B. L'ÉVOLUTION DE LA PÉRÉQUATION DES RESSOURCES ENTRE LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le développement des mécanismes de péréquation est désormais inscrit dans la Constitution, dont le dernier alinéa de l'article 72-2 prévoit désormais que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».
La mise en oeuvre de ce principe est assurée par la réforme de l'architecture des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales, réalisée par la loi de finances initiale pour 2004, et la réforme des modalités de répartition des dotations, qui figure dans le présent projet de loi de finances pour 2005.
1. La progression de la péréquation
Le ministère de l'intérieur indique, en réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, que l'objectif de péréquation « a fait l'objet d'un effort soutenu sur la dernière décennie. Ainsi, depuis 1993, une part croissante des dotations versées par l'État aux collectivités locales est consacrée à la péréquation. Cette évolution a permis de réduire les écarts existant entre les différentes strates démographiques, mais également entre les collectivités selon leur richesse relative.
« Néanmoins, les mécanismes de péréquation mis en place depuis 10 ans ont aujourd'hui vieilli. Les critères de répartition, nombreux et complexes, ainsi que l'architecture même des dotations de péréquation ne permettent plus de poursuivre cet objectif dans de bonnes conditions.
« Le Gouvernement a par ailleurs engagé une nouvelle étape de la décentralisation qui s'articule autour d'une plus grande responsabilisation des élus. La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 garantit l'autonomie financière des collectivités locales et consacre le principe de péréquation. En effet, dans la mesure où l'accentuation de la part de la fiscalité locale peut entraîner des écarts de richesse plus importants entre les collectivités compte tenu de l'inégalité des bases en France, le développement de la péréquation doit se faire en parallèle de cette décentralisation.
« Une nouvelle étape a été franchie avec la loi de finances pour 2004 qui a réformé l'architecture des dotations et dont l'un des objectifs essentiels est le renforcement de la péréquation. Par la globalisation dans la DGF des multiples dotations existant aujourd'hui, et par l'organisation au sein de la DGF et pour chaque niveau de collectivité, d'un mécanisme assurant une alimentation pérenne et renforcée de la péréquation, la loi de finances pour 2004 s'inscrit dans la dynamique créée par la révision de la Constitution » .
Il rappelle ainsi que « l'élément central de cette nouvelle architecture consiste à assurer, pour chaque niveau de collectivités, une alimentation pérenne de la péréquation. Ceci est rendu possible grâce à une évolution annuelle de la part « forfaitaire » moins rapide que l'évolution de la masse totale de la DGF, la différence majorant chaque année les sommes consacrées à la péréquation ».
S'agissant de l'efficacité péréquatrice des dotations de l'Etat, le gouvernement indique que « Lorsque l'on procède à un classement des communes en fonction de leur richesse fiscale (c'est-à-dire de la valeur de leur potentiel fiscal au regard du potentiel fiscal moyen de la strate), il apparaît que le rapport des dotations moyennes sur la dotation moyenne nationale est inversement proportionnel à la richesse des communes, comme le montre le tableau joint :
Comparaison des écarts à la moyenne de DGF par habitant en fonction de la richesse des communes
Ecart de potentiel fiscal par rapport à la moyenne de la strate |
Dotation forfaitaire (hors CPS)* par hab. |
DSU par hab. |
DSR par hab. |
DNP par hab |
DF + DSU
|
PF inférieur à 25% du potentiel fiscal/hab moyen de la strate |
1,51 |
2,46 |
1,09 |
2,98 |
1,82 |
PF compris entre 25% et 50% du potentiel fiscal/hab moyen de la strate |
1,07 |
1,83 |
1,20 |
2,08 |
1,22 |
PF compris entre 50% et 75% du potentiel fiscal/hab moyen de la strate |
1,02 |
1,22 |
1,18 |
1,29 |
1,10 |
PF compris entre 75% et 100% du potentiel fiscal/hab moyen de la strate |
1,03 |
0,90 |
1,01 |
0,51 |
1,02 |
PF supérieur au potentiel fiscal/hab moyen de la strate |
0,94 |
0,74 |
0,70 |
0,24 |
0,87 |
*CPS : compensation de la suppression de la part salaires dans les bases de taxe professionnelle
Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales
Ce tableau montre que les communes les plus pauvres bénéficient d'une dotation forfaitaire supérieure de 51 % à la moyenne nationale, alors que les communes dont le potentiel fiscal est supérieur à la moyenne ont une dotation forfaitaire inférieure de 6 % à la dotation moyenne.
La même comparaison opérée en tenant compte de la dotation de solidarité urbaine (DSU), de la dotation de solidarité rurale (DSR) et la dotation nationale de péréquation (DNP) montre que les dotations péréquatrices augmentent les écarts constatés pour la dotation forfaitaire, soit un total de 82 % de plus que la moyenne pour les communes les plus pauvres et 13 % de moins pour les communes dont la richesse est supérieure à la moyenne.
La dotation forfaitaire contribue, elle aussi, à la réduction des écarts de richesse. Cela résulte de la péréquation opérée depuis la réforme de la DGF en 1985. Ainsi, le législateur n'a pas figé en 1994 une situation inégalitaire, mais a consolidé les corrections des écarts de ressources et de charges apportées par l'ancienne DGF. La dotation forfaitaire a donc consolidé l'avantage relatif dont pouvaient bénéficier les communes urbaines précisément du fait des charges supplémentaires que leur taille implique.
Toutefois, la différenciation entre les communes du montant des dotations par habitant en fonction de leur richesse relative résulte essentiellement de la DSU, de la DSR et de la DNP, et plus particulièrement de cette dernière, pour laquelle l'éligibilité dépend en partie de la faiblesse du potentiel fiscal
Plus la commune est pauvre, plus le montant de ses dotations par habitant est élevé et plus la part de la DNP, de la DSU et de la DSR est importante dans les concours financiers de l'État. Ainsi cette part atteint :
- 27,18 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à 25 % du potentiel fiscal moyen par habitant de la strate ;
- 23,68 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est compris entre 25 et 50 % du potentiel fiscal moyen par habitant de la strate :
- 18,80 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est compris entre 50 et 75 % du potentiel fiscal moyen par habitant de la strate ;
- 11,76 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est compris entre 75 et 100 % du potentiel fiscal moyen par habitant de la strate ;
- 7,58 % pour les communes dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur au potentiel fiscal moyen par habitant de la strate.
Le rapport publié en janvier 2002 par le Commissariat Général du Plan, et réalisé par MM. Gilbert et Guengant, qui consiste à mesurer, grâce à une étude économétrique, la réduction des écarts de richesse rendue possible par les dotations de l'Etat, a été actualisée en 2004 7 ( * ) pour la période 1998-2001, et son champ d'investigation a été étendu aux départements et aux régions. Selon cette étude, « en 2001, la péréquation corrige 40 % des inégalités de pouvoir d'achat entre communes, 51 % entre départements et 54 % entre régions . (...) Le taux de correction des inégalités progresse systématiquement dans le temps. De 1994 à 2001, la péréquation communale gagne 6% en niveau, la péréquation départementale 8 % et la péréquation régionale 19 % ».
Les travaux du Commissariat général du Plan montrent que les réformes intervenues dans le domaine de la péréquation ont permis un accroissement sensible de l'efficacité des dispositifs. L'étude souligne en particulier l'augmentation de l'efficacité de la dotation d'intercommunalité dans la réduction des inégalités.
* 7 Guy Gilbert et Alain Guengant « Evaluation des effets péréquateurs des concours de l'Etat aux collectivités locales », rapport du commissariat général du plan, 2004.