b) L'émergence des groupes
Notre
droit de la négociation collective ignore encore l'existence des
groupes
8
(
*
)
.
Or ceux-ci occupent une place considérable dans notre économie.
Au 1
er
janvier 2002, selon l'INSEE
9
(
*
)
, les groupes d'entreprises
employaient 8 millions de salariés, soit 55 % des effectifs de
l'ensemble des entreprises, et regroupaient quelque 94.000 entreprises.
Parmi eux, 84 groupes employaient près de 3,5 millions de
salariés.
Dans ces conditions, le groupe apparaît bien souvent pour les entreprises
et pour les salariés comme une réalité bien plus tangible
que la branche,
a fortiori
si le groupe relève de plusieurs
branches.
La négociation de groupe est donc appelée à prendre une
place de plus en plus importante pour régir les sujets
d'intérêt commun aux entreprises qui les composent, alors que le
droit de la négociation de groupe n'en est encore qu'à ses
premiers balbutiements.
c) La carence du dialogue social dans les petites entreprises
A
l'heure actuelle, l'exercice de la négociation collective relève
de la seule responsabilité des organisations syndicales, hormis certains
cas particuliers
10
(
*
)
.
Les délégués syndicaux sont donc en principe les
interlocuteurs obligatoires de l'employeur dans la négociation
d'entreprise.
Or, l'implantation des délégués syndicaux dans les petites
entreprises reste très faible. En moyenne, seuls 20 % des
établissements de dix salariés et plus sont effectivement
couverts par un délégué syndical.
Part des établissements couverts par un délégué syndical selon la taille de l'établissement dans les établissements de dix salariés et plus
(en %)
10 à 19 salariés |
20 à 49 salariés |
50 à 99 salariés |
100 à 249 salariés |
250 à 499 salariés |
500 salariés et plus |
Toutes tailles |
10 à 49 salariés |
50 salariés et plus |
5,6 |
18,0 |
55,1 |
74,0 |
89,1 |
95,5 |
20,2 |
10,5 |
67,0 |
Source : Enquête Acemo-IRP 1999
Cette
situation entrave alors le développement de la négociation
collective dans les petites entreprises.
Or, autant l'existence même et l'utilité d'un accord collectif
peut apparaître illusoire dans une entreprise de quatre ou cinq
salariés, autant elle apparaît légitime et souhaitable dans
une entreprise d'une cinquantaine de salariés.
Cette faible possibilité de conclure des accords collectifs dans les
petites entreprises est d'autant plus préoccupante que celles-ci
constituent la cellule de base de notre tissu économique et que la
tendance actuelle favorise plutôt l'essor des petites entreprises sous
l'effet notamment de la place croissante du secteur tertiaire et du
développement de l'externalisation.
Certes, pour remédier à cette carence, des dispositifs visant
à développer le dialogue social dans les petites entreprises ont
été mis en place.
Ainsi, la loi du 12 novembre 1996, transposant l'accord national
interprofessionnel du 31 octobre 1995, a institué, à titre
expérimental, la possibilité pour des accords de branche
d'organiser, en l'absence de délégués syndicaux, des
procédures de négociation dérogatoires au droit commun
impliquant des représentants élus des salariés ou un
salarié mandaté par une organisation syndicale
représentative.
De même, les lois du 13 juin 1998 et du 17 janvier 2000 ont
repris la procédure de mandatement ou de négociation avec les
représentants du personnel pour conclure des accords de réduction
du temps de travail. Une telle procédure était d'ailleurs
inévitable dans la mesure où ces lois subordonnaient le
bénéfice des aides liées à la réduction du
temps de travail à la conclusion d'un accord collectif.
Mais ces deux dispositifs ne sont aujourd'hui plus applicables, empêchant
alors le développement de la négociation collective dans les
petites entreprises.
*
* *
Toutes
ces évolutions soulignent, si besoin était, la
nécessité de donner aujourd'hui un nouvel élan au dialogue
social dans notre pays et de réformer en profondeur notre droit de la
négociation collective.
Votre rapporteur souligne à ce propos que nos principaux partenaires
européens, confrontés peu ou prou à des mutations
comparables de l'environnement de leur négociation collective, ont pour
la plupart d'ores et déjà engagé une réforme de
leur droit de la négociation collective, la tendance étant
partout - comme le montre l'étude de législation
comparée annexée au présent rapport - à la
décentralisation de la négociation collective au niveau de
l'entreprise.
* 8 Même si celle-ci a été reconnue par la jurisprudence de la Cour de cassation.
* 9 Images économiques des entreprises et des groupes au 1 er janvier 2002.
* 10 Ainsi, en matière d'intéressement et de participation ou de prévoyance complémentaire, il est admis que les accords peuvent être négociés et conclus avec les représentants du personnel ou approuvés par la majorité des salariés, sans intervention syndicale.