II. LE PLAN DE COHÉSION SOCIALE : VERS UNE « NOUVELLE DONNE »
Sous l'impact principal des nombreuses dispositions du titre I er du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale 9 ( * ) , intitulé « Mobilisation pour l'emploi », le budget du travail pour 2005 traduit un nouvel équilibre entre l'objectif constant de mener certaines réformes de structures, et celui de préserver la « cohésion sociale ».
A. LE SOUTIEN AU TRAVAIL ET À L'INITIATIVE PRIVÉE...
Dès 2002, le gouvernement soutenu par l'actuelle majorité a donné la faveur aux créations d'emploi dans les entreprises , gage de création de richesse, de consolidation de la croissance, et, en retour, d'une diminution durable du chômage.
La part des allègements de charge s'est sensiblement accrue, tandis que les aides ont été globalement réorientées du secteur non marchand, au sein duquel elles font généralement l'objet d'une gestion contra cyclique marquant l'interventionnisme étatique, vers le secteur marchand . Par ailleurs, l'augmentation de la prime pour l'emploi, les diminutions du barème de l'impôt sur le revenu, et la forte revalorisation, programmée par la loi « Fillon » 10 ( * ) entre 2003 et 2005, du pouvoir d'achat des minima salariaux, sont de nature à soutenir la demande et à favoriser l'emploi. Mais ces mesures sont loin d'être suffisantes.
Il est à noter que l'assainissement des finances publiques attendu, à terme, de l'action du gouvernement, en particulier au travers de la diminution du nombre de fonctionnaires, devrait permettre de recouvrer ultérieurement certaines marges budgétaires (même si la politique de réduction du nombre de fonctionnaires qui se profile ne présage pas de résultats mirobolants). Celles-ci autoriseraient, en cas de détérioration de la conjoncture, une politique budgétaire énergique de soutien à l'activité (telle que celle récemment menée aux Etats-Unis), que l'état actuel des finances publiques ne permet pas, notamment au regard du pacte de stabilité et de croissance.
B. ... CONFORTÉ PAR LE PLAN DE COHÉSION SOCIALE AU TRAVERS DU CONCEPT DE « FLEX-SÉCURITÉ »
D'après l'exposé des motifs du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale 11 ( * ) , « la France doit en effet faire face à un chômage structurel et à l'exclusion qui l'accompagne ». En partant de ce constat, peu contestable, d'aucuns ont perçu un infléchissement de la politique initialement soutenue par l'actuelle majorité, qui semblait davantage inspirée par les réformes structurelles que par un traitement des « symptômes » sociaux.
Sans doute, une telle inflexion serait-elle de nature à combattre, du moins provisoirement, une certaine « décomposition sociale », qu'accentuerait probablement une déréglementation qui serait poursuivie dans une conjoncture économique encore hésitante et sans contrepartie pour les salariés.
En réalité, le ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale souhaite une « nouvelle donne » : il veut s'inspirer du modèle nordique de « flex-sécurité » , combinant un marché du travail fluidifié et une amélioration de la protection économique des individus, renvoyant dos à dos les partisans du « laisser faire, laisser passer », et ceux d'une intensification du traitement social du chômage.
D'après le plan de cohésion sociale, « la «flex-sécurité» danoise constitue une source d'inspiration privilégiée pour mettre en place des solutions novatrices, reposant sur un compromis entre une politique du marché du travail fluide et la sécurité économique des individus. Les chiffres témoignent de la réussite de ce modèle .
« Ces exemples montrent qu'il y a d'autres moyens de faire face aux mutations de l'emploi qu'un désarmement généralisé en matière de protection sociale.
« Le plan de cohésion sociale renouvelle notre conception de la politique de l'emploi. Il fonde un équilibre plus propice à la baisse du chômage de longue durée et à la création d'emploi : une prise en charge collective plus efficace des chômeurs, un marché du travail plus fluide .
« Le plan propose d'investir en faveur de la sécurisation des parcours, afin de faire du chômage une période active de préparation d'un nouvel avenir et non un temps indéterminé conduisant trop souvent à l'assistance. Par l'institution des maisons de l'emploi 12 ( * ) , fédérant tous les acteurs d'un bassin d'emploi, il remédie aux carences et pourvoit aux besoins de notre service public de l'emploi :
«
• trop grande déconnexion
entre l'analyse de l'évolution des métiers et des besoins en
ressources humaines, d'une part, l'offre de formation et l'orientation des
jeunes et des chômeurs, d'autre part ;
«
• accompagnement insuffisamment
personnalisé des demandeurs d'emploi, dialogue trop limité avec
les entreprises.
« Dans le même temps, un agenda est proposé aux partenaires du dialogue social, engagés à rechercher les moyens de renforcer la stabilité et l'accessibilité du droit du travail, de rénover nos mécanismes de protection de l'emploi, de moderniser le contrat de travail, de rendre plus payant le travail à temps partiel, d'améliorer le taux d'activité des jeunes et celui des travailleurs les plus âgés ».
Ce deuxième volet de l'action du gouvernement, plus engagé vers la fluidification du marché du travail, sera donc étroitement complémentaire du plan de cohésion sociale, et devrait permettre une pleine acclimatation de la « flex-sécurité ». A cet égard, M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, a annoncé un « rendez-vous législatif » au printemps 2005.
Les deux piliers de la
« flex-sécurité » danoise
• un
marché de l'emploi
déréglementé
conjugue liberté des
embauches et des licenciements, absence de salaire minimum et de durée
légale du travail ; un fort taux de syndicalisation joint à une
tradition de concertation entre partenaires sociaux laisse la part belle aux
conventions collectives, cantonnant les interventions
législatives ;
• une
assurance chômage
généreuse
en contrepartie d'un renforcement des
obligations des chômeurs en termes de recherche et de reprise
d'emploi.
Ce cumul d'une déréglementation du marché de l'emploi et d'un principe d'assurance chômage généreuse constitue une orientation politique qui devrait être suivie en France.
* 9 Ce projet constitue la traduction législative des principales mesures du plan de cohésion sociale présenté le 30 juin dernier par M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.
* 10 Loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.
* 11 Cf. le rapport pour avis n° 37 (2004-2005) de notre collègue Paul Girod, au nom de la commission des finances.
* 12 Cette mesure constitue pour votre rapporteur spécial une excellente initiative.