TITRE III
DISPOSITIONS MODIFIANT LE CODE DE PROCÉDURE
PÉNALE
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS
ÉTENDANT LA COMPÉTENCE DE LA JURIDICATION DE PROXIMITÉ
POUR LE JUGEMENT DES CONTRAVENTIONS
Article 10
(art. 521, 522-1 et 522-2 nouveaux, 523, 523-1
nouveau, 706-72 du code de procédure
pénale)
Compétence de la juridiction de
proximité
en matière contraventionnelle - Coordinations
Le présent article a pour objet de clarifier la répartition des compétences contraventionnelles entre les juridictions de proximité et les tribunaux d'instance et de déplacer les règles régissant les juridictions de proximité statuant en matière pénale regroupées à l'article 706-72 pour les faire figurer sous des articles distincts.
? Le droit en vigueur
Les compétences en matière pénale de la juridiction de proximité sont définies à l'article 706-72 figurant dans le titre XXIV intitulé « dispositions relatives à la juridiction de proximité » du livre quatrième du code de procédure pénale relatif aux procédures particulières. Ces dispositions résultent de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice.
Plutôt que de modifier l'ensemble des dispositions de ce code concernées par la mise en place de ces juridictions nouvelles, le législateur a préféré créer un article unique -l'article 706-72- qui opère de nombreux renvois à la procédure applicable devant les tribunaux de police et se borne à mentionner les règles spécifiques à la juridiction de proximité.
- Le premier alinéa de l'article 706-72 énonce les attributions de la juridiction de proximité en matière pénale tout en renvoyant s'agissant de la procédure applicable aux règles devant le tribunal de police (articles 521 à 549).
Cette juridiction est compétente pour statuer sur certaines infractions en matière contraventionnelle 41 ( * ) - y compris les contraventions de la cinquième classe 42 ( * ) . Jusqu'en 2002, ces infractions relevaient exclusivement de la compétence des tribunaux de police.
Comme le souligne la circulaire du 12 septembre 2003 portant instructions relatives au fonctionnement des juridictions de proximité, le tribunal de police dispose d'une compétence de droit commun en la matière, le tribunal de proximité « d'une compétence d'attribution ».
Un ensemble d'infractions très variées relève de la juridiction de proximité. En dehors du bloc des infractions des quatre premières classes figurant dans le code de la route, la compétence de la juridiction de proximité se limite à une liste limitative pour les autres contraventions . L'article R. 53-40 du code de procédure pénale en dresse la liste. Sont visées de multiples infractions réprimées :
- soit par le code pénal . Parmi plus significatives, on peut citer les infractions contre les personnes (violences ayant entraîné une incapacité de travailler d'une durée inférieure ou égale à huit jours, divagation d'animaux dangereux, menaces de violences), les infractions à l'encontre des biens (menaces de destruction, abandon d'épaves de véhicules), les infractions contre l'Etat (abandon d'armes ou encore l'intrusion dans les établissements scolaires), ainsi que certaines infractions sur les animaux (mauvais traitement, atteinte involontaire à la vie ou à l'intégrité d'un animal) ;
- soit par le code de la route ;
- soit par le code de la santé publique notamment les infractions relatives à la lutte contre les bruits de voisinage, à l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif ou encore à l'ivresse publique ;
- soit par le code forestier notamment les infractions en matière de protection des bois et forêts ;
- soit par le code rural , par exemple en matière de lutte contre la rage ou de détention de chiens dangereux.
Cette énumération a été récemment étendue par le décret n° 2004-1021 du 27 septembre 2004 relatif au stage de citoyenneté, à la composition pénale, aux sûretés prononcées dans le cadre d'un contrôle judiciaire et à la juridiction de proximité. Ainsi, entreront dans la compétence des juridictions de proximité à compter du 1 er janvier 2005 le jugement des contraventions forfaitisées , notamment en matière de transport et de circulation pour défaut d'assurance, en matière d'émissions polluantes, en cas d'utilisation des animaux dans les spectacles publics et les jeux, ou encore de violation d'un arrêté de police 43 ( * ) .
En revanche, les attributions de la juridiction de proximité ne visent que des infractions commises par des personnes physiques. Comme l'indique la circulaire précitée du 12 septembre 2003, « en cas de poursuites concernant une personne morale, pour les contraventions pour lesquelles la responsabilité pénale de celle-ci est prévue (par exemple celles prévues par l'article R. 622-1 du code pénal relatif aux atteintes involontaires à l'intégrité de la personne n'ayant entraîné aucune incapacité de travail ou l'article R. 624-2 de ce code relatif à la diffusion de messages contraires à la décence), la juridiction de proximité n'est pas compétente. »
- Le deuxième alinéa de l'article 706-72 fixe la compétence facultative de la juridiction de proximité pour valider les mesures de composition pénale prévues aux articles 41-2 (qui concerne les délits) et 41-3 (relatif aux contraventions) 44 ( * ) .
- Le troisième alinéa de l'article 706-72 définit la composition du ministère public près la juridiction de proximité . A l'instar du tribunal de police, les fonctions du ministère public sont exercées par un officier du ministère public dans les conditions prévues par les articles 45 et suivants du code de procédure pénale 45 ( * ) .
- L'avant-dernier alinéa de l'article 706-72 définit la compétence territoriale des juridictions de proximité en matière pénale afin de tenir compte de l'organisation judiciaire particulière à Paris .
Par dérogation au principe selon lequel le tribunal d'instance est compétent la fois en matière civile et en matière pénale sous la dénomination de tribunal de police, l'article L. 623-2 du code de l'organisation judiciaire prévoit la possibilité d'instituer un tribunal d'instance à compétence exclusive en matière pénale distinct du tribunal d'instance proprement dit. Ainsi, à Paris , il est établi un tribunal de police dont le ressort territorial englobe celui des vingt tribunaux d'instance d'arrondissement compétents en matière civile uniquement .
Lors de la création des juridictions de proximité en 2002, le législateur n'avait pas pris en compte cette particularité, ce qui aurait impliqué de créer vingt juridictions de proximité à Paris pour juger une partie du contentieux pénal relevant jusqu'alors d'un seul tribunal de police. Afin d'éviter une dispersion du contentieux, il est apparu indispensable de compléter le dispositif initial. Adoptée dans la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière 46 ( * ) , une disposition destinée à calquer les règles de compétence territoriale en matière pénale des juridictions de proximité sur celles applicables aux tribunaux de police a permis de préserver la spécificité de l'organisation parisienne .
- Ajouté par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 47 ( * ) , le dernier alinéa de l'article 706-72 détermine la procédure applicable en cas d'incompétence de la juridiction saisie .
Lorsque la juridiction de proximité est saisie d'une affaire relevant du tribunal de police, elle doit automatiquement la renvoyer devant le tribunal compétent. Une règle identique est prévue lorsque le tribunal de police est saisi à tort d'une affaire relevant de la juridiction de proximité.
? Les modifications prévues par la proposition de loi
La présente proposition de loi ne bouleverse pas fondamentalement le droit en vigueur . Elle se borne à introduire une plus grande clarté dans la répartition des compétences entre le tribunal de police et la juridiction de proximité et à déplacer les règles régissant cette dernière pour les faire figurer parmi les dispositions relatives aux juridictions de jugement.
- La répartition des compétences en matière contraventionnelle clarifiée
Le présent article prévoit d'attribuer des blocs de compétences distincts et clairement identifiés à la juridiction de proximité et au tribunal de police .
Le jugement des contraventions des quatre premières classes relèverait de la juridiction de proximité, tandis que le tribunal de police serait exclusivement compétent pour traiter des contraventions de la cinquième classe.
Ainsi que l'a fait valoir à votre commission, M. Michel Lernout, chef de la mission chargée du recrutement des juges de proximité, cette clarification permettra d'éviter que les substituts du procureur de la République se déplacent devant la juridiction de proximité pour quelques affaires relatives à des contraventions de la cinquième classe.
Une exception à ce principe serait toutefois prévue, certaines contraventions des quatre premières classes - dont la liste est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat - pouvant relever des tribunaux de police. Pourraient être concernées par cette dérogation les contraventions en matière de presse notamment la diffamation et les injures non publiques (articles R. 621-1 et R. 621-2 du code pénal) 48 ( * ) ou encore la diffamation et les injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire (articles R. 624-3 et 624-4 du code pénale) 49 ( * ) .
Ainsi, le tribunal de police deviendrait le tribunal d'exception et la juridiction de proximité le véritable juge des quatre premières classes de contraventions.
En revanche, l'évolution proposée se traduirait par la suppression de la compétence des juridictions de proximité pour les contraventions de la cinquième classe .
Liste des contraventions de la cinquième classe retirées de la compétence des juridictions de proximité
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COMPÉTENCES RETIRÉES À LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ ET TRANSFÉRÉES AUX TRIBUNAUX DE POLICE |
CODE PÉNAL |
- Violences ayant entraîné une incapacité
totale de travail d'une durée inférieur ou égale à
8 jours
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CODE FORESTIER |
- Détention de véhicules, bestiaux, animaux de charge ou de monture trouvés dans les forêts, hors des routes et chemins |
CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE |
- Fait de ne pas mettre en place la signalisation prévue |
DIVERS |
- Fait de réserver aux fumeurs des emplacements non
conformes
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- Les modifications de pure forme opérées par la proposition de loi
L'article 706-72 serait abrogé. En conséquence, son contenu serait déplacé dans divers articles du code de procédure pénale.
Les règles de compétence de la juridiction de proximité énoncées au premier alinéa de l'article 706-72 seraient reproduites, sous réserve des modifications présentées ci-dessus, à l'article 521 du code de procédure pénale, relatif aux règles de jugement des contraventions. Actuellement, cet article confie au seul tribunal de police le jugement des contraventions.
Le deuxième alinéa de l'article 706-72 relatif à la validation des mesures de composition pénale serait déplacé aux articles 41-2 et 41-3 du code de procédure pénale aux termes de l'article 11 de la proposition de loi.
Le troisième alinéa de l'article 706-72 relatif à la composition du ministère public près la juridiction de proximité deviendrait l' article 523-1 du code de procédure pénale.
L'avant-dernier et le dernier alinéas de l'article 706-72 deviendraient respectivement les article 522-1 et 522-2 du code de procédure pénale.
? La position de votre commission
En abrogeant l'article 706-72 dont le contenu serait intégré au sein des règles de jugement des contraventions, le présent article propose une démarche différente de celle adoptée par le législateur en 2002 . Les auteurs de la proposition de loi ont souhaité, à juste titre, mettre en évidence le rôle de la juridiction de proximité en matière pénale , afin de marquer de manière symbolique que ce nouvel ordre de juridiction devait être placé sur un pied d'égalité avec les autres juridictions répressives. Au surplus, cette initiative présente l'avantage d'introduire une plus grande clarté dans l'énoncé des règles applicables à la juridiction de proximité.
Aux termes de ces modifications, les juridictions de proximité traiteront d'un volume de contraventions supérieur aux tribunaux de police. Cette évolution constitue un moyen de décharger utilement les tribunaux d'instance d'un contentieux de masse répétitif. Une grande partie des magistrats professionnels le concède bien volontiers.
En outre, ce dispositif respecte les principes énoncés par le Conseil constitutionnel dans sa décision précitée du 29 août 2002, dans la mesure où les contraventions ne donnent pas lieu à des peines d'emprisonnement.
Dans ces conditions, le présent article mérite d'être approuvé.
Dans ses conclusions, votre commission vous propose de reprendre l'article 10 qui devient l'article 7 sous réserve de modifications tendant à améliorer la clarté du dispositif.
* 41 Qui comprend toutes les infractions punies d'une peine d'amende n'excédant pas 3.000 euros.
* 42 Sauf pour les mineurs, pour lesquels le tribunal pour enfants est compétent.
* 43 Notamment dans le cas d'un arrêté municipal interdisant un animal non malfaisant.
* 44 Ces dispositions sont modifiées par l'article 11 de la proposition de loi.
* 45 Le procureur de la République occupe le siège du ministère public aux audiences de jugement des contraventions de la cinquième classe uniquement, tandis que pour les contraventions des quatre premières classes, ce peut être un officier du ministère public (le plus souvent un commissaire de police).
* 46 Article 8, paragraphe IX
* 47 Article 144
* 48 Il s'agit de contraventions de la première classe.
* 49 Il s'agit de contraventions de la quatrième classe.