ARTICLE 69 nonies (nouveau)

Répartition sur trois ans pour les établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique de leurs droits à augmentation du taux de taxe professionnelle

Commentaire : le présent article vise à permettre aux établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique de répartir sur trois années leurs droits à augmentation du taux de taxe professionnelle.

Le présent article est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par notre collègue député Didier Migaud, avec l'avis favorable du gouvernement.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LIAISON ENTRE LES TAUX

Avant 2003, les conseils généraux, les conseils municipaux, les instances délibérantes des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dotés d'une fiscalité propre, pouvaient faire varier les taux des quatre taxes directes locales (taxe professionnelle, taxe d'habitation, taxe foncière sur les propriétés bâties et taxe foncière sur les propriétés non bâties) de deux manières différentes :

- soit en faisant varier dans une même proportion les taux des quatre taxes appliqués l'année précédente (« variation proportionnelle des taux ») ;

- soit en faisant varier librement entre eux les taux des quatre taxes (« variation libre des taux »).

Dans ce dernier cas, les collectivités étaient soumises à des règles de plafonnement et de liaison des taux afin d'empêcher un accroissement excessif de leurs taux, en particulier celui de la taxe professionnelle. L'idée générale est que le taux de taxe professionnelle ne peut varier plus rapidement que celui de la taxe d'habitation ou du taux moyen des impôts ménages, et ce, à la hausse comme à la baisse.

Les règles de liaison entre les taux s'appliquaient à la baisse comme à la hausse : les collectivités territoriales ne pouvaient, sauf sous certaines conditions très restrictives, diminuer le taux des impôts ménages sans réduire parallèlement celui de la taxe professionnelle. Toutefois, le deuxième alinéa de l'article 1636 B decies du code général des impôts disposait qu'un EPCI soumis au régime de la TPU n'était pas tenu, en cas de baisse du taux de la taxe d'habitation, ou du taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières des communes membres, de diminuer de manière identique son taux de taxe professionnelle.

B. L'ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES DE LIAISON ENTRE LES TAUX

L'article 31 de la loi de finances pour 2003 (n° 2002-1575 du 30 décembre 2002) a assoupli les règles de lien entre les taux pour les communes, les EPCI à fiscalité propre, les départements et les régions. Désormais, les EPCI à taxe professionnelle unique peuvent augmenter leur taux de taxe professionnelle, par rapport à l'année précédente, dans la limite d' une fois et demie l'augmentation du taux moyen pondéré de taxe d'habitation de leurs communes membres, ou, si elle est moins élevée, du taux moyen pondéré de taxe d'habitation et des taxes foncières 131 ( * ) .

Les EPCI à taxe professionnelle unique peuvent utiliser, en sus de ce dispositif de déliaison à la hausse, celui de majoration spéciale de la taxe professionnelle. Cette disposition rend possible une augmentation du taux de taxe professionnelle, dans la limite de 5 % du taux moyen national de taxe professionnel, et sans dépasser ce dernier, lorsque :

- le taux de taxe professionnelle voté par le groupement est inférieur au taux moyen constaté l'année précédente, au niveau national, dans l'ensemble des communes et de leurs EPCI à fiscalité propre ;

- le taux moyen pondéré des trois autres taxes, constaté l'année précédente dans l'ensemble des communes membres de l'EPCI, est supérieur au taux moyen pondéré de ces trois taxes, déterminé la même année au niveau national 132 ( * ) .

Par ailleurs, en 2003, les EPCI à taxe professionnelle unique (TPU) dont le périmètre n'a pas été modifié en 2002 ont été autorisés à fixer librement leur taux de taxe professionnelle à condition que le produit attendu de cette taxe, majoré de la compensation afférente à la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle, ne soit pas supérieur au produit voté de la taxe en 2002, majoré de la même compensation en 2002 133 ( * ) . Cette disposition visait à permettre de compenser les pertes de bases importantes liées à la disparition des bases « salaires » de la taxe professionnelle .

En application de cette disposition, 75 EPCI à TPU (soit 8 % du nombre total d'EPCI à TPU) pouvaient bénéficier d'une augmentation des taux de leur taxe professionnelle. 4 d'entre eux ont utilisé cette possibilité, 23 ont choisi d'augmenter leur taux en recourant à une autre disposition, les autres n'ayant pas augmenté leur taux de taxe professionnelle.

Le tableau ci-après retrace, pour chaque niveau de collectivités territoriales et pour les EPCI, les variations des taux de taxe professionnelle en 2003, et, en particulier, l'utilisation du nouveau dispositif de déliaison partielle des taux prévu par l'article 31 de la loi de finances pour 2003 :

Evolution du taux de la taxe professionnelle et utilisation du dispositif de déliaison partielle des taux en 2003

Régions

Départements

EPCI

Communes

Augmentation

2
(8 %)

72
(74 %)

806
(34 %)

7.196
(29 %)

Dont recours à l'assouplissement de la règle de lien entre les taux

0

16
(17 %)

379
(16 %)

3.148
(13 %)

Stabilité

21
(84 %)

25
(26 %)

1.503 (64 %)

16.170
(65 %)

Diminution

2
(8 %)

0

51
(2 %)

1.381
(6 %)

Ensemble

25

97

2.360

24.747

Source : ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales

II. LA PROPOSITION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article permet aux EPCI à TPU de « capitaliser » un droit à récupération de leur taux de taxe professionnelle sur trois ans , tout en encadrant la possibilité de fixer librement le taux de la TPU.

A. LES CONTRAINTES DES EPCI À TPU POUR LA FIXATION DE LEUR TAUX DE TAXE PROFESSIONNELLE

Au sein d'un EPCI à TPU, le taux des impôts ménages est fixé par les conseils municipaux des communes membres, alors que le taux de taxe professionnelle est fixé par l'instance délibérante de l'EPCI. En vertu des règles de lien entre les taux, le taux de taxe professionnelle unique ne peut évoluer que par rapport à l'évolution du taux moyen pondéré des impôts ménages. Par conséquent, l'EPCI à TPU dépend, pour la fixation de son taux de taxe professionnelle, des taux votés l'année précédente par ses communes membres . Il n'est donc pas en mesure de faire varier librement le taux de sa taxe professionnelle, alors même qu'elle constitue sa principale ressource modulable.

L'article 31 de la loi de finances pour 2003 permet d'augmenter le taux de taxe professionnelle de manière plus importante que celui des impôts ménages. Toutefois, l'EPCI reste, lorsqu'il utilise cette disposition, dépendant des taux votés l'année précédente par ses communes membres. Le présent article vise à pallier en partie cette difficulté, en permettant un étalement sur trois années des droits à augmentation de taxe professionnelle, du fait d'une augmentation du taux moyen pondéré des impôts ménages au titre d'une année donnée.

B. UN AMÉNAGEMENT LIMITÉ DES RÈGLES DE LIEN ENTRE LES TAUX

Notre collègue député Gilles Carrez, rapporteur général du budget, a indiqué que la commission était très favorable à cette disposition, qui vise à ne permettre la « capitalisation » que lorsqu'il n'y a ni utilisation de la déliaison, ni exercice de droits à majoration spéciale, considérant qu'elle était donc « pure et vertueuse ».

Il convient en effet de souligner l'utilisation de la possibilité prévue par le présent article n'est pas cumulable avec l'ensemble des autres dispositions dérogatoires à la règle de lien entre les taux, soit :

- la majoration de 1,5 appliquée à l'évolution des taux des impôts ménage (4 du I de l'article 1636 B sexies , introduit par l'article 31 de la loi de finances pour 2003) ;

- la majoration spéciale (3 du I de l'article 1636 B sexies ) ;

- la non-application de la diminution à due concurrence du taux de taxe professionnelle en cas de baisse des taux des impôts ménages perçus par les communes l'année précédente ;

- la prise en compte, en cas de stabilité des taux ménages, de la variation des taux ménages au titre de l'antépénultième année (dernier alinéa du II de l'article 1636 B decies ). Il convient de noter que cette disposition, introduite par l'article 32 de la loi de finances pour 2003, issue d'un amendement de notre collègue Michel Mercier, ne peut s'appliquer, sauf cas exceptionnel. En effet, les conditions requises pour faire usage de cette possibilité, soit la stabilité du taux moyen pondéré des impôts ménages au cours de deux années consécutives, est pratiquement impossible, compte tenu de l'évolution annuelle des bases d'imposition.

En revanche, le capital d'augmentation de la taxe professionnelle résultant des dispositions du présent article se cumulera avec la faculté d'augmentation du taux de la taxe professionnelle résultant de l'évolution des taux d'imposition des impôts ménages dans les communes membres .

Il convient de noter qu'il résulte de cette disposition une certaine complication des droits à augmentation de leurs taux de taxe professionnelle par les EPCI à TPU.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Votre commission des finances relève que la rédaction proposée par l'article 69 nonies du projet de loi de finances pour 2004 se réfère aux dispositions antérieures au vote de la loi de finances pour 2003. Par conséquent, la portée de cet aménagement est limitée :

- soit les EPCI pourront augmenter de « 1,5 pour 1 » leur taux de taxe professionnelle l'année suivant celle où leurs communes membres auront augmenté leurs taux de taxe d'habitation ou de taxes foncières ;

- soit ils pourront étaler l'augmentation sur trois années, mais ne pourront au total, dans ce cas, augmenter leurs taux de taxe professionnelle que dans la limite de « 1 pour 1 ».

Le tableau ci-après compare les possibilités offertes par le 5 du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts, introduit par l'article 31 de la loi de finances pour 2003, et le dispositif proposé par le présent article.

Marges de progression du taux de taxe professionnelle d'un EPCI à fiscalité propre lorsque le taux moyen pondéré de taxe d'habitation ou des trois taxes directes locales augmente de 10 % en année n

Utilisation du dispositif prévu par le droit actuel

Utilisation des dispositions prévues par l'article 69 nonies

Année n+1

Jusqu'à + 15 %

De 0 à 10 %

Année n+2

-

Jusqu'à (10 % - augmentation en n+1 )

Année n+3

-

Jusqu'à (10 % - augmentations en n+1 et n+2 )

Total

Jusqu'à + 15 %

Jusqu'à + 10 %

Par conséquent, la disposition prévue par le présent article ne sera vraisemblablement utilisée que par des EPCI « vertueux », qui n'auraient, en tout état de cause, pas l'intention d'utiliser l'intégralité de la hausse des taux de taxe professionnelle rendue possible par le droit actuel .

Il aurait pu être envisagé de permettre une augmentation identique des taux de taxe professionnelle dans les deux cas, que l'EPCI décide d'étaler la hausse ou de la « consommer intégralement » dès la première année. Toutefois, une telle disposition aurait conduit à faire de la déliaison partielle des taux la règle, alors qu'elle constitue actuellement une exception au principe de liaison entre les taux.

La disposition introduite par le présent article devrait permettre aux EPCI à TPU de lisser sur trois années consécutives les augmentations de taxe professionnelle rendues possible par l'évolution des taux moyens pondérés des impôts ménages. En ce sens, elle devrait permettre d'éviter en partie les augmentations brutales des taux d'imposition qui résulteraient de la crainte de ne pas pouvoir, au cours des années suivantes, procéder à une nouvelle hausse des taux d'imposition compte tenu de l'évolution des taux moyens pondérés des impôts ménages. Le présent article devrait donc contribuer à ce que les EPCI à TPU fixent leur taux de taxe professionnelle en fonction des ressources dont ils ont besoin, année après année.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

* 131 Le 4 de l'article 1636 B sexies dispose que « à compter de 2003 et par exception aux dispositions du b du I, les communes, les départements et les organismes de coopération intercommunale à fiscalité propre peuvent augmenter leur taux de taxe professionnelle, par rapport à l'année précédente, dans la limite d'une fois et demie l'augmentation de leur taux de taxe d'habitation, ou, si elle est moins élevée, de leur taux moyen pondéré de la taxe d'habitation et des taxes foncières ».

* 132 Toutefois, pour les EPCI à TPU, le taux moyen pondéré de taxe d'habitation et des taxes foncières ne tient pas compte des taux inférieurs aux trois quarts du taux moyen pondéré des communes membres constaté pour chaque taxe l'année précédente.

* 133 5) du I de l'article 1636 B sexies du code général des impôts.

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