C. RENFORCER LES GARANTIES DE PROTECTION SOCIALE DES VOLONTAIRES
1. La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en commission, un amendement du Gouvernement pour rétablir la rédaction initiale de l'article 5 du projet de loi, relatif à la protection sociale des volontaires.
La rédaction du projet de loi prévoyait une mise en concurrence, comme c'est le cas pour les volontaires civils de la loi de 2000, pour la couverture des risques actuellement assurés par la Caisse des Français de l'étranger.
L'intérêt principal de la CFE pour les ressortissants français ou les résidents est d'assurer une consolidation des droits, en particulier en matière d'assurance vieillesse, plus aisée qu'en cas de recours à une assurance privée.
L'Assemblée nationale a rétabli la rédaction initiale de l'article, considérant que la possibilité d'affilier les volontaires à la CFE demeurait ouverte et qu'il convenait, de ne pas privilégier la CFE au détriment d'autres prestataires dont les coûts pourraient être inférieurs pour les associations.
2. La protection sociale : une garantie déterminante
Le présent projet de loi crée un contrat sui generis dérogatoire au code du travail. Il doit par conséquent offrir en contrepartie aux volontaires certaines garanties. La qualité de la protection sociale figure au premier rang de ces garanties ; elle est un élément déterminant pour l'attractivité du dispositif.
Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait que l'association assure au volontaire « une protection sociale d'un niveau au moins égal à celui du régime général de la sécurité sociale française ».
En première lecture, le Sénat a adopté un amendement présenté notamment par notre collègue M. Jean-Pierre Cantegrit prévoyant que l'association affilie le volontaire à « un régime de sécurité sociale lui garantissant des droits d'un niveau identique à celui du régime général de la sécurité sociale française ».
A l'étranger, seule la Caisse des Français de l'étranger, à laquelle sont actuellement affiliés les volontaires sous le régime du décret du 30 janvier 1995, répond à cette définition de « régime de sécurité sociale ».
L'Assemblée nationale est revenue, à la demande du Gouvernement, à la rédaction initiale du texte. Au cours du débat, le Gouvernement a fait valoir que l'obligation d'affiliation à la Caisse des Français de l'étranger n'était pas possible, pour des raisons juridiques, le droit communautaire de la concurrence ne le permettant pas, ni même souhaitable pour les associations, à qui la concurrence permettrait d'obtenir des tarifs plus avantageux.
3. La protection sociale des volontaires et le droit de la concurrence
D'une façon générale, le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des États membres pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale et ne fait pas obstacle à une affiliation obligatoire à un régime donné.
La Caisse des Français de l'étranger est certes un régime d'assurance volontaire, mais un régime particulier, soumis au code de la sécurité sociale français. L'article L. 766-4 du code de la sécurité sociale prévoit que lui sont applicables « les règles d'organisation et de gestion contenues dans les dispositions législatives applicables aux caisses d'assurance maladie du régime général ».
En outre, il n'est pas certain que la CFE puisse être qualifiée d'entreprise d'assurance, au sens du droit communautaire, dans la mesure où elle obéit à un objectif social et au principe de solidarité, au sens de la jurisprudence de la Cour de justice 1 ( * ) . L'article L 766-2-3 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que « lorsque les Français de l'étranger, résidant dans un Etat situé hors de l'Espace économique européen, ne disposent pas de la totalité des ressources nécessaires pour acquitter, à titre d'adhérent individuel, la cotisation correspondant à la catégorie de cotisations la plus faible (...), une partie de cette cotisation, dont le montant est fixé par arrêté interministériel, est prise en charge, à leur demande, par le budget de l'action sanitaire et social de la Caisse des Français de l'étranger ».
Cette finalité sociale n'est pas suffisante pour exclure la qualification d'activité économique mais dans l'hypothèse où elle serait qualifiée comme telle, il reste à apprécier dans quelle mesure cette activité pourrait porter atteinte au fonctionnement du marché intérieur dans des conditions préjudiciables aux assurés.
Or, l'affiliation des volontaires ne paraît pas de nature à permettre à la CFE de bénéficier d'une position dominante de nature à perturber le fonctionnement du marché intérieur. Le niveau des prestations est indexé sur le niveau en vigueur en France, alors que le taux des cotisations vise un objectif d'équilibre financier.
En d'autres termes, la situation particulière faite à la CFE par l'obligation d'affiliation des volontaires ne la met pas en position de pratiquer des tarifs exagérés pour des prestations d'un niveau médiocre, situation que viserait précisément à prévenir le droit communautaire de la concurrence.
L'obligation d'affiliation des volontaires à la Caisse des Français de l'étranger est jusqu'à présent fondée sur la base d'un décret simple que toute entreprise d'assurance désireuse d'assurer la couverture sociale des volontaires aurait pu contester devant les juridictions compétentes. Cette contestation n'a pas eu lieu.
Il semble par conséquent loisible au législateur de prévoir l'affiliation des volontaires à la CFE.
Cette affiliation est-elle pour autant souhaitable ?
4. Une véritable garantie pour les volontaires
Le Gouvernement a fait valoir que les volontaires civils de la loi de 2000 n'étaient pas affiliés à la CFE mais bénéficiaient des prestations d'une assurance groupe à des tarifs négociés pour l'ensemble des volontaires.
Deux éléments différencient cependant les volontaires civils des volontaires de solidarité internationale pour les questions de protection sociale.
Les tarifs de la protection sociale des volontaires civils sont négociés par l'Etat pour l'ensemble des volontaires alors qu'il reviendra aux différentes associations de négocier chacune, pour son compte, l'assurance des volontaires qu'elles expatrient. Le libre choix des associations pour des assurances pratiquant des tarifs plus avantageux n'aurait pas de conséquence déterminante sur leur budget dans la mesure où la couverture sociale est très largement, à 83 %, prise en charge par le ministère des Affaires étrangères, via le FONJEP.
D'autre part, l'Etat assure lui même la couverture vieillesse des volontaires civils 2 ( * ) , possibilité qui n'est pas offerte aux associations dans le cadre d'un contrat de droit privé. Or, si la réalisation des prestations est immédiate pour la plupart des risques, il convient de regarder attentivement comment s'effectue la consolidation des droits des volontaires à l'assurance vieillesse au moment de la retraite. Sur ce point précis de l'assurance vieillesse, la CFE assure la continuité des droits acquis auprès de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse. Une affiliation à la CFE pour le seul risque vieillesse où elle présente cet avantage décisif et non pour les autres risques, paraît difficilement envisageable.
Votre Commission souhaite rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, considérant que cette rédaction ne ferait que maintenir l'affiliation à la CFE des volontaires qui y sont actuellement assurés en vertu du décret de 1995, que la CFE assure une couverture offrant de réelles garanties et que le droit communautaire ne fait pas obligation aux associations de mettre la CFE en concurrence, concurrence qui serait au demeurant difficile à mettre en oeuvre, chaque association passant des contrats d'assurance pour son propre compte.
Le contrat de volontariat, qui soustrait le volontaire aux garanties offertes par le code du travail, de par sa volonté propre, doit lui garantir une protection sociale de qualité, d'autant plus souhaitable que son activité s'exerce souvent dans des conditions sanitaires difficiles.
Nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France ont également témoigné en commission de ce que la CFE couvre mieux certaines maladies et notamment le SIDA.
Le recours à la CFE a été considéré comme satisfaisant par les associations entendues par votre rapporteur, au premier rang desquelles la Délégation catholique à la coopération qui expatrie le nombre le plus important de volontaires.
Le droit communautaire n'impose pas de remettre en cause l'affiliation des volontaires à la CFE tandis que des considérations d'efficacité commandent de la maintenir.
* 1 CJCE 22 janvier 2002 Cisal
* 2 par le biais du Fonds de solidarité vieillesse