NTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi d'un projet de loi visant à approuver la
décision du Conseil du 25 juin et du 23 septembre 2002 modifiant l'acte
portant élection des représentants au Parlement européen
au suffrage universel direct, annexé à la décision
76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil du 20 septembre 1976.
Depuis cette date le rôle du Parlement européen a
considérablement évolué, des pouvoirs
supplémentaires lui ont été attribués par les
traités successifs notamment par les traités de Maastricht,
Amsterdam et Nice. L'harmonisation du mode d'élection des parlementaires
européens dans les différents pays de l'Union a progressivement
été ressentie comme une nécessité. Il faut
d'ailleurs ajouter que cette harmonisation était un objectif
affiché dès les traités fondateurs.
Votre rapporteur présentera, dans un premier temps, les grandes
étapes du renforcement des pouvoirs du Parlement européen et les
limites de son mode d'élection actuel, le contenu de l'Acte de 1976 et
le mode d'élection des parlementaires européens dans les
différents pays européens. Dans un second temps, il rappellera
les enjeux des négociations qui ont précédé la
décision du Conseil du 25 juin 2002, présentera les modifications
apportées à l'acte de 1976 et précisera leur impact sur
l'ordre juridique français.
I. L'ÉLECTION AU SUFFRAGE UNIVERSEL DU PARLEMENT EUROPÉEN ET L'ACTE DE 1976
A. LE PARLEMENT EUROPÉEN, UNE INSTITUTION AUX POUVOIRS GRANDISSANTS1( * )
1. L'affirmation progressive du Parlement européen
Le
Parlement européen trouve son origine dans le traité instituant
la
Communauté européenne du charbon et de l'acier
(CECA),
signé à Paris le 18 avril 1951 par la Belgique, la France,
l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République
fédérale d'Allemagne. Outre une Haute autorité, une Cour
de justice et un Conseil des ministres, la CECA comprenait une
Assemblée commune.
Les traités de Rome, signés le 25 mars
1957
,
créèrent la Communauté européenne de
l'énergie atomique (EURATOM) et la
Communauté
économique européenne
(CEE). Les trois Communautés
sont alors dotées d'institutions communes comprenant une Commission, qui
remplace la Haute autorité pour défendre l'intérêt
communautaire, d'un Conseil des ministres, investi du pouvoir de
décision, d'une Cour de justice et d'une
«
Assemblée des communautés
»,
dotée de pouvoirs de délibération et de contrôle. En
pratique, la compétence de cette assemblée s'avère
principalement consultative
, et ses avis sont souvent ignorés.
Les membres de cette assemblée sont les délégués de
leurs parlements nationaux.
Tout au long des années soixante et soixante-dix, les membres de
l'Assemblée des communautés, qui
prend le titre de
«
Parlement européen
» le 30 mars
1962
même si cette dénomination ne sera officialisée
qu'en 1986 par l'Acte unique européen, n'ont de cesse de demander,
conformément à ce qui était prévu dans le
traité de Rome, à être élus au suffrage universel
selon une procédure uniforme. Ils n'obtiennent, partiellement, gain de
cause que le 20 septembre
1976
, avec l'adoption, par le Conseil, de
l'Acte portant élection des représentants à
l'Assemblée au suffrage universel direct.
.
La fonction de parlementaire européen
Les membres du Parlement européen sont
, aux termes de l'article
189 du traité instituant la Communauté européenne,
les
«
représentants des peuples des Etats réunis dans la
Communauté
» et non pas les représentants du peuple
de l'Union.
Leur nombre a augmenté en fonction des élargissements successifs.
En juin 1999, 626 parlementaires européens ont été
élus pour cinq ans et pour représenter les 380 millions de
citoyens des quinze pays membres de l'Union européenne.
Dans la perspective des nouvelles adhésions à l'Union
européenne, le
traité d'Amsterdam
, signé le 2
octobre 1997, puis le
traité de Nice
, signé le
26 février 2001, ont limité les effectifs du Parlement
européen à
732 membres
lorsque l'Union comptera 27
membres.
Les membres du Parlement européen ont vocation à
représenter les citoyens européens et non pas les nations. Aussi
siègent-ils en
groupes
politiques
transnationaux
,
en fonction de leurs affinités politiques. Depuis juin 1999, le
Parlement européen a été présidé par
Mme Nicole Fontaine puis par M. Pat Cox ; le groupe du
Parti populaire européen (Démocrates-Chrétiens) et
Démocrates européens y disposent d'une majorité relative
de 232 membres dont 21 français.
Pour autant le Parlement européen joue un rôle croissant dans la
construction européenne conduisant à accorder une grande
attention au mode de désignation de ses membres.
.
L'extension des pouvoirs du Parlement européen
Les prérogatives du Parlement européen ont connu une extension
continue.
Il possède, en premier lieu, des
pouvoirs de type
quasi-constitutionnel ou de ratification
. Depuis l'Acte unique
européen de 1986, la conclusion de tout traité d'adhésion
ou d'association requiert son avis conforme. Il en va de même, depuis le
traité de Maastricht, des accords créant un cadre institutionnel
spécifique ou impliquant la modification d'un acte adopté selon
la procédure de co-décision et, depuis le traité
d'Amsterdam, des actes relatifs à la procédure électorale
ou conduisant à sanctionner un Etat pour violation grave et persistante
des droits fondamentaux de l'Union.
En deuxième lieu, le rôle du Parlement européen dans
l'élaboration du droit communautaire ou du contrôle des
institutions européennes
n'a cessé de croître.
Le Parlement européen dispose ainsi d'un
droit d'initiative
législative
, limité à la faculté de demander
à la Commission, qui détient en pratique le monopole de
l'initiative communautaire, de soumettre une proposition.
Dans le cadre de la procédure de consultation, le Conseil est tenu de le
consulter
dans un certain nombre de domaines : l'agriculture, la
fiscalité, la concurrence, le rapprochement des législations non
liées au marché intérieur, la politique industrielle,
certains aspects des politiques sociale et environnementale nécessitant
des décisions unanimes au Conseil et la création d'un espace de
liberté, la de sécurité et de justice. Un
avis
conforme
est exigé lorsque sont concernés les fonds
structurels et de cohésion, institués par le traité
d'Amsterdam.
La
procédure de coopération
, introduite par l'Acte unique
de 1986, confère au Parlement européen un «
droit de
veto suspensif
» et un pouvoir d'amendement. Se déroulant
en quatre phases (définition d'une position commune par le Conseil,
examen par le Parlement, réexamen par la Commission et décision
du Conseil), elle conduit le Conseil à examiner le texte deux fois et
à rejeter ou adopter les propositions du Parlement et de la Commission
selon des règles de majorité spécifiques. Depuis
l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, cette procédure
ne concerne plus que le domaine de l'Union économique et
monétaire.
Enfin, la
procédure de codécision
, introduite par le
traité de Maastricht et étendue par le traité d'Amsterdam,
fait du Parlement européen un véritable colégislateur.
Depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam, en cas d'accord
entre la Commission, le Conseil et le Parlement, l'acte est adopté
dès la première lecture. En cas de désaccord, le dernier
mot appartient au Parlement européen.
La procédure de codécision est notamment applicable lorsque sont
en cause l'harmonisation du marché intérieur, la libre
circulation des travailleurs, les règles relatives au droit
d'établissement, à l'emploi, à la santé publique,
à la transparence, à l'environnement, et les
intérêts financiers de la Communauté. Le traité de
Nice prévoit de l'étendre à la majorité des
matières relevant du pilier communautaire, politiques agricole et
commerciale exceptées.
En
matière budgétaire
, le Parlement européen a le
dernier mot sur les dépenses non obligatoires. Associé à
l'élaboration du budget, il l'arrête définitivement ou le
rejette en bloc. Il contrôle son exécution par la Commission
à qui il donne décharge.
Il dispose, enfin, de multiples
instruments de contrôle
de
l'activité de la Commission et du Conseil. Le traité de
Maastricht a subordonné
la nomination du président et des
membres de la Commission par les Etats membres à son approbation
préalable
.
Depuis le traité d'Amsterdam, la
désignation du président fait l'objet d'une approbation
préalable et distincte de celles des autres commissaires
.
Depuis le traité de Rome, le Parlement européen,
à la
majorité des deux tiers des suffrages exprimés et à la
majorité de ses membres, peut voter une motion de censure à
l'encontre de la Commission, qui doit alors démissionner en bloc
.
Aucune n'a encore été adoptée.
Les députés européens disposent par ailleurs des
instruments de contrôle parlementaire traditionnels que sont les
questions à la Commission et au Conseil et la création de
commissions d'enquête.
Le Parlement européen peut, enfin, présenter des recours en
carence contre les violations du traité par une autre institution et en
annulation lorsqu'il s'agit de protéger ses prérogatives, devant
la Cour de justice des Communautés européennes.
.
Les débats de la Convention sur l'avenir de l'Europe
Selon les informations à la disposition de votre rapporteur, le futur
traité constitutionnel de l'Union européenne devrait affecter le
Parlement européen sur deux points principaux. Tout d'abord,
le
Président de la Commission
, serait
proposé par le Conseil
européen à la majorité qualifiée, sur la base des
résultats des élections européennes, puis élu
à la majorité simple par le Parlement européen
. Par
ailleurs, contrairement à ce qui avait été
envisagé,
le nombre des parlementaires européens resterait
fixé à 732 jusqu'à ce que la Roumanie et la Bulgarie
intègre l'Union européenne
. La répartition pourrait
alors être recalculée.
2. Un mode de scrutin ne favorisant pas, en France, la participation des électeurs
La
loi n° 77-729 du 7 juillet 1977
relative à
l'élection des représentants au Parlement européen a
institué un mode de scrutin dont les faiblesses ont été
progressivement mises en évidence.
.
Les raisons du mode d'élection de 1977
Le choix du mode de scrutin effectué en 1977 résulte de la
situation politique de l'époque et de l'analyse juridique du Conseil
constitutionnel.
En effet, les réserves étant alors fortes, en France, sur le
principe même de l'élection du Parlement européen au
suffrage universel direct, le Président de la République avait
soumis l'Acte du 20 septembre 1976 au Conseil constitutionnel en
application de l'article 54 de la Constitution.
Ce dernier, dans sa décision des 29 et 30 décembre 1976
précitée, n'avait relevé aucune disposition contraire
à la Constitution. Cependant, cette déclaration de
conformité intervenait sous le bénéfice de
considérations devant guider le législateur dans l'application de
l'Acte :
« Considérant que l'engagement international du 20
septembre 1976 ne contient aucune stipulation fixant, pour l'élection
des représentants français à l'Assemblée des
Communautés européennes, des modalités de nature à
mettre en cause l'indivisibilité de la République, dont le
principe est réaffirmé par l'article 2 de la
Constitution ; que les termes de procédure électorale
uniforme ne sauraient être interprétés comme pouvant
permettre qu'il soit porté atteinte à ce principe ; que de
façon générale, les textes d'application de cet acte
devront respecter les principes énoncés ci-dessus ainsi que tous
les autres principes de valeur constitutionnelle ».
Cette décision fut interprétée comme l'affirmation selon
laquelle seul un scrutin organisé dans une circonscription nationale
unique respecterait effectivement le principe d'indivisibilité de la
République.
La loi du 7 juillet 1977 a alors organisé l'élection des
représentants français au Parlement européen dans le cadre
de la
circonscription nationale unique
, en retenant un
scrutin de
liste à la représentation proportionnelle
, à la plus
forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel.
La représentation proportionnelle semble en effet bien adaptée
à l'objectif des élections européennes, qui est de
représenter au mieux l'ensemble des sensibilités politiques
nationales et non de dégager une majorité de gouvernement. Afin
d'éviter un émiettement excessif de la représentation
française au Parlement européen, un
seuil de 5 % des
suffrages exprimés
a été fixé pour l'admission
à la répartition des sièges.
Par ailleurs,
la loi n° 2000-493 du 6 juin 2000
a
imposé le respect du principe de
parité
entre hommes et
femmes dans la constitution des listes, en indiquant que, «
sur
chacune des listes, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe
ne peut être supérieur à un. Chaque liste est
composée
alternativement
d'
un candidat de chaque
sexe
». Cette obligation n'a encore jamais été
mise en oeuvre. Actuellement, en l'absence de toute législation
contraignante,
les femmes
représentent
40,2 %
des
élus français
au Parlement européen.
.
Un risque d'éloignement entre les parlementaires
européens et les électeurs
Le système de listes nationales entraîne une certaine
distance
entre les électeurs et leurs élus au Parlement
européen. Le mode de scrutin choisi s'oppose au
contrôle
de
l'électeur sur l'action de son représentant et à toute
sanction à l'issue du mandat. Simultanément, le
député européen, faute d'ancrage territorial et
d'identification claire, n'a aucun moyen de faire connaître son
bilan
.
.
Une abstention croissante
Les élections européennes n'ont jamais suscité une
participation électorale importante. On constate même une
abstention croissante des électeurs français depuis 1979,
à un niveau supérieur à celui de nos voisins
européens (52,24 % en 1999, contre 49,4% en moyenne dans l'Union
européenne).
Il est donc apparu particulièrement souhaitable, au niveau national et
au niveau européen, de corriger ces principaux défauts.
B. L'ACTE DE 1976
L'acte
du 20 septembre 1976 a été pris par le Conseil (Décision
76/787/CECA, CEE, Euratom) conformément aux conclusions du Conseil
européen de Rome des 1er et 2 décembre 1975 qui avait
approuvé l'initiative franco-allemande du Président Valéry
Giscard d'Estaing et du Chancelier Helmut Schmidt.
L'article 1er dispose que «
les représentants, au
Parlement européen, des peuples des Etats réunis dans la
Communauté sont élus au suffrage universel
direct
».
Le nombre et la répartition des sièges par Etat
sont
fixés par l'article 2. L'actuelle répartition des
sièges est la suivante :
Belgique : 25 |
Danemark : 16 |
Allemagne : 99 |
Grèce : 25 |
Espagne : 64 |
France : 87 |
Irlande : 15 |
Italie : 87 |
Luxembourg : 6 |
Pays-Bas : 31 |
Autriche : 21 |
Portugal : 25 |
Finlande : 16 |
Suède : 22 |
Royaume-Uni : 87 |
Total : 626 |
Le Traité de Nice l'a substantiellement modifiée :
Belgique : 22 |
Danemark : 13 |
Allemagne : 99 |
Grèce : 22 |
Espagne : 50 |
France : 72 |
Irlande : 12 |
Italie : 72 |
Luxembourg : 6 |
Pays-Bas : 25 |
Autriche : 17 |
Portugal : 22 |
Finlande : 13 |
Suède : 18 |
Royaume-Uni : 72 |
Bulgarie : 17 |
Chypre : 6 |
Estonie : 6 |
Hongrie : 20 |
Lettonie : 8 |
Lituanie : 12 |
Malte : 5 |
Pologne : 50 |
République tchèque : 20 |
Roumanie : 33 |
Slovaquie : 13 |
Slovénie : 7 |
Total : 732 |
Cependant, comme la Bulgarie et la Roumanie n'auront pas
adhéré à l'Union européenne avant l'élection
du parlement européen de 2004, le seuil de 732 députés ne
sera pas atteint. Une correction temporaire sera donc effectuée pour que
le nombre total de députés soit le plus proche possible du
plafond de 732, sans qu'un Etat puisse avoir plus de députés
qu'avant l'entrée en vigueur du Traité de Nice. L'Allemagne et le
Luxembourg ne seront donc pas concernés.
En cas d'adhésion après le 1
er
janvier 2004, le
plafond de 732 pourra être dépassé jusqu'à la fin de
la législature, de manière à permettre l'entrée des
parlementaires des nouveaux Etats membres.
L'article 3 fixe la
durée du mandat : cinq ans
.
L'article 4 établit la règle du
vote personnel
, garantit
leur
indépendance
, «
ils ne peuvent être
liés par des instructions
» et
interdit le mandat
impératif
.
L'article 5 prévoit que «
la qualité de
représentant au Parlement européen est compatible avec celle de
membre du Parlement d'un Etat membre
». Cette
disposition évitait de rompre avec le mode de désignation
antérieur des parlementaires européens, la désignation par
les parlements nationaux et l'idée que les parlementaires
européens étaient les représentants des parlements
nationaux.
L'article 6 définit les
incompatibilités
liées
à l'exercice de la fonction de parlementaire européen. Celle-ci
est incompatible avec celle notamment de : membre du gouvernement d'un
Etat membre, membre de la Commission européenne, juge, avocat
général ou greffier de la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE), membre de la Cour des comptes européenne,
membre du Conseil économique et social européen, membre de la
direction de la Banque européenne d'investissement (BEI), fonctionnaire
ou agent des institutions européennes.
L'article 8 précise que «
lors de l'élection des
représentants au Parlement européen, nul ne peut voter plus d'une
fois
».
L'article 9 précise
les modalités de l'élection. La
date
de l'élection est fixée par chaque Etat dans une
période de quatre jours allant du jeudi matin au dimanche, ou le premier
tour de l'élection dans le cadre d'un scrutin à deux tours. Les
opérations de dépouillement
ne peuvent commencer que
lorsque le vote est clos dans le dernier Etat, si bien que, dans le pays
où le vote se déroule le jeudi, le dépouillement ne peut
commencer avant le dimanche soir et doit tenir compte d'un éventuel
décalage horaire.
Par ailleurs,
l'article 7 prévoit que le Parlement européen
élaborera un projet de procédure électorale uniforme
conformément aux traités. Jusqu'à son entrée en
vigueur et sous réserve des dispositions de l'Acte de 1976, la
procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre,
par les dispositions nationales
.
Ainsi, jusqu'à cette entrée en vigueur, le Parlement
européen vérifiera les pouvoirs des représentants
conformément à l'Acte de 1976 (article 11) et chaque Etat membre
établira les procédures appropriées à palier la
vacance d'un siège en cours de mandat (article 12).
L'acte de 1976 a donc permis l'érection d'
un socle commun de
règles minimales, une large part restant de la seule
responsabilité des Etats
, une plus grande harmonisation voire
uniformisation devant être mise en place ultérieurement.
C. L'ORGANISATION DES ÉLECTIONS EUROPÉENNES DANS LES ETATS MEMBRES DE L'UNION EUROPÉENNE
1. Le mode de scrutin
Les
quinze Etats membres appliquent désormais le scrutin proportionnel
.
Le Royaume-Uni avait maintenu jusqu'en 1994 un scrutin majoritaire, sauf en
Irlande-du-Nord.
Plusieurs Etats ont établi
un seuil minimum. Il est de 5 % en
Allemagne et en France et de 4 % en Autriche et en Suède
.
Dans cinq Etats (Allemagne, Espagne, France, Grèce et Portugal) il n'est
pas possible de modifier l'ordre des candidats sur la liste. Dans huit Etats
(Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas,
Suède) l'ordre des candidats peut être modifié par
l'attribution de votes préférentiels. Au Luxembourg, on peut
voter pour plusieurs candidats appartenant à des listes
différentes. En Suède, les électeurs peuvent ajouter ou
supprimer des noms.
2. Le découpage en circonscriptions
Dix
Etats
membres (Allemagne, Autriche, Danemark, Espagne, Finlande,
Grèce, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède) ont retenu une
circonscription unique nationale
. Toutefois, en Allemagne et en
Finlande, les partis ont la possibilité de présenter des listes
de candidats soit à l'échelon national, soit à
l'échelon des Länder ou de la zone électorale.
Cinq Etats
, dont désormais la France, ont divisé le
territoire en
plusieurs circonscriptions
(la Belgique, l'Irlande,
l'Italie, et le Royaume-Uni).
3. La date de l'élection
Les
dernières élections ont eu lieu en juin 1999 aux dates
suivantes :
- le 10 juin : Danemark, Irlande, Pays-Bas, Royaume-Uni (le jeudi) ;
- le 13 juin pour les autres pays où l'on vote traditionnellement le
dimanche.
II. LA DÉCISION DU CONSEIL DU 25 JUIN 2002
A. UN TEXTE DE COMPROMIS ISSU D'UNE LONGUE CONCERTATION INTER-INSITUTIONNELLE
1. La modification de l'article 138 par le traité d'Amsterdam
Dès l'origine, les Etats membres de l'Union ont fixé par traité l'objectif d'une « procédure uniforme » afin d'avancer vers un système électoral plus homogène. Dans ce but, le traité d'Amsterdam a modifié l'article 138 § 3 (désormais article 190 § 4) du traité instituant la Communauté européenne (TCE) afin de fixer le cadre général de la procédure électorale pour le Parlement européen. Il a assoupli la formulation originelle en ouvrant une alternative entre « procédure uniforme » et « principes communs » . L'article 190 § 4 prévoit désormais que « le Parlement européen élabore un projet en vue de permettre l'élection au suffrage universel direct selon une procédure uniforme dans tous les Etats membres ou conformément à des principes communs à tous les Etats membres ».
2. La résolution du Parlement européen du 15 juillet 1998
Conformément à l'article 190,
le Parlement
européen a adopté, le 15 juillet 1998, une résolution
n°10331/98 PE-RE 53 définissant les lignes directrices de la future
réforme. Il s'est appuyé pour cela sur le rapport de M.
Anastassoupolos et sur les travaux déjà effectués dans le
courant des années 1990 à travers ses résolutions du 10
octobre 1991 et du 10 mars 1993 et la proposition du gouvernement allemand
à la CIG du 22 octobre 1996. Dans sa résolution le Parlement
européen se félicite de la modification de l'article 190
permettant de faire avancer l'harmonisation de la procédure
électorale dans les différents Etats membres. Il se
félicite également de l'émergence d'un consensus en
relevant que le Royaume-Uni était sur le point d'adopter un scrutin
proportionnel et régional pour l'élection des parlementaires
européens. Fort de ces éléments, il propose :
- d'adopter un
scrutin proportionnel dans le cadre de
circonscriptions territoriales dans les Etats de plus de 20 millions
d'habitants
, l'adoption
d'un seuil maximum de 5 % des suffrages
exprimés
au niveau national étant facultative ;
-
d'interdire le cumul des fonctions de parlementaire national et de
parlementaire européen
;
- de tenir compte de
l'objectif de parité entre hommes et femmes
,
tout en soulignant qu'il appartient en premier lieu aux partis politiques de
concrétiser directement cet objectif ;
- d'élire
un certain pourcentage de parlementaires
selon un
scrutin proportionnel dans le cadre d'une
circonscription unique
formée par le territoire de l'ensemble de l'Union européenne
afin de favoriser l'émergence d'une conscience politique et de partis
politiques européens. Cette disposition entrerait en vigueur pour
l'élection de 2009 ;
- de fixer la date des élections au mois de mai, sur le nombre le plus
faible possible de jours afin de parvenir à une date unique ;
- de permettre à chaque Etat de fixer un plafond pour les
dépenses électorales.
3. Les négociations entre le Conseil, les Etats et le Parlement européen
Cette
résolution a ensuite été transmise au Conseil. De longues
négociations avec les Etats membres se sont alors engagées et
doublées de consultations informelles du Parlement européen.
Elles ont abouti à un projet de décision du Conseil le 21 mai
2002 (doc. 8964/02 PE 49 INST) auquel le Parlement a donné un avis
conforme le 12 juin 2002.
Au cours de ces négociations,
le principal point d'achoppement
a
porté sur
le principe d'une liste européenne unique pour la
désignation de 10 % des députés européens
.
Un accord n'a pas non plus été possible sur la
fixation d'une
date unique
pour la tenue des élections, le Parlement
européen ayant proposé la date du 9 mai et le Conseil ayant mis
en avant la simple possibilité de raccourcir ou de rallonger la
période quinquennale. Une telle décision nécessitera
l'accord unanime du Conseil.
Le Conseil n'a pas retenu le caractère obligatoire de la formation de
circonscriptions et a rendu leur création facultative. En outre, il n'a
pas adopté l'objectif de parité hommes-femmes. Il a enfin
proposé un réexamen de l'Acte avant les élections de 2009.
Le Parlement européen a de son côté regretté que le
Conseil n'ait pas pu adopter l'ensemble de ses propositions. Il a
rappelé que la constitution de circonscription ne devait pas porter
atteinte au caractère proportionnel du scrutin et a demandé que
le réexamen de l'Acte permette de respecter le principe de parité
et d'adopter une date unique d'élection. Il a souhaité que lors
des campagnes européennes les partis politiques annoncent à
l'avance le candidat qu'ils allaient soutenir à la présidence de
la Commission afin d'accélérer l'européanisation des
campagnes et de rendre plus lisible l'enjeu de l'élection. Il a enfin
souhaité que les Etats permettent aux électeurs de voter par
correspondance par voie électronique pour augmenter la participation.
B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À L'ACTE DE 1976 PAR LA DÉCISION DU CONSEIL DU 25 JUIN 2002
Conformément aux propositions du Parlement
européen et
du Conseil, la décision du 25 juin 2002
modifie sensiblement
l'acte de 1976, conduisant à la renumérotation complète
des ses articles
2(
*
)
. Elle
reste néanmoins fidèle à son esprit d'origine
puisqu'elle ne conduit pas à l'adoption d'une procédure uniforme
mais à celle de principes communs à tous les Etats membres, tout
en laissant à ces derniers la possibilité d'appliquer des
dispositions nationales pour les aspects non régis par la
présente décision.
Par une déclaration annexée au procès verbal de la
réunion du 25 juin 2002,
le Conseil envisage de réexaminer ce
dispositif avant 2009.
1. Une élection au suffrage universel direct, libre et secret au scrutin proportionnel
L'article 1 er prévoit que les parlementaires européens seront élus au scrutin proportionnel de liste ou de vote unique transférable. Le scrutin de liste préférentiel est également autorisé.
Le vote unique transférable en Irlande
Le
système électoral en vigueur en Irlande pour les élections
législatives, mais également sénatoriales,
européennes et locales, est la représentation proportionnelle.
Celle-ci est appliquée à des circonscriptions à plusieurs
sièges, avec la possibilité, pour l'électeur, de
transférer son vote sur un autre candidat si le candidat de son premier
choix n'a plus besoin de sa voix lorsque son bulletin est examiné (c'est
à dire s'il est déjà élu ou éliminé
du compte).
L'électeur peut ainsi voter pour tous les candidats en les classant par
ordre de préférence. Il n'y a donc pas de transfert automatique
des voix au profit d'un même parti (logique de liste), car le transfert
est personnel. Un électeur pourra accorder sa première
préférence à un candidat de l'opposition et sa
deuxième préférence à un candidat du Fianna Fail
par exemple. La personnalité des candidats est donc un
élément déterminant. Il s'ensuit que les candidats d'un
même parti au sein d'une même circonscription sont en
compétition, au même titre qu'avec leurs concurrents des autres
partis,
bien que les consignes de vote généralement données
conduisent naturellement à privilégier dans les
préférences suivantes les candidats de la même
obédience.
Les modalités de transferts de vote constituent la difficulté du
système. Après que les bulletins ont été
soigneusement mélangés, ils sont triés selon la
première préférence indiquée sur chacun d'eux. Le
quota de voix qui, lorsqu'il est atteint par un candidat, permet de le
déclarer élu, est calculé de la façon
suivante : [nombre de bulletins validés / (nombre de sièges
à pourvoir dans la circonscription + 1)]+1.
Le surplus des voix excédant le quota que vient d'atteindre un candidat
n'est plus utile à ce nouvel élu. Ce surplus est donc
transféré aux candidats restant en lice selon la
préférence suivante exprimée sur les bulletins. Les
bulletins transférés sont ceux du dernier paquet qu'a reçu
le candidat qui vient d'être élu. Un système de calcul
proportionnel est utilisé pour déterminer combien chaque candidat
restant reçoit de bulletins.
Lorsqu'à l'issue d'un compte, aucun candidat n'atteint le quota, le
candidat qui a le moins de voix est éliminé, et ainsi de suite,
au cours d'autant de comptes que nécessaire. Dans ce cas, l'ensemble des
bulletins des candidats éliminés est transféré au
profit des candidats restants, toujours selon la préférence
suivante exprimée sur chacun d'eux.
Le dépouillement implique donc des manipulations précises de
paquets de bulletins à chaque étape, et jusqu'à plus de
dix comptes sont parfois nécessaires pour déclarer tous les
sièges pourvus.
Ce système contribue à maintenir des liens électoraux
forts entre les élus et leurs électeurs. Il donne, en outre, aux
enjeux strictement locaux une importance sous-jacente souvent beaucoup plus
marquée que les questions nationales.
Source : Ministère des affaires étrangères
Le nouveau texte précise que l'élection se déroule au
suffrage universel direct
libre et secret
. Cette notion fait
référence à la «
Commission de
Venise
» du Conseil de l'Europe qui a distingué deux
volets :
-
la libre formation de la volonté de l'électeur
, c'est
à dire la neutralité des autorités, la libre information
et la soumission de toutes les listes à l'électeur ;
-
la libre expression de la volonté de l'électeur
correspondant au caractère secret du vote et à la lutte contre
les fraudes.
Les dispositions prévoyant l'hypothèse d'une élection
à deux tours sont supprimées.
2. Les modalités du scrutin : circonscriptions, seuil et plafond des dépenses
L'article 2 prévoit que
les Etats
, en fonction de
leurs spécificités nationales,
pourront constituer des
circonscriptions
ou prévoir des subdivisions électorales.
Il s'agit d'une faculté
et non d'une obligation. Cette mesure
doit permettre de
rapprocher les parlementaires européens de leurs
électeurs
. Ce découpage ne devra cependant pas porter
atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin afin de ne pas
en réduire la portée, soit l'expression des différentes
sensibilités politiques.
En outre, les Etats
pourront fixer un seuil minimal
pour l'attribution
de sièges, ce seuil ne devant
pas être fixé au niveau
national à plus de 5 % des suffrages exprimés
(article 2 A).
Enfin, les Etats
pourront fixer un plafond pour les dépenses des
candidats relatives à la campagne électorale
(article 2 B).
3. L'interdiction du cumul des fonctions de parlementaire européen et de parlementaire national et autres incompatibilités
La
décision du Conseil, afin de tenir compte de
l'évolution du
rôle du Parlement européen, de l'accroissement de ses pouvoirs et
de son émancipation par rapport aux parlements nationaux, interdit le
cumul des fonctions de parlementaire européen et de parlementaire
national
. Pour tenir compte de cette évolution, les parlementaires
européens voient leur titre changer de
«
représentants
au Parlement
européen
» en «
membres du Parlement
européen
».
Cette mesure
s'appliquera dès l'élection de juin 2004.
Toutefois, l'Irlande et le Royaume-Uni bénéficieront d'une
période de transition
.
Il n'y a pas actuellement d'incompatibilité des mandats de parlementaire
national et de parlementaire européen
en Irlande
. Cependant, les
fonctions de ministres et secrétaires d'Etat sont incompatibles avec le
mandat de député européen (les membres du Gouvernement
étant des parlementaires nationaux).A l'avenir, un parlementaire
national irlandais pourra se présenter aux élections
européennes de juin 2004 et, s'il est élu, conserver les deux
mandats jusqu'à la prochaine élection du Dail. A ce moment
là (prochaines élections au Dail), s'il obtient à nouveau
un mandat national, il devra choisir entre celui-ci et le mandat
européen qu'il aura obtenu en juin 2004.
Au Royaume-Uni, les parlementaires nationaux, qui sont actuellement membres du
Parlement européen, pourront exercer concurremment les deux mandats
jusqu'à l'élection européenne de 2009.
La décision du Conseil du 25 juin 2002 procède par ailleurs
à
une actualisation de la liste des incompatibilités entre les
fonctions de parlementaires européens et d'autres fonctions
européennes
pour tenir compte de la suppression et la
création de nouvelles institutions.
Sont supprimées les fonctions remplies dans le cadre de la CECA.
Sont ajoutées les fonctions : remplies dans le cadre du tribunal de
première instance de la CJCE, de membre du directoire de la Banque
centrale européenne BCE) et de médiateur européen.
4. Les privilèges et immunités des parlementaires européens
Les
privilèges et immunités applicables sont désormais
définis en vertu du protocole du 8 avril 1965
.
Les privilèges et immunités des parlementaires européens
sont fixés par le chapitre III de ce protocole.
Protocole du 8 avril 1965 - Chapitre III
Article
8
Aucune restriction d'ordre administratif ou autre n'est apportée au
libre déplacement
des membres du Parlement européen se
rendant au lieu de réunion du Parlement européen ou en revenant.
Les membres du Parlement européen se voient accorder en matière
de douane et de contrôle des changes :
a) par leur propre gouvernement, les mêmes facilités que celles
reconnues aux hauts fonctionnaires se rendant à l'étranger en
mission officielle temporaire,
b) par les gouvernements des autres Etats membres, les mêmes
facilités que celles reconnues aux représentants de gouvernements
étrangers en mission officielle temporaire.
Article 9
Les membres du Parlement européen
ne peuvent être
recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes
émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions
.
Article 10
Pendant la durée des sessions
du Parlement européen, les
membres de celui-ci bénéficient :
a)
sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres
du parlement de leur pays
,
b) sur le territoire de tout autre Etat membre, de l'exemption de toute mesure
de détention et de toute poursuite judiciaire,
L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de
réunion du Parlement européen ou en reviennent.
L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant
délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement
européen de lever l'immunité d'un de ses membres
.
5. La date de l'élection et les modalités de dépouillement
Si le
nouveau texte ne retient pas la proposition du Parlement européen d'un
jour unique, il donne au Conseil la possibilité
d'encadrer la date de
l'élection
. Cette décision, prise à
l'unanimité, peut permettre de
raccourcir de deux mois ou d'allonger
d'un mois
le mandat des parlementaires européens et donc la date de
l'élection. Cette décision devra être prise au moins un an
avant la fin du mandat.
L'acte de 1976 est, en outre, modifié pour prendre en compte la
modernisation des opérations de vote et
résoudre le
problème posé par l'interdiction de commencer les
opérations de dépouillement tant que le vote n'est clos dans le
dernier Etat et alors même que la période de vote s'étend,
dans l'Union, du jeudi matin au dimanche soir
.
Le futur article 10
limitera l'interdiction à l'annonce officielle
des résultats
tant que le scrutin n'est pas clos dans l'Etat membre
où les électeurs votent les derniers.
C. L'ABSENCE DE MODIFICATION LÉGISLATIVE ET LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA DÉCISION DU 25 JUIN 2002
1. L'approbation de la décision du Conseil n'entraînera pas de modification législative
En
France,
la loi du 7 juillet 1977
,
modifiée
, relative
à l'élection des représentants au Parlement
européen définit les conditions d'élection des
représentants français au Parlement européen.
Le nouveau dispositif met le droit en conformité avec les objectifs
fixés par les gouvernements et élus des Etats membres de l'Union
européenne, dont la France.
S'agissant de la France, cette réforme ne requiert pas de modification
de la législation existante : le Conseil d'Etat a jugé la
loi française conforme aux principes européens. Dans la pratique,
ses dispositions les plus importantes étaient en effet
déjà en vigueur en France :
-
- scrutin de type proportionnel ;
- incompatibilité entre mandats de parlementaire national et européen : en vigueur depuis la loi organique du 5 avril 2000 ;
- Possibilité de « réorganisation » de la circonscription unique : la nouvelle loi électorale française crée huit grandes circonscriptions multi-régionales ;
- Seuil de 5 % ;
- Plafonnement des dépenses de campagne.
Sous réserve des dispositions du présent acte, la procédure électorale est régie, dans chaque Etat membre, par des dispositions nationales. Ces dispositions nationales, qui peuvent éventuellement tenir compte des particularités dans les Etats membres, ne doivent pas globalement porter atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin. L'article 8 réaffirme ainsi le principe de souveraineté des Etats en matière électorale, sous réserve des principes de base harmonisés au niveau européen, notamment le « caractère proportionnel du mode de scrutin ».
2. La constitutionnalité de la décision du Conseil
La
question de la constitutionnalité de la décision du Conseil a
été soulevée par la Délégation aux affaires
européennes du Sénat. Lors de sa réunion du 18 janvier
2000, M. Hubert Haenel, président, a fait une communication sur le texte
préparatoire à la décision du Conseil du 25 juin 2002
relative à l'élection des membres du Parlement européen.
Il relevait à propos de l'incompatibilité des mandats de
parlementaire européen et de parlementaire national :
«
Toutefois, sans m'y opposer sur le fond, j'émets un doute
sur la conformité à notre Constitution d'un traité
qui, intervenant en ce sens, empiéterait sur le domaine de la loi
organique. L'article 25
3(
*
)
de la
Constitution renvoie en effet à une telle loi le soin de fixer le
régime des incompatibilités concernant les députés
et les sénateurs. La création d'une incompatibilité par
voie de traité priverait sur ce point le législateur de tout
pouvoir d'appréciation sur une matière qui lui est pourtant
expressément réservée.
Le doute me semble d'autant plus permis que, lors de l'examen de la proposition
de résolution que notre délégation avait
présentée sur le projet de statut des députés au
Parlement européen, la commission des Lois elle-même, par la plume
de notre collègue Pierre Fauchon, avait considéré que les
dispositions prévoyant l'incompatibilité en question
" portent manifestement atteinte aux compétences du Parlement
français telles qu'elles sont définies par la
Constitution ".
A la suite du rapport de M. Fauchon, la commission des Lois avait adopté
une proposition de résolution, devenue ensuite résolution du
Sénat, soulignant que l'édiction par un traité d'une
incompatibilité touchant les députés ou les
sénateurs était contraire à l'article 25 de la
Constitution
4(
*
)
.
Dans la mesure où le Sénat s'est déjà
officiellement prononcé sur le point qui constitue à mes yeux la
principale difficulté du texte E 1346, la question des
incompatibilités, je ne crois pas nécessaire de déposer
une proposition de résolution. En revanche, ne serait-ce que pour
montrer l'importance que nous attachons au présent texte, il pourrait
être utile de rappeler la position du Sénat au Gouvernement par la
voie de conclusions de notre délégation
».
Cependant, l'article 25 de la Constitution prévoit que c'est une loi
organique qui fixe le régime des incompatibilités des membres du
Parlement, il n'édicte pas lui-même les incompatibilités
ni, a fortiori, la compatibilité entre le mandat de parlementaire
national et celui de membre du Parlement européen. A ce double titre,
il paraît donc possible de considérer que la décision du
Conseil du 25 juin 2002 qui instaure l'incompatibilité entre ces deux
types de mandats ne contrevient pas à l'article 25 de la Constitution.
Tout au plus, sur le fond, la décision du Conseil aurait pu contrevenir
à la loi organique (ce qui n'aurait d'ailleurs eu aucune
conséquence en termes de constitutionnalité) mais tel n'est pas
le cas puisque la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 prévoit
la même incompatibilité. Il n'en demeure pas moins que si la loi
autorisant la ratification de la décision du Conseil est adoptée
et que ladite décision entre en vigueur en droit interne celle-ci aura,
conformément à l'article 55
5(
*
)
de la Constitution, une autorité
supérieure à celle des lois.
Il en résulte que, par
voie législative du moins, la compatibilité entre mandat national
et mandat de membre du Parlement européen ne pourra plus à
l'avenir être rétablie
.