc être décerné quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement décidée par le tribunal. Serait ainsi corrigé l'effet de seuil poussant les juges à prononcer une peine d'un an pour pouvoir délivrer un mandat.
La mesure proposée par les députés appelle une double réserve.
D'abord, le principe d'un mandat de dépôt obligatoire, malgré les deux tempéraments dont il est assorti, semble porter atteinte à la fois au respect de la liberté individuelle (puisque la détention deviendrait le principe et la liberté l'exception) et à celui de la présomption d'innocence (dans la mesure où la personne n'est pas définitivement condamnée et qu'elle pourrait être relaxée si elle faisait appel).
Ensuite, il paraît regrettable de limiter le mandat de dépôt aux seuls faits de violence et de ne pas viser les autres cas de récidive, par exemple le récidiviste condamné à dix mois d'emprisonnement pour une escroquerie contre une personne vulnérable ou pour un abus de faiblesse.
En conséquence, votre commission vous propose un amendement tendant, d'une part, à ouvrir au juge la faculté de décerner un mandat de dépôt (et non à lui fixer une obligation) tout en devant motiver sa décision (la motivation étant l'état de récidive) et, d'autre part, à permettre la délivrance de ce mandat pour tous les cas de récidive .
Votre commission vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
Article 5
(art. 721 du code de
procédure pénale)
Limitation du crédit de
réduction de peine pour les récidivistes
Aux termes de l'article 721 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, tous les condamnés bénéficient d'un crédit de réduction de peine calculé sur la durée de la condamnation prononcée à hauteur de trois mois pour la première année, de deux mois pour les années suivantes et de sept jours par mois.En cas de mauvaise conduite du condamné en détention, le juge de l'application des peines, saisi par le chef d'établissement ou sur réquisitions du procureur de la République, peut décider le retrait de cette réduction de peine à hauteur de trois mois maximum par an et de sept jours par mois.
Par ailleurs, les condamnés peuvent obtenir des réductions de peine supplémentaires en raison d'efforts sérieux de réadaptation sociale (art. 721-1 du code de procédure pénale).
La mission d'information de l'Assemblée nationale relative au traitement de la récidive des infractions pénales a jugé nécessaire de réduire le crédit de réduction de peine applicable aux récidivistes. Ainsi, le présent article fixe le crédit de réduction de peine du condamné en état de récidive légale à deux mois la première année (contre trois pour le régime de droit commun), un mois pour les années suivantes (contre deux) et cinq jours par mois (contre sept). En revanche, la proposition de loi ne remet pas en cause le principe de réduction de peines supplémentaires accordées en raison des efforts de réinsertion des condamnés.
Si votre commission souscrit à l'objectif d'une répression plus sévère de la récidive, elle s'interroge cependant sur la portée de cette disposition.
En effet, il importe de souligner qu'au titre de la récidive correctionnelle, le condamné encourt un doublement de la peine pour l'infraction en cause.
En outre, la réduction de peine supplémentaire est d'ores et déjà limitée pour les condamnés en état de récidive légale (elle ne peut excéder deux mois -au lieu de trois dans le droit commun- par année d'incarcération ou quatre jours par mois -au lieu de sept- lorsque la durée d'incarcération est inférieure à une année (article 721-1 du code de procédure pénale).
Ensuite, les dispositions relatives à la libération conditionnelle sont déjà plus restrictives pour les récidivistes : ceux-ci ne peuvent bénéficier de cette mesure que s'ils ont accompli une durée d'incarcération au moins égale au double de la peine restant à subir (alors que le régime de droit commun fixe cette durée d'incarcération à la moitié de la durée de la peine restant à subir).
Par ailleurs, l'article 721 du code de procédure pénale prend actuellement en compte l'hypothèse de la réitération de l'infraction lorsqu'elle se produit après la libération du condamné au cours de la période correspondant à la réduction de peine. En effet, en cas de nouvelle condamnation à une peine privative de liberté pour un crime ou un délit, la juridiction de jugement peut alors ordonner le retrait en tout ou partie de la réduction de peine et la mise à exécution de l'emprisonnement correspondant -qui ne se confond pas avec celui résultant de la nouvelle condamnation.
Les dispositions actuelles semblent permettre un traitement plus sévère du condamné en situation de récidive. On peut également s'interroger sur l'opportunité de cette mesure au regard de l'évolution de la population pénitentiaire dont l'augmentation régulière demeure un sujet de préoccupation.
En conséquence votre commission vous propose la suppression de l'article 5.
Article 6
(art. 132-16-5
nouveau du code pénal)
Faculté pour la juridiction de jugement
de relever d'office l'état de récidive légale
Le présent article tend à consacrer dans le code pénal la faculté pour la juridiction de jugement de relever d'initiative la circonstance aggravante de récidive sans l'accord du prévenu.
Cette disposition aurait pour principal mérite de stabiliser une jurisprudence qui a, sur ce point, présenté certaines incertitudes. En effet, pendant longtemps, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que l'absence de mention de l'état de récidiviste dans l'acte de citation, l'arrêt de renvoi ou l'ordonnance du juge d'instruction n'interdisait pas aux juges du fond de l'évoquer d'office 39 ( * ) . Cependant plusieurs arrêts récents ont paru infléchir cette position et exiger que le prévenu ait accepté d'être jugé sur cette circonstance aggravante non visée dans le titre de poursuite 40 ( * ) . Or, le prévenu n'a évidemment aucun intérêt à donner un tel assentiment au regard de l'aggravation de la peine encourue.
En fait, comme l'ont confirmé des décisions récentes 41 ( * ) , le droit de relever d'office l'état de récidive demeure sous réserve, pour les juges du fond, de permettre au prévenu de s'expliquer sur cette circonstance aggravante . A défaut, la cassation se fonde non seulement sur l'absence d'indication quant aux droits de la défense mais aussi sur l'absence de mention de l'état de récidive dans l'acte de poursuite.
En effet, les droits de la défense seraient affectés si le prévenu n'était pas informé de cet élément modificatif de la peine et n'avait pas la possibilité de se défendre spécialement sur ce point. Cependant, comme l'a observé la mission d'information de l'Assemblée nationale, il résulte des délais d'inscription des jugements au casier judiciaire que l'état de récidive n'est parfois connu qu'au moment de la comparution. Il serait dès lors regrettable d'interdire au juge de le relever d'office.
Dans la mesure où elle prend désormais en compte cette double préoccupation, la jurisprudence de la Cour de cassation paraît avoir aujourd'hui atteint un point d'équilibre et il semble opportun de la fixer dans les textes.
La proposition de loi donne ainsi au juge la faculté de relever d'office l'état de récidive « même lorsqu'il n'est pas mentionné dans l'acte de poursuite ». Une double condition encadre cependant cette possibilité. La personne poursuivie doit, d'une part, en avoir été informée et, d'autre part, pouvoir faire valoir ses observations. A la suite d'un amendement présenté par M. Christophe Caresche, accepté par la commission des Lois et le Gouvernement, le prévenu doit aussi avoir été mis en mesure d'être assisté d'un avocat.
Ainsi, la disposition répond aux exigences d'un procès équitable, rappelée par la Cour de cassation sur le fondement, en particulier, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (art. 6 et 13).
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 sans modification .
* 30 D'autres textes que le code pénal prévoient également l'assimilation de certains délits au regard de la récidive. Il en est ainsi de certaines infractions en matière de chèques (art. L. 168-3 du code monétaire et financier), de certains délits concernant les armes, munitions et matériels de guerre (art. 35 du décret-loi du 18 avril 1939) ou en matière de fraude (art. L. 213-5 du code de la consommation).
* 31 Le juge ne peut procéder à des assimilations non prévues par la loi sous réserve cependant de la jurisprudence tendant à considérer comme similaires les infractions de même nature réprimées par un texte identique : ainsi au point de vue de la récidive, sont assimilées l'organisation sans déclaration préalable d'une manifestation et l'organisation d'une manifestation ayant fait l'objet d'une interdiction car ces deux infractions sont prévues par l'article 431-9 du code pénal.
* 32 Les articles de la loi du 2 mars 1943 considérant comme un même délit les infractions aux dispositions légales contre les souteneurs renvoient en effet à des textes désormais abrogés ou à une disposition -l'ancien article 334- non réactualisé en fonction de la numérotation du nouveau code pénal.
* 33 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 31 mars 1900.
* 34 Etabli par l'Observatoire national de la délinquance contre les personnes, l'« indicateur de violences physiques contre les personnes » se compose de 29 crimes et délits correspondant à trois catégories distinctes : les violences physiques crapuleuses, les violences physiques non crapuleuses et les violences sexuelles.
* 35 Voir exposé général.
* 36 Système de traitement des infractions constatées, institué par le décret n° 2001-583 du 5 juillet 2001).
* 37 La commission de réforme du code pénal après avoir envisagé de faire de la réitération une cause d'aggravation de la peine, n'avait finalement pas retenu cette idée.
* 38 Le sursis simple n'est également applicable, s'agissant des peines privatives de liberté, que pour une peine d'emprisonnement prononcée pour cinq ans au plus mais il peut aussi être appliqué contrairement au SME et sous certaines réserves, aux peines autres que privatives de liberté (amendes, jours amendes, etc...).
* 39 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 20 sept. 1888.
* 40 Chambre criminelle de la cour de cassation, 20 février 1979.
* 41 Chambre criminelle de la Cour de cassation, 18 février 2003.