II. UNE NOUVELLE ORIENTATION POUR LE FNDAE
A. PREMIER TEMPS : LA REBUDGÉTISATION DU FNDAE
1. Le caractère inadapté des comptes d'affectation spéciale pour financer l'investissement
Comme le souligne chaque année le rapporteur spécial des comptes spéciaux du trésor, un compte d'affectation spéciale, ne peut, en règle générale, constituer un bon support budgétaire pour effectuer des investissements publics dès lors que ces derniers constituent la part majoritaire du compte. La combinaison des procédures d'engagement des autorisations de programme qui doivent concerner l'ensemble de l'opération d'investissement et de la règle relative aux comptes d'affectation spéciale, qui dispose que les dépenses engagées ou ordonnancées ne peuvent excéder les ressources constatées, conduit le gestionnaire du compte à attendre de disposer des recettes nécessaires pour pouvoir engager son opération d'investissement. Ces modalités conduisent mécaniquement à des reports importants pouvant représenter plus d'une année de dépenses.
Le Fonds national de l'eau était pour l'essentiel un compte d'investissement : la contradiction fondamentale entre investissement et compte d'affectation spéciale a donc conduit mécaniquement aux dysfonctionnements importants rappelés plus haut.
La budgétisation du FNSE apparaît dès lors comme une opération souhaitable.
2. La suppression du FNDAE en tant que compte d'affectation spéciale
L'article 21 du projet de loi de finances pour 2004 procède à la clôture de la section A (FNDAE) du compte d'affectation spéciale n° 902-00 « Fonds national de l'eau ». En conséquence, l'article 58 de la loi de finances pour 2000 qui créait le fonds nationale de l'eau, composé du FNDAE et du fonds national de solidarité pour l'eau (FNSE) est abrogé.
3. Les modalités de la budgétisation du FNDAE
a) La transformation de la redevance sur les consommations d'eau en une imposition de toute nature affectée au budget de l'Etat
L'article 21 du projet de loi de finances pour 2004 transforme la redevance affectée au compte d'affectation spéciale 902-00 en une taxe sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique d'eau potable. Cette taxe est affectée au budget général de l'Etat à partir de 2004.
La taxe sur les consommations d'eau distribuée dans toutes les communes bénéficiant d'une distribution publique, qui était précédemment affectée au FNDAE pour un montant de 77 millions d'euros en 2003, est ainsi transférée au budget général. Son existence est conservée et son circuit de répartition dans lequel interviennent les collectivités locales est maintenu. La définition de son assiette et ses modalités de recouvrement ne sont pas modifiées.
b) L'inscription au budget du ministère de l'agriculture des crédits destinés à financer les actions relevant auparavant du FNDAE
Les crédits destinés à financer les actions relevant auparavant des missions du FNDAE sont budgétisés sur le budget du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
La budgétisation du FNDAE et le rattachement de ses reports en crédits de paiement au budget du ministère de l'agriculture entraînent la baisse de moitié de l'inscription en crédits de paiement, le temps de consommer les reports.
Les reports de l'exercice 2003 vers l'exercice 2004 devraient être en effet de l'ordre de 150 à 170 millions d'euros, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial.
Cette budgétisation se traduit par :
- l'inscription au titre III des moyens de fonctionnement et des crédits d'information précédemment financés sur le FNDAE, soit 400.000 euros, dont 100.000 euros sur le chapitre 34-97 « Moyens de fonctionnement des services » et 300.000 euros sur le chapitre 37-11 « Dépenses diverses » ;
- l'inscription au titre IV des crédits d'animation rurale précédemment inscrits sur le FNDAE, soit un montant de 800.000 euros inscrits sur le chapitre 44-80 « Amélioration du cadre de vie et aménagement de l'espace rural » ;
- la modification du libellé du chapitre 61-40 désormais dénommé « Modernisation de l'appareil de production agricole et travaux d'adduction d'eau ». Un article spécifique, l'article 40 « Adduction d'eau et d'assainissement », a été créé afin de porter la dépense d'adduction d'eau et d'assainissement, les dépenses relatives au PMPOA étant désormais centralisées sur l'article 30 « Modernisation des exploitations » de ce chapitre. L'article 30 du chapitre 61-40 est doté, pour 2004, de 68,553 millions d'euros en autorisations de programme, soit un doublement de la dotation en 2003. Ce montant doit toutefois être comparé aux 45,7 millions d'euros d'autorisations de programme consacrés à la participation du FNDAE au financement du PMPOA. L'article 40 du chapitre 61-40 est doté, pour 2004, de 75 millions d'euros en autorisations de programme et 14,6 millions d'euros en crédits de paiement.
4. Une conséquence positive : la responsabilisation des gestionnaires du FNDAE
Les comptes d'affectation spéciale présentent l'avantage pour certains ministères d'échapper à la régulation budgétaire. Ils constituent donc une « cagnotte » à côté des crédits du fascicule ministériel dans laquelle il est possible de puiser pour financer des actions ne pouvant trouver leur place dans le budget général. Il s'ensuit une certaine facilité pour les gestionnaires de crédits. Ceux-ci ne sont pas véritablement responsabilisés pour mieux consommer leurs crédits.
La rebudgétisation des crédits du FNDAE permettra à ces mêmes gestionnaires d'accentuer davantage leurs efforts pour que la dotation qui leur est allouée soit consommée au cours de l'exercice budgétaire. Elle devrait donc permettre de réduire les reports et d'accélérer ainsi les procédures de gestion des dossiers.
B. SECOND TEMPS : UNE DÉCENTRALISATION NÉCESSAIRE
1. L'eau : une compétence de principe de la commune
La gestion de l'eau dans la France d'aujourd'hui est articulée autour de deux structures : une compétence locale au niveau des communes, et une réflexion et une planification régionale au niveau du bassin versant. La première a deux siècles et vient de la Révolution française. La seconde est issue de la première grande loi sur l'eau de 1964. Ces deux niveaux sont aujourd'hui intouchables.
C'est en fonction de cette compétence de principe de la commune et de la coopération intercommunale que doit être organisée toute politique de l'eau. Ceci a pour conséquence la nécessaire décentralisation des crédits du FNDAE.
2. La décentralisation du financement de la politique de l'eau
Rien dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales n'a été prévu permettant de décentraliser les crédits du FNDAE. Sans doute ce projet de loi est-il intervenu trop tôt par rapport aux réflexions en cours sur le recentrage nécessaire des missions du fonds et sur la manière de redistribuer le produit de la redevance sur l'eau auprès des communes rurales.
En raison des compétences actuelles des conseils généraux, ceux-ci doivent sans doute se voir transférer la compétence en matière de financement de l'assainissement et de l'alimentation en eau potable.
Il semble indispensable à votre rapporteur spécial que ce transfert de compétence soit prévu par le projet de loi sur l'eau qui pourrait être déposé devant le Parlement dans les prochains mois.
Selon le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, dans une réponse du 4 août 2003 à un courrier du conseil général d'Ille-et-Vilaine l'alertant sur la baisse des crédits du FNDAE, « la décentralisation du FNDAE, compte tenu des arbitrages interministériels, n'interviendra pas avant janvier 2005. Elle pourrait être envisagée dans le cadre d'un prochain projet de loi relatif à la politique de l'eau dans son ensemble ».
Dans la perspective d'une décentralisation du FNDAE, il paraît souhaitable d'examiner les montants financiers qui pourraient être transférés aux départements. Selon la même réponse du ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, « les modalités de la décentralisation ne sont pas encore définies précisément, mais le calcul de la dotation 2003, établi dans des circonstances particulières, ne devrait pas constituer la référence en la matière ».
Ceci invite néanmoins à réfléchir aux critères de répartition des crédits du FNDAE entre les départements. Ces critères sont en effet fondés sur des règles anciennes.
C. LES MODALITÉS DE LA SOLIDARITÉ FINANCIÈRE ENTRE ZONES URBAINES ET RURALES
1. Mieux justifier les fondements de la péréquation
Le FNDAE constitue depuis 1954 un instrument de solidarité financière entre les zones urbaines et les zones rurales. Il induit ainsi une péréquation entre départements, sur la base du prix de l'eau, celui-ci étant a priori supérieur en zone rurale (allongement des réseaux par habitant desservi, surdimensionnement des investissements). Néanmoins, les critères de péréquation entre départements apparaissent datés. Aucune étude récente consistant à analyser les écarts de prix de l'eau n'est disponible sur le plan national.
Ainsi, la Cour des comptes, dans son rapport 2001-489-OB du 7 novembre 2001 que le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales a transmis à votre rapporteur spécial, écrit : « de manière surprenante, le ministère de l'agriculture semble aujourd'hui disposer d'une information moins bonne qu'il y a quinze ans sur le prix de l'eau dans les communes rurales ». Elle appelle de ses voeux « une analyse des écarts de prix de l'eau entre communes urbaines et rurales, sur la base d'un échantillon soigneusement étudié ».
Elle rappelle ainsi :
« La justification « économique » de l'existence du fonds repose à ce jour sur quelques considérations, certes objectives, mais dont l'impact n'est pas quantifié :
- la dispersion physique des usagers en milieu rural entraîne un allongement substantiel des réseaux par habitant desservi (dans un rapport de un à trois) ;
- l'importance relative de la population saisonnière dans une partie des régions rurales conduit à surdimensionner les investissements par rapport à la population permanente et aux volumes d'eau vendus ».
Votre rapporteur spécial estime donc qu'une meilleure évaluation de ces deux composantes permettrait de renforcer la légitimité d'une péréquation entre communes urbaines et communes rurales.
2. La nécessaire « révision » de la liste des communes rurales
La péréquation des crédits du FNDAE doit se fonder sur des critères qui méritent aujourd'hui d'être redéfinis. En effet, les crédits du FNDAE sont réservés aux communes rurales, ce qui semble légitime à votre rapporteur spécial compte tenu des éléments rappelés ci-dessus. Néanmoins, la définition des communes rurales apparaît obsolète.
En effet, ces communes rurales sont définies « en négatif » par l'exclusion des communes classées urbaines par l'annexe VIII à l'article D. 2335-15 du code général des collectivités territoriales : « sont considérées comme rurales toutes les communes qui ne figurent pas sur la liste définie à l'annexe VIII du présent code ». Cette annexe a été définie par le décret n° 66-173 du 25 mars 1966.
Les communes de moins de 2.000 habitants sont classées en communes rurales.
Les communes de plus de 10.000 habitants sont classées en communes urbaines.
Les communes entre 2.000 et 5.000 habitants font l'objet d'un classement selon l'appréciation du préfet.
Comme le constate la Cour des comptes dans son rapport précité, « des communes à caractéristique rurale en 1996 ne le sont plus aujourd'hui (inclusion dans des agglomérations, stations touristiques). Inversement, certaines régions se dépeuplent, ce qui peut contribuer à accentuer les difficultés des communes concernées et réduire leur capacité à investir en faveur de l'adduction d'eau et de l'assainissement ».
Votre rapporteur spécial regrette que la liste des communes rurales éligibles au FNDAE n'ait pas été actualisée depuis 1966. Il constate une certaine inertie en ce qui concerne la mise à jour de cette liste.
Chaque année depuis trois ans, le sujet est à l'ordre du jour du comité du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Chaque année, la décision est repoussée comme en témoigne les compte-rendus du comité :
- 29 juin 2000 : « une révision de la liste des communes pouvant bénéficier des aides du FNDAE va être entreprise au cours de l'année 2000 ».
- 16 novembre 2000 : « la liste des communes urbaines étant inchangée depuis la création du FNDAE en 1954, il apparaît maintenant nécessaire d'y apporter quelques modifications. Il est suggéré d'une part que les communes rurales de plus de 10.000 habitants et celles adhérant à une communauté d'agglomération perdent leur caractère rural et d'autre part que les communes urbaines de moins de 5.000 habitants, n'appartenant pas à une communauté d'agglomération deviennent rurales. M. .... présente une simulation prenant en compte pour les communes rurales un seuil inférieur à 3.000 habitants. M. ....proposer de modifier le seuil à 3.500 habitants et souhaite que ce point soit renvoyé au prochain comité ».
- 3 mai 2001 : « la liste des communes urbaines ne reflète plus la réalité du monde rural, et il est souhaitable d'y apporter un certain nombre de modifications. Trois nouvelles simulations ont été faites par le bureau des infrastructures rurales et de l'hydraulique agricole en prenant les seuils de 2.000, 3.000 ou 3.500 habitants... Le comité estime qu'il y a lieu d'approfondir la réflexion. M. ...propose de revoir ce dossier au prochain comité » .
- 27 novembre 2001 : « compte tenu des fortes évolutions de la population depuis sa date d'établissement, une révision de cette liste est maintenant nécessaire...Deux critères « nombre d'habitants » et « appartenance à une unité urbaine » codifiés dans le recensement général de la population 1999 sont proposés aux membres du comité pour servir de base à l'élaboration de la nouvelle liste...Les membres du comité proposent que les critères de 2.000 et 5.000 habitants utilisés dans la liste précédente soient retenus et que les communes de plus de 2.000 habitants appartenant à une unité urbaine selon la codification de l'INSEE ne soient pas éligibles au FNDAE. Un courrier sera très prochainement adressé aux préfets pour mettre en oeuvre cette révision ».
- 8 janvier 2002 : « les principes envisagés pour refondre la liste des communes rurales : le conseil général des eaux et des forêts ne se prononce pas sur le devenir des communes comprise entre 2.000 et 5.000 habitants, classées rurales au sens du FNDAE. Un avis du comité consultatif du fonds sera demandé prochainement ».
- 30 mai 2003 : « lors du précédent conseil, il avait été décidé qu'un comité restreint, composé notamment de représentants de l'Assemblée des départements de France (ADF) et de l'Association des maires de France (AMF), serait chargé d'examiner les différentes demandes de dérogation des départements avant de les soumettre au comité consultatif. Début octobre, seuls 55 départements avaient répondu à l'enquête. La grande majorité des départements ont demandé des dérogations. Celles-ci concernent 620 communes et 2.319.009 habitants. La décision a été prise par le cabinet du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales de surseoir à la révision de la liste des communes compte tenu du projet de décentralisation du FNDAE et de la baisse importante des recettes 2003 ».
Il semble au contraire à votre rapporteur spécial que les deux derniers points incitent à accélérer la décision, en cours depuis au moins trois année, visant à définir une liste à jour des communes rurales éligibles au FNDAE.
3. Les critères de répartition des dotations
La détermination des besoins financiers des départements est réalisée périodiquement par l'intermédiaire d'un inventaire spécifique au FNDAE, qui établit un état des équipements disponibles par département et une estimation des investissements qui seront réalisés au cours de la prochaine période de cinq ans.
Selon le rapport de la Cour des comptes précité, « les modalités de réalisation des inventaires font l'objet d'appréciations parfois critiques de la part des services déconcentrés ».
Ainsi, « compte tenu des faiblesses et la lourdeur des inventaires périodiques, et la mise en place progressive de schémas départementaux d'adduction d'eau comme d'assainissement, l'intérêt à moyen terme de l'inventaire devient discutable ».
Il paraît indispensable avant de décider la décentralisation du FNDAE de trouver une méthode plus adaptée permettant d'évaluer les besoins à moyen terme des départements.
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En conclusion de ce contrôle, votre rapporteur spécial ne peut que confirmer les dysfonctionnements soulignés par les débats sur le projet de loi de finances pour 2003. Il estime possible de résoudre de dysfonctionnement par une décentralisation des crédits. Cette décentralisation appelle au préalable une clarification des critères de péréquation entre communes rurales et communes urbaines.