Rapport n° 57 (2004-2005) de M. Dominique LECLERC , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 novembre 2004

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N° 57

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 2004

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Dominique LECLERC,

Sénateur.

Tome III : Assurance vieillesse

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Henri d'Attilio, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Claude Bertaud, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontes, M. Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Étienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Christiane Kammermann, M. André Lardeux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Jackie Pierre, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 e législ . ) : 1830 , 1876, 1877 et T.A. 341

Sénat : 53 et 58 (2004-2005)

Sécurité sociale.

AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Outre l'examen des mesures qu'il propose, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 fournit tout naturellement l'occasion de dresser un premier bilan de la réforme des retraites, un an après le vote de la loi du 21 août 2003, de mesurer les premiers effets des changements qui ont été introduits et d'ouvrir d'ores et déjà la réflexion sur les prochaines étapes de l'adaptation de notre système de retraite aux réalités contemporaines.

Il était temps, en effet, après une décennie de rapports d'information et de reports successifs de la réforme, que notre pays cesse de se singulariser, parmi les pays industrialisés, par son immobilisme en la matière.

Une deuxième réforme a été entreprise au cours de l'année écoulée : celle du financement du régime de retraite des industries électriques et gazières, les IEG 1 ( * ) qui trouve sa traduction dans le présente texte.

Faire le point de ces deux réformes essentielles permettra d'approfondir le débat public et de sensibiliser davantage encore l'opinion publique aux questions de l'avenir des retraites.

Loin d'être une réforme unique et figée, la loi du 21 août 2003 ne constitue que la première étape d'une série, destinée à conduire un processus permanent d'adaptation et de pilotage à long terme du régime d'assurance vieillesse. Elle doit aller au delà du « constat partagé » afin de sauvegarder et d'améliorer un système de retraite qui demeure l'un des socles de notre pacte social.

I. UN PREMIER BILAN ENCOURAGEANT DE LA RÉFORME DES RETRAITES

Un peu plus d'un an après son adoption, la loi du 21 août 2003 a permis d'amorcer les changements structurels susceptibles de préserver l'avenir de l'assurance vieillesse sur le plan financier. Mais dans l'immédiat, les mesures généreuses que comporte aussi la réforme présentent un impact significatif sur les comptes de la branche vieillesse.

Repoussée dans le temps jusqu'aux limites du possible, cette réforme apparaissait d'autant plus urgente que le « choc démographique », que l'on annonçait imminent ces dernières années, a déjà commencé à faire sentir ses effets.

A. L'ANTICIPATION DU CHOC DÉMOGRAPHIQUE

Le processus de vieillissement de la population française, qui se poursuit depuis le milieu des années 1960, est sur le point de provoquer une inversion des chiffres de la croissance de la population active. Selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), dès la fin de l'actuelle décennie, les départs massifs en retraite des générations d'après-guerre l'emporteront largement sur l'entrée dans la vie active des « classes creuses » nées dans les années 1980.

1. Une lointaine conséquence du baby-boom d'après-guerre

L'allongement de l'espérance de vie a pour conséquence d'accroître chaque année la part relative des personnes âgées au sein de la population totale. A partir de 2006, cette tendance va s'accentuer en raison de l'arrivée progressive à l'âge de la retraite des trente classes d'âges nombreuses du « baby-boom » (1946-1974).

En 2050, selon les différents scénarii retenus, la France métropolitaine compterait entre 58 et 70 millions d'habitants. Le tiers de sa population (22 millions de personnes) serait alors âgé de plus de soixante ans, contre un cinquième en 2000 (12,1 millions de personnes).

Ce vieillissement remet en cause l'équilibre et la pérennité même du régime de retraite par répartition, en raison de la déformation de la structure de la pyramide des âges comme l'illustre le graphique suivant qui projette, à l'échéance 2050, la composition par tranches d'âge, de la population française actuelle.

Source : INED - revue population et sociétés (n° 383 d'octobre 2002).

2. Le régime général et les régimes alignés à la veille de l'échéance de 2006

Jusqu'ici, ce sont les classes creuses de la seconde guerre mondiale qui alimentent les effectifs de retraités du régime général et des régimes alignés. Au cours des dernières années, moins de 600.000 personnes ont procédé à la liquidation de leur pension chaque année. Mais, à compter de 2006, le flux des personnes atteignant soixante ans augmentera chaque année pour se stabiliser, vers 2008, autour de 800.000 personnes par an.

Si, pour le régime général, l'âge moyen de liquidation de la pension des assurés sociaux s'établit à soixante ans, celui de la cessation d'activité intervient deux ans plus tôt, à cinquante-huit ans, en raison de l'importance des dispositifs de préretraite et de dispense de recherche d'activité. Les personnes nées en 1946 quitteront donc majoritairement le monde du travail dès 2004/2005. La Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) n'est pas encore directement concernée, dans la mesure où elle ne les a pas encore effectivement pris en charge, mais le retournement de tendance est déjà perceptible.

Par ailleurs, le nouveau dispositif dit des « carrières longues » devrait accentuer encore l'impact de ce choc démographique, dans la mesure où il rend désormais possible la retraite anticipée avant soixante ans pour les salariés ayant commencé à travailler tôt (entre cinquante-six et cinquante-neuf ans, selon les cas).

3. Les fonctions publiques déjà concernées

Pour les trois fonctions publiques, le choc démographique a déjà commencé. Les fonctionnaires bénéficient en effet, encore aujourd'hui, de règles beaucoup plus favorables que celles des assurés sociaux du régime général et des régimes alignés en matière d'ouverture des droits à pension avant soixante ans.

Sur la base des données les plus récentes relatives aux flux de départs de l'année 2003, le rapport sur les rémunérations de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2005, note ainsi que l'âge moyen de liquidation de la pension est intervenu :

- à cinquante-sept ans et trois mois pour les fonctionnaires civils de l'État ;

- à quarante-quatre ans et onze mois pour les militaires ;

- à cinquante-sept ans et sept mois pour les fonctionnaires territoriaux ;

- et à cinquante-quatre ans et cinq mois pour les fonctionnaires hospitaliers (dont cinquante-trois ans et onze mois pour les seules femmes).

Les départs en retraite concernent donc d'ores et déjà les personnes appartenant aux nombreuses classes d'âge 1946, 1947, 1948 voire 1949. Ceci explique que le rythme d'accroissement, dans le budget de l'État, des charges des pensions civiles et militaires ait plus que doublé au cours des dernières années : + 700 millions d'euros par an en 2002/2003, + 1,7 milliard d'euros en 2004 et 2005.

B. L'AMORCE DE PROFONDS CHANGEMENTS STRUCTURELS

Grâce à la mobilisation des services de l'État et aux efforts déployés par les personnels des services des caisses de retraite, la réforme des retraites est une réalité et l'ensemble de ses dispositions essentielles est applicable.

Quatre réformes structurelles majeures ont ainsi été entreprises : la première refonte globale depuis 1964 du code des pensions civiles et militaires de la fonction publique, le développement de l'épargne retraite, l'accord du 13 novembre 2003 sur les régimes complémentaires AGIRC et ARRCO et la suppression du dispositif de « surcompensation » entre les régimes spéciaux de retraite.


Mise en oeuvre effective de la réforme
des retraites au 1 er novembre 2004 : état de la publication des mesures réglementaires d'application

La loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites apparaît très largement applicable, notamment dans ses dispositions essentielles, à la date du 1 er novembre 2004. Ce texte de 116 articles requerrait l'intervention de nombreuses mesures d'application : il comporte 123 renvois à des mesures réglementaires, cinq références à des rapports, un renvoi à la loi de finances pour 2004, ainsi que l'intervention des partenaires sociaux pour l'application de plusieurs articles importants.

Au total, depuis le 28 octobre 2003, quarante-quatre décrets ont été publiés. On peut estimer qu'à la date du 1 er novembre 2004, plus de 85 % des mesures réglementaires d'application avaient déjà été publiées et les autres seraient en passe de l'être d'ici à la fin de l'année 2004. Le titre III, consacré à la fonction publique, est celui présentant la situation la plus favorable : à l'exception de l'article 77 relatif à la mise en oeuvre de la mobilité professionnelle chez les enseignants, il est intégralement applicable. Les autres articles pour lesquels les mesures d'application manquent encore traitent de la commission de compensation (article 7), la mise en oeuvre du droit à l'information des assurés sociaux (article 10), les modalités de cumul emploi-retraite (articles 64 et 90), le congé de solidarité familiale (article 38), le régime de retraite des avocats (article 97), l'information statistique sur l'épargne retraite (article 114) et l'évolution des institutions de gestion de retraite supplémentaire (article 116).

En conclusion, outre les cinquante-huit articles d'application directe, quarante articles sont désormais totalement applicables, douze autres partiellement applicables et seuls six articles demeurent inapplicables.

1. La réforme du code des pensions civiles et militaires de retraite des fonctionnaires

Le titre III de la loi du 21 août 2003, complété par les décrets n os 2003-1305 et 2003-1306 du 26 décembre 2003, constitue la première modification majeure du code des pensions civiles et militaires de retraite depuis 1964 et opère une véritable refonte du régime des retraites des fonctionnaires :

- la création d'un dispositif autorisant le rachat des années d'études dans les régimes de la fonction publique ;

- la faculté donnée aux fonctionnaires travaillant à temps partiel de cotiser pour leur retraite sur la base d'un équivalent temps plein ;

- la modification partielle du système des bonifications de pensions ;

- la création d'une majoration de la durée d'assurance de deux trimestres au bénéfice des femmes fonctionnaires ayant accouché après le 1 er janvier 2004 ;

- la refonte des règles de liquidation de pension ;

- l'alignement sur le régime général des modalités de revalorisation des pensions des fonctionnaires.

- le changement du régime du cumul emploi-retraite des fonctionnaires ;

- l'augmentation du nombre de quotités différentes de travail à temps partiel pouvant être accordées aux fonctionnaires lors de la prise de congé parental ;

- la modification des modalités de la cessation anticipée d'activité ;

- la création d'un régime public de retraite additionnel obligatoire ;

-  la majoration de la durée d'assurance pour les fonctionnaires hospitaliers classés en catégorie active.

2. Le succès du lancement de l'épargne retraite

Jusqu'au vote de la loi portant réforme des retraites, l'épargne retraite était demeurée en France limitée. S'il existait déjà certains produits financiers spécifiques dédiés à ce mode particulier d'épargne, ils n'étaient accessibles qu'à une partie seulement de la population.

La loi du 21 août 2003 a posé le principe du droit, pour toute personne, d'accéder à l'épargne retraite pour compléter sa pension. Deux dispositifs nouveaux le lui permettent : le Plan d'épargne retraite populaire (PERP) et le Plan d'épargne retraite collectif (PERCO). Le régime fiscal des cotisations versées pour la retraite a été déterminé par l'article 82 de la loi de finances pour 2004.

Pour chaque membre du foyer fiscal, les cotisations ou primes versées au PERP sont déductibles du revenu net global dans la limite d'un plafond égal à 10 % du revenu professionnel de l'année précédente, net des cotisations sociales et des frais (déduction forfaitaire de 10 % ou frais réels), mais avant abattement de 20 %. Ces revenus ne sont pris en compte que dans la limite de huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale (soit une déduction maximum de 23.770 euros pour 2004). Ou, si cette formule est plus avantageuse, les versements sont déductibles dans la limite de 10 % du plafond annuel de la sécurité sociale.

Comme il s'agit d'une enveloppe de déduction globale, les sommes versées l'année précédente par l'intéressé à d'autres systèmes d'épargne retraite (régime Madelin pour les non-salariés, contrat Préfon pour les fonctionnaires, contrats collectifs et abondement de l'employeur au PERCO) doivent être retranchées du plafond de déduction applicable.

Le lancement du PERP a connu un large succès. A la fin du mois d'août 2004, quelques semaines seulement après la publication des mesures réglementaires d'application, plus de 600.000 PERP avaient été ouverts, soit plus que la totalité des contrats « Madelin » en dix ans. Le profil des souscripteurs est celui de personnes jeunes, trente-six ans en moyenne.

Le PERP constitue donc un mécanisme attractif et dont le développement semble démentir la soi-disant traditionnelle aversion des Français pour les placements sous forme de rente.

3. L'accord relatif aux retraites complémentaires

Au titre de la mise en oeuvre de la réforme des retraites, un accord est intervenu le 13 novembre 2003 entre les partenaires sociaux portant sur les retraites complémentaires AGIRC et ARRCO. Il a procédé aux adaptations nécessaires pour autoriser l'application ou l'entrée en vigueur du dispositif des « carrières longues » et la possibilité de rachat des années d'études. Il prolonge également le mécanisme de l'Association pour la gestion du fonds de financement de l'AGIRC et de l'ARRCO (AGFF), dont l'objet consiste à assurer la prise en charge des départs en retraite avant l'âge de soixante-cinq ans. Il prévoit enfin l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle avant le 31 décembre 2008, sur les modalités de son intégration dans l'AGIRC et l'ARRCO.

Le succès de ce processus paritaire, commencé en 1993, a permis aux partenaires sociaux d'assainir la situation des régimes complémentaires. Leurs paramètres de financement sont fixés pour la période 2004 à 2008. La valeur de service du point évoluera en fonction de l'indice des prix hors tabac, tandis que les cotisations salariales et patronales à l'AGIRC seront relevées sur la période de respectivement 0,36 et 0,18 point.

Il convient en effet de rappeler qu'après huit années consécutives de déficit entre 1992 et 1999, l'AGIRC et l'ARRCO ont retrouvé une situation positive depuis l'année 2000 grâce à l'amélioration de la situation de l'emploi et aux mesures courageuses de redressement prises depuis 1993 par les partenaires sociaux, dont l'acquis a été préservé.

Malgré le retournement de la conjoncture économique, les résultats de l'AGIRC et l'ARRCO sont restés positifs et devraient le demeurer jusque vers 2015. Au-delà de cette date, les effets des départs en retraite massifs des « baby-boomers » l'emporteront sur les économies produites par les réformes de 1993 et 1996.

ARRCO - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en milliards d'euros)

 

2002

%

2003

%

2004

%

2005

%

Cotisants vieillesse

17.600.000

0,4

17.740.000

0,8

17.740.000

0,0

18.130.000

2,2

Bénéficiaires vieillesse

10.133.317

1,0

10.359.076

2,2

10.592.919

2,3

10.832.094

2,3

Vieillesse droit direct

7.232.517

1,0

7.404.265

2,4

7.581.967

2,4

7.763.934

2,4

Vieillesse droit dérivé

2.900.800

1,1

2.954.811

1,9

3.010.952

1,9

3.068.160

1,9

Produits

35,93

-

39,63

10,3

39,93

0,8

41,52

4,0

dont cotisations

27,37

-

28,27

3,3

29,04

2,7

30,25

4,2

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

76,1 %

 

71,3 %

 

72,7 %

 

72,9 %

 

Charges

33,03

17,1

34,19

3,4

36,14

5,8

37,68

4,3

dont prestations

28,51

3,2

29,4

4,3

31,58

6,2

32,91

4,2

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

86,3 %

 

87,1%

 

87,4 %

 

87,3 %

 

Résultat net

2,90

 

5,48

 

3,80

 

3,84

 

Source : CCSS - Septembre 2004

AGIRC - Données générales

(effectifs au 1 er juillet et montants en milliards d'euros)

 

2002

2003

%

2004

%

2005

%

Cotisants vieillesse

3.489.488

3.538.971

1,4

3.595.595

1,6

3.667.507

2,0

Bénéficiaires vieillesse

1.872.285

1.926.331

2,9

1.981.744

2,9

2.038.812

2,9

Vieillesse droit direct

1.402.028

1.447.094

3,2

1.493.401

3,2

1.541.190

3,2

Vieillesse droit dérivé

470.257

479.237

1,9

488.343

1,9

497.622

1,9

Produits

16,80

18,02

7,3

18,27

1,4

18,83

3,1

dont cotisations

12,91

13,04

1,0

13,33

2,2

13,68

2,6

Poids des cotisations dans l'ensemble des produits

76,9 %

72,4 %

 

73,0 %

 

72,6 %

 

Charges

15,87

16,59

4,5

17,43

5,1

18,21

4,5

dont prestations

14,87

15,51

4,3

16,26

4,8

17,00

4,6

Poids des prestations dans l'ensemble des charges

93,7 %

93,5 %

 

93,2 %

 

93,3 %

 

Résultat net

0,93

1,44

 

0,84

 

0,62

 

Source : CCSS - Septembre 2004

4. La suppression de la surcompensation

La surcompensation ou compensation spécifique désigne un mécanisme financier créé en 1985 afin d'assurer des transferts de ressources entre les régimes spéciaux et de prendre ainsi en compte les disparités démographiques qui les affectent.

L'article 9 de la loi portant réforme des retraites en a prévu l'extinction progressive sur huit ans, d'ici au 1 er janvier 2012, par la diminution progressive des montants transférés. En conséquence, le décret du 29 octobre 2003 a programmé, sur trois exercices successifs, une diminution de trois points du taux d'application de cette compensation : de 30 % en 2002, le taux passe ainsi à 27 % en 2003, 24 % en 2004 et 21 % en 2005.

Les régimes contributeurs versent moins, et les régimes bénéficiaires, reçoivent moins. Parmi ces régimes, certains perçoivent des subventions d'équilibre de l'État (ouvriers de l'État, mines, SNCF, marins, SEITA) : la baisse des transferts de compensation spécifique se traduit donc, pour l'État, par une augmentation de la subvention à verser de 158 millions d'euros en 2003.

Montants de la surcompensation

(en millions d'euros)

Régimes contributeurs

2001

2002

2003

2004

2005

Fonctionnaires civils

1.504

1.471

1.197

977

787

CNRACL

1.268

1.368

1.377

1.294

1.164

IEG

62

56

42

27

24

RATP

 
 
 

3

2

Total

2 834

2.895

2.616

2.301

1977

Régimes bénéficiaires

2001

2002

2003

2004

2005

Fonctionnaires militaires

489

584

519

430

354

FSPOEIE (ouvriers d'État)

189

182

169

152

136

CANSSM (mines)

1.238

1.233

1.117

996

856

SNCF

498

481

430

381

327

RATP

7

2

 
 
 

ENIM (marins)

270

272

256

237

213

CRPCEN (clercs de notaire)

45

45

40

34

32

Banque de France

8

8

7

5

4

SEITA

32

31

29

26

22

CAMR (chemins de fer locaux et secondaires

60

58

49

40

33

Total

2.834

2.895

2.616

2.301

1977

Source : CCSS - septembre 2004

Or, les règles de calcul de cette surcompensation sont contestables. Contrairement à la compensation généralisée, la prestation servant de référence est très supérieure à la pension moyenne la plus faible des régimes bénéficiaires. Il s'agit de la pension moyenne de l'ensemble des régimes participants. Les modalités de calculs aboutissent à des niveaux de transfert tellement élevés qu'ils ont dû être plafonnés à partir de l'année 2000.

La surcompensation n'est en réalité qu'un artifice permettant la captation des réserves de la CNRACL au profit des autres régimes, c'est-à-dire en fait, du budget de l'État lui-même pouvant ainsi réaliser une économie sur le montant de la subvention d'équilibre qu'il verse à ces régimes. La suppression de ce dispositif ouvre également la voie à la nécessaire remise à plat des mécanismes de compensation.

C. UNE RÉFORME GÉNÉREUSE

La loi du 21 août 2003 a choisi de faire appel au sens des responsabilités des citoyens français, en prévoyant un allongement progressif de la période d'activité et l'introduction de nouveaux critères de calcul des pensions.

Pour autant, elle a introduit dans notre droit plusieurs avancées sociales importantes au bénéfice notamment des personnes ayant débuté leur vie professionnel à un âge précoce, des assurés sociaux les moins favorisés, des personnes handicapées et de celles souhaitant prolonger leur activité professionnelle.

1. La prise en compte des carrières longues

Au 31 juillet 2004, sur un total de 150.000 demandes, 130.000 attestations autorisant un départ en retraite anticipée avaient été délivrées et 82.000 demandes de retraite anticipée déjà liquidées par la CNAV 2 ( * ) .

Pour l'année 2004, on estime que 132.000 personnes devraient bénéficier de la mesure, pour un coût d'environ 630 millions d'euros. La montée en charge se poursuivra en 2005, avec 90.000 nouveaux départs prévus, ce qui portera son impact financier pour cette seconde année d'application à 1,3 milliard d'euros. En raison de l'incertitude demeurant sur le taux de recours à la mesure, il est difficile d'évaluer précisément le nombre de bénéficiaires au-delà de 2005. Mais la CNAV considère que près de 500.000 personnes pourraient bénéficier d'un départ avant soixante ans d'ici à 2008.

Comptes de la CNAV

(en millions d'euros)

CNAV

2002

2003

%

2004

%

2005

%

Charges nettes

68.052,8

71.490,7

5,1 %

74.594,5

4,3 %

78.200,9

4,8 %

Produits nets

69.711,8

72.436,5

3,9 %

74.523,9

2,9 %

76.787,6

3,0 %

Résultat

1.659,0

945,9

 

- 70,6

 

- 1.413,3

 

Source : direction de la sécurité sociale (SDEPF/6A) CCSS septembre 2004

L'étude statistique du profil des bénéficiaires montre que les retraités de cinquante-six à cinquante-neuf ans sont des hommes à 86 %. Ils ont débuté leur carrière l'année de leurs quatorze ans mais ont commencé à réellement valider des trimestres l'année des quinze ans, environ quatre ans plus tôt que l'assuré moyen.

La durée de carrière moyenne des femmes s'établit à 45,5 ans, contre 43,4 ans pour les hommes. Cependant, leurs durées cotisées s'élèvent respectivement à 42,7 ans et 43,1 ans. Les personnes éligibles au dispositif liquident leur pension pour 16 % d'entre eux à cinquante-six ans, 27 % à cinquante-sept ans, 28 % à cinquante-huit ans et 29 % à cinquante-neuf ans. Pour ce qui concerne les catégories socioprofessionnelles, les ouvriers qualifiés, chauffeurs, employés ou techniciens, représentent 60 % des bénéficiaires.

L'article 29 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi que l'article 73 du projet de loi de finances pour 2005 proposent de transposer ce dispositif dans les trois fonctions publiques.

2. Les dépenses supplémentaires de la loi portant réforme des retraites

La loi du 21 août 2003 comporte de nombreuses sources de dépenses supplémentaires. Cet aspect des choses est méconnu, mais il explique pourtant pourquoi subsistera, après la réforme, un besoin de financement résiduel nécessitant de faire appel aux excédents espérés de l'assurance chômage et de mobiliser des moyens budgétaires supplémentaires sur le budget de l'État.

Le plan de financement de la réforme en fournit une évaluation, en se plaçant à l'horizon 2020. S'agissant du régime général, on relèvera l'impact de la revalorisation du minimum contributif (+ 600 millions d'euros de dépenses par an en 2020), du dispositif des carrières longues (+ 300 millions d'euros à cette date), ainsi que des mesures en faveur des pluripensionnés (+ 900 millions d'euros par an). Pour la fonction publique, le coût annuel de la création du régime additionnel est alors estimé à 800 millions d'euros.

Régime général en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 15.500

Allongement de la durée d'assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

+ 6.200

Revalorisation du minimum contributif

- 600

Retraite anticipée

- 300

Autres mesures (pension réversion veuvage, rachat d'étude, retraite anticipée, handicapés)

- 200

Mesures en faveur des pluripensionnés

- 900

Augmentation de cotisations de 2006 (0,2 point)

+ 900

Somme des mesures

+ 5.100

Solde après prise en compte des mesures

- 10.400

Transferts potentiels de charges depuis l'UNEDIC dans l'hypothèse d'un chômage à 5 %

+ 15.300

Source : sur la base de la valeur 2003 de l'euro

Régimes des trois fonctions publiques en 2020

(en millions d'euros 2000)

Besoin de financement initial

- 28.000

Allongement de la durée d'assurance pour le taux plein, proratisation, allégement de la décote et création de la surcote

9.300

Indexation sur les prix

4.500

Création du régime additionnel

- 800

Solde des mesures

+ 13.000

Solde après mesures

- 15.000

Effort supplémentaire des employeurs publics

+ 15.000

Solde final

0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2003

En effet, à l'exception de l'augmentation de la durée des cotisations, de la hausse modérée de celles-ci en 2006 et de l'alignement des règles d'indexation du public sur le privé, les autres mesures introduites par la « loi Fillon » présentent un bilan net négatif en termes d'économies. Il s'agit donc bien d'une réforme généreuse.

Le minimum contributif. La loi a assigné à la Nation l'objectif qu'en 2008, aucune retraite versée au titre des régimes obligatoires ne soit inférieure à 85 % du salaire minimum de croissance (SMIC) net, pour les personnes répondant aux critères requis.

Par ailleurs, le minimum contributif a été revalorisé de 3 % en 2004, et le sera encore en 2006 et 2008, soit 9,3 % d'augmentation totale.

Handicap. Une majoration de la durée d'assurance d'un trimestre par période d'éducation de trente mois a été instituée dans la limite de huit trimestres, au bénéfice des parents d'enfants handicapés éligibles à l'allocation d'éducation spéciale. A l'initiative de votre commission, un dispositif de retraite anticipée a également été instauré au profit des personnes handicapées.

Une surcote , majorant les pensions de retraite de 0,75 % par trimestre pour les personnes continuant leur activité après soixante ans et au-delà de la durée d'assurance requise pour bénéficier du taux plein, a été introduite ainsi que la possibilité de racheter des périodes d'études ou des périodes insuffisamment cotisées.

La complexité de ces questions justifie que soit reconnu aux assurés sociaux un droit à l'information sur leur situation individuelle vis-à-vis de la retraite. Un groupement d'intérêt public a déjà été constitué et la parution des mesures réglementaires d'application devrait prochainement intervenir. A l'échéance 2009, ce droit devrait être pleinement mis en oeuvre dès cinquante-cinq ans et les cotisants de trente-cinq à cinquante-quatre ans devraient recevoir, tous les cinq ans, un relevé des droits qu'elles ont acquis, afin d'adapter leur comportement aux mécanismes de décote et de surcote en toute connaissance de cause.

Pour les trois fonctions publiques , qui n'avaient pas été concernées par la précédente réforme des retraites conduite par le gouvernement Balladur en 1993, on relèvera :

- l'extension aux conjoints des femmes fonctionnaires du bénéfice de la réversion d'une pension d'ayant droit ;

- l'extension aux hommes du bénéfice de la réversion au titre d'un conjoint disparu ;

- l'augmentation du nombre des possibilités de travail à temps partiel pouvant être accordées aux fonctionnaires lors de la prise de congé parental ;

- l'élargissement des modalités de la cessation anticipée d'activité ;

- la création d'un régime public de retraite additionnel obligatoire ;

- la possibilité de racheter jusqu'à trois années d'études ;

- la mise en oeuvre de la surcote, au taux de 3 % par an ;

- la faculté donnée aux fonctionnaires travaillant à temps partiel de cotiser pour leur retraite sur la base d'un équivalent temps plein.

3. Equilibrer espérance de vie à la retraite et durée de l'activité professionnelle

La réforme des retraites a précisé les conditions d'allongement de la durée d'assurance des régimes de retraite, les données à prendre en compte ainsi que la procédure à suivre à l'horizon 2020. Elle propose de faire évoluer la durée d'activité de façon à répartir équitablement, sur une longue période, les gains d'espérance de vie entre temps de travail et temps de retraite, en préservant le partage temporel actuel entre travail et retraite.

A partir de 2009, la durée d'activité sera, dans un premier temps, allongée d'un trimestre par an pour atteindre quarante et une annuités en 2012, sauf si cette échéance se trouvait modifiée par décret. Au-delà de 2012, la durée d'assurance devrait continuer à évoluer et s'approcher en 2020 de quarante-deux annuités. Préalablement à chaque ajustement de durée de cotisation en 2008, 2012 et 2016, le Gouvernement devra présenter un rapport au Parlement. Une commission indépendante, la Commission de garantie des retraites, aura en outre pour mission de donner un avis sur les ajustements nécessaires de la durée d'assurance, en tenant compte de l'évolution des données démographiques, économiques et sociales.

D. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DU RÉGIME DE RETRAITE DES INDUSTRIES ÉLECTRIQUES ET GAZIÈRES

Depuis sa création en 1946, le financement des retraites du régime spécial de sécurité sociale des personnels gaziers et électriciens, reposait sur les salariés et surtout sur les entreprises de la branche. Il n'était jamais apparu nécessaire de provisionner les charges futures de retraite, dans la mesure où ces entreprises nationales, au demeurant prospères, bénéficiaient alors du statut d'établissement public et opéraient en situation de monopole. Dès lors, la question du financement à venir des retraites semblait ne jamais devoir se poser.

La libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité, et surtout l'introduction des nouvelles normes comptables internationales, dites « IAS 19 », ont rendu inévitable une modification en profondeur de ces mécanismes. A défaut, la poursuite du statu quo n'aurait laissé d'autre alternative à EDF et GDF que de provisionner, à la date du 1 er janvier 2005, et en une seule fois, la totalité des engagements de retraite à venir : près de 80 milliards d'euros.

Il est donc apparu indispensable de garantir et d'élargir le mode de financement des retraites d'EDF et de GDF, tout en préservant les spécificités du régime spécial. Une solution inédite et complexe « d'adossement » sur les régimes de droit commun a donc été mise en oeuvre par la loi n° 2004-803du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières.

1. Mode de calcul des soultes et neutralité de l'adossement

a) La nécessité d'un adossement juste et transparent

Votre commission partageait avec le Gouvernement la préoccupation de voir l'adossement financier réalisé dans des conditions de neutralité pour les régimes de droit commun, leurs assurés et leurs cotisants. Elle souhaitait également prendre en compte les inquiétudes des régimes d'accueil et notamment les avis négatifs, émis à l'unanimité les 7 avril et 23 juin 2004 par le conseil d'administration de la CNAV, sur les modalités alors envisagées pour l'opération d'adossement.

A son initiative, quatre amendements ont été adoptés, et ont ainsi permis :

- d'affirmer dans le corps même de la loi le principe de neutralité financière de l'adossement ;

- d'expliciter les paramètres de calcul de la soulte, en ajoutant aux éléments démographiques à prendre en compte les données financières et économiques des régimes d'accueil et du régime adossé ;

- de permettre que les informations relatives à la neutralité de l'adossement fassent l'objet d'un suivi et soient disponibles et publiées dans le rapport annuel de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) ;

- et de donner au Parlement les moyens de s'assurer du respect du principe de neutralité du montage, en le faisant destinataire d'un rapport établi tous les cinq ans par la CNAV, les régimes complémentaires et la CNIEG.

b) Le calcul équitable des soultes

Le choix de la méthode de calcul des soultes s'est avéré déterminant. Deux méthodes étaient envisageables : la méthode instantanée, dite de l'indicateur de charge, et la méthode prospective.

La méthode de l'indicateur de charge rapporte de façon instantanée la valeur actuelle des droits acquis par les participants, aussi bien les actifs que les retraités, de chaque régime à la capacité contributive des cotisants.

La méthode prospective consiste à se placer sur un horizon de vingt-cinq ans et à projeter les données financières, économiques et démographiques actuelles et futures du régime adossé et celles du régime d'accueil, afin de prévenir une dégradation des équilibres de ce dernier.

La conseil d'administration de la CNAVTS, souhaitait que, comme dans le cas de l'AGIRC-ARRCO, le choix se porte sur la méthode prospective, dans la mesure où les calculs réalisés s'avèrent plus précis et mieux adaptés à des opérations de grandes tailles, du type des IEG.

2. L'accord sur le niveau de la soulte

En définitive, la négociation sur la soulte à acquitter par les industries électriques et gazières a bel et bien retenu le recours à la méthode dite « prospective », que votre commission aurait d'ailleurs pour sa part souhaité voir consacrée dans la loi elle-même.

L'accord auquel le Gouvernement et la CNAV sont parvenus le 19 octobre 2004 repose en définitive sur les paramètres suivants :

- une projection sur une durée de vingt-cinq ans ;

- un taux d'actualisation de 2,50 % par an ;

- la fixation du salaire de base pour le calcul de la pension des retraites IEG à 100 % du plafond de la sécurité sociale pour 2006, alors que le salaire moyen des salariés des IEG s'établit à 95,6 % de ce même plafond ;

- la prise en charge directe par les IEG de l'écart entre 95,6 % et 100 % dudit plafond ;

- et l'exclusion des prestations familiales, qui seront remboursées in fine par le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Au total, les IEG acquitteront, pour les seuls droits de base équivalant à ceux versés par la CNAV, un droit d'entrée de 7,7 milliards d'euros qui sera assuré de deux façons différentes :

- un versement initial de 40 % de la soulte, soit 3,1 milliards d'euros en valeur 2005, sera confié au fonds de réserve des retraites, pour être placé à long terme jusqu'à l'horizon 2020, la CNAV recouvrant alors ce capital, majoré des intérêts capitalisés ;

- le solde de 4,6 milliards d'euros, en valeur 2005 actualisée, correspondant à 60 % du paiement de la soulte, sera versé de façon échelonnée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) à la CNAV pendant vingt ans, de 2005 à 2024.

Votre commission se félicite que l'adossement des IEG soit parfaitement équitable pour la CNAV : le montant de la soulte apparaît très élevé et pleinement justifié par les prestations particulièrement généreuses versées par le régime des IEG.

Pour autant, elle considère à nouveau que ce schéma d'adossement retenu pour les IEG devra demeurer une exception et pourrait n'être que très difficilement appliqué à l'avenir à d'autres régimes spéciaux ou entreprises publiques. Il s'agit, en effet, d'un mécanisme complexe, d'une opération de grande taille, difficile à réaliser et susceptible de peser sur les équilibres globaux du régime général. La neutralité de l'adossement constitue en pratique un exercice délicat, que seules les garanties apportées par le présent Gouvernement ont finalement rendu possible dans de bonnes conditions.

Les estimations relatives au montant des engagements de retraite des IEG montrent également que la situation au regard de la retraite des personnels gaziers et électriciens est près de deux fois plus favorable que celle des assurés sociaux du secteur privé relevant de la CNAV d'une part, des régimes complémentaires d'autre part. Cet écart s'explique pour moitié par un âge de liquidation plus précoce et pour moitié par des calculs de liquidation plus avantageux. Par ailleurs, contrairement aux assurés sociaux du régime général, des régimes alignés, et désormais des trois fonctions publiques, les gaziers et électriciens sont exclus du champ d'application de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

En définitive, votre commission estime que se poseront à terme, tout à la fois les questions de la pérennité du niveau des prestations des IEG au regard de son coût élevé et croissant, de sa légitimité par rapport aux autres régimes de retraites concernés par la réforme et de la mise en extinction de ce régime spécial.

II. UN ACQUIS À CONSOLIDER

La loi du 21 août 2003 ne règle pas l'ensemble des problèmes posés par l'adaptation de notre système de protection sociale à l'évolution de la pyramide des âges. D'autres efforts financiers seront nécessaires pour préparer l'après 2020, qui constitue l'horizon de la réforme.

Il convient, en outre, d'observer que notre système de retraite comporte encore des failles, qui constituent autant de menaces potentielles pour l'avenir et qui doivent être comblées.

A. LES PRIORITÉS FINANCIÈRES À COURT TERME

1. Corriger le déficit du fonds de solidarité vieillesse (FSV)

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » 3 ( * ) d'assurance vieillesse en leur remboursant les dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.

Les dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :

- 19 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;

- 34 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;

- 56 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation des périodes non travaillées pour les chômeurs préretraités, volontaires du service national et anciens combattants.

Longtemps prospères en raison d'une évolution de ses recettes plus favorable que celle de ses dépenses, les finances FSV ont été durement touchées par des mesures prises sous la précédente législature. Plusieurs recettes lui ont été distraites, afin notamment d'assurer le financement direct ou indirect du FOREC (droits sur les alcools ; 0,15 point de CSG) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) (0,1 point de CSG). De nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'État à l'égard des régimes AGIRC-ARRCO, les allocations de cessation anticipée d'activité (CATS) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE).

Le FSV connaît depuis 2001 une situation déficitaire qui a fini par absorber la totalité des réserves accumulées depuis sa création en 1993. La prévision pour 2005 table sur un déficit de 1,2 milliard d'euros : cette dégradation sensible par rapport au solde prévu pour 2004 (- 0,4 milliard d'euros) résulterait de la baisse du transfert de la contribution sociale de solidarité des sociétés (0,4 milliard d'euros en 2005 contre 1,3 milliard d'euros en 2004) qui ne serait compensée qu'en partie par une augmentation de 0,3 milliard d'euros de la contribution sociale généralisée. Le résultat définitif des années 2004 et 2005 est toutefois très dépendant de l'évolution du chômage sur cette période.

Les comptes du FSV

(en millions d'euros)

 

2000

2001

2002

2003

2004 ( * )

2005 ( * )

Recettes

11.326,4

11.566

11.052

12.474

13.336

12.774

dont CSG

10.297,7

9.719

9.078

9.297

9.505

9.829

dont prélèvement social 2 %

 

383

350

350

364

372

dont droits sur les boissons

- 80,0

 
 
 
 
 

dont C3S

622,7

551

567

921

1.325

443

dont versements CNAF

41,6

478

1.004

1.875

1.942

1.979

dont autres et produits financiers

23,5

434

15

9

9

1

Dépenses

11.039,8

11.562

12.405

13.408

13.766

13.941

Solde

286,6

- 86

- 1.353

- 934

- 429

- 1.167

Solde cumulé (1)

1.603,0

1.517

- 123

- 1.057

- 1.486

- 2.653

Versement au FRR (2)

 

287

 
 
 
 

Solde cumulé (1)-(2)

1.603,0

1.230

- 123

- 1.057

- 1.486

- 2.653

( * ) prévisions Source : CCSS septembre 2004

2. Abonder les ressources du fonds de réserve pour les retraites

Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve des retraites (FRR) a pour objet d'alimenter à partir de 2020 et jusqu'en 2040, les différents régimes de retraite, grâce à des sommes qui auront été préalablement mises en réserve.

Le fait marquant de l'année 2004 tient à la confirmation de la tendance apparue en 2003 : les ressources du FRR tendent à se tarir. Le fonds disposait de 16,5 milliards d'euros au 31 décembre 2003 ; il pourrait atteindre 19,1 milliards d'euros fin 2004 et plus de 20 milliards d'euros à la fin 2005. Mais le problème réside essentiellement dans le caractère exceptionnel des abondements et dans la diminution régulière de leur montant annuel. La seule ressource pérenne et significative du fonds est actuellement le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement, dont 65 % lui sont attribués.

Les comptes du FRR

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004 (1)

2005 (1)

PRODUITS

3.862,0

5.837,4

3714,4

2.627,9

1.808,0

CSSS

 
 
 
 
 

Excédent FSV

286,6

 
 
 
 

Excédent CNAVTS (N-1)

483,5

1.518,2

1.659,0

946,9

 

Prélèvement de 2 % sur les revenus du capital

971,9

1.115,5

1116,1

1.182,0

1.208,0

Caisses d'épargne

718,2

718,2

432,5

 
 

Versement CDC

 
 
 
 
 

Licences téléphoniques UMTS

1.238,5

619,2

 
 
 

Recettes de privatisation (ouverture du capital ASF, Crédit Lyonnais...)

 

1.600,0

 
 
 

Intérêts des placements

163,3

266,4

81,8

 
 

Produits sur cessions de titre

 
 

425,0

500,0

600,0

CHARGES

21,9

3,6

 
 
 

Frais de gestion administrative

 
 

12,6

50,8

50,8

Fiscalité

15,7

 
 
 
 

Charges sur cessions de titre

6,2

3,6

 
 
 

Résultat net

3.840,1

5.833,8

3.701,8

2.577,1

1.757,2

Solde cumulé

7.009,0

12.842,8

16.544,4

19.122,5

20.879,7

(1) prévisions Source : CCSS septembre 2004

Dès 2001, dans le rapport d'information 4 ( * ) qu'il a consacré au fonds de réserve des retraites, Alain Vasselle avait souligné le retard pris par rapport au plan de financement d'origine. L'objectif était de disposer, à l'horizon 2020, d'un montant de 152 milliards d'euros de réserves (102 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros provenant d'intérêts capitalisés).

Il ne sera pas atteint. Avec un financement maintenu au niveau constaté jusqu'à présent (environ 4 milliards d'euros par an en moyenne), la valeur des actifs du FRR culminerait en termes réels à 110 milliards. Et cette hypothèse est elle-même peu probable : si les ressources annuelles se réduisaient au seul prélèvement social, ce qui paraît beaucoup plus réaliste, les réserves accumulées en 2020 ne seront que de 56 milliards d'euros.

Le FRR se trouve donc confronté à un problème d'alimentation majeur. Compte tenu du contexte des finances publiques et des équilibres des régimes sociaux, le Gouvernement ne peut actuellement doter le fonds de mesures nouvelles mais envisagerait de lui attribuer, dès que possible, des recettes tirées de futures privatisations. A défaut, la légitimité du FRR se trouverait posée, la « taille critique » n'ayant plus aucune chance d'être atteinte en 2020.

B. LES EFFORTS FINANCIERS À MOYEN ET LONG TERME

Trois facteurs se conjuguent pour rendre inévitables de nouveaux efforts financiers destinés à garantir la pérennité de la branche vieillesse : la poursuite des effets du vieillissement de la population entre 2020 et 2040 et le financement supplémentaire qui en résultera ; le lien établi entre la baisse attendue du taux de chômage et le transfert potentiel des excédents de l'assurance vieillesse qui en découlera ; l'ampleur des engagements de retraite non provisionnés de l'État au titre de la fonction publique - évalués à 850 milliards d'euros.

1. Le besoin de financement à l'horizon 2020

Le Conseil d'orientation des retraites conduit actuellement un travail d'actualisation des données prospectives publiées en 2001 qui devrait être rendu public au printemps 2005 afin d'apprécier l'impact financier de la loi portant réforme des retraites.

Les effets à long terme de la loi du 21 août 2003 ont d'ores et déjà fait l'objet d'une première évaluation par le ministère des finances présentée dans le cadre du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2004.

Sur cette base, la réforme des retraites représente, à terme, pour les finances publiques et sociales, l'équivalent d'une diminution durable d'un point de PIB du déficit structurel. Cette estimation prend en compte l'ensemble des régimes du secteur public et du secteur privé. L'amélioration pourrait même s'élever à 1,5 point de PIB en tenant compte des recettes supplémentaires liées à l'accroissement de la population active que la réforme pourrait susciter. Toutefois, ces évaluations sont affectées par une marge d'incertitude propre aux projections de long terme, notamment relative à l'attitude future des salariés face à la décote pour départ anticipé ou à la surcote pour maintien en activité au-delà de l'âge légal de la retraite.

La même étude prévoit, à partir de 2010, une augmentation de la population active allant jusqu'à 300.000 personnes en 2020 et 400.000 en 2040, qui pourrait conduire, en termes de recettes, à un gain supplémentaire de 0,5 point de PIB.

Par rapport aux besoins de financements totaux, le pourcentage relatif des économies réalisées dans la fonction publique (- 46,2 %) apparaît, en première analyse, plus important que dans le régime général (- 41,3 %). L'écart s'expliquerait en réalité par le fait que le régime général a déjà fait l'objet d'une première réforme en 1993, contrairement aux régimes publics : ces derniers partiraient ainsi de « plus loin » et auraient conservé de plus larges marges de gains potentiels.

2. L'espoir du transfert des excédents de l'assurance chômage à la CNAV

A l'évidence, plus la conjoncture économique sera favorable et le taux de chômage bas, plus le transfert, au profit de l'assurance vieillesse, des ressources financières actuellement mobilisées par l'UNEDIC sera important.

Le succès de la réforme dépend donc, en premier lieu, de la croissance économique à venir et de l'évolution du marché du travail. Le plan de financement de la réforme des retraites prévoit, en effet, que les futurs excédents de l'UNEDIC, résultant de la baisse du chômage consécutive au retournement démographique, pourraient neutraliser ou limiter le relèvement des cotisations vieillesse.

Si la population active a fortement augmenté et de façon continue en France depuis les années 1960, notre pays a également connu, de façon transitoire jusqu'à présent, une pénurie de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activités. Ainsi, en 2000, dans un contexte économique international alors très favorable, la croissance spontanée de la population active n'a pas suffi à faire face aux besoins de créations d'emplois. A partir de la fin de la présente décennie, il est probable que cette situation devienne structurelle.

Le chiffrage effectué par le COR et repris par le gouvernement Jospin était fondé sur une diminution progressive du taux de chômage à 4,5 %, ce taux correspondant au « plein emploi ». Le scénario retenu par l'actuel Gouvernement est « volontariste » mais aussi prudent. En effet, l'affectation des cotisations chômage au financement de l'assurance vieillesse repose sur un scénario de diminution du taux de chômage comprise entre 5 % et 6 % à l'horizon 2020.

3. Les retraites non provisionnées de la fonction publique

Selon le compte général de l'administration des finances (CGAG) publié en 2004 par le ministère de l'économie, les engagements de l'État, au titre des retraites des fonctionnaires et des agents publics relevant de régimes spéciaux, se monteraient, fin 2003, à 850 milliards d'euros.

La Direction de la comptabilité publique livre pour la seconde fois cette évaluation dont l'interprétation est délicate. Elle signifie que si l'État devait régler, en une seule fois, les pensions versées aux retraités de la fonction publique jusqu'à leur décès (et les pensions de réversion afférentes), ainsi que les retraites des actifs dans l'hypothèse où ils se retireraient au moment du calcul, ses engagements atteindraient alors cette somme, soit 55 % du PIB.

Même si ce chiffrage spectaculaire varie considérablement en fonction du taux d'actualisation retenu, il constitue un indicateur qui permet d'évaluer le caractère soutenable des régimes de retraite de la fonction publique sur le long terme.

La croissance des besoins de financement est une certitude. La contribution de l'État au régime de retraite des fonctionnaires est ainsi en forte hausse dès ces dernières années. Elle s'élève à 28,28 milliards d'euros, soit 74,1 % du total des dépenses évaluées à 38,16 milliards d'euros (dont 35,84 milliards de pensions et 2,32 milliards de transferts). La part des cotisations salariales se limite à 4,69 milliards d'euros, c'est-à-dire un peu plus de 12% du total, même si elle est complétée par les contributions équivalentes des autres employeurs publics (La Poste et France Télécom, essentiellement).

Compte simplifié du régime de retraite des fonctionnaires de l'État

 

2001 Exécution

2002 Exécution

2003 Exécution

2003/2002

LFI 2004

PLF 2005

2005/2004

Emploi

32.117

34.122

34.746

1,2 %

36.443

38.163

4,7 %

Masse des pensions

29.620

31.011

32.432

4,6 %

33.864

35.844

5,8 %

Transferts

2.498

3.111

2.314

- 25,6 %

2.579

2.319

- 10,1 %

Ressources autres que l'État

9.330

9.347

9.480

1,4 %

9.649

9.883

2,4 %

Cotisations salariales

4.531

4.583

4.643

1,3 %

4.687

4.693

0,1 %

Contributions des employeurs autres que l'État

4.309

4.439

4.471

0,1 %

4.574

4.772

4,3 %

Transferts

490

326

366

12,3 %

388

418

7,7 %

Contribution de l'État

22.787

24.775

25.266

2,0 %

26.794

28.280

5,3 %

Source : Projet de loi de finances pour 2005 - Rapport sur les rémunérations de la fonction publique

C. LES VULNÉRABILITÉS DU SYSTÈME DE RETRAITES

Quatre risques, s'ils venaient à se concrétiser, menacent de fragiliser l'édifice de la réforme des retraites.

1. La question des régimes spéciaux

Les régimes spéciaux accordent des avantages spécifiques à leurs bénéficiaires et apparaissent, de ce fait, fort coûteux. Compte tenu d'un rapport démographique généralement défavorable, leur survie n'est assurée que grâce à des transferts de l'État et à la mise à contribution de la solidarité nationale. Dans tous les cas, le nombre de cotisants est soit sensiblement égal à celui des retraités (de droits directs et de droits dérivés), comme à la RATP et à EDF/GDF, soit nettement inférieur, comme à la SNCF ou pour le régime des mines.

 

SNCF

EDF /GDF

RATP

Mines

Nombre de cotisants

174.160

142.735

43.750

17.752

Nombre de retraités de droits directs

191.700

107.509

30.776

215.008

Nombre de retraités de droits dérivés

114.200

41.784

12.326

157.644

Masse des pensions ( en millions d'euros )

4.555

3.271

748

2.133

Source : CCSS sept 2004 (données 2004)

La difficulté d'équilibrer la situation financière des régimes spéciaux est illustrée par l'exemple de la SNCF en 2004 : rapportées aux 4,55 milliards d'euros de prestations versés, les cotisations ne dépassent pas 1,71 milliard d'euros, soit moins de 38 % du total, rendant nécessaire la contribution de l'État (2,44 milliards d'euros) et celle de la solidarité nationale (397 millions d'euros) au titre de la compensation, afin de faire face aux besoins. Ces ressources externes correspondent de ce fait respectivement à 53,6 % et 8,7 % des produits de la branche vieillesse de la SNCF.

De la même manière, à la RATP, les ressources propres du régime spécial de retraite, c'est-à-dire les cotisations sociales, couvrent moins de 40 % des prestations servies. Le solde est donc financé par des ressources externes ou par des cotisations fictives de l'employeur.

Les prestations de retraite des régimes spéciaux mettent largement à contribution la « solidarité nationale », et ce sous toutes ses formes : le contribuable, l'usager et les salariés des autres régimes. On ne peut donc que s'inquiéter de l'ampleur de leurs engagements de retraite, qui, à l'instar de ceux des IEG, n'ont jamais été provisionnés : ceux de la RATP s'établissent à 18 milliards d'euros et ceux des agents publics de La Poste à 57 milliards d'euros même s'il ne s'agit pas, dans ce dernier cas, d'un régime spécial à proprement parler.

Ces perspectives sont d'autant plus préoccupantes que ces grandes entreprises publiques, qui connaissent une situation moins favorable que celle d'EDF ou de GDF, seront tenues par les mêmes contraintes comptables internationales de provisionner leurs engagements de retraite, au plus tard pour le 1 er janvier 2007.

2. Les failles du code des pensions civiles et militaires

Le code des pensions civiles et militaires de retraite contient toujours des dispositions dérogatoires, très coûteuses pour les finances publiques et contraires à la philosophie de la réforme des retraites.

Dans son rapport particulier d'avril 2003 relatif aux pensions des fonctionnaires civils de l'État, la Cour des comptes a procédé à une étude approfondie des régimes de retraite de la fonction publique, qui a mis en lumière de façon générale :

- un âge moyen de départ en retraite nettement inférieur à soixante ans ;

- des agents privilégiant le départ précoce ;

- une forte détérioration du rapport démographique d'ici à 2040.

Elle a particulièrement insisté sur deux dispositifs anciens qui n'ont pas été modifiés à ce jour : la majoration de pension des fonctionnaires résidant outre-mer d'une part, le dispositif de retraite anticipé consenti aux familles nombreuses, d'autre part.

La majoration de pension des fonctionnaires résidant en outre-mer

Les retraités, titulaires d'une pension de l'État, résidant à la Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna bénéficient, depuis les décrets n° 52-1050 du 10 septembre 1952 et n° 54-1293 du 24 décembre 1954, d'une majoration, variant entre 35 % et 75 %.

En l'état actuel du droit, deux catégories de personnes bénéficient de cette disposition : les fonctionnaires de l'État en poste dans l'une des collectivités concernées durant les années qui précèdent la liquidation de leur retraite, et ceux qui choisissent d'y passer leur retraite. Les revenus provenant de cette indemnité bénéficient de plus des régimes fiscaux particuliers applicables outre-mer, notamment en ce qui concerne l'impôt sur le revenu.

La seule exigence posée par le décret de 1952 porte sur les conditions de résidence, qui doivent être « au moins équivalentes à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service ». Dans son rapport particulier sur les pensions des fonctionnaires civils de l'État d'avril 2003, la Cour des comptes dénonce le caractère « quasi impossible » du contrôle de ce dispositif et procède à l'analyse très sévère suivante :

« L'indemnité temporaire pour pension servie outre-mer s'inspire d'un principe général - l'identité de traitement entre actifs (qui bénéficient de majorations de rémunération en cas de services dans ces territoires) et pensionnés - dont l'application au cas d'espèce confine à l'absurde. Les textes fondant l'indemnité ont respecté les apparences puisque les conditions de résidence doivent être « au moins équivalentes » à celles imposées aux fonctionnaires en activité de service. Mais ils n'ont jamais pu - et pour cause - définir de façon précise puis contrôler des conditions de résidence « imposées » à des pensionnés qui ont fait le choix délibéré de venir s'installer dans ces territoires ou d'y revenir, n'y ont aucune obligation de service et sont naturellement libres de leurs déplacements. Quant aux tentatives épisodiques de l'administration visant à circonscrire l'effet d'aubaine induit par cette indemnité, elles ont toutes été vouées à l'échec cependant que la diffusion de l'information à son sujet et la baisse des tarifs aériens contribuaient à son développement rapide ».

Concluant que « l'heure n'est plus à de nouvelles - et très vraisemblablement vaines - tentatives de rationalisation », la Cour considère qu' « il importe de mettre fin à l'attribution de cette indemnité injustifiée, d'un montant exorbitant et sans le moindre équivalent dans les autres régimes de retraite ».

Ces indemnités représentent pour l'État une dépense sans cesse croissante qui s'élevait à 181,5 millions d'euros en 2002, en hausse de 14 % par rapport à 2001.

Votre commission estime donc légitime que ces décrets soient prochainement abrogés.

Le dispositif de retraite anticipée consenti aux parents de familles nombreuses

La loi du 14 avril 1924 a institué un droit à pension proportionnelle au profit des mères de famille d'au moins trois enfants ayant accompli au moins quinze années de services effectifs. Celle du 30 mars 1928 a permis qu'une mère de famille remplissant ces conditions puisse en bénéficier sans condition d'âge. Ce dispositif, codifié à l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, bénéficie chaque année à plus de 5.000 personnes liquidant leur pension à un âge très précoce de 51 ans et 8 mois en moyenne, sur la base d'un taux moyen de liquidation de 60 %.

Répartition par âge des bénéficiaires
de l'article L. 24 du code des pensions

Age à la radiation des cadres

Flux 2000

Flux 2001

avant 40 ans

277

218

40 à 44 ans

461

432

45 à 49 ans

686

649

50 à 54 ans

2.187

2.102

55 ans et plus

1.638

1.696

Total

5.249

5.097

Source : service des pensions / Cour des comptes

Quelques cas extrêmes ont d'ailleurs été relevés par la Cour des comptes 5 ( * ) .

Or, la jurisprudence a profondément modifié l'esprit de ce dispositif. En effet, le juge administratif français a transposé la jurisprudence européenne Griesmar sur l'égalité entre les hommes et les femmes de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) à l'article L. 24, ce qui a eu pour conséquence d'ouvrir aux hommes le bénéfice de ces dispositions. A la date du 1 er août 2004, 3.489 recours de ce type étaient en instance de jugement pour les trois fonctions publiques. D'ores et déjà, plus de 1.700 pères de trois enfants ont obtenu du juge administratif la possibilité d'en bénéficier et de partir en retraite anticipée.

Cette évolution est d'autant plus préoccupante que 30 % des fonctionnaires masculins qui procèdent actuellement à la liquidation de leur pension ont au moins trois enfants. S'agissant de la seule fonction publique d'État, environ 200.000 fonctionnaires pères de trois enfants remplissent déjà la condition de quinze ans de services.

Le coût potentiel de cette extension de l'article L. 24 aux hommes est donc très élevé : à terme, il pourrait être, chaque année, d'au moins 900 millions d'euros pour l'État et 400 millions d'euros pour la CNRACL. A ce niveau de dépense, l'avantage familial existant risque d'être remis en cause, y compris pour les femmes, pour incompatibilité avec les équilibres financiers du budget de l'État et de la réforme des retraites.

La Cour des comptes observe ainsi que « la prise en compte partielle de la jurisprudence européenne en matière d'égalité entre les sexes a accru les disparités entre régimes et conduit actuellement à une extension jurisprudentielle, coûteuse et non justifiée, au bénéfice des hommes, de la retraite anticipée des mères de trois enfants et plus ».

3. La tendance persistante à la cessation précoce d'activité

Le risque existe d'assister à un phénomène de vases communicants : pour remplacer les actuels dispositifs de préretraite progressivement mis en extinction, l'utilisation des congés maladie, ou des critères d'inaptitude et d'invalidité, pourrait servir de palliatif à la gestion des carrières des salariés âgés.

Au cours des dernières années, en effet, les cessations d'activité ont eu tendance à se reporter sur d'autres dispositifs, dans des proportions variables selon leur facilité d'accès et le niveau de ressources garanti aux candidats au départ. Selon une récente étude réalisée par la Fédération nationale des travaux publics sur le sort des salariés âgés de la branche, un tiers des plus de cinquante-cinq ans ne sont plus en activité : 19 % sont au chômage, 10 % en invalidité et 5 % en arrêt maladie. Les travaux publics ne sont pas la seule branche à connaître ce phénomène, comme le montre l'accroissement de plus d'un tiers du nombre des demandeurs d'emploi âgés, dispensés de recherche d'emploi entre 1998 et 2002, alors qu'au cours de la même période le nombre d'entrées dans les différentes dispositifs de cessation anticipée d'activité a nettement diminué.

Dans son second rapport publié en juin 2004, le Conseil d'orientation des retraites pose de même la question de l'évolution du nombre des arrêts de travail après cinquante-cinq ans et souligne qu'elle « mérite d'être suivie avec attention ».

Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) consacré aux dépenses d'indemnités journalières a répondu au moins en partie à ces interrogations. Il en ressort que le nombre des indemnités journalières (IJ) a progressé, en moyenne annuelle de 6 % entre les premiers semestres 2000 et 2002, puis de 4,2 % entre les premiers semestres 2002 et 2003. Pour la population des 55-59 ans, les hausses sont beaucoup plus fortes, respectivement 13,4 % et 15,9 %. Il va de soi que l'augmentation de la population dans ces tranches d'âge et le vieillissement moyen expliquent une grande partie de ces évolutions, mais l'écart paraît suffisamment important pour être souligné.

Dans tous les cas, les pouvoirs publics devront faire preuve de vigilance pour que la nouvelle politique de préretraite ne soit pas vidée de son contenu.

4. Le risque d'une définition excessive de la pénibilité

La loi du 21 août 2003 invite les partenaires sociaux à engager, dans un délai de trois ans, « une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité » entre les organisations représentatives au niveau national. Les organisations d'employeurs et de salariés y ont répondu favorablement et devraient entamer les discussions au cours du dernier trimestre 2004. L'exercice est complexe car il faut tout à la fois prendre en compte la réalité - incontestable - de la pénibilité de certaines activités tout en évitant de déboucher sur une définition trop large susceptible de servir d'alibi pour de nouveaux dispositifs de cessation précoce d'activité.

La notion même de pénibilité est d'une approche objective difficile. Dans son rapport « pénibilité et retraite », remis au COR en avril 2003, Yves Struillou a ainsi suggéré de retenir « l'espérance de vie sans incapacité », critère qu'il juge à la fois « cohérent et pertinent ».

Par ailleurs, le traitement de la pénibilité requiert non seulement une politique de réparation - nécessairement de court terme - visant à compenser ses effets néfastes, mais aussi et surtout une politique plus ambitieuse de prévention, tendant à prévenir l'usure prématurée au travail et à améliorer les conditions de travail des salariés, notamment ceux âgés de plus de cinquante ans.

D. AMÉLIORER LES RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DE L'ASSURANCE VIEILLESSE

Le défi de la préservation à long terme de l'assurance vieillesse ne pourra être relevé que si certaines de ses règles de fonctionnement sont revues. Au cours des dernières années, votre commission a d'ailleurs eu l'occasion de se prononcer fréquemment en ce sens.

Trois thèmes méritent d'être ici abordés : repenser les règles de la compensation démographique entre les régimes en s'inspirant des travaux réalisés sous l'autorité de la commission de compensation ; mettre en place, pour les fonctionnaires de l'État, une véritable caisse de retraite, à l'instar de la CNRACL qui fonctionne depuis 1945 pour les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers ; enfin, réformer le fonctionnement du service des pensions de l'État.

1. Repenser les modalités de compensation démographique entre les régimes

Le système français de sécurité sociale est caractérisé par un grand nombre de régimes organisés sur le principe de la répartition au sein d'un groupe socioprofessionnel. Ces régimes, créés à des époques différentes, ont chacun leurs spécificités. Leur démographie varie sensiblement, leurs moyens financiers également. Ces derniers sont d'autant plus élevés que le nombre de cotisants est supérieur au nombre de retraités et que le salaire moyen du groupe sur lequel sont assises les cotisations est important.

Aussi est-il apparu juste, à défaut de la création du régime « unique » souhaité en 1945, d'instaurer un mécanisme de solidarité entre les régimes. La loi du 24 décembre 1974 a instauré un système de compensation généralisée. Son objet est d'empêcher que certains régimes n'encourent la faillite ou ne soient dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'économie sévères pour atteindre un équilibre interne manifestement hors de leur portée. A ce jeu de compensation entre régimes -  établie au titre des trois risques, maladie, vieillesse et famille -, certains sont contributeurs nets et d'autres bénéficiaires nets.

Comme les régimes ne fonctionnent pas selon des règles similaires, il serait inéquitable d'assurer les transferts de compensation en se limitant à redistribuer aux uns les excédents des autres. Aussi, le troisième alinéa de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale précise les objectifs des mécanismes de compensation : « La compensation tend à remédier aux inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes ».

La compensation généralisée vieillesse

(en millions d'euros)

 

2001

2002

2003

2004

2005

RÉGIMES CONTRIBUTEURS

 
 
 
 
 

Régime général et salariés agricoles

1.882

2.096

2.842

2.814

2.862

Fonctionnaires

1.805

1.740

1.456

1.437

1.396

CNRACL

1.513

1.559

1.417

1.454

1.459

SNCF

17

4

 
 
 

RATP

29

29

25

25

25

IEG

117

103

89

99

92

Banque de France

5

5

3

4

4

CNAVPL

405

407

322

341

350

CNBF

51

54

49

53

57

TOTAL en euros

5.824

5.997

6.203

6.227

6.245

RÉGIMES BÉNÉFICIAIRES

 
 
 
 
 

BAPSA (exploitants agricoles)

4.149

4.227

4.257

4.273

4.226

ORGANIC

784

835

915

939

960

CANCAVA

324

354

447

431

472

CANSSM (mines)

318

324

309

309

306

CAVIMAC

176

178

176

175

176

ENIM

54

56

58

60

62

SNCF

 
 

11

10

12

FSPOIE

16

18

23

23

23

CRPCEN

3

5

7

7

8

TOTAL

5.824

5.997

6.203

6.227

6.245

Source : d'après le PLF pour 2004, annexe E.

En 2002, les chômeurs ont été intégrés dans les effectifs de la CNAV, tandis que ses effectifs cotisants étaient réévalués de 600.000 personnes. Cela s'est traduit par d'importantes conséquences financières pour l'ensemble des régimes. Ainsi, entre 2002 et 2005, la contribution du régime général et des salariés agricoles s'est accrue de 766 millions d'euros (soit + 36,5 %), tandis que celles de la fonction publique d'État et de la CNRACL diminuaient respectivement de 344 millions (- 19,8 %) et de 100 millions d'euros (- 6,4 %).


Les difficultés statistiques du calcul de la compensation

L'exercice consiste à déterminer la situation des différents régimes si on leur appliquait les caractéristiques d'un régime fictif qui servirait une prestation dite « de référence ». Seuls les régimes de sécurité sociale dont l'effectif des actifs cotisants et des retraités titulaires de droits propres âgés de soixante-cinq ans ( * ) ou plus dépasse 20.000 personnes participent à cette compensation.

Le mécanisme comporte deux étapes :

- une compensation entre les différents régimes de salariés, où les capacités contributives des régimes sont prises en compte puisque les cotisations du régime fictif sont assises sur les masses salariales ;

- une compensation entre les régimes de salariés (ceux-ci étant agrégés dans un seul régime global) et les régimes de non-salariés. Celle-ci repose sur l'application d'un régime fictif, mais la cotisation est uniforme par cotisant et non proportionnelle aux masses salariales.

Jusqu'en 1997, la prestation de référence retenue fut celle du régime des exploitants agricoles en tant que prestation moyenne la plus basse servie par les régimes concernés. Pour l'exercice 1998, sur ce critère elle céda sa place de référent à l'ORGANIC, puis à la CAVIMAC en 1999, puis à nouveau à l'ORGANIC à compter de 2000.

Afin de calculer les sommes dues par chaque régime au titre de la compensation généralisée vieillesse, un double calcul est effectué nécessitant de connaître précisément le décompte des effectifs cotisants et la masse salariale.

La fiabilité des calculs repose donc étroitement sur la disponibilité de données statistiques valables. Or :

- la CNAVTS ne fournit pas elle-même ses effectifs cotisants, qui sont déterminés par l'INSEE et réévalués au gré des recensements. Ainsi, l'évaluation des effectifs cotisants de la CNAVTS a été brusquement accrue de 600.000 personnes en 2002 ;

- la masse salariale relative au calcul de la compensation des fonctionnaires est fournie par la direction du budget sans que cette donnée puisse faire l'objet d'une expertise contradictoire.

* Cet âge reste celui de la retraite dans deux régimes : les professions libérales et les ministres des cultes.

La réforme de la compensation est indispensable, mais elle soulève des questions techniques difficiles.

Le système est devenu tout d'abord trop complexe . Les manipulations de variables permettent d'une année sur l'autre des écarts importants, accréditant l'idée chez les régimes débiteurs, pas toujours infondée d'ailleurs, que la compensation ne constitue que le savant habillage d'une « ponction ».

Le système est ensuite souvent inéquitable . Certains régimes créditeurs sont amenés à financer, pour les retraités des autres régimes, des prestations supérieures à celles qu'ils versent à leurs propres retraités.

Enfin, le système est désormais totalement illisible . Des régimes contributeurs de la compensation généralisée sont bénéficiaires de la surcompensation 6 ( * ) : les mécanismes de plafonnement de la contribution des régimes, en ce qui concerne la compensation spécifique, n'ont pas correctement fonctionné en ne prenant pas en compte la progression des transferts dus au titre de la compensation généralisée.

Par la loi du 21 août 2003, le Gouvernement a choisi de préparer une réforme de la compensation généralisée et de supprimer la compensation spécifique.

A titre préparatoire et à l'initiative du président de la commission de compensation entre régimes de sécurité sociale, des discussions sur les mécanismes de compensation ont été conduites en 2003 et 2004 avec l'ensemble des régimes, sur la base d'un rapport établi par le secrétariat de cette commission.


Extraits du rapport d'audit sur les mécanismes de compensation entre régimes de sécurité sociale réalisé en juin 2004 par Franck Normand et Louis Pelé
pour la commission de compensation

Parmi les différentes solutions examinées afin de modifier les règles de calcul de la compensation, le rapport d'audit recommande d'approfondir la réflexion sur cinq d'entre elles. Il note toutefois « qu'aucune n'a fait l'objet d'une approbation unanime » :

- hypothèse d'une fusion du régime général et du régime des salariés agricoles pour les calculs des transferts :

« Cette option ne répond pas à un principe particulier, mais peut se justifier par l'alignement des prestations et l'intégration financière. Elle permet de rehausser le niveau de la prestation de référence et donc modifie sensiblement le montant des transferts, et notamment augmente fortement la contribution de la CNRACL » ;

- hypothèse d'une prise en compte des bénéficiaires de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) dans les capacités contributives de la CNAV :

« Cette option vise à une meilleure mesure des capacités contributives de la CNAV. Elle répond à la même logique que l'intégration des chômeurs. Pour pousser cette logique à son terme, il faudrait examiner l'ensemble des ressources des régimes et tenir compte des exonérations non compensées. La CNAV conteste cette option au motif que les dispositifs de solidarité ne doivent pas influencer les mécanismes de compensation. » Mme Karniewicz, présidente de la CNAV, a rejeté ce schéma qui se traduirait selon elle, pour le régime général, par une ponction financière annuelle de 500 millions d'euros 7 ( * ) . Votre commission n'y est pas davantage favorable ;

- hypothèse d'une prise en compte des durées de carrière (validées ou cotisées) pour le décompte des effectifs de retraités de droit direct :

« Cette option améliore la mesure des charges des régimes, dans le sens d'une plus grande équité. Elle se heurte toutefois à des difficultés pour mesurer de manière comparable les durées dans les différents régimes.C'est probablement la mesure qui introduirait clairement davantage d'équité dans les mécanismes en palliant notamment les défauts actuels de la compensation où chaque bénéficiaire est compté pour une unité, abstraction faite de son poids dans le régime en termes de prestations. » ;

- hypothèse d'une prise en compte des droits dérivés dans le champ de la compensation :

« Cette option vise à élargir le champ des compensations. Elle se heurte à d'importants problèmes de mise en oeuvre : difficulté pour mettre en place un mécanisme équitable qui ait une réelle portée. La proposition faite par deux régimes de bâtir un mécanisme retenant une prestation a minima sur le modèle de la compensation généralisée relative aux droits directs introduirait toutefois une iniquité qui n'existe pas pour la compensation des droits directs. » ;

- hypothèse d'une prise en compte des capacités contributives des non-salariés en fonction de leurs revenus :

« La prise en compte des revenus des non-salariés répond à l'objectif du législateur de remédier aux écarts provenant des disparités de capacités contributives entre les régimes. Elle soulève néanmoins certains problèmes : cette option remet en cause la construction actuelle des compensations en deux étages, et donc le niveau des transferts ; ses effets financiers sont très sensibles et variables suivant les modalités de mise en oeuvre ; les informations sur les revenus doivent être expertisées.

« En l'état, cette option ne peut être retenue compte tenu de la connaissance jugée encore insuffisante des revenus des non-salariés. Lorsque cet obstacle sera levé, il conviendra de modifier le mécanisme de la compensation généralisée vieillesse en supprimant la compensation interne aux salariés, mise en place en 1974 pour pallier l'absence de prise en compte des revenus des non-salariés. »

2. Créer une caisse de retraite de la fonction publique d'État

La loi portant réforme des retraites a apporté quelques améliorations bienvenues de nature à faciliter la connaissance des retraites de la fonction publique et à renforcer la qualité du contrôle parlementaire.

Il s'agit de l'obligation d'élaborer un rapport annuel sur les avancements de grades et de corps dans les trois années précédant la mise à la retraite des fonctionnaires et de la création, à partir de la loi de finances initiale pour 2005, d'une annexe nouvelle consacrée au financement du régime des pensions civiles et militaires de l'État.

Pourtant, le système actuel du financement des retraites des fonctionnaires s'apparente toujours à une « boîte noire ».

Il est difficile de dresser un constat des recettes et dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires de l'État, les dépenses étant équilibrées à due concurrence par une subvention d'équilibre dénommée assez improprement « cotisation fictive employeur ». Or, la notion de cotisation suppose une assiette à laquelle on applique un taux, ce qui ne correspond pas à cette situation. Ce constat conduit votre commission à réitérer sa proposition de création « d'un véritable régime de retraite des fonctionnaires de l'État ou son inclusion dans l'actuelle CNRACL, ce qui aurait l'avantage de regrouper dans la même caisse les trois fonctions publiques et de contribuer à une transparence unanimement souhaitée ».

3. Mettre un terme aux carences du service des pensions

Votre commission observe, pour le déplorer, que la refonte du service des pensions n'ait pu encore aboutir. La Cour des comptes dans son rapport précité consacré aux pensions des fonctionnaires civils de l'État a en effet dénoncé vivement les insuffisances majeures suivantes :

« - l'organisation éclatée et lourde caractérisée par la juxtaposition des niveaux d'instruction et un empilement de contrôles formels assurés dans des services imprégnés par une culture d'examen exhaustif de dossiers accompagnés de leurs pièces justificatives sur support papier ;

« - un système informatique déficient qui reproduit les incohérences de la chaîne de traitement des pensions liées à l'éparpillement des responsabilités ;

« - des coûts de gestion mal cernés et une productivité médiocre liée au fait que l'État n'a jamais cherché à rationaliser cette activité de production de masse en s'inspirant par exemple des techniques employées par des organismes de retraite français. »

L'impossibilité d'identifier les coûts de gestion devient, selon les termes mêmes de la Cour , « un obstacle à l'application de la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001 (LOLF). L'article 21 de la loi dispose que « les opérations relatives aux pensions » sont, « de droit, retracées sur un compte unique d'affectation spéciale ». Ces opérations devraient en toute logique inclure, en charges, les frais de gestion du régime. Mais ces dispositions sont inapplicables en l'état car force est de constater qu'aucun des « services distincts » participant à cette gestion ne dispose aujourd'hui des moyens de connaître ses coûts ».

En définitive, votre commission appelle à nouveau à ce qu'une solution soit trouvée aux problèmes relevés par la Cour des comptes. La mise en oeuvre du droit à l'information des assurés sociaux sur leur situation personnelle au regard de la retraite devrait fournir l'élément déclencheur pour conduire cette réorganisation indispensable.

III. AUGMENTER LE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS

La loi du 21 août 2003 est une condition nécessaire mais pas suffisante pour garantir sur le long terme le sauvetage du système d'assurance vieillesse. Le Gouvernement et le Parlement ont engagé leur responsabilité dans cette réforme difficile. L'initiative relève désormais très largement des comportements individuels et collectifs des acteurs du marché du travail, ainsi que des négociations entre les partenaires sociaux.

L'objectif est d'augmenter le taux d'emploi des seniors et de mettre un terme à l'utilisation massive des préretraites.

A. LES PRÉRETRAITES, « DROGUE DURE » DE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ?

La persistance du phénomène de préretraite conduit à se demander, pour reprendre les termes d'une intervention d'Yves Barou, directeur général adjoint et directeur des ressources humaines du groupe Thalès 8 ( * ) , s'il ne constitue pas, depuis une vingtaine d'année, la « drogue dure » de l'économie française.

En effet, la cessation précoce d'activité, encore conçue comme exceptionnelle au début des années 1980, s'est depuis institutionnalisée et généralisée. Le « stock » de préretraites au sens large et de dispenses de recherche d'activité avoisine encore aujourd'hui les 500.000 bénéficiaires, soit l'équivalent d'une classe d'âge née pendant la seconde guerre mondiale.

1. Une utilisation massive à compter des années 1980

Le recours aux mesures d'âge - et en premier chef aux préretraites - comme moyen de lutte contre le chômage a été généralisé à partir du début des années 1980. Il a conduit à une éviction durable des salariés les plus âgés du marché du travail, dont les effets continuent de se faire sentir.

Les préretraites ont atteint leur dernier pic en 1997 avec quelque 240.000 bénéficiaires ; elles concernent encore aujourd'hui près de 200.000 personnes.

Dispositifs de préretraite

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Allocation spéciale du Fonds national de l'Emploi (ASFNE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

23.683

21.015

21.669

18.672

11.993

7.920

6.740

6.875

7.071

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

152.409

128.442

107.789

90.654

73.411

59.939

48.045

37.958

31.973

Préretraite progressive

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

26.858

24.262

20.870

16.717

13.372

11.117

12.357

1.406

15.940

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

52.520

54.672

55.032

52.112

44.675

42.045

42.764

47.275

44.935

Allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

2.650

52.211

35.353

43.438

45.170

37.461

21.354

834

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

2.622

49.523

65.795

76.917

84.519

86.580

73.121

38.161

nd

Congé de fin d'activité (CFA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 

19.168

10.782

15.564

11.888

12.965

14.162

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 

10.061

12.117

15.142

18.407

21.579

22.664

nd

Cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 

5.218

5.313

11.824

15.654

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 

5.218

9.871

18.753

25.116

Cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

 
 
 
 
 

3.894

5.803

8.335

nd

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

 
 
 
 
 

3.785

9.152

16.681

nd

TOTAL

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Nombre d'entrées annuelles

53.191

97.488

97.060

89.609

86.099

77.498

64.532

56.646

 

Nombre d'allocataires en cours à la fin décembre

207.551

232.637

238.677

231.800

217.747

215.974

204.532

181492

 

Source : DARES, premières informations janvier 2004 et questionnaire budgétaire

A la fin de l'année 2000, les préretraites et les dispenses de recherche d'emploi représentaient plus de 90 % des effectifs d'une génération moyenne de seniors âgés de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, contre moins de 70 % dix ans plus tôt. Cette proportion, qui a eu tendance à augmenter dans les années 1990, diminue depuis 2000 pour retrouver le niveau de 1993, soit 75 %.

2. Un consensus national implicite préjudiciable

La croissance des préretraites a résulté d'un consensus social implicite entre les entreprises, renouvelant et rajeunissant plus rapidement leurs effectifs, les salariés, mettant fin plus tôt à leur activité professionnelle, et les pouvoirs publics, comptant sur ces mesures d'âge pour accroître, à court terme, les sorties du marché du travail et ainsi lutter contre le chômage.

Conçue initialement comme une politique de court terme, l'incitation publique au retrait précoce d'activité n'a jamais cessé. Ces mesures, par nature très populaires, sont devenues, malgré leur coût à long terme, difficiles à remettre en cause. Les raisons qui expliquent cette évolution ne sont donc pas uniquement économiques, mais aussi sociales et sociologiques.

3. Un taux d'activité des seniors parmi les plus bas au monde

En France, la baisse du taux d'emploi est très rapide à partir de cinquante ans, et plus encore à partir de cinquante-cinq ans. L'écart entre le taux d'emploi français et la moyenne européenne est sensible pour les personnes âgées de soixante à soixante-cinq ans (9,9 % contre 23,4 %).

La différence est plus nette encore avec la Suède qui conduit une politique spécifique visant à promouvoir l'emploi des seniors : le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à cinquante-neuf ans s'établit à 77,8 % contre 49,3 % en France, soit 29 points de plus. S'agissant des personnes de soixante à soixante-cinq ans, l'écart atteint 40 points : 50,2 % en Suède contre 9,9 % en France. A l'exception de la Belgique, notre pays est celui dans lequel l'âge moyen de retrait du marché du travail est le plus précoce : 58,1 ans, c'est-à-dire presque deux ans de moins que la moyenne de l'Union européenne (59,9 années), plus de deux ans et demi avant l'Allemagne (60,9 années) et presque quatre ans de moins qu'en Suède (62 années).

B. CONFORTER LA POLITIQUE PUBLIQUE DE RÉDUCTION DES PRÉRETRAITES

La loi du 21 août 2003 a marqué une inflexion majeure de la politique publique en matière de cessation précoce d'activité. Paradoxalement, l'impact de ces mesures s'est trouvé immédiatement amoindri par l'effet contraire du dispositif des carrières longues qui devrait se traduire, d'ici à 2008, par 500.000 départs en retraite avancée avant l'âge de soixante ans. En outre, la persistance d'un taux de chômage, aujourd'hui stabilisé autour de 10 % de la population active, explique le maintien mezzo voce d'une politique de retrait d'activité.

Dans ce contexte, renforcer l'efficacité de la politique décourageant le départ en préretraite constitue donc une ardente obligation.

1. Une charge financière insoutenable

Une certitude : la fragilisation des comptes sociaux

L'usage massif des préretraites fragilise nos régimes de retraites, déjà confrontés à d'importants besoins de financement compte tenu des évolutions démographiques. Sans évolution des politiques de l'emploi, notamment en faveur des salariés âgés, l'équilibre restera particulièrement difficile à atteindre : on estime généralement qu'une hausse d'un point du taux d'emploi ferait diminuer la part des besoins de financement des retraites exprimés par rapport au PIB de 0,2 à 0,4 point d'ici 2040.

Le coût direct des systèmes de préretraite

Le coût global des dispositifs de préretraite s'avère très lourd. Ainsi, les préretraites publiques à destination du secteur privé ont coûté, en 2003, 756,6 millions d'euros à l'État, 359,9 millions d'euros à l'UNEDIC et 450 millions d'euros aux organismes de sécurité sociale, soit au total 1,57 milliard d'euros.

Cette charge se rapporte au financement des mesures suivantes : l'allocation spéciale du fonds national de l'emploi (ASFNE), la préretraite progressive (PRP), la cessation d'activité de certains travailleurs salariés (CATS) et la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (CAATA).

L'effet des préretraites sur l'économie nationale

Une étude 9 ( * ) portant sur les pays de l'OCDE, a été réalisée en juin 2003 pour évaluer l'impact global des coûts directs et indirects liés aux cessations précoces d'activité. Les estimations ont reposé notamment sur la minoration des taux d'activité aux âges élevés, qui entraînent mécaniquement une perte de la richesse produite, sur l'impact consécutif pour la masse salariale, sur les dépenses budgétaires et sociales supplémentaires et, corrélativement, sur les diminutions de recettes publiques provoquées par les préretraites au sens large. L'instrument de mesure utilisé est le coût global apprécié en pourcentage du PIB potentiel.

Le tableau ci-après présente l'estimation du coût économique de la mise à la retraite anticipée des travailleurs âgés. Ses résultats accréditent l'idée que la France perdrait près d'un dixième de sa richesse en écartant les seniors du marché de l'emploi.

Coût des systèmes de retraite anticipée dans les pays de l'OCDE
(en % du produit intérieur brut potentiel)

 

1980

1990

2000

Belgique

 

15,2

14,1

Allemagne

7,7

9,5

13,2

France

6,2

11,2

10,3

Pays-Bas

8,1

10,5

11,2

Espagne

4,8

9,7

9,3

Royaume-Uni

 

7,5

7,2

Canada

5,5

6,7

7,2

USA

5,8

5,4

5,7

Moyenne OCDE

5,8

6,7

7,9

Source : Tryggvi Thor Herbertsson et J. Michaël Orszag :
« The early retirement burden » juin 2003

2. L'inflexion apportée par la loi portant réforme des retraites

La loi du 21 août 2003 a fait le choix de recentrer les mesures d'âge autour de deux dispositifs : un dispositif visant à prendre en compte la pénibilité du travail, dans le cadre des cessations anticipées d'activité des travailleurs salariés (CATS), et un dispositif « plans sociaux ».

Cinq autres mesures doivent par ailleurs permettre d'infléchir le taux d'emploi des seniors. Il s'agit :

- de promouvoir le maintien dans l'emploi des salariés âgés, en élargissant les cas d'exonération de la contribution « Delalande » à la rupture du contrat de travail d'un salarié âgé de plus de quarante-cinq ans (et non plus de plus de cinquante ans) à son embauche ;

- d'instituer une contribution spécifique à la charge des employeurs sur les préretraites d'entreprise, fixée par décret n° 2003-1316 du 30 décembre 2003 fixe au taux réduit de 12 % pour le régime général jusqu'au 31 mai 2008 ;

- d'inciter à la tenue de négociations triennales sur les questions de l'accès à la formation professionnelle et du maintien dans l'emploi des salariés âgés ;

- de simplifier et harmoniser les règles relatives à la limitation du cumul d'une activité salariée et la perception d'une retraite ;

- d'améliorer le régime de la retraite progressive.

3. L'encouragement implicite au retrait précoce d'activité

Les dispositifs de préretraites et de dispenses de recherche d'emploi ont été restreints, alors même que les générations potentiellement concernées devenaient plus nombreuses. La baisse des entrées a conduit à diminuer le nombre total de bénéficiaires de retraits anticipés d'activité, passé d'environ 510.000 en mai 2001 à 480.000 en novembre 2003. Ces chiffres montrent toutefois que la politique de retrait d'activité est restée efficiente.

Jusqu'en 1994, elle a principalement soutenu le retrait des seniors du marché du travail suivant une approche que l'on peut qualifier de passive. A l'inverse, au cours des dix années suivantes, l'embauche de ces salariés en contrat aidé a fortement augmenté, dans le cadre de politiques dites actives d'emploi. A partir de 1994, en application de la loi quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle de décembre 1993, les dispositifs ciblés des politiques d'emploi se sont recentrés sur les publics les plus en difficulté pour accéder au marché du travail. Les chômeurs de plus de cinquante ans ont constitué l'un des objectifs prioritaires des contrats offerts par le secteur non marchand. En conséquence, la part des seniors dans les embauches sous contrat aidé a doublé pour atteindre, en 2001, 12 % des entrées en contrat emploi solidarité (CES), 21 % en contrat emploi consolidé (CEC) et 18 % en contrat initiative emploi (CIE). Parallèlement, le retrait des seniors du marché du travail demeurait important, d'où un impact limité de ces dispositifs sur leur taux d'emploi.

On rappellera que l'article 16 de la loi portant réforme des retraites a admis une dérogation, jusqu'au 1 er janvier 2008, autorisant la mise à la retraite d'office à soixante ans si une convention ou un accord collectif étendu, fixe des « contreparties en termes d'emploi ou de formation professionnelle », sans d'ailleurs que le contenu de ces contreparties n'ait pas été davantage précisé.

Le ministre s'était alors montré réservé sur ce point 10 ( * ) : « La philosophie du projet de loi est, par toute une série de moyens - la surcote, la décote, l'allongement de la durée de cotisation, le cumul emploi-retraite notamment - de convaincre nos concitoyens que, pour améliorer leur retraite, mais aussi pour donner à notre pays les moyens de sa croissance, alors même que nous allons vers une réduction du nombre d'actifs du fait de la démographie, il faut travailler plus longtemps. Je ne vois pas comment on pourrait inciter nos concitoyens à travailler plus longtemps tout en laissant entre les mains des chefs d'entreprise une arme qui leur permettrait de licencier les salariés à soixante ans, quand bien même ceux-ci voudraient continuer à travailler plus longtemps. »

Depuis la promulgation de la loi, vingt-cinq branches professionnelles ont pris des dispositions en application de cet article 16, ce qui a abouti à vider de sa substance la règle de base portant l'âge minimal de mise à la retraite d'office à soixante-cinq ans.

Compte tenu du niveau encore particulièrement bas du taux d'emploi des seniors en France, il est donc indispensable de poursuivre le resserrement amorcé de la politique publique des préretraites.

C. COMMENT AUGMENTER LE TAUX D'EMPLOI DES SENIORS ?

La lenteur avec laquelle se modifient les comportements des acteurs économiques en matière de cessation précoce d'activité incite à s'inspirer d'expériences réussies menées dans d'autres pays industrialisés, comme la Finlande, la Suède ou les Pays-Bas .

1. Un léger renversement de tendance en France

Le taux d'activité, qui rapporte le nombre des personnes en emploi ou au chômage à la population totale considérée, n'est sans doute pas l'indicateur le plus pertinent pour apprécier la situation des seniors sur le marché du travail, car la frontière entre le chômage et l'inactivité est relativement floue aux âges élevés. Il est utile d'observer aussi, parallèlement, les évolutions du taux d'emploi, qui représente la proportion d'actifs occupés dans la population considérée.

Dans son second rapport publié en juin 2004, le COR a observé l'amorce d'un renversement de tendance en France. Alors qu'il avait encore diminué de 35,6 % à 34,2 % entre janvier 1990 et janvier 2000, le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq à soixante-quatre ans, a progressé de plus de cinq points entre mars 2000 et mars 2002 , pour atteindre 39,3 %. Les données les plus récentes confirment cette tendance à la hausse.

Evolution du taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans

 

Janvier 1990

Mars
2000

Mars
2001

Mars
2002

1 er trimestre 2002 ( * )

1 er trimestre 2003 ( * )

Ensemble

35,6

34,2

36,5

39,3

40,9

42,5

Femmes

28,8

30,2

31,8

34,6

36,0

38,3

Hommes

43,0

38,4

41,4

44,2

46,0

46,9

Source : COR

Pour relativiser ces données, la hausse s'expliquerait toutefois pour moitié par l'arrivée dans cette tranche d'âge depuis 2000 des générations nombreuses du baby-boom. Celles-ci contribuent à abaisser l'âge moyen des personnes de la tranche d'âge des cinquante-cinq à cinquante-neuf ans, ce qui conduit à augmenter artificiellement le taux d'emploi global des cinquante-cinq à cinquante-neuf ans.

2. L'adaptation lente des entreprises

Le Gouvernement s'est fixé comme objectif, dans un premier temps, d'augmenter l'âge moyen de cessation d'activité d'un an et demi.

Il s'agit de favoriser le maintien en activité des personnes de plus de cinquante ans, notamment par l'accès à la formation professionnelle (mise en oeuvre de l'accord national interprofessionnel du 5 décembre 2003 et la loi du 4 mai 2004 sur la formation tout au long de la vie et le dialogue social) et par l'adaptation des conditions de travail. Il convient également de dynamiser le marché du travail des seniors afin de favoriser le retour à l'emploi de ce public spécifique.

Pourtant, les entreprises demeurent globalement passives face au vieillissement démographique et l'image des seniors n'a guère évolué semble-t-il. Elles ne sont qu'une infime minorité à avoir développé des missions ponctuelles pour les quinquagénaires, réalisé des bilans de compétences ou instauré des systèmes de tutorat entre salariés d'âges différents.

Dans ce contexte, le Gouvernement accorde la plus grande importance au développement d'une négociation interprofessionnelle sur les relations individuelles et collectives de travail, pour favoriser des pratiques innovantes dans la gestion des ressources humaines. Celle-ci pourrait s'ouvrir au cours des prochains mois.

3. Des exemples de succès étrangers à méditer

En Allemagne , le Gouvernement, les partenaires sociaux et les entreprises ont agi de façon complémentaire. Le Gouvernement a instauré des incitations financières pour les employeurs qui embauchent des chômeurs de plus de cinquante-cinq ans et a soutenu des projets pilotes (organisation de formation à titre préventif pour les travailleurs entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans et amélioration des conditions de travail). Les partenaires sociaux et les entreprises ont développé des actions visant à maintenir dans l'emploi les travailleurs âgés. Le groupe Volkswagen a ainsi mis en place un système de préretraite à temps partiel et de compte épargne temps individuel dans le cadre d'une convention collective et d'un accord d'entreprise.

Les Pays-Bas sont passés directement d'une politique de retrait d'activité à une politique de maintien dans l'emploi. Le système de retraite anticipée existant a été progressivement transformé en un régime de retraite flexible. Les bénéficiaires de l'assurance chômage de plus de cinquante-sept ans ainsi que le « stock » des personnes inscrites au régime d'invalidité ne sont plus dispensés de recherche d'activité. Les cotisations sociales des employeurs sont déterminées en fonction de leur propension à licencier ou à embaucher des salariés âgés. Cette politique a dynamisé le marché du travail des plus de cinquante ans, comme en témoigne, par exemple, le succès d'entreprises d'intérim spécialisées dans le placement des travailleurs âgés.

En Suède , il existe traditionnellement un lien très fort entre les politiques d'indemnisation et les politiques actives de l'emploi. Un dispositif de retraite partielle a d'ailleurs été mis en place dès 1976 et les travailleurs âgés bénéficient du même accès à la formation que les autres.

Depuis le milieu des années 1990, plusieurs réformes complémentaires ont été menées :

- les dispositifs ou prestations sociales tendant à promouvoir une cessation précoce d'activité ont été considérablement restreints ou supprimés ;

- la réforme du système de retraite de 1999 a incité à une prolongation de la carrière professionnelle par la promotion du principe de neutralité actuarielle des décisions individuelles de liquidation de pension : plus on travaille longtemps, plus la pension perçue sera élevée ;

- les politiques actives de l'emploi ont été orientées vers les salariés âgés et vers l'aménagement du temps de travail.

En Finlande , la stratégie visant à enrayer la logique du retrait précoce d'activité est un succès grâce au plan national pour l'emploi des plus de quarante-cinq ans. Le taux d'emploi des seniors s'est ainsi accru de 25 % en seulement cinq années et l'âge médian de sortie du marché du travail est passé de 58,2 ans en 1996 à 59,3 ans en 2001.


Le modèle finlandais : un plan national en six volets
pour l'emploi des plus de 45 ans

1. Un effort pédagogique important entrepris par l'État :

- une campagne publique d'information, et de formation, pour changer les mentalités et l'image du vieillissement ;

- des campagnes ciblées en direction des employeurs pour mettre en valeur les atouts des salariés âgés et les manières d'en tirer profit pour l'entreprise.

2. Des actions concernant la santé et la protection au travail : l'objectif est l'amélioration des conditions de travail et la prévention des inaptitudes. Une approche intégrée du vieillissement au travail est privilégiée. Elle vise toutes les dimensions du bien-être au travail : environnementales, psychologiques et sociales. Elle a donné lieu, chaque fois, à une étroite collaboration au sein des entreprises, entre direction, représentants du personnel, experts et autorités publiques.

3. La formation professionnelle : ciblées sur les salariés de quarante-cinq ans ou plus, les actions visent à combler le fossé des niveaux de formation entre jeunes et vieux. Il s'agit d'un programme à long terme (dix à quinze ans), qui s'intègre dans une stratégie nationale pour promouvoir « l'éducation tout au long de la vie ».

4. La réhabilitation des chômeurs âgés : un suivi individualisé des demandeurs d'emploi âgés a été mis en oeuvre dans le cadre de l'action spécifique de retour à l'emploi. A noter que cette action « curative » en faveur des chômeurs âgés n'a pas apporté tous les résultats escomptés. Ce qui prouve la supériorité de la stratégie préventive adoptée, intervenant dès la mi-carrière.

5. Le passage graduel et choisi à la retraite : l'accent est mis sur la promotion du temps partiel : le seuil d'âge ouvrant droit à une retraite partielle est abaissé de cinquante-huit à cinquante-six ans et les droits à pension sont maintenus en cas d'activité partielle. La possibilité d'alterner périodes d'emploi et de congés est offerte.

6. Etudes, recherches et expérimentations : le programme comporte un volet très important d'études et de recherches. Un outil d'évaluation spécifique, « le baromètre du maintien de la capacité au travail » (TYKY) est mis en place. Il permet d'évaluer l'impact du programme national sur les salariés dans les entreprises. D'autres programmes de recherche concernent les attitudes et les pratiques des travailleurs en fin de carrière, l'âge, la santé et les compétences au travail, les pratiques discriminatoires à l'embauche, l'âgisme au travail, la formation professionnelle et les nouvelles méthodes de formation continue.

Le coût total du programme a été de 4,2 millions d'euros pour le seul financement public sur cinq ans.

Source : Anne-Marie Guillemard, Les sociétés à l'épreuve du vieillissement -
Revue Futurible n° 299, juillet 2004

Ces exemples étrangers peuvent inspirer notre pays : ils témoignent du fait qu'il n'existe pas de fatalité et qu'il est possible de revenir sur ce consensus national implicite en matière de cessation précoce d'activité.

*

* *

Sous réserve des observations qui précèdent et des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour ses dispositions relatives à l'assurance vieillesse.

ANNEXE

------

Tableau de synthèse
Application de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites
( au 1 er novembre 2004 )

 

Titre I
Dispositions générales

Titre II
Dispositions relatives au régime général et aux régimes alignés

Titre III
Dispositions relatives aux régimes de la fonction publique

Titre IV
Dispositions relatives aux régimes des travailleurs non salariés

Titre V
Dispositions relatives à l'épargne retraite et aux institutions de gestion de retraite supplémentaire

Articles d'application directe

1 - 2 - 3 - 8 -13 16 - 19

21 - 22 - 28 - 33 - 34 - 36 - 37 - 39

41 - 42 - 46 - 49 - 50 - 52 - 55 - 56 - 57 - 58 - 59 - 60 - 61 - 62 - 63 - 65 - 67 - 69 - 71 - 72 - 74 - 75 - 78 - 80

82 - 83 - 84 - 85 - 86 - 91 - 93 - 95 - 98 - 103 - 104 - 106

107 - 110 - 112

Articles totalement applicables

6 - 17 - 4 - 20 - 11 - 12 - 9

23 - 24 - 25 - 26 - 29 - 31 - 32

40 - 44 - 45 - 47 - 48 - 51 - 66 - 68 - 70 - 73 - 76 - 79

87 - 88 - 89 - 94 - 96 - 99 - 100 - 101 - 102 - 105

108 - 109 - 115

Articles partiellement applicables

14 - 15 - 18 - 5

27 - 30

43 - 53 - 54

81 - 90 - 92 - 97

111 - 113 - 116

Articles inapplicables

7 - 10

35 - 38

64 - 77

 

114

TRAVAUX DE LA COMMISSION

AUDITION DE MME DANIÈLE KARNIEWICZ,
PRÉSIDENTE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAVTS)

Réunie le mercredi 27 octobre 2004, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a entendu Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS).

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a souhaité connaître la situation de la CNAVTS en 2004, ainsi que ses perspectives financières jusqu'en 2008. Il s'est interrogé sur la vraisemblance d'un retour à une situation excédentaire à l'avenir, compte tenu de l'imminence du choc démographique correspondant au départ en retraite des premières classes d'âge du « baby boom » d'après-guerre.

Mme Danièle Karniewicz , présidente de la CNAVTS , a indiqué que l'année 2004 marquait effectivement le début d'un renversement de tendance caractérisé par une situation de déficit structurel croissant : limité à 73 millions d'euros cette année, le résultat négatif de la CNAVTS devrait ainsi atteindre 1,4 milliard d'euros dès 2005. Elle a estimé certaine la perspective de difficultés financières jusqu'en 2020, quelles que soient les hypothèses retenues.

A ce titre, elle a précisé que ses services avaient procédé à une actualisation des données prospectives réalisées pour le Conseil d'orientation des retraites (COR) en 2001, sur la base des deux paramètres d'évolution suivants : une progression annuelle du salaire moyen de 1,6 % et une baisse progressive du taux de chômage de 9,9 % de la population active en 2004 à 4,5 % en 2020. Sur ces bases, le déficit prévisionnel de la CNAVTS à cette date s'établirait à 8,9 milliards d'euros (valeur 2003) par an, ce qui devrait mécaniquement se traduire par une hausse des cotisations de 1,84 point. En l'absence de la loi portant réforme des retraites, ce déficit prévisionnel aurait atteint un niveau encore plus élevé, 14 milliards d'euros par an à cette même échéance, équivalant à un relèvement de 2,9 points de cotisations. Elle en a conclu que les perspectives de la CNAVTS demeuraient à terme préoccupantes.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur l'impact du dispositif des « carrières longues », permettant aux salariés ayant commencé à travailler à 14, 15 ou 16 ans de liquider leur pension de retraite avant l'âge de 60 ans. Tout en se félicitant de la générosité de cette mesure, il s'est demandé si, sans elle, les comptes de la CNAVTS seraient restés à l'équilibre jusqu'en 2008.

Reconnaissant tout à la fois l'importance de cette mesure pour les assurés sociaux et son impact financier considérable, Mme Danièle Karniewicz a indiqué que son coût annuel devrait être de 1,3 milliard d'euros de 2005 à 2008 inclus. Au regard de ces dépenses nouvelles, le relèvement de 0,2 point des cotisations qui interviendra en 2006 ne permettra de dégager que 750 millions de recettes supplémentaires par an. Ces données prospectives doivent toutefois être appréhendées avec prudence, dans la mesure où elles reposent sur des hypothèses de changements des comportements des assurés sociaux, intégrant la mise en oeuvre des dispositifs de surcote et de décote.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est également inquiété du tarissement des ressources allouées au Fonds de réserve des retraites (FRR) et a insisté sur la nécessité d'une augmentation du taux d'activité des personnes âgées de plus de 50 ans.

Mme Danièle Karniewicz a estimé que, compte tenu d'un démarrage plus lent que prévu, le coût du dispositif « carrières longues » ne sera que de 630 millions d'euros cette année, en retrait par rapport à la prévision initiale de la Direction de la sécurité sociale qui l'établissait à 900 millions d'euros, mais que, dès l'année prochaine, il devrait s'élever de 1,2 à 1,3 milliard d'euros par an. Le délai de réaction des demandeurs fait que 99.000 personnes seulement en bénéficient à ce jour mais la CNAV a déjà délivré 180.000 attestations aux assurés sociaux répondant aux critères d'éligibilité et devrait en avoir établi 220.000 à la fin 2004. Une note présentant le profil type du bénéficiaire sera prochainement transmise à la commission. Pour autant, elle a indiqué que, même sans ces dispositions nouvelles, la CNAVTS ne serait pas restée à l'équilibre jusqu'en 2008.

Abordant le dossier des retraites des industries électriques et gazières (IEG), M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a rappelé l'engagement ferme de la commission en faveur de l'inscription, dans la loi, du principe de neutralité du schéma d'adossement pour les régimes de retraite de droit commun. Il a souhaité connaître le montant de la soulte que devront finalement acquitter les IEG et s'il sera suffisant pour garantir aux assurés sociaux du secteur privé qu'ils ne seront pas mis à contribution pour maintenir le niveau de prestations des personnels gaziers et électriciens. Il s'est interrogé enfin sur l'éventualité de voir reproduit à l'avenir ce schéma d'adossement, jusqu'ici totalement inédit, pour d'autres régimes spéciaux de retraite.

Après avoir souligné l'apport essentiel de la commission pour obtenir l'affirmation du principe de neutralité de l'adossement des IEG dans la loi du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, Mme Danièle Karniewicz a estimé que le niveau de la soulte correspondra à ce qu'il est convenu d'appeler le « juste prix ». Elle s'est félicitée de ce compromis, dont les conséquences sont vitales pour les équilibres financiers de la CNAVTS.

Pour ce qui concerne plus particulièrement les modalités de calcul de la soulte, elle a fait observer que, pour la première fois s'agissant de la CNAVTS, le recours à la méthode dite « prospective » a été consacré. Cette méthode consiste à projeter dans l'avenir les données financières, économiques et démographiques du régime adossé et celles du régime d'accueil, afin de prévenir une dégradation exogène des équilibres de ce dernier. Elle s'est dite profondément convaincue de l'utilité de cette décision, notamment dans l'hypothèse où d'autres régimes spéciaux seraient concernés dans l'avenir.

Le compromis repose ici sur les paramètres suivants : une durée de projection de 25 ans, un taux d'actualisation de 2,50 %, la fixation du salaire de base pour le calcul de la pension des retraites à 100 % du plafond de la sécurité sociale pour 2004 et l'exclusion des prestations familiales, lesquelles seront finalement prises en charge par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

Elle a insisté sur la nature particulière du compromis conclu au titre du salaire de base : le niveau correspondant à 100 % du plafond de la sécurité sociale semblait initialement incompatible avec les exigences de la CNAVTS d'une part, en raison de l'écart entre ce taux et le fait que le salaire moyen des actifs des IEG s'établit à 95,6 % du plafond de la sécurité sociale, d'autre part, parce que la valeur retenue pour les assurés sociaux du régime général correspond actuellement à 88 % de ce plafond et devrait, à terme, être ramenée à 85 %. Seul l'engagement des IEG de prendre en charge la différence entre 95,6 % et 100 % du plafond de la sécurité sociale a rendu possible l'accord. Reproduire ce schéma d'adossement pour d'autres entreprises publiques suppose donc qu'elles disposent des capacités financières pour l'assumer, ce qui n'est pas patent pour toutes celles qui pourraient être concernées.

Elle a précisé que la soulte correspondra à un « droit d'entrée » de 7,7 milliards d'euros acquitté par les IEG auprès de la CNAVTS, auxquels s'ajoutera 1,3 milliard d'euros de prestations familiales remboursées à la CNAVTS par le FSV, soit au total 9 milliards d'euros. Son versement sera étalé dans le temps et payé de la façon suivante : un versement initial de 40 % de la soulte, soit 3,1 milliards d'euros valeur 2005, sera confié au FRR, pour être placé à long terme jusqu'à l'horizon 2020 ; le solde de 4,6 milliards d'euros sera versé de façon échelonnée par la caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) à la CNAVTS pendant 20 ans, de 2005 à 2024 ; en 2020, la CNAVTS recouvrera son capital de 3,1 milliards d'euros, majoré des intérêts capitalisés depuis 2005.

Mme Danièle Karniewicz a fait observer que le versement de 3,1 milliards d'euros sera effectivement bloqué au FRR au moins jusqu'à 2019 et ne pourra être utilisé qu'à partir de 2020 et que les versements de la CNIEG, répartis sur 20 ans, ne compenseront pas totalement, dans un premier temps, le surcoût annuel des charges liées à l'adossement. En effet, dès 2005, ces versements seront inférieurs de 48 millions d'euros aux besoins, puis l'écart s'accroîtra jusqu'à atteindre 150 millions d'euros en 2019. C'est la raison pour laquelle la CNAVTS avait demandé initialement un échelonnement sur 15 ans seulement, ce qui aurait permis des écarts moins importants. Elle a jugé toutefois que ces déséquilibres ne seront que transitoires, puisqu'ils seront compensés, après 2020, lors de la restitution de la quote-part de 3,1 milliards d'euros, augmentée des intérêts capitalisés résultant de son placement sur la période. Elle s'est également félicitée d'avoir obtenu la garantie de l'État sur les versements de la CNIEG à la CNAVTS entre 2005 et 2024.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est préoccupé d'un éventuel recours à la même technique d'adossement pour d'autres régimes spéciaux.

Mme Danièle Karniewicz a déclaré ne pas avoir été officiellement saisie d'autres dossiers de ce type, même si cette probabilité l'avait conduite à demander à ses services l'établissement de plusieurs études, notamment pour La Poste. Dans cette hypothèse, le niveau du salaire à prendre en compte par rapport au plafond de la sécurité sociale constituera à nouveau un élément crucial de la négociation, d'autant qu'il lui semblait douteux que l'exemple du niveau de prise en charge différentielle, assumé par les IEG, puisse être transposable à d'autres candidats potentiels à ce mécanisme d'adossement.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , s'est interrogé sur l'impact que représentait, aujourd'hui encore pour la CNAVTS, la modification intervenue en 2002 des règles de calcul du mécanisme de compensation démographique, qui s'est traduite par l'intégration des chômeurs dans ses effectifs. Il a demandé également quelle était la position du conseil d'administration de la CNAVTS sur le rapport d'audit de MM. Normand et Pelé, établi pour la commission de compensation en juillet 2004.

Mme Danièle Karniewicz a précisé que la modification des règles de calcul de la compensation imposée en 2002 revêtait désormais un caractère durable et entraînait une charge supplémentaire de 873 millions d'euros pour la CNAVTS pour la seule année 2003.

Sur le rapport d'audit réalisé à la demande de la commission de compensation, elle a considéré, d'une façon générale, que l'objectif d'une plus grande transparence devait être promu, mais qu'il convenait d'éviter de rendre plus complexes encore ces mécanismes de transferts financiers. Elle a relevé, en particulier, que les auteurs de ce rapport avaient choisi des hypothèses d'ajustement particulièrement sensibles aux variations de données. Ainsi, le conseil d'administration de la CNAVTS a rejeté l'hypothèse d'une prise en charge de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) qui se traduirait, pour le régime général, par une ponction financière annuelle de 500 millions d'euros s'ajoutant à celle résultant de la prise en compte des chômeurs. Elle a indiqué, en revanche, que la CNAVTS envisageait favorablement l'hypothèse de la prise en compte des durées validées et cotisées des assurés sociaux, au lieu du seul décompte de leur effectif.

M. Alain Gournac a demandé à combien était estimée la hausse de cotisations qui permettrait d'équilibrer les comptes de la CNAVTS. Il s'est enquis également des nouvelles dispositions réglementaires relatives aux pensions de réversion des veuves, dont le Premier ministre a annoncé récemment la suspension.

Mme Marie-Thérèse Hermange a également fait part de son souhait de voir prises en compte les inquiétudes manifestées par les veuves au cours des dernières semaines.

Sur le dossier des IEG, M. Guy Fischer s'est inquiété de l'éventualité d'une soulte financée par le biais d'une hausse de taxes, et donc in fine par une augmentation du prix de l'électricité.

Mme Danièle Karniewicz a indiqué qu'à court terme, c'est-à-dire à l'échéance 2008, il conviendrait, pour équilibrer les comptes du régime général, d'accroître le taux des cotisations de 0,3 point, mais que d'ici 2020 l'effort à fournir devrait atteindre 1,87 point de cotisation.

En ce qui concerne l'impact de la nouvelle contribution tarifaire des IEG, elle a simplement précisé qu'il s'appliquera sur la quote-part de 60 % de la soulte destinée à faire l'objet d'un versement échelonné dans le temps. Il appartient toutefois aux IEG, et en particulier à EDF, d'indiquer sa répercussion éventuelle sur le prix de l'électricité.

Sur le problème des pensions de réversion, elle a observé que le Gouvernement n'avait pas tenu compte de l'avis unanimement défavorable du conseil d'administration de la CNAVTS, émis en juin dernier, sur le projet de décret qui lui avait été alors soumis et qu'il avait jugé inacceptable et injuste. Elle a pris acte de la décision du Premier ministre d'en suspendre l'application d'une part, de celle du ministre de la santé et de la protection sociale, de consulter, à ce sujet, le conseil d'orientation des retraites, d'autre part. Tout en reconnaissant les problèmes rencontrés jusqu'à présent par les jeunes veuves de moins de 55 ans, elle a estimé qu'il aurait été plus sage d'en rester à l'état du droit prévalant antérieurement à la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

M. Nicolas About, président , et Mme Isabelle Debré ont tous deux déploré que le Parlement ne soit pas consulté sur de tels projets de décret.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour l'assurance vieillesse , a rappelé que le Parlement était représenté au sein du conseil de surveillance de la CNAVTS, mais pas au sein de son conseil d'administration. Il a ensuite indiqué que le COR tiendra, dès la semaine prochaine, une première réunion au sujet des pensions de réversion.

Rapport sur le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2005

Sommaire abrégé

Tome I - Equilibres financiers généraux et assurance maladie
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Exposé général sur les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie

Travaux de la commission - Auditions de :

- MM. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale , et Xavier Bertrand, secrétaire d'État à l'assurance maladie ;

- MM. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes , Bernard Cieutat, président de la 6 e chambre , Michel Braunstein, conseiller maître à la 6 e chambre et Mme Catherine Démier , conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe ;

- M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la CNAMTS ;

- M. Louis-Charles Viossat , directeur général de l'ACOSS.

Annexe :

- Réponses de la Cour des comptes au questionnaire de la commission.

Tome II - Famille
( Rapporteur : M. André Lardeux )

Exposé général sur la famille

Travaux de la commission - Auditions de :

- Mme Marie-Josée Roig, ministre de la famille et de l'enfance ;

- Mme Nicole Prud'homme, présidente du conseil d'administration de la CNAF.

Tome III - Assurance vieillesse
( Rapporteur : M. Dominique Leclerc)

Exposé général sur l'assurance vieillesse

Travaux de la commission - Audition de :

- Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la CNAVTS.

Tome IV - Accidents du travail et maladies professionnelles
( Rapporteur : M. Gérard Dériot)

Exposé général sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

Tome V - Examen des articles
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

Commentaire des articles et propositions d'amendements

Travaux de la commission - Examen du rapport

Tome VI - Tableau comparatif
( Rapporteur : M. Alain Vasselle)

* 1 Avis n° 387 (2003-2004) de M. Dominique Leclerc fait au nom de la commission des Affaires sociales.

* 2 L'écart entre le nombre d'attestations favorables et celui des liquidations a plusieurs origines : délai de décision des personnes quant à leur date de liquidation effective une fois connue la possibilité de départ ; délais de traitement des dossiers par les caisses...

* 3 Article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

* 4 Session 2000-2001, rapport d'information n° 1001 « Le fonds de réserve des retraites ».

* 5 Liquidation de pension à 35 ans (cas d'une agente administrative avec pension annuelle de 7.364 euros pour un taux de liquidation de 33 %) ; 36 ans (cas d'une adjointe administrative avec pension annuelle de 7.587 euros pour un taux de liquidation de 34 %) ; 36 ans (cas d'une femme ingénieur avec pension annuelle de 14.767 euros pour un taux de liquidation de 39 %) et  37,3 ans (cas d'une adjointe administrative avec pension annuelle de 8.628 euros pour un taux de liquidation de 38,7 %)

* 6 C'est le cas de la SNCF et de la RATP.

* 7 Cf. audition du 27 octobre 2004, p. ???

* 8 Les rencontres de Liaisons sociales - 30 septembre 2004 - Réforme des retraites et gestion des âges : où en est-on un an après ?

* 9 The early retirement burden assessing the costs of continued prevalence of early retirement in OECD countries - Tryggvi Thor Herbetsson et J. Michaël Orszag - Juin 2003.

* 10 Séance publique du 11 juillet 2003.

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