B. LES CRITIQUES DE LA SITUATION ACTUELLE
Les critiques sont nombreuses et émanent tant des avocats, des notaires et des magistrats que des justiciables eux-mêmes.
1. Des détournements de procédure fréquents du fait des effets des divorces pour faute et pour rupture définitive de la vie commune
Contrairement aux espoirs des promoteurs de la loi de 1975, la procédure de divorce pour faute est restée très employée. En 2001, elle représentait 38,5 % des cas de divorce prononcés directement. L'évolution parait cependant encourageante, puisque ce taux était en 1999 encore de 42,8 %.
Ce choix, loin de se fonder sur une réalité vécue, apparaît souvent dicté par des considérations de pure opportunité procédurale, en l'absence d'autre alternative possible, ou en raison d'intérêts financiers contestables. Dans ce cas, les effets destructeurs sur les relations familiales et le maintien des liens parents enfants sont patents.
a) Pour contraindre un époux non fautif à divorcer
En effet, la procédure de divorce pour faute est souvent choisie lorsque l'autre époux refuse le divorce et que les conditions du divorce pour rupture de la vie commune (six ans de séparation préalable) ne sont pas réunies. Cette exigence n'apparaît plus adaptée au mode de vie actuel.
b) Pour éviter les effets du divorce pour rupture de la vie commune
Le divorce pour rupture de la vie commune est demeuré très marginal -1,3 % en 2001- en raison des conditions exigées, mais surtout des conséquences qu'il entraîne pour le demandeur : maintien du devoir de secours (c'est-à-dire une pension alimentaire révisable également à la hausse jusqu'au décès de l'ex-conjoint), intégralité de la charge financière de la procédure, impossibilité de percevoir une prestation compensatoire, attribution facilitée du logement à bail à l'autre époux, maintien de l'usage du nom par la femme, révocation des donations et avantages matrimoniaux dont il était le bénéficiaire, refus de révoquer ceux qu'il avait consentis, et impossibilité de demander le report de la date des effets.
c) Pour ses conséquences financières pour le conjoint aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé
De plus, si le demandeur à un divorce pour faute est la partie économiquement la plus forte -en pratique bien souvent l'homme-, il a parfois l'espoir de voir le divorce prononcé aux torts exclusifs de son conjoint afin notamment de ne pas avoir à lui verser de prestation compensatoire, ni de risquer de se voir appliquer les règles relatives au sort des donations entre époux et avantages matrimoniaux ou au report de la date des effets du mariage. Au contraire, la partie financièrement la plus faible -en pratique souvent la femme- préférera cette procédure pour ses conséquences patrimoniales.
Notons cependant qu'en 1996, 23,2 % de demandes de divorce pour faute avaient abouti à un divorce aux torts partagés.
d) Par défiance envers le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre
Le divorce demandé par un époux et accepté par l'autre ne représente que 13,1 % des cas de divorce, alors qu'il correspond à la majorité des situations en pratique. Cependant, il lui est reproché un formalisme excessif puisqu'il prévoit un échange de mémoire relatif aux faits de nature à rendre le maintien de la vie commune intolérable. Les défendeurs hésitent par ailleurs à accepter le principe du divorce sans en connaître les effets.
De plus, il apparaît peu sûr puisque l'autre époux peut refuser de donner son accord au divorce, ne pas comparaître, voire se rétracter. Il faut alors recommencer toute la procédure.
2. Des procédures envenimant les conflits
- Dans les divorces contentieux, l'audience de conciliation, destinée à organiser la vie des époux et des enfants pendant la procédure, est polluée par la discussion sur les faits, mentionnés dans la requête initiale, qui indique par ailleurs la procédure choisie.
- La procédure de divorce demandé et accepté prévoit que l'époux demandeur doit faire état de faits procédant de l'un et de l'autre tendant à rendre le maintien de la vie commune intolérable. L'autre époux doit reconnaître les faits devant le juge.
- Les procédures de divorce pour faute sont trop souvent l'occasion de déballages intimes à grand renfort d'attestations, de témoignages, voire de production de courriers du conjoint ou de journaux intimes. Ce climat délétère est particulièrement destructeur pour les enfants, ainsi que pour les époux eux-mêmes.
3. Des procédures trop longues et trop formalistes
En 2001, la durée moyenne des procédures de divorce s'est établie à 12,8 mois en première instance. Un divorce sur demande conjointe est prononcé 9,2 mois après la requête initiale. Un divorce pour faute dure deux fois plus longtemps.
Délais des procédures de divorce en 2001
Type de divorce |
Délai (en mois) |
Moyenne tous divorces (1 ère instance) |
12,8 |
Divorce sur demande conjointe |
9,2 |
Divorce sur demande acceptée |
12,2 |
Divorce pour rupture de la vie commune |
16,1 |
Divorce pour faute |
17,3 |
Source : Annuaire statistique de la justice
- L'obligation de comparaître deux fois devant le juge, avec un délai de réflexion obligatoire de trois mois, est unanimement critiquée pour les procédures sur demande conjointe dans lesquelles il n'y a pas d'enfant mineur ni de demande de prestation compensatoire (lorsque les deux époux travaillent et ont des revenus équivalents, ce qui est le cas de nombreux foyers modestes). Elle est de plus superflue et source de retards pour des couples parfois séparés de fait depuis des années et qui ont réglé leur vie après la séparation.
Néanmoins, la question reste débattue de savoir si le juge doit dispenser les époux d'une deuxième comparution, celle-ci demeurant le principe, ou si le principe doit au contraire être une comparution unique avec possibilité pour le juge de prévoir une deuxième comparution si les conséquences du divorce ne paraissent pas pleinement arrêtées, ou d'accéder à une demande en ce sens de l'un des époux.
- La procédure de divorce demandé et accepté , qui requiert un échange de mémoire entre les époux parait trop formaliste. De plus, la longueur de la phase initiale de la procédure retarde la prise des mesures provisoires dont le couple peut avoir besoin.
- La durée des divorces pour faute est également dénoncée. Loin de permettre de faire le deuil du mariage, elle ne fait qu'aviver les griefs respectifs des époux.
- Par ailleurs, les possibilités de passage d'une procédure à l'autre sont trop réduites. Certes, il est possible, tant qu'aucune décision n'a été rendue sur le fond, de demander à passer d'un divorce contentieux vers un divorce sur demande conjointe ( art. 246 du code civil ). Néanmoins, cela suppose de reprendre la procédure de demande conjointe depuis le début. De plus, cette passerelle d'une procédure contentieuse à une procédure sur requête conjointe n'est actuellement possible qu'au stade de la conciliation.
En outre, il n'existe pas de passerelle entre les procédures contentieuses.
4. Une liquidation du régime matrimonial trop tardive et mal préparée, aux conséquences redoutables
a) La fixation de la prestation compensatoire sans connaître les résultats de la liquidation du régime matrimonial
En prononçant le divorce, le juge statue sur la prestation compensatoire, avant même que la liquidation soit intervenue. Or, la révision du montant de la prestation compensatoire, si elle est plus facile depuis la loi du 30 juin 2000, est impossible lorsqu'elle est attribuée sous forme de capital fractionné, qui constitue la règle depuis 2000.
La liquidation peut modifier substantiellement la situation apparente des époux au moment de la séparation, en raison principalement de l'effet rétroactif de la dissolution, de l'application des règles spécifiques du régime matrimonial et de l'incertitude du sort des donations et des avantages matrimoniaux révocables a posteriori .
Dans les régimes communautaires, des récompenses 9 ( * ) peuvent être réclamées par un époux si la communauté a encaissé des fonds provenant de la vente d'un bien propre ou d'une succession échue à l'un des époux, ou au contraire être dues à la communauté si elle a payé une dette personnelle, financé l'amélioration d'un bien propre ou procuré un enrichissement personnel à l'un des époux. Elles peuvent avoir une incidence considérable sur les droits et sur la valeur de la communauté.
De plus, si le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux ou en raison de la rupture de la vie commune, ce conjoint perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux qui lui avaient été consentis.
Par ailleurs, lors de la liquidation se pose souvent la question de la jouissance gratuite ou non du logement familial et du montant de l'indemnité d'occupation due.
Le divorce sur requête conjointe est le seul type de divorce dans lequel les époux sont tenus de régler eux-mêmes les conséquences du divorce, avant même son prononcé . Dans les autres formes de divorce, il n'y a pas d'obligation de liquider les intérêts patrimoniaux avant le divorce. Il est possible aux époux pendant la procédure de divorce de « passer toutes conventions pour la liquidation et le partage de la communauté » ( art. 1450 du code civil ), mais cette disposition est encore trop peu utilisée.
b) Des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial longues et empreintes d'esprit de revanche
La liquidation et le partage du régime matrimonial sont souvent l'occasion d'un « deuxième divorce », qui peut durer des années, du fait de la navette organisée entre le notaire et le tribunal, et contribuer à nourrir les rancoeurs. L'époux récalcitrant peut ainsi réussir à paralyser le partage pendant de nombreuses années et imposer à l'autre des frais de procédure considérables.
5. Une prestation compensatoire objet de toutes les critiques
Avant la loi du 11 juillet 1975, la solidarité conjugale n'était pas rompue par le divorce et la pension versée avait un caractère alimentaire. Elle a été remplacée par une prestation compensatoire forfaitaire et difficilement révisable, afin de limiter au maximum les contentieux ultérieurs. Celle-ci a été très critiquée par les débiteurs de cette prestation et leurs éventuelles secondes épouses.
Dès 1998, le Sénat s'est prononcé sur les propositions de loi déposées par M. Nicolas About, d'une part, et M. Robert Pagès et plusieurs de ses collègues, d'autre part. Deux ans plus tard, le texte a enfin été examiné par l'Assemblée nationale, aboutissant à la loi du 30 juin 2000 portant réforme de la prestation compensatoire, tout aussi critiquée, cette fois par les premières épouses.
Si une prestation compensatoire est attribuée dans moins de 14 % des divorces 10 ( * ) , la plupart des divorces concernant des couples modestes, dans lesquels les deux époux travaillent, elle concentre les critiques 11 ( * ) .
a) Les critiques antérieures à la loi du 30 juin 2000, émanaient principalement des débiteurs
(1) Une prestation compensatoire trop souvent attribuée sous forme de rente
Alors que la loi du 11 juillet 1975 prévoyait le versement de la prestation compensatoire en capital, la rente n'intervenant qu'à défaut de capital ou si celui-ci n'était pas suffisant ( art. 276 du code civil ), les juges ont massivement continué à prononcer des rentes. En effet, peu d'époux disposent d'une épargne suffisante pour compenser équitablement les disparités nées du divorce au détriment de l'autre et le recours à l'emprunt est très difficile. En outre, la fiscalité a pénalisé le versement en capital et favorisé la rente en la rendant déductible du revenu du débiteur.
(2) Une prestation compensatoire longtemps difficilement révisable
La loi de 1975 prévoyait que la prestation compensatoire « ne [pouvait] être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité. » ( art. 273 du code civil) .
La Cour de cassation a donné une interprétation si restrictive des conséquences d'une exceptionnelle gravité que la révision de la prestation compensatoire est devenue quasiment impossible, générant des situations injustes : telle ex-épouse, avantageusement remariée, continuait à percevoir une rente de son ex-mari désormais au chômage et dont les charges s'étaient accrues par la création d'un nouveau foyer et la naissance d'autres enfants.
(3) Une transmissibilité passive décriée
La transmissibilité passive des prestations compensatoires apparaît comme une exception française en Europe.
Elle implique qu'au décès du débiteur, ses héritiers continuent de verser la prestation compensatoire, y compris versée sous forme de rente viagère, et même s'il apparaît que cette charge est supérieure à l'actif recueilli de la succession . Les héritiers peuvent néanmoins accepter la succession sous bénéfice d'inventaire. Mais dès lors qu'ils acceptent la succession, ils doivent également en supporter les charges et les dettes, conformément au droit général des successions.
Cette disposition a fait l'objet de critiques particulièrement virulentes des associations de débiteurs de prestations compensatoires, car conjuguée avec l'appréciation stricte de la condition de conséquences d'une exceptionnelle gravité pour l'ouverture de la révision de la rente, elle a pu conduire des secondes épouses et leurs enfants à être tenus de continuer à verser une rente viagère à la première épouse, alors même que leurs ressources étaient inférieures aux siennes.
b) Les apports de la loi du 30 juin 2000
(1) En matière de révision des rentes viagères
La loi du 30 juin 2000 a considérablement assoupli les possibilités de révision de la prestation compensatoire fixée sous forme de rente viagère. Elle peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins des parties. La révision ne peut avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge. L'action en révision est ouverte au débiteur et aux héritiers ( art. 276-3 du code civil ).
(2) En matière de transmissibilité passive de la prestation compensatoire
La loi du 30 juin 2000 a atténué les effets de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire en prévoyant la déduction automatique des pensions de réversion versées au conjoint divorcé non remarié au décès de son ex-époux, afin d'éviter que le décès du débiteur de la pension ne soit une source d'enrichissement pour le créancier.
Si le débiteur de la prestation compensatoire titulaire du droit à pension était remarié, le partage de la pension de réversion s'effectue entre le conjoint survivant et le conjoint divorcé non remarié au prorata des années de mariage.
De plus, sauf décision contraire du juge, une déduction du même montant continue à être opérée si le créancier perd son droit à pension de réversion, en cas de remariage ou de concubinage notoire du créancier. Cette disposition, insérée à l'initiative du Sénat, tend à éviter que les héritiers du débiteur voient leurs charges augmenter du fait du remariage ou du concubinage notoire de l'ex-époux créancier.
Cette disposition a contribué à la diminution, voire à la suppression de la plupart des rentes viagères.
c) Les critiques postérieures à la loi du 30 juin 2000, émanant cette fois des créanciers... mais aussi encore des débiteurs
(1) Les critiques des débiteurs
(a) La permanence de la critique de la transmissibilité passive de la prestation compensatoire
Malgré la déductibilité des pensions de réversion et les révisions accrues des rentes viagères, les débiteurs de prestations compensatoires réclament encore la suppression de la transmissibilité passive des prestations compensatoires.
(b) La revendication de la suppression de la rente viagère en cas de remariage, de PACS ou de concubinage notoire
Le rapport de Mme Irène Théry préconisait la suppression de la rente viagère en cas de remariage du créancier, ainsi que de toute autre forme de conjugalité. Il s'agit là d'une revendication récurrente des associations de débiteurs, qui arguent du fait que les pensions alimentaires fixées avant l'entrée en vigueur de la loi de 1975 le prévoyaient. De même, ces cas entraînent la fin du devoir de secours pourtant maintenu a priori par le divorce pour rupture de la vie commune.
(c) La critique de l'impossibilité de réviser le montant du capital fractionné
Le débiteur ne peut solliciter de révision que des modalités de versement du capital échelonné, et non de son montant, alors même que cette modalité devient peu à peu la forme usuelle de versement de la prestation compensatoire.
De même, le solde reste dû par les héritiers du débiteur, même si le créancier est également décédé.
(2) Les critiques des créanciers
Les créanciers de prestations compensatoires ne sont pas aussi bien organisés que les débiteurs, qui ont su médiatiser leur action. Néanmoins, la détresse des premières épouses, ne tenant leur survie que de leur ex-conjoint, pour avoir fait le choix d'une famille plutôt que de celui d'une carrière et ce faisant avoir pris un risque économique individuel que celui-ci est le seul à pouvoir indemniser, est tout aussi critique. Leurs inquiétudes sont réelles et parfois justifiées.
(a) La critique des restrictions à l'attribution de la rente viagère
La loi du 30 juin 2000 a durci les conditions d'attribution de la rente viagère.
Le juge ne peut plus qu'à titre exceptionnel, et par une décision spécialement motivée, en raison de l'âge ou de l'état de santé du créancier ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère ( art. 276 du code civil ). Dans ce cas sont pris en considération, outre l'âge et l'état de santé, la durée du mariage, le temps consacré à l'éducation des enfants, la qualification et la situation professionnelle des époux, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pension de retraite ainsi que leur patrimoine, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial.
(b) La critique de la possibilité de substitution du capital à la rente à tout moment, et particulièrement lors du décès du débiteur
Le débiteur et ses héritiers peuvent désormais à tout moment saisir le juge d'une demande de substitution à la rente viagère d'un capital ( art. 276-4 du code civil ). C'est souvent lors du décès du débiteur que l'obligation de continuer à verser la rente viagère peut paraître particulièrement insupportable pour les secondes épouses et leurs enfants.
Or, cette substitution du capital à la rente viagère peut présenter certains risques pour des femmes âgées, dont les droits à la retraite sont très faibles, ne disposant pas d'autres ressources, et qui auront du mal à vivre des dividendes du capital placé.
En l'absence de définition d'une méthode de calcul mathématique pour la substitution par la loi, deux méthodes coexistent. La première consiste à estimer le montant du capital nécessaire à la production d'un revenu équivalent à la rente (méthode de capitalisation), la seconde consistant à prendre en compte l'âge du créancier et son espérance de vie en fonction de barèmes établis par les compagnies d'assurance (méthode de conversion). Leurs résultats ont des conséquences différentes pour le créancier, ce qui est une source d'incertitude.
(c) La critique de la suppression des prestations compensatoires mixtes
De plus, la possibilité de verser une prestation mixte, capital et rente, qui permettait en fait d'assurer le gîte et le couvert à l'époux, a été supprimée, alors qu'elle était très fréquente avant la loi du 30 juin 2000. Un conjoint pouvait se voir attribuer l'usufruit sur le logement qu'il occupait, en sus de sa rente mensuelle. Ce type de prestation compensatoire était pourtant particulièrement adapté.
(d) La critique de la suppression des rentes temporaires et du capital fractionné
La loi a réaffirmé le principe du versement de la prestation compensatoire sous forme de capital (pouvant néanmoins être versé de manière fractionnée pendant une durée limitée à huit ans), en supprimant la possibilité de prescrire des rentes temporaires dans les divorces contentieux.
Si le capital échelonné remplace en pratique cette rente temporaire, sa durée peut paraître trop brève.
De plus, de nombreux divorçants n'ayant que peu de patrimoine, et l'accès à l'emprunt restant difficile, les magistrats risquent en fait de calculer ce que le débiteur peut verser en huit ans plutôt que ce dont le créancier a besoin, ce qui est d'ailleurs logique.
Par ailleurs, le créancier va se trouver démuni au bout de huit ans, le fractionnement du capital ne permettant pas par exemple de faire l'acquisition d'un bien immobilier.
En outre, le capital fractionné peut être révisé au regard de sa durée de versement, mais non de son montant, alors que la situation du débiteur peut considérablement évoluer en huit ans.
Enfin, le régime fiscal de ce capital fractionné fait l'objet de critiques, puisqu'il traite comme une pension alimentaire les fractions de capital payées de manière échelonnée.
(e) La critique de la possibilité d'un abandon de biens en pleine propriété
La possibilité pour le juge d'ordonner comme modalité de versement de la prestation compensatoire en capital l'abandon de biens en pleine propriété, introduite par la loi du 30 juin 2000, fait l'objet de vives critiques d'une partie de la doctrine, au motif qu'elle porte atteinte à l'inaliénabilité du droit de propriété.
La nécessité d'une réforme apparaissait donc patente.
Les dispositions relatives à la prestation compensatoire fixée par le juge
|
Loi du 11 juillet 1975 |
Loi du 30 juin 2000 |
Projet de loi |
Forme de la prestation compensatoire |
En capital, mais rente à défaut ou en cas d'insuffisance du capital |
En capital (pouvant être fractionné sur huit
ans)
|
Idem
Qu'aucune amélioration notable de sa situation financière ne soit envisageable |
Possibilité de prestations mixtes (capital / rente ) |
oui |
non |
oui |
Possibilité de rentes temporaires |
oui |
non |
non |
Conditions de révision de la prestation compensatoire |
La prestation ne peut être révisée, même en cas de changement imprévu dans les ressources ou les besoins des parties, sauf si l'absence de révision devait avoir pour l'un des conjoints des conséquences d'une exceptionnelle gravité |
Possibilité de révision, suspension ou
suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les
ressources ou les besoins des parties
|
Possibilité de révision, suspension ou
suppression de la rente viagère en cas de changement important dans les
ressources ou les besoins
de l'une ou l'autre
des
parties
|
Substitution du capital à la rente |
Non |
|
Pourra n'être que partielle
|
Transmissibilité de la prestation compensatoire au décès du débiteur |
Oui, les héritiers étant tenus personnellement au paiement à moins de renoncer à la succession |
Oui, mais la pension de réversion est déduite de
plein droit du montant de la rente.
|
La prestation compensatoire est prélevée sur la
succession et dans la limite de l'actif.
|
Principales conséquences financières et
matérielles du divorce
pour les époux actuellement
|
Divorce sur requête conjointe |
Divorce sur demande acceptée |
Divorce pour faute |
Divorce pour rupture de la vie commune |
Liquidation et partage du régime matrimonial |
réglés dans la convention entre époux |
ordonnés par le juge |
||
Perte de droits que la loi ou des conventions passées avec des tiers attribuent au conjoint divorcé |
non |
oui, pour l'époux aux torts duquel le divorce est prononcé |
oui, pour l'époux demandeur du divorce |
|
Donations et avantages matrimoniaux consentis par le conjoint lors du mariage ou après |
réglés dans la convention entre époux |
révocation possible par chacun des époux de tout ou partie des donations et avantages consentis à l'autre |
perdus pour l'époux aux torts duquel le divorce est
prononcé ;
|
perdus pour l'époux auteur de la demande en
divorce ;
|
Pension alimentaire |
non |
oui, possible |
||
Prestation compensatoire |
réglée dans la convention entre époux |
oui, possible |
oui, possible, sauf pour l'époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé |
non |
Dommages et intérêts |
non |
non sur le fondement de l'article 266 du code
civil ;
|
oui, possible ; à payer par l'époux aux torts duquel le divorce est prononcé (art. 266 du code civil) ; oui dans les autres cas par application de l'article 1382 du code civil |
oui, possible par application de l'article 1382 du code civil |
Indemnité à titre exceptionnel |
non |
non |
oui, possible pour l'époux aux torts exclusifs duquel le divorce est prononcé |
non |
Usage du nom |
réglé dans la convention |
la femme peut conserver l'usage du nom de son mari avec son accord ou l'autorisation du juge |
la femme conserve de droit l'usage du nom de son mari s'il a
demandé le divorce ;
|
|
Attribution du bail du logement |
réglé dans la convention |
ordonnée par le juge si enfants mineurs |
ordonnée par le juge même en absence d'enfant mineur |
Principales conséquences financières et
matérielles des divorces contentieux
pour les époux
prévues par le projet de loi
|
Divorce sur demande acceptée |
Divorce pour faute |
Divorce pour rupture de la vie commune |
Liquidation et partage du régime matrimonial |
ordonnés par le juge à défaut de règlement conventionnel |
||
Perte de droits que la loi ou des conventions passées avec des tiers attribuent au conjoint divorcé |
non |
||
Donations et avantages matrimoniaux consentis par le conjoint lors du mariage ou après |
- toujours révoqués s'agissant des donations
de biens à venir
|
||
Pension alimentaire |
non |
||
Prestation compensatoire |
oui, possible peut être fixée par le juge ou par les parties |
||
|
peut être refusée par le juge en équité lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation au regard des circonstances particulières de la rupture |
peut être refusée par le juge en équité en considération notamment de l'âge et de la durée du mariage |
|
Dommages et intérêts |
possibles sur le fondement de l'article 1382 du code civil |
Possibles en réparation des conséquences d'une particulière gravité qu'un époux subit du fait de la dissolution du mariage : |
|
- lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint (art. 266 du code civil) ; et dans les autres cas par application de l'article 1382 du code civil |
- lorsqu'il était défendeur |
||
Usage du nom |
chacun des conjoints perd l'usage du nom de son conjoint ; l'un des époux peut néanmoins conserver l'usage du nom de l'autre, soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou les enfants |
||
Attribution du bail du logement |
ordonnée par le juge en présence d'enfant mineur |
Déroulement de la procédure par type de divorce actuellement
Divorce sur requête conjointe |
Divorce sur demande acceptée |
Divorce pour faute |
Divorce pour rupture de la vie commune |
- Pas avant 6 mois de mariage
|
|
|
Après une séparation de fait d'au moins 6 ans, ou pour altération des facultés mentales de l'un depuis au moins 6 ans |
Requête initiale
conjointe sans
indication des motifs du divorce
|
Requête initiale
d'un des époux
accompagnée d'un mémoire décrivant les faits
procédant de l'un et de l'autre rendant intolérable le maintien
de la vie commune
|
Requête initiale par l'un des époux mentionnant les faits imputables à l'autre constituant une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage et rendant intolérable le maintien de la vie commune |
Requête initiale par l'un des époux précisant comment il assurera son devoir de secours et ses obligations à l'égard de ses enfants |
Audience conclue par une
ordonnance
donnant
force exécutoire à la convention temporaire
|
A défaut de conciliation, le JAF rend une ordonnance constatant le double aveu et fixant les mesures provisoires |
A défaut de conciliation, le JAF rend une
ordonnance
autorisant le requérant à assigner
son conjoint en divorce dans un délai de 3 mois et fixant les mesures
provisoires.
|
|
Après 3 mois de réflexion et dans les 6 mois suivant ce délai, requête réitérée accompagnée du projet de convention définitive et d'un compte-rendu d'exécution de la convention temporaire |
Assignation par l'un ou l'autre des époux |
Assignation |
Assignation |
Le divorce est prononcé avec homologation de la convention définitive |
Jugement de divorce produisant les effets d'un divorce aux torts partagés |
Jugement de divorce pour faute |
Jugement de divorce pour rupture de la vie commune |
Déroulement de la procédure par type de divorce prévu par le projet de loi
Divorce par consentement mutuel |
Divorce par acceptation du principe de la rupture |
Divorce pour faute |
Divorce pour altération définitive du lien conjugal |
Pas si l'un des époux est placé sous un régime de protection juridique |
Pas si l'un des époux est placé sous un régime de protection juridique |
|
Cessation de la communauté de vie, tant affective que
matérielle entre les époux :
|
Requête initiale
conjointe
|
Requête initiale commune à tous les divorces contentieux sans indication des motifs |
||
Audience conclue par l'homologation de la convention et le prononcé du divorce Ou En cas de refus d'homologation de la convention, homolo-gation des mesures provisoires |
A défaut de conciliation, le JAF rend une ordonnance autorisant le requérant à assigner son conjoint en divorce et fixant les mesures provisoires |
||
A défaut d'homologation, une nouvelle convention doit être présentée dans les six mois |
Assignation avec indication de la procédure choisie |
||
Eventuellement deuxième audience avec homologation de la convention et prononcé du divorce |
Jugement de divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage |
Jugement de divorce pour faute |
Jugement de divorce pour altération définitive du lien conjugal |
* 9 Une femme qui n'a pas demandé ou pas obtenu de prestation compensatoire parce qu'elle est propriétaire de l'appartement qu'elle habite peut se trouver confrontée, après le divorce, à la révocation par son ex-mari de deniers ayant permis l'acquisition de l'appartement ou la revendication par ce dernier d'un droit à récompense pour la valeur de l'appartement. Au contraire, l'épouse ayant obtenu une prestation compensatoire importante, le juge ayant tenu compte d'une récompense importante réclamée par le mari dans la liquidation de communauté, peut ensuite contester le remploi, s'il n'a fait l'objet d'aucune déclaration dans l'acte, et contester le caractère propre des deniers ayant servi à payer l'essentiel du prix.
* 10 Le niveau moyen de la rente mensuelle fixée par le juge sur demande de l'épouse était en 1996 de 2.008 francs. Celui du capital décidé dans les mêmes conditions s'est élevé à 203.480 francs. Cette prestation est accordée dans 97 % des cas à la femme. Les rentes mensuelles, seules ou associées à une forme de versement, apparaissent dans 67 % des cas et dans 78 % des divorces contentieux. Le capital seul n'est décidé que dans 20 % des cas. Les rentes viagères représentent 31 % des rentes mensuelles. La part des rentes viagères devient prépondérante quand l'épouse dépasse 50 ans alors qu'elle n'atteint pas 10 % pour les épouses de moins de 40 ans. Tous ces éléments chiffrés sont tirés du rapport de la Chancellerie de 1999 portant sur les divorces en 1996, publié dans la collection Etudes et statistiques Justice. La Chancellerie n'a pas été en mesure de donner de données actualisées précises concernant la prestation compensatoire.
* 11 Néanmoins, l'idée selon laquelle la prestation compensatoire serait destinée à disparaître avec le développement du travail des femmes parait fallacieuse. En effet, si la plupart des jeunes femmes travaillent, nombreuses sont celles qui s'arrêtent lors de la naissance de leur deuxième ou troisième enfant. Par ailleurs, même lorsqu'elles continuent à travailler, elles assument souvent la vie de famille.