EXAMEN
DES ARTICLES
TITRE PREMIER
-
DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
TOUT AU LONG DE LA VIE
CHAPITRE PREMIER
-
Dispositions générales
Article premier
(intitulé du livre IX du code du
travail)
Modification de l'intitulé du livre IX du code du
travail
Objet : Cet article vise à inscrire la formation
professionnelle continue dans le cadre de la formation tout au long de la vie,
en modifiant l'intitulé du livre IX du code du travail.
I - Le dispositif proposé
Formation continue, formation permanente, formation tout au long de la vie...
Les hésitations du vocabulaire révèlent les incertitudes
qui tiennent à la finalité de la formation professionnelle en
France : ainsi, au fil des ans, on a tour à tour mis l'accent sur
la fonction utilitaire de la formation (formation professionnelle) ou sur la
nécessité de son prolongement au-delà de l'école
(formation continue). Faute d'avoir pu trancher, on en est aujourd'hui
arrivé à réunir les deux termes, sous le vocable de
formation professionnelle continue (FPC). Parallèlement, la distinction
entre formation initiale et formation professionnelle s'est progressivement
atténuée avec l'émergence de la formation professionnelle
initiale (lycées professionnels).
La formation professionnelle : un problème de sémantique
Formation professionnelle
: terme utilisé pour
qualifier les différentes composantes du système institutionnel
français issu de l'accord interprofessionnel de 1970 et de la loi de
1971. On emploie souvent l'expression de « système de la
formation professionnelle ». Une confusion est à éviter
avec la formation professionnelle initiale, qui recouvre les structures
d'enseignement à caractère professionnel intégrées
au système éducatif (les lycées professionnels notamment).
Formation professionnelle continue
: terme qui figure dans le titre
de la loi de 1971, et qui peut être utilisé en équivalence
au terme précédent. Cependant, son usage caractérise le
plus souvent les formes d'engagement des entreprises qui découlent des
contraintes légales, c'est-à-dire le financement ou
l'organisation d'actions de formation à destination des salariés.
Education permanente
: terme qui figure également dans le
titre de la loi de 1971 et qui renvoie à une perspective de
développement continu des capacités des individus tout au long de
leur vie sociale et professionnelle. Porté notamment par les mouvements
d'éducation populaire, il est souvent utilisé en opposition au
terme précédent afin de resituer la formation des adultes hors du
seul cadre de l'entreprise.
Education tout au long de la vie
: terme traduit de l'expression
anglaise
lifelong learning
, qui est utilisée dans les instances
européennes pour caractériser « toute activité
d'apprentissage délibérée, formelle ou informelle,
entreprise sur une base continue dans l'objectif d'améliorer les
connaissances, les compétences et les qualifications ».
D'autres termes sont également utilisés dans les propos ou les
écrits des acteurs du système de la formation
professionnelle :
formation permanente, formation continue, formation
professionnelle des adultes, éducation des adultes, etc.
Source : La formation professionnelle en mutation, Liaisons
sociales, 2001
A
l'heure actuelle, le livre IX du code du travail, qui regroupe les principales
dispositions relatives à la formation professionnelle, est ainsi
intitulé : «
De la formation professionnelle continue
dans le cadre de l'éducation permanente
».
Le présent article propose un nouvel intitulé ainsi
rédigé : «
De la formation professionnelle
continue dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la
vie
».
L'expression «
formation professionnelle tout au long de la
vie
» a une double origine :
- historique, car dès 1791 le rapport Condorcet sur l'instruction
publique évoquait une instruction qui se prolongerait tout au long de la
vie ;
- européenne, car, comme l'indique l'exposé des motifs du
présent projet de loi,
« la loi inscrit le processus de
réforme du système de formation professionnelle dans la
réalisation de l'espace européen de formation tout au long de la
vie souhaitée par les Etats membres dans la résolution
adoptée en 2002 à Séville.
»
En effet, c'est le droit communautaire qui a donné une nouvelle
actualité à l'expression «
formation tout au long de
la vie
». En 1996, déclarée
« année européenne de la formation professionnelle
tout au long de la vie »,
l'Union européenne a
publié un Livre blanc affirmant le rôle central de la formation
professionnelle dans la politique de l'emploi des Etats membres. Celle-ci a
fait l'objet d'une première définition dans le mémorandum
de la commission européenne du 30 novembre 2001,
entériné par la résolution du Conseil européen du
27 juin 2002. La formation professionnelle tout au long de la vie
désigne ainsi «
toutes les activités d'apprentissage
menées au cours de la vie dans le but d'améliorer ses
connaissances, ses qualifications et ses compétences, que ce soit dans
une perspective personnelle, citoyenne, sociale ou en vue d'un
emploi.
»
Pour atteindre cet objectif, le Conseil a émis des recommandations
concrètes aux Etats membres de l'Union :
- mobiliser les ressources nécessaires (augmentation des
investissements dans les ressources humaines, développement de
l'investissement privé dans la formation, recours aux ressources
financières de la Communauté) ;
- promouvoir la formation sur le lieu de travail ;
- améliorer l'éducation des enseignants ;
- encourager la validation des acquis de l'expérience ;
- développer des actions d'information, d'orientation et de conseil
axées sur des publics ciblés ;
- développer des stratégies permettant d'accroître les
compétences des personnes les plus éloignées de
l'emploi.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans
modification.
III - La position de votre commission
Votre commission se réjouit que le présent projet de loi soit
inscrit dans une dynamique communautaire. En effet, bien que la formation
professionnelle, composante de la politique de l'emploi, reste une
compétence nationale, elle doit tenir compte de la stratégie
européenne pour l'emploi. Il en va de la compétitivité du
territoire européen et de la nécessité de construire un
espace solidaire réduisant au minimum les tentations de
dumping
social ou d'une concurrence entre Etats.
Tout récemment, le 11 novembre 2003, la Commission européenne a
néanmoins adopté une communication dans laquelle elle
s'inquiétait des retards de l'Union européenne dans le domaine de
la formation : selon elle, «
trop peu d'Européens
continuent de se former à l'âge adulte au regard des besoins de la
société de la connaissance, surtout dans le contexte de
l'allongement de la durée de la vie active induite par la réforme
des retraites. Or, moins de 10 % des adultes ont accès à la
formation continue, l'objectif étant d'atteindre 12,5 % d'ici
à 2010 ».
Pour provoquer ce qu'elle appelle un
«
sursaut
», la Commission suggère
d'actionner plusieurs leviers prioritaires parmi lesquels figure la
définition d'une stratégie de formation tout au long de la vie
impliquant les partenaires sociaux.
C'est précisément ce que se propose de faire le Gouvernement en
inscrivant dans le code du travail la formation professionnelle tout au long de
la vie.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 2
(art. L. 900-1 du code du travail)
Les finalités de
la formation tout au long de la
vie
Objet : Cet article confirme que la formation
professionnelle tout au long de la vie reste une obligation nationale et en
adapte les finalités aux évolutions du marché du travail.
I - Le dispositif proposé
a) Le dispositif actuel
L'article L. 900-1 du code du travail, actuellement en vigueur,
définit la formation professionnelle continue comme une obligation
nationale et lui assigne deux objectifs principaux :
- «
permettre l'adaptation des travailleurs au changement des
techniques et des conditions de travail
» ;
- «
favoriser leur promotion sociale par l'accès aux
différents niveaux de la culture et de la qualification professionnelle
et leur contribution au développement culturel, économique et
social »
.
Définis par la loi n° 84-130 du 24 février 1984, ces
objectifs sont désormais trop restrictifs par rapport aux
évolutions récentes du marché de l'emploi. Dans le
préambule de l'ANI, les partenaires sociaux en ont ainsi relevé
quatre : l'ouverture de l'économie française sur le monde,
le renouvellement accéléré des techniques de production et
de distribution des biens et des services, le ralentissement du rythme de
renouvellement des générations et le déficit global de
qualifications et de compétences. A titre d'illustration, chaque
année, on ne compte que 650.000 jeunes environ pour remplacer 850.000
personnes très qualifiées partant à la retraite.
Il convenait donc de moderniser les finalités assignées à
la formation professionnelle continue.
b) les modifications proposées
Le 1° du présent article réaffirme que la formation
professionnelle, comme c'est le cas depuis la loi du 3 décembre 1966,
reste une obligation nationale
qui mobilise l'ensemble des acteurs reconnus
(État, collectivités locales, établissements publics,
établissements d'enseignement publics et privés, associations,
organisations professionnelles, syndicales et familiales, entreprises).
En revanche,
le 2° apporte des modifications substantielles aux
objectifs assignés à la formation professionnelle
. Il vise
ainsi à les mettre en meilleure adéquation avec les
évolutions récentes du marché du travail. Il est ainsi
proposé de :
- «
favoriser l'insertion ou la réinsertion
professionnelle des travailleurs
» ;
- «
permettre leur maintien dans
l'emploi
» ;
Ces objectifs, nouveaux, traduisent les préoccupations contemporaines
liées à l'individualisation et à la mobilité des
parcours professionnels, à l'anticipation des ruptures, à la
sécurisation des trajectoires professionnelles dans un contexte de
mutations économiques rapides.
- «
favoriser le développement de leurs
compétences et l'accès aux différents niveaux de la
qualification professionnelle
». A travers la notion de
compétences, il s'agit de consacrer le système
d'évaluation des salariés (bilan de compétences,
validation des acquis....) qui permet à ceux-ci de faire
reconnaître leur savoir-faire et leur capacité
professionnelle ;
- «
contribuer au développement
économique, culturel et à la promotion sociale »
,
selon la formule qui figure déjà dans le droit actuellement en
vigueur.
Ces adaptations sont conformes à la philosophie de l'article 5 de l'ANI
du 20 septembre 2003 selon lequel «
chaque salarié doit
être en mesure de développer, de compléter ou de renouveler
sa qualification, ses connaissances, ses compétences et ses aptitudes
professionnelles
».
Toute référence à la notion d'éducation permanente
est supprimée. En effet, cette notion renvoie à la formation
initiale, dont il est désormais établi qu'elle ne permet pas
toujours l'accès direct à un emploi appelé, de
surcroît, à évoluer au cours de la vie professionnelle. Par
ailleurs, comme le relevait le rapport de la commission d'enquête de
l'Assemblée nationale sur la formation professionnelle
7
(
*
)
, la formation professionnelle
n'a plus pour seule vocation de former les jeunes, les chômeurs ou les
inactifs en quête d'un emploi ; elle a de plus en plus souvent pour
objet d'adapter les compétences des salariés déjà
en poste aux évolutions de leur métier. Aujourd'hui, on souhaite
donc insérer pour former et non plus seulement former pour
insérer.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté au présent article un seul
amendement
, issu d'une proposition commune de la commission des Affaires
culturelles, familiales et sociales et de M. Christian Paul, tendant à
préciser que la promotion sociale visée est celle des
salariés en formation.
III - La position de votre commission
Dans ses précédents avis relatifs au budget de la formation
professionnelle, votre commission a souvent dénoncé la
complexité du système. La confusion progressive des objectifs est
devenue telle qu'il importe, dans la situation économique actuelle, de
mieux distinguer éducation et formation, formation initiale et continue,
et de fixer des priorités.
En assignant à la formation professionnelle des objectifs de promotion
sociale et de développement économique et culturel d'une part, et
de préservation des compétences d'autre part, le texte donne une
ampleur nouvelle à l'ensemble du dispositif et ajoute, aux objectifs de
l'entreprise, les choix professionnels des individus. Il met ainsi
concrètement en oeuvre l'une des recommandations du Livre Blanc sur
«
la formation professionnelle, diagnostics, défis et
enjeux
», publié en 1999 par le secrétariat
d'État aux droits des femmes et à la formation
professionnelle, qui proposait «
de distinguer ce qui
relève de l'intérêt respectif de l'employeur et du
salarié et ce qui peut faire l'objet d'une initiative individuelle,
encadrée collectivement pour le bien des deux
».
Toutefois, votre rapporteur s'interroge sur le sort réservé par
le présent article aux personnes inactives. L'article 14 ci-après
qui organise les périodes de professionnalisation, prévoit bien
des dispositions en faveur des personnes de retour d'un congé parental.
Toutefois, celles-ci restent liées au monde de l'entreprise par un
contrat de travail, seulement suspendu. Pour les femmes qui ont interrompu leur
activité professionnelle, rien n'a été prévu par
l'accord du 20 septembre 2003, les organisations professionnelles
représentant les salariés et non les inactifs.
De fait, votre rapporteur constate à regret que l'appel du
Président de la République, lancé le 6 avril 2000,
à l'occasion de l'inauguration de la Caisse d'allocations familiales de
Nantes, n'a toujours pas été
entendu : «
Le droit du travail permet en principe un
retour dans l'entreprise pour les mères, ou plus rarement, les
pères, qui ont demandé le bénéfice du congé
parental. La situation des femmes qui étaient sans emploi au moment de
la naissance de leurs enfants demeure cependant très mal résolue.
Personne ne le conteste. Ni l'État ni les partenaires sociaux ne se sont
vraiment préoccupés d'accompagner le parcours difficile des
mères qui souhaitent reprendre un emploi après un temps plus ou
moins long d'interruption
».
Rappelons tout de même que 79 % des femmes au foyer, soit deux
millions de femmes, ont quitté leur emploi pour s'occuper de leurs
enfants, davantage si l'on intègre les personnes qui ont renoncé
à une activité pour prendre soin de leur conjoint ou ascendants
en situation de dépendance. Les trois quart d'entre elles souhaitent
retrouver un emploi, seuls 5 % d'entre elles préférant
rester au foyer. Cette demande s'accentue après 50 ans lorsque les
enfants ont grandi. Or, plus ces femmes sont restées longtemps
éloignées du marché du travail, plus leur qualification
s'amenuise. Il a donc semblé légitime d'étendre les
mesures de formation proposées au présent article aux personnes
inactives se trouvant dans ce cas de figure.
Votre commission
présentera donc
un amendement
en ce sens
et
vous propose d'adopter cet article ainsi
amendé.
Article 3
(art. L. 900-2 du code du travail)
Typologie des actions
de formation professionnelle
Objet : Cet article vise à améliorer la
typologie des actions de formation existantes et, en particulier, à
mieux définir les actions dites d'adaptation et de développement
des compétences des salariés.
I - Le dispositif proposé
a) Le dispositif actuel
L'article L. 900-2 du code du travail actuellement en vigueur dresse la
typologie des actions de formation entrant dans le champ d'application des
dispositions relatives à la formation professionnelle continue. Il
distingue six catégories d'actions de formation dont chacune a un objet
bien spécifique :
-
les actions de préformation et de préparation à
la vie professionnelle
ont pour objet de permettre à toute personne,
sans qualification professionnelle et sans contrat de travail, d'atteindre le
niveau nécessaire pour suivre un stage de formation professionnelle
proprement dit ou pour entrer directement dans la vie professionnelle ;
-
les actions d'adaptation
ont pour objet de faciliter
l'accès de travailleurs titulaires d'un contrat de travail à un
premier emploi ou à un nouvel emploi ;
-
les actions de promotion
ont pour objet de permettre à des
travailleurs d'acquérir une qualification plus
élevée ;
-
les actions de prévention
ont pour objet de réduire
les risques d'inadaptation de qualification à l'évolution des
techniques et des structures des entreprises, en préparant les
travailleurs dont l'emploi est menacé à une mutation
d'activité, soit dans le cadre de leur entreprise, soit en dehors ;
-
les actions de conversion
ont pour objet de permettre à
des travailleurs salariés, dont le contrat de travail est rompu,
d'accéder à des emplois exigeant une qualification
différente ou à des travailleurs non salariés
d'accéder à de nouvelles activités professionnelles ;
-
les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des
connaissances
ont pour objet d'offrir aux travailleurs, dans le cadre de
l'éducation permanente, les moyens d'accéder à la culture,
de maintenir ou de parfaire leur qualification et leur niveau culturel ainsi
que d'assumer des responsabilités accrues dans la vie associative.
A cette liste, globalement établie à la fin des
années 70, se sont jointes, plus récemment, de nouvelles
catégories de formations plus adaptées aux préoccupations
contemporaines comme
les actions de formation continue relatives à la
radioprotection des personnes
prévues à l'article
L. 1333-11 du code de la santé publique ont été
introduites dans le code du travail par l'ordonnance n° 2001-270 du
28 mars 2001.
Par ailleurs, la loi n° 91-1405 du 31 décembre 1991 a
fait entrer dans le champ d'application des dispositions relatives à la
formation professionnelle continue les actions permettant de réaliser un
bilan de compétences
. Puis, la loi n° 2002-73 du 17
janvier 2002 relative à la loi de modernisation sociale a
également intégré dans cette typologie les actions
permettant aux travailleurs de faire
valider les acquis de leur
expérience
en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre
à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification.
b) Les modifications proposées
Le paragraphe I vise à moderniser cette typologie
en
redéfinissant plus particulièrement la catégorie des
actions d'adaptation, qui font l'objet du troisième alinéa de
l'article L. 900-2 du code du travail.
Ainsi, les actions d'adaptation ne devront plus être
considérées comme un moyen de faciliter l'accès des
salariés à l'emploi mais comme un moyen de favoriser
«
l'adaptation des salariés à leur poste de travail,
à l'évolution des emplois ainsi que leur maintien dans
l'emploi
»
8
(
*
)
. Elles auront également pour objet de
«
participer au développement des compétences des
salariés
».
Dans un objectif de coordination avec les dispositions de l'article 2,
le paragraphe II propose de supprimer la référence à
l'éducation permanente
figurant au septième alinéa de
l'article L. 900-2 du code du travail.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un
amendement
,
proposé par M. Christian Paul, tendant à reprendre plus
précisément la définition des actions d'adaptation et de
développement des compétences, telle que proposée dans
l'ANI.
III - La position de votre commission
La nouvelle typologie des actions de formation fait écho à
certaines dispositions de l'ANI par lesquelles les partenaires sociaux ont
exprimé le souhait de «
favoriser l'individualisation des
parcours de formation et le développement de la formation en situation
professionnelle et des nouvelles technologies
éducatives
».
Toutefois, au-delà de la simple redéfinition de la notion
d'actions d'adaptation, les parties signataires de l'ANI ont demandé aux
pouvoirs publics, à l'article 22 de cet accord, de considérer
comme éligibles au titre de la formation professionnelle de nouvelles
catégories de formation :
- le tutorat, c'est-à-dire l'accompagnement d'un individu par un
salarié de l'entreprise au cours de sa formation professionnelle;
- l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la
communication dont l'« e-formation » ;
- les activités de recherche et de développement portant sur
l'ingénierie pédagogique des actions de formation ;
- les dépenses de préparation aux actions de validation des
acquis de l'expérience ;
- les dépenses relatives à l'individualisation et à
l'évaluation des actions de formation qui sont prises en charge par un
organisme paritaire collecteur agréé.
Mais il ne s'agit là que des modalités de mise en oeuvre des
actions de formation de l'article L. 900-2 du code du travail. Elles n'ont
pas vocation à s'ajouter à cette typologie, par la voie
législative, mais plutôt d'y être assimilées par la
voie réglementaire.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans
modification.
Article 4
(art. L. 900-3 du code du travail)
Droit à la
qualification professionnelle
Objet : Cet article vise à modifier les
modalités de mise en oeuvre du droit à la qualification
professionnelle et à permettre à l'État de participer
à son développement.
I - Le dispositif proposé
L'actuel article L. 900-3 du code du travail crée, en faveur des
actifs, un droit à la qualification professionnelle. Ainsi,
«
tout travailleur engagé dans la vie professionnelle ou
toute personne qui s'y engage a droit à la qualification professionnelle
et doit pouvoir suivre, à son initiative, une formation
lui
permettant, quel que soit son statut, d'acquérir une qualification
correspondant aux besoins de l'économie prévisibles à
court ou moyen terme
».
Cette qualification doit répondre aux critères suivants :
- soit entrer dans le champ d'application de l'article 8 de la loi
n° 71-577 du 16 juillet 1971 d'orientation sur l'enseignement
technologique ;
- soit être reconnue dans les classifications d'une convention
collective nationale de branche ;
- soit figurer sur une liste établie par la commission paritaire
nationale de l'emploi d'une branche professionnelle.
Les 1° et 3° du présent article modifient les
modalités de mise en oeuvre du droit à la qualification
professionnelle
.
Le
1°
supprime la mention selon laquelle le droit à la
qualification professionnelle ne peut être mise en oeuvre
qu' «
à l'initiative
» de l'individu. En
effet, cette rédaction exclut les actions initiées par les autres
acteurs de la formation professionnelle tels que l'entreprise, le service
public de l'emploi ou les collectivités publiques. Toutefois, il peut
sembler paradoxal de promouvoir la responsabilisation de l'individu en
matière de formation, conformément à la philosophie de ce
projet de loi, tout en lui ôtant toute initiative pour les formations qui
le concernent.
Le
3°
donne à l'État la possibilité de
contribuer à l'exercice de ce droit, notamment pour les personnes
n'ayant pas acquis de qualification reconnue dans le cadre de la formation
initiale. Le dispositif ainsi annoncé s'inspire du droit à la
formation qualifiante ou diplômante différée, issu de
l'article 12 de l'ANI. Les partenaires sociaux ont, en effet, demandé la
mise en place d'un dispositif permettant aux salariés d'avoir
«
accès à une formation qualifiante ou
diplômante d'une durée totale maximale d'un an, mise en oeuvre
notamment dans le cadre du congé individuel de
formation
». Les salariés concernés seraient ceux
qui ont arrêté leur formation initiale avant ou au terme du
premier cycle de l'enseignement supérieur, et en priorité ceux
qui n'ont pas obtenu de qualification professionnelle reconnue et qui
souhaitent poursuivre ultérieurement des études en vue d'une
promotion sociale.
Pour encourager l'exercice du droit à la qualification professionnelle
pour ces personnes,
il est prévu au 2° de permettre aux
personnes qui le souhaitent d'accéder à l'ensemble des
qualifications existantes et qui sont couvertes par le répertoire
national des certifications professionnelles.
Ce répertoire, issu de
l'article 134 de la loi de modernisation sociale n° 2002-73 du 17
janvier 2002, figure à l'article L.335-8 du code de l'éducation.
Il liste les diplômes et les titres à finalité
professionnelle par domaine d'activité et par niveau, à partir
d'une classification établie par la commission paritaire nationale de
l'emploi d'une branche professionnelle. Le dispositif est géré
par la commission nationale de la certification professionnelle, placée
auprès du Premier ministre.
Le crédit-formation, qui a actuellement pour objet de permettre
à toute personne d'acquérir une telle qualification à
partir d'un bilan de compétences et d'une formation prise en charge par
l'État, les régions, les organisations professionnelles ou les
syndicats, est, quant à lui, supprimé.
En effet, ce dispositif créé en 1990 a mal vieilli en raison de
l'absence de financement - ce qui explique qu'il ait rarement
été mis en oeuvre au profit des salariés dans le cadre du
congé individuel de formation- et de la décentralisation
progressive aux régions des formations qualifiantes des jeunes.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements au présent
article.
Sur proposition de la commission des Affaires culturelles, familiales et
sociales, de M. Frédéric Dutoit, de Mme Martine Billard et
de M. Christian Paul, l'Assemblée nationale, après un avis
de sagesse du Gouvernement, a adopté un amendement tendant à
réserver à l'individu l'exclusivité de l'initiative pour
le droit à la qualification (suppression du 1° de l'article).
L'Assemblée nationale a, en effet, considéré que la
rédaction proposée par le texte à ce paragraphe
était de nature à déresponsabiliser le salarié
vis-à-vis de sa formation.
En outre, l'Assemblée nationale, sur proposition de la commission des
Affaires culturelles, familiales et sociales, ainsi que de M. Francis
Vercamer, a associé les régions à l'exercice du droit de
la qualification professionnelle, conformément aux nouvelles
compétences que le projet de loi relatif aux responsabilités
locales leur accorde
9
(
*
)
.
III - La position de votre commission
Votre commission se félicite de la volonté du Gouvernement de
donner un contenu effectif au droit à la qualification professionnelle,
présenté par le Président de la République comme le
dispositif de la deuxième chance.
Toutefois, le présent projet ne met pas explicitement en place le
dispositif des «
formations qualifiantes ou diplômantes
différées
», souhaité par les partenaires
sociaux à l'article 12 de l'ANI, arguant de la nécessité
de provoquer au préalable une consultation des collectivités
territoriales et des autres départements ministériels, comme
l'Education nationale. Toutefois, cette concertation ne pourra intervenir
qu'après le vote définitif du projet de loi relatif aux
responsabilités locales.
Votre commission trouve légitime ce souci de concertation. Pour autant,
elle regrette l'attitude qui a consisté à soumettre au Parlement
le présent projet de loi pour examen alors même que l'adoption du
projet de loi relatif aux responsabilités locales n'est pas encore
acquise. En menant simultanément l'analyse de deux textes portant sur la
même matière, mais appréhendée sous deux angles
distincts, le Gouvernement empêche non seulement votre commission de se
prononcer sur le présent article en connaissance de cause mais il prend,
en outre, le risque de multiplier les incohérences dans le dispositif
final.
Votre commission vous propose néanmoins d'adopter cet article sans
modification.
Article 5
(art. L. 900-5-1 nouveau du code du travail)
Handicap et
illettrisme
Objet : Cet article vise à favoriser l'insertion
professionnelle des personnes handicapées ou invalides, d'une part, et
à intégrer les actions de lutte contre l'illettrisme et
l'apprentissage de la langue française dans la formation professionnelle
tout au long de la vie, d'autre part.
I - Le dispositif proposé
Afin de favoriser leur accès à l'emploi, leur maintien dans
l'emploi et leur promotion professionnelle,
le paragraphe I insère
un nouvel article L. 900-5-1 dans le code du travail tendant à
permettre aux personnes invalides ou handicapées de
bénéficier d'actions spécifiques de formation. Les
personnes visées sont recensées à l'article L. 323-3
du même code. Il s'agit :
- des travailleurs reconnus handicapés par la commission technique
d'orientation et de reclassement professionnel ;
- des victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles
ayant entraîné une incapacité permanente au moins
égale à 10 p. 100 et titulaires d'une rente attribuée
au titre du régime général de sécurité
sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire ;
- les titulaires d'une pension d'invalidité attribuée au
titre du régime général de sécurité sociale,
de tout autre régime de protection sociale obligatoire ou au titre des
dispositions régissant les agents publics à condition que
l'invalidité des intéressés réduise au moins des
deux tiers leur capacité de travail ou de gain ;
- les anciens militaires et assimilés, titulaires d'une pension
militaire d'invalidité au titre du code des pensions militaires
d'invalidité et des victimes de la guerre ;
- les veuves de guerre non remariées titulaires d'une pension au
titre du même code, dont le conjoint militaire ou assimilé est
décédé des suites d'une blessure ou d'une maladie
imputable à un service de guerre ou alors qu'il était en
possession d'un droit à pension militaire d'invalidité d'un taux
au moins égal à 85 p. 100 ;
- les orphelins de guerre âgés de moins de vingt et un ans et
les mères veuves non remariées ou les mères
célibataires, dont respectivement le père ou l'enfant, militaire
ou assimilé, est décédé des suites d'une blessure
ou d'une maladie imputable à un service de guerre ou alors qu'il
était en possession d'un droit à pension d'invalidité d'un
taux au moins égal à 85 p. 100 ;
- les veuves de guerre remariées ayant au moins un enfant à
charge issu du mariage avec le militaire ou assimilé
décédé, lorsque ces veuves ont obtenu ou auraient
été en droit d'obtenir, avant leur remariage, une pension ;
- les femmes d'invalides internés pour aliénation mentale
imputable à un service de guerre;
- les sapeurs-pompiers volontaires titulaires d'une allocation ou d'une
rente d'invalidité attribuée en cas d'accident survenu ou de
maladie contractée en service.
Le
paragraphe II
modifie la première phrase et le deuxième
alinéa de l'article L. 900-6 du code du travail relatif à la
lutte contre l'illettrisme. Il est, d'une part, proposé
d'
insérer la lutte contre l'illettrisme dans le champ de la formation
professionnelle tout au long de la vie
, et non plus dans l'éducation
permanente. D'autre part, l'inscription de la lutte contre l'illettrisme dans
le champ de la formation professionnelle continue est étendue de
manière plus générale à l'apprentissage de la
langue française
.
Qui
sont les illettrés aujourd'hui en France ?
L'illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans
qui, bien qu'ayant été scolarisées, ne parviennent pas
à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie
quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre
des informations simples. Pour certaines personnes, ces difficultés en
lecture et écriture peuvent se combiner, à des degrés
divers, avec une insuffisante maîtrise d'autres compétences de
base comme la communication orale, le raisonnement logique, la
compréhension et l'utilisation des nombres et des opérations, la
prise de repères dans le temps et dans l'espace. Malgré ces
déficits, les personnes en situation d'illettrisme ont acquis de
l'expérience, une culture et un capital de compétences en ne
s'appuyant pas ou peu sur la capacité à lire et à
écrire. Certaines ont ainsi pu s'intégrer à la vie sociale
et professionnelle mais l'équilibre est fragile, et le risque de
marginalisation permanent. D'autres se trouvent dans des situations d'exclusion
où l'illettrisme se conjugue avec d'autres facteurs.
D'après l'enquête sur l'Information et la Vie quotidienne (dite
IVQ), réalisée par l'INSEE en novembre 2002, et publiée en
novembre 2003, on estime entre 10 % et 14 % la proportion des
personnes en difficulté de lecture dans la population vivant en France
et âgée de 18 à 65 ans. Si l'on se restreint aux personnes
ayant appris à lire le français, ce taux est compris entre
7 %
et 10 %. Inversement, entre la moitié et les
deux tiers des personnes ayant étudié dans une langue
étrangère éprouvent des difficultés de lecture en
langue française. Les hommes sont plus souvent en difficulté que
les femmes : entre 7 %
et 12 % de ces
dernières sont en difficulté face à l'écrit, contre
11 % à 16 % des hommes. Les personnes âgées de 50
à 65 ans (13 % à 20 %) sont aussi plus souvent
concernées que les plus jeunes de moins de 30 ans (3 % à
8 %).
Les chiffres recueillis au cours de la journée de préparation
à la défense (JAPD) par le ministère de la Défense
montrent que 6 % des jeunes présents aux JAPD sont
repérés en situation d'illettrisme, soit 8 % des
garçons et 3,9 % des filles.
La lutte contre l'illettrisme couvre quatre champs d'intervention :
l'action en direction des enfants, des adultes, des jeunes de plus de 16 ans,
et des personnes âgées. Les actions ainsi menées ne sont
pas de même nature selon l'âge des personnes. Historiquement, ce
sont surtout les actions en faveur des adultes engagées pendant la vie
active qui ont mobilisé les acteurs de la lutte contre l'illettrisme.
Les apports de plusieurs ministères, notamment du ministère des
affaires sociales, du travail et de la solidarité, avec le programme
IRILL (insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme), les
contributions des conseils régionaux, des conseils
généraux, des communes, du fonds d'action et de soutien à
l'intégration et à la lutte contre les discriminations, du fonds
social européen, des plans de formation des entreprises sont
déterminants car leur mise en synergie permet d'assurer des services
permanents aux personnes.
Source : Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANCLI).
II -
Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté aucun amendement au
présent article.
III - La position de votre commission
S'agissant de la formation professionnelle des personnes invalides et
handicapées, votre commission approuve le souci du Gouvernement de
renforcer leur accès à la formation. Il s'agit d'ailleurs d'un
des chantiers prioritaires du Président de la République. En
outre, l'année 2003 ayant été déclarée
Année européenne des personnes handicapées, c'est
l'ensemble des pays de l'Union européenne qui ont été
invités à engager des initiatives en la matière.
En effet, le constat dressé par la Cour des comptes en 1993
10
(
*
)
reste malheureusement
largement d'actualité : «
un dispositif de formation
insuffisant »
,
« une insertion professionnelle
figée en milieu protégé », « un
accès encore difficile à l'emploi en milieu
ouvert »
constituent toujours autant d'obstacles à une
insertion professionnelle durable des personnes handicapées.
Pour preuve, le taux de chômage des personnes handicapées est
trois fois supérieur à celui de la population active
française. Entre septembre 2002 et septembre 2003, il s'est
aggravé de 7 % pour s'élever à 26 % contre
9,7 % pour la population française totale (soit 154.186 demandeurs
d'emploi). Cette situation s'explique surtout par la faiblesse de leur niveau
de qualification, comme le montre le tableau ci-dessous :
Niveau
de formation des travailleurs handicapés (septembre
2003)
Niveau de formation |
Travailleurs handicapés |
Population active valide |
||
Nombre |
Taux |
Nombre |
Taux |
|
Niveaux
I et II
|
4.086 |
2,7 % |
288.588 |
10,9 % |
Niveau
III
|
6.718 |
4,4 % |
295.386 |
11,1 % |
Niveau
IV
|
16.922 |
11,0 % |
458.007 |
17,2 % |
Niveau
V
|
7.1145 |
46,1 % |
952.624 |
35,8 % |
Niveau V bis |
12.733 |
8,3 % |
190.900 |
7,2 % |
Niveau VI |
42.190 |
27,4 % |
400.635 |
15,1 % |
Non renseigné |
392 |
0,3 % |
71.952 |
2,7 % |
TOTAL |
154.186 |
100 % |
2.658.092 |
100 % |
Source : Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH)
Dans son
rapport d'information relatif à la politique de compensation du handicap
publié en juillet 2002, notre collègue M. Paul Blanc
expliquait que «
la faiblesse des orientations vers la formation
témoignait de l'insuffisante prise en compte de l'impératif de
formation et des insuffisances de dispositifs de
formation
». Cette critique valait autant pour les mesures
de formation spécialisées que pour les dispositifs ordinaires.
Sans vouloir anticiper sur l'examen du projet de loi portant
égalité des droits et des chances pour les personnes
handicapées, votre commission tient, d'ores et déjà,
à donner un signal fort en direction de cette population. Elle propose
donc
un amendement
tendant à préciser que les dispositifs
de formation professionnelle de droit commun sont ouverts aux personnes
mentionnées à l'article L. 323-3 du code du travail, les
actions spécifiques ne devant être mobilisées qu'en second
recours dans le cadre des actions menées par les différents
prestataires de formations spécialisées (AGEFIPH, COTOREP, CRP),
en collaboration avec des organismes tels que l'AFPA ou l'ANPE
11
(
*
)
.
S'agissant de l'insertion, de la politique de lutte contre l'illettrisme et de
l'apprentissage de la langue française dans le champ de la formation
continue, votre commission exprime également sa satisfaction.
Véritable fléau de notre société, l'ampleur de
l'illettrisme reste encore méconnu, bien qu'on estime qu'il touche
5 % à 10 % de la population. C'est la raison pour laquelle, le
25 mars 2003, le Gouvernement a lancé un plan de lutte contre la
précarité et l'exclusion dont un volet important a pour objet la
mise en place de plans d'actions régionaux autour des centres ressources
illettrisme (CRI) présents dans chaque région, en partenariat
avec les prescripteurs tels que l'ANPE, les missions locales, les permanences
d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO) ou encore les centres
d'animation et de ressources de l'information sur la formation (CARIF).
En 2002, la lutte contre l'illettrisme n'a pourtant concerné que
23.000 personnes en France, même si ce nombre a augmenté de
18 % par rapport à 2001, parmi lesquelles on comptait 80 % de
demandeurs d'emploi. Toutefois, à l'issue de leur formation, seuls 10
à 15 % obtiennent un contrat de travail de droit commun ou un
contrat de travail aidé, 30 % sont encore en recherche d'emploi et
40 % poursuivent un parcours de formation dont l'issue est souvent
incertaine. L'effort de formation devrait donc être amplifié.
L'affirmation du principe selon lequel les actions de lutte contre
l'illettrisme font partie de la formation professionnelle tout au long de la
vie est, en ce sens, d'une importance capitale.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
amendé.
Article 6
(chapitre II du titre IV du livre IX - abrogé-
et art.
L. 322-7-1 nouveau du code du travail)
Aide au remplacement des
salariés partis en formation dans les entreprises de moins de cinquante
salariés
Objet : Cet article vise assouplir les modalités
de l'aide financière accordée par l'État aux entreprises
de moins de cinquante salariés qui embauchent des personnes pour assurer
le remplacement des salariés partis en formation.
I - Le dispositif proposé
Actuellement, le chapitre II du titre IV du livre IX du code du travail, qui
comporte un article unique L. 942-1, «
Aide de l'État
au remplacement de certains salariés en formation
»
autorise l'État à porter assistance aux entreprises de moins de
cinquante salariés placées dans ce cas de figure, selon les
modalités suivantes :
-
nature de l'aide
: un montant forfaitaire de 460 euros
est versé sur la base d'un forfait mensuel correspondant à
169 heures. L'aide ne peut être accordée que pour une
durée inférieure à deux ans ;
-
entreprises bénéficiaires
: l'aide est
destinée à tous les employeurs de moins de
cinquante salariés, quelle que soit la forme juridique de
l'entreprise. Sont donc exclus l'État, les collectivités
territoriales et les établissements publics administratifs ;
-
salariés visés
: l'aide est accordée
pour le départ en formation de tous les salariés de l'entreprise,
quels que soient leurs catégories professionnelles et leur type de
contrat de travail, à l'exception des salariés titulaires de
contrats d'apprentissage, les contrats en alternance, les contrats
initiative-emploi, les contrats emploi-solidarité et les salariés
liés à des entreprises temporaires par des contrats de travail
temporaires ;
-
formation envisagée
: les formations ouvrant droit
à l'aide au remplacement sont celles qui sont effectuées au titre
du plan de formation ou du congé individuel de formation (CIF) pendant
le temps de travail en continu et doivent être dispensées dans un
organisme de formation extérieur à l'entreprise ;
-
nature du remplacement
: le salarié remplaçant
doit être recruté à l'extérieur, sous contrat de
travail à durée déterminée ou à durée
indéterminée, ou mis à disposition par une entreprise de
travail temporaire ou par un groupement d'employeurs. Les groupements
d'employeurs permettent à des petites et moyennes entreprises de se
regrouper pour employer une main-d'oeuvre qu'elles n'auraient pas, à
elles seules, les moyens de recruter. Leur fonctionnement est organisé
au chapitre VII du titre II du livre premier du code du travail.
A
contrario
, le salarié remplaçant ne peut être
recruté dans le cadre d'un contrat en alternance, d'un contrat
d'apprentissage ou d'un contrat emploi-solidarité.
En 2003, le nombre de personnes remplaçant des salariés partis en
formation s'est élevé à 569 seulement, ce chiffre ayant
régulièrement baissé (713 en 2000 et 569 en 2001) en
raison des pénuries de main-d'oeuvre existantes. Toutefois, pour
dynamiser ce dispositif, il est prévu au présent article d'en
adapter les modalités.
Si, dans un premier temps, le
paragraphe I
abroge le dispositif
précité, le
paragraphe II
le rétablit, à
l'article L. 322-7-1 nouveau du même code dans une version
modifiée. Les dispositions ainsi abrogées figureront
désormais à la section II «
Aides à
l'adaptation des salariés aux évolutions de l'emploi, dans le
cadre des accords sur l'emploi
» du livre III relatif au
placement et à l'emploi. Le déplacement des dispositions
relatives à ce mécanisme du livre du code du travail
consacré à la formation professionnelle dans celui
consacré à l'emploi répond à la nature du
dispositif, plus proche de l'aide à la création d'emplois que de
la formation.
Sur le fond, seul le régime de l'aide accordée pour le
remplacement des salariés en formation est modifié : il
s'agira d'une aide calculée sur la base du salaire minimum de
croissance, et non plus d'une aide forfaitaire.
Enfin, il est prévu qu'un décret en Conseil d'État fixe
les modalités d'application du présent article.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a adopté qu'un
amendement
rédactionnel au présent article, présenté par sa
commission des affaires culturelles, familiales et sociales.
III - La position de votre commission
Votre commission espère que le dispositif d'aide au remplacement du
salarié absent permettra de développer l'embauche de personnes
supplémentaires dans les entreprises, en particulier des demandeurs
d'emploi. Votre rapporteur a pu ainsi être sensibilisée par le
système du « job rotation », actuellement mis en
oeuvre au Danemark, qui permet à un chômeur sur deux d'être
embauché à la suite d'une expérience de remplacement dans
l'entreprise.
Votre commission se félicite que le Gouvernement se soit
également inspiré des souhaits exprimés par les
partenaires sociaux dans l'ANI. Néanmoins, à son article 13,
ceux-ci avaient également exprimé leur souci d'adapter, par la
négociation de branche, le dispositif d'information des salariés
aux petites et moyennes entreprises.
«
Les parties signataires du présent accord demandent aux
branches professionnelles et aux OPCA de développer l'intensité
et la qualité de l'information des instances représentatives du
personnel lorsqu'elles existent, et des responsables des PME et des entreprises
artisanales sur les dispositifs de formation dont peuvent
bénéficier leurs salariés.
A cette fin, des négociations seront ouvertes avant le 31
décembre 2004, pour définir dans le cadre d'accords de branche ou
d'un accord collectif conclu entre les organisations représentatives
d'employeurs et de salariés signataires de l'accord constitutif d'un
OPCA interprofessionnel, dans leur champ de compétence respectif, des
modalités spécifiques de financement des actions d'information
des jeunes et des salariés sur les besoins et les moyens de la
formation
. (...)
[Ces accords] peuvent définir des
conditions particulières de financement des actions de formation des
salariés des entreprises concernées et du remplacement du
salarié parti en
formation
, lorsque le
problème se pose.
»
Votre commission estime que le principe d'une adaptation aux petites et
moyennes entreprises du financement des actions d'information
précitées devra être pris en compte dans les
négociations à venir, afin de permettre aux PME de mettre en
oeuvre les nouvelles dispositions du projet de loi dans les meilleures
conditions.
Enfin, votre commission propose
un amendement
rédactionnel
tendant à déplacer l'insertion des dispositions du présent
article à un autre endroit mieux choisi du code du travail,
c'est-à-dire au chapitre II du titre II du livre III du code du travail
relatif au placement et à l'emploi.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
amendé.
Article 7
(art. L. 930-1 nouveau du code du travail)
Initiative des
actions de formation
Objet : Dans un objectif de clarification, cet article
vise à confier aux salariés l'initiative du congé de
formation, aux employeurs, l'initiative du plan de formation et aux
salariés en accord avec l'employeur, l'initiative en matière de
droit individuel à la formation.
I - Le dispositif proposé
a) Le dispositif actuel
Dans le droit actuellement en vigueur, les congés de formation sont
très divers. Pour les trois principaux (congé individuel de
formation (CIF), plan de formation, capital temps de formation), le parcours en
formation d'un salarié est initié par :
- le salarié lui-même dans le cadre du CIF ;
- l'employeur dans le cadre du plan de formation ;
- le salarié et l'employeur dans le cadre du capital temps de
formation.
Le congé individuel de formation, à l'initiative du
salarié
(article L. 931-1 du code du travail)
Le CIF a pour objet de permettre à tout salarié de suivre,
à son initiative, et à titre individuel, des actions de formation
de son choix. Il ne peut donc être imposé par l'employeur,
celui-ci ayant uniquement la possibilité de différer la date de
départ en formation souhaitée par le salarié. Pendant
toute la durée de son congé de formation, le salarié reste
un employé de l'entreprise. Son contrat de travail est suspendu.
Le plan de formation, un pouvoir discrétionnaire de l'employeur
(articles L. 950-1 et L. 951-1 du code du travail)
Le plan de formation correspond à l'ensemble des actions de formation et
de bilans de compétences que l'employeur décide de faire suivre
à ses salariés en fonction des objectifs de développement
de l'entreprise. L'employeur n'a pas l'obligation légale de mettre en
place un plan de formation. Il est libre de déterminer sa politique de
formation ainsi que de choisir les salariés qu'il souhaite envoyer en
formation. Sa liberté de choix est cependant encadrée par les
obligations d'adaptation et de formation qui s'imposent à lui dans
certains cas. Par ailleurs, l'employeur est libre d'intégrer dans son
plan de formation des demandes individuelles formulées par les
salariés ainsi que des formations proposées par des
représentants du personnel.
Le capital temps de formation
(article L. 932-3 du code du
travail)
Le capital temps de formation
est un dispositif d'épargne
formation qui permet à un salarié de suivre, à son
initiative et pendant son temps de travail, une formation dans le cadre du plan
de formation de l'entreprise. Il se situe donc à mi-chemin entre le plan
de formation à l'initiative de l'employeur et le congé individuel
de formation à l'initiative du salarié.
Autres congés de formation
Hormis ces dispositifs les plus fréquents, il existe d'autres motifs
permettant à un salarié de s'absenter pendant son temps de
travail afin de suivre une formation
12
(
*
)
.
b) Le dispositif proposé
Dans un objectif de rationalisation, il est proposé de créer un
article L. 930-1 nouveau au titre III du livre IX du code du travail,
avant le chapitre premier. Cet article dispose que l'accès des
salariés à des actions de formation professionnelle continue
s'effectuera :
- à l'initiative de l'employeur dans le cadre du plan de formation ;
- à l'initiative du salarié dans le cadre du congé de
formation ;
- à l'initiative du salarié avec l'accord de son employeur
dans le cadre du droit individuel à la formation.
Cette présentation correspond aux termes de l'ANI, notamment son
article 7 relatif au CIF, qui «
a pour objet de permettre
à tout salarié de poursuivre, à son initiative et à
titre individuel, les actions de formation de son choix
»,
l'article 8, qui dispose que le chef d'entreprise propose au comité
d'entreprise un plan de formation, et l'article 6, qui souhaite que la mise en
oeuvre du droit individuel à la formation «
relève
de l'initiative du salarié, en liaison avec son
entreprise
». Sur ce dernier point toutefois, le présent
article paraît plus contraignant puisqu'il exige l'accord de l'entreprise.
Enfin, le texte ne modifie pas le régime de l'initiative des autres
congés de formation : ces congés demeurent un droit que le
salarié peut solliciter, l'employeur n'ayant, dans la plupart des cas
qu'une possibilité de différer ou, parfois, de refuser la demande.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale n'a pas proposé de modification au
présent article.
III - La position de votre commission
Les dispositions du présent article constituent le préambule du
titre III du livre IX relatif aux droits individuels et aux droits collectifs
des salariés en matière de formation. Il récapitule les
principaux dispositifs existants et définit clairement qui doit
être l'initiateur de la démarche de formation pour chacun d'entre
eux.
Par ailleurs, votre commission présentera
trois amendements
au présent article.
D'une part, le premier concerne le principe général d'obligation
de formation des salariés par l'employeur que l'Assemblée
nationale a supprimé à l'article 10 du présent projet
de loi.
Parce que le présent article énonce surtout des principes
généraux, votre commission a souhaité qu'il soit ici
rétabli cette obligation de formation. En effet, sur initiative de
M. Jean Ueberschlag, l'Assemblée nationale a supprimé
l'obligation imposée à l'employeur de former ses salariés,
au motif que cette obligation ne peut pas s'appliquer aux formations se
déroulant en dehors du temps de travail, prévues dans le nouveau
plan.
Il est vrai que le contenu du plan de formation est étendu à de
nouvelles catégories de formation (article 10 du projet de loi).
Ainsi, il comprendra :
- les actions d'adaptation au poste de travail qui se déroulent
pendant le temps de travail ;
- les actions de formation liées à l'évolution des
emplois et participant au maintien dans l'emploi ;
- les actions de formation ayant pour objet le développement des
compétences des salariés qui, sous certaines conditions, ont lieu
hors du temps de travail.
Pour autant, votre commission ne s'explique pas les motifs de la suppression de
l'obligation de formation assignée à l'employeur pour deux
raisons :
- d'une part, cette suppression n'est pas conforme à l'esprit de
l'ANI et en déséquilibre gravement l'économie ;
- d'autre part, elle est lourde de conséquences en ce qui concerne
la responsabilité de l'employeur dans la formation de ses
salariés. Issue de la jurisprudence « Expovit » de
la Cour de cassation, en date du 25 février 1992, l'obligation de
formation est un principe fondamental de notre droit du travail que les
partenaires sociaux n'ont à aucun moment souhaité remettre en
question.
C'est la raison pour laquelle votre commission propose, par voie d'amendement,
le
rétablissement de l'obligation de formation des
salariés
par l'entreprise, tout en adaptant cette obligation
à la nouvelle typologie des actions qui forment le plan de formation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi
amendé.
* 7 Rapport n°1241 remis au Président de l'Assemblée nationale le 18 mai 1994.
* 8 A ce stade, il convient de noter que ces trois types d'actions, regroupés au quatrième alinéa de l'article L. 900-2 du code du travail, sont régis par des statuts juridiques différents, régimes fixés par l'article 10 du présent projet (cf. infra) qui recense les actions mises en oeuvre dans le cadre du plan de formation de l'employeur.
* 9 Le projet de loi relatif aux responsabilités locales, adopté par le Sénat le 15 novembre 2003, est toujours en cours d'examen.
* 10 Rapport au Président de la République sur les politiques sociales en faveur des personnes handicapées adultes, novembre 1993.
* 11 Votre commission proposera également deux autres amendements aux articles 16 et 28 du présent projet de loi tendant à mieux prendre en compte les attentes des travailleurs handicapés en matière de formation professionnelle continue et d'apprentissage.
* 12 Congé de formation pour les jeunes travailleurs (article L. 931-29) ; congé pour examen (article L. 931-1) ; congé d'enseignement (article L. 931-28) ; congé de participation aux instances de la formation professionnelle continue (article L. 992-8) ; congé de formation de cadres et d'animateurs pour la jeunesse (article L. 225-1) ; congé de formation économique, sociale et syndicale (article L. 451-1) ; congé lié à l'exercice d'un mandat au sein du comité d'entreprise (article L. 434-10) ou des prud'hommes (article L. 514-3)...