2. La clarification des relations financières entre l'État et la sécurité sociale entre chien et loup
L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale dispose que l'État doit compenser aux régimes de sécurité sociale, toute mesure d'exonération de cotisations de sécurité sociale qu'il déciderait. Par l'article 70 de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, ce dispositif a été étendu à toute mesure de réduction ou d'exonération de contribution, c'est-à-dire des taxes et impositions affectées à la sécurité sociale.
Malgré cette extension solennelle, plusieurs projets de loi soumis à l'examen du Parlement cet automne comportent des articles qui le contredisent, qu'il s'agisse du projet de loi relatif à la cohésion sociale (le contrat d'avenir) , du projet loi de finances (le financement de la couverture maladie universelle complémentaire) ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
a) Les contrats d'avenir
L'article 29 du projet de loi relatif à la cohésion sociale prévoit, à destination de certains publics éloignés de l'emploi, une nouvelle catégorie de contrats aidés dénommée « contrat d'avenir ».
Le projet de loi calque le régime d'exonération qui l'accompagne sur celui des contrats emploi solidarité (CES) et contrats emploi consolidé (CEC), notamment pour le montant de rémunération au-delà duquel le paiement des cotisations est exigé.
Il se trouve que les CES et CEC ont été créés avant la loi du 25 juillet 1994, qui a imposé l'obligation de compensation transcrite dans le code de la sécurité sociale, et que le coût des exonérations qui les accompagnent n'a pas été compensé à la sécurité sociale (1.350 millions d'euros en 2004) 2 ( * ) .
D'un côté, le projet de loi de cohésion sociale ne pose pas une dérogation explicite au principe de compensation. De l'autre, le projet loi de finances pour 2005 n'inscrit aucun crédit au titre de cette exonération nouvelle. Devant ce double silence, que conclure ?
Votre commission a tout d'abord recherché l'intention du Gouvernement qui a répondu, par la voix de Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et des personnes handicapées, qu'en raison de la proximité de l'objet des futurs contrats d'avenir avec les actuels CES et CEC, leur coût ne seraient pas compensés la sécurité sociale. Cette intention suffit-elle en droit ?
Interrogée sur ce point, la Cour des comptes a répondu par la négative.
Pour la Cour, « ce n'est pas parce que la loi de financement ne comporte pas de crédits pour compenser une exonération que cela vaut dérogation à l'article L. 131-7. Dans cette hypothèse, la sécurité sociale devra comptabiliser encore une créance sur l'État qui devra trouver sa contrepartie dans les comptes de l'État. »
Cette situation place le Gouvernement devant le dilemme suivant : ne pas compenser - mais alors il lui faut inscrire cette dérogation explicitement dans le projet de loi de cohésion sociale -, soit compenser mais il convient de prévoir les crédits correspondants en loi de finances et en loi de financement.
La persistance de la situation actuelle - ni dérogation, ni compensation - pose pour le budget et la loi de financement la question de leur sincérité.
Au-delà de cette difficulté, votre commission se bornera à constater qu'aucune règle juridique ne serait transgressée par le Gouvernement s'il proposait explicitement de ne pas compenser une mesure d'exonération. Malgré un engagement antérieur formalisé par la loi, une disposition législative nouvelle pourrait y déroger.
Elle regrette toutefois ce qui apparaît comme un singulier précédent . Lors de la mise en place des 35 heures, la majorité d'alors n'avait finalement pas osé afficher une infraction aux dispositions de la loi du 25 juillet 1994 et en avait détourné l'esprit par la création du FOREC. La mise en place des contrats d'avenir fait, pour sa part, l'économie de tout subterfuge. La perte de recettes pour les régimes sociaux s'élèvera à une somme comprise entre 200 et 300 millions d'euros en 2005, pour atteindre entre 1 et 1,5 milliard d'euros à terme, soit le double du coût actuel des CES et CEC.
* 2 Projet de loi de finances pour 2005 - Travail, santé et cohésion sociale, p. 21.