B. UNE MISE EN oeUVRE ENCORE PARTIELLE
1. Un contexte favorable à l'extension des compétences des juges de proximité : des premiers recrutements encourageants
La réforme de la justice de proximité est entrée en vigueur le 15 septembre 2003.
Le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 a calqué le siège et le ressort des juridictions de proximité sur ceux des tribunaux d'instance .
Au nombre de 27, la première promotion de juges de proximité a été nommée par le Conseil supérieur de la magistrature en juillet 2003 et installée en septembre 2003. A ce jour, on dénombre 172 juges en exercice issus de cinq promotions et affectés dans 145 juridictions de proximité situées dans le ressort de 29 cours d'appel. Selon l'objectif du ministère de la justice, cet effectif devrait s'établir à 300 d'ici la fin de l'année. Afin d'accélérer le traitement des candidatures, le ministère de la justice a mis en place une mission spécialement chargée du recrutement de ces juges.
Comme l'a indiqué M. Michel Lernout, chef de cette mission, lors de son audition par votre commission 8 ( * ) , le profil type d'un juge de proximité diffère sensiblement selon qu'il s'agit d'un homme (55 % des effectifs) - âgé en moyenne de 58 ans, souvent retraité, ou exerçant une profession juridique - ou d'une femme - âgée de 47 ans en moyenne, très diplômée et ayant parfois cessé son activité professionnelle pour élever ses enfants.
La profession de juriste d'entreprise est majoritairement représentée (48 %). De nombreux juges de proximité sont également recrutés parmi les membres des professions libérales juridiques (35 %), notamment les avocats (plus de 30 %). Sont minoritaires les anciens magistrats (5 %), les conciliateurs de justice (3 %) ou encore les anciens fonctionnaires des services judiciaires (1,2 %). Selon M. Michel Lernout, les candidats justifiant d'une expérience professionnelle de vingt-cinq années dans des fonctions d'encadrement et de responsabilité semblent avoir des difficultés à accéder aux fonctions de juge de proximité. Votre rapporteur note avec satisfaction que 7 % d'entre eux ont néanmoins bénéficié de cette voie d'entrée 9 ( * ) .
Le Conseil supérieur de la magistrature a opéré un contrôle rigoureux sur les critères de sélection des juges de proximité . Sur les 687 candidatures qui lui ont été soumises, il a rendu 50 % d'avis conformes, 41 % d'avis conformes sous réserve de l'accomplissement du stage probatoire et 9 % d'avis négatifs. M. Michel Lernout a indiqué à votre commission que le CSM veillait tout particulièrement à recruter des candidats ayant fait la preuve de leur capacité à appliquer le droit et à mener les débats à l'audience. Cette exigence explique en partie un rythme de recrutement moins rapide que celui annoncé dans la loi quinquennale du 9 septembre 2002, laquelle prévoyait l'installation de près de 3.300 juges en cinq ans 10 ( * ) .
En dépit de la forte opposition de principe à la création d'un nouvel ordre de juridiction composé de non professionnels exprimée par les organisations représentatives des magistrats professionnels et des fonctionnaires des greffes, une enquête effectuée auprès de cent juges de proximité par la mission chargée de leur recrutement a fait ressortir que 85 % affirmaient avoir été bien accueillis au cours de leur stage en juridiction. Mme Isabelle Guénézan, présidente de l'Association nationale des juges de proximité, a confirmé que les juges de proximité entretenaient de bonnes relations avec les magistrats professionnels. En outre, le taux de validation des stages probatoires, qui s'élève à 70 %, atteste de la reconnaissance par les magistrats évaluateurs des aptitudes juridiques des juges de proximité.
Au cours de son audition par votre commission, Mme Laurence Pécaut-Révolier, présidente de l'Association nationale des juges d'instance a signalé plusieurs incidents lors des audiences pénales tenues par les juges de proximité, imputant ces dysfonctionnements à leur formation trop brève. Toutefois, Mme Isabelle Guénézan, présidente de l'Association nationale des juges de proximité a exprimé un avis plus nuancé, indiquant qu'à sa connaissance aucun juge de proximité n'avait commis d'erreur grossière dans l'exercice de ses fonctions, et que les évènements relevés par les organisations représentatives de magistrats professionnels n'étaient sans doute pas plus nombreux que ceux survenant lors d'audiences tenues par des juges d'instance.
Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de loi ont considéré « que cette valeur professionnelle des juges de proximité autorise aujourd'hui une extension de leurs compétences, qui s'inscrit dans une réforme plus globale des compétences de la justice civile comme de la justice pénale ».
* 8 Voir Bulletin des commissions n° 5 - Sénat - Auditions du 3 novembre 2003, p. 1021 à 1051.
* 9 Il s'agit surtout de fonctionnaires de police et de militaires de la gendarmerie retraités.
* 10 Représentant l'équivalent de 330 emplois temps plein.