EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 troisième alinéa de la Constitution a été adopté définitivement par le Sénat en première lecture, le 12 mars 2003.
Le Conseil constitutionnel, saisi le 14 mars 2003 par plus de soixante députés et le 28 mars 2003 par plus de soixante sénateurs, a rendu la décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003 censurant partiellement l'article 4 du texte 1 ( * ) .
En conséquence, le Sénat est saisi d'une demande de nouvelle délibération sur l'article 4 de la loi votée -en application du décret du 4 avril 2003 du Président de la République, conformément à l'article 10 deuxième alinéa de la Constitution- adopté hier à l'Assemblée nationale.
Votre commission des Lois entend en tirer les conséquences.
Dans cette décision n° 2003-468 DC du 3 avril 2003, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution, comme entachées d'un vice de procédure, les dispositions subordonnant la possibilité pour une liste de se maintenir au second tour d'une élection régionale à la nécessité d'avoir obtenu, au premier tour de cette élection, un nombre de voix au moins égal à 10 % du nombre des électeurs inscrits contre 5 % des suffrages exprimés auparavant.
Le Conseil constitutionnel a en effet indiqué que la procédure d'adoption du projet de loi était irrégulière, contraire à l'article 39 de la Constitution selon lequel « les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat et déposés sur le bureau de l'une des deux assemblées ».
A la différence du texte soumis au Conseil d'Etat par le Gouvernement et de celui établi par la commission permanente du Conseil d'Etat le 27 janvier 2003, qui se référaient au seuil de 10 % des suffrages exprimés, le texte adopté par le conseil des ministres faisait mention du seuil de 10 % des électeurs inscrits.
En l'espèce, le juge constitutionnel a considéré que le Gouvernement n'avait pu être éclairé par l'avis du Conseil d'Etat 2 ( * ) et a donc censuré les dispositions introduites dans le projet de loi après délibération du Conseil d'Etat.
Cependant, le Conseil constitutionnel a précisé que les dispositions censurées étaient séparables des autres dispositions de la loi, notamment de la réforme des élections européennes et des modalités de versement de l'aide publique aux partis politiques dont la constitutionnalité a été reconnue.
L'article 23 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, issu de l'article 10 de la Constitution, précise que « dans le cas où le Conseil constitutionnel déclare que la loi dont il est saisi contient une disposition contraire sans constater en même temps qu'elle est inséparable de l'ensemble de cette loi, le Président de la République peut soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander aux chambres une nouvelle lecture ».
Plutôt que de laisser le dispositif en l'état ou de promulguer une loi amputée en vue de la compléter ultérieurement par une loi spéciale 3 ( * ) , le Président de la République, en application de l'article 10 de la Constitution, a demandé une nouvelle délibération du seul article 4 au Parlement.
Cette possibilité, soumise au contreseing du Premier ministre, avait déjà été utilisée en 1985 par le Président de la République alors que le Conseil constitutionnel avait censuré des dispositions détachables du projet de loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.
Dans sa décision du 23 août 1985 4 ( * ) , le Conseil constitutionnel avait alors précisé et encadré cette procédure : « dans ce cas, il ne s'agit pas du vote d'une loi nouvelle mais de l'intervention dans la procédure législative en cours, d'une phase complémentaire résultant du contrôle de constitutionnalité ». La nouvelle délibération n'a donc pour objet que de mettre la loi votée en conformité avec la Constitution.
Le texte adopté à l'Assemblée nationale hier tend donc à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en rétablissant le seuil de 10 % des suffrages exprimés pour l'accès au second tour des élections régionales. Les autres dispositions du projet de loi sur ces élections ont été déclarées conformes à la Constitution, sous réserve de l'absence d'application des nouvelles mesures sur la parité pour l'élection de l'Assemblée de Corse. Toutefois, la prochaine loi relative à l'Assemblée de Corse sera chargée de mettre fin à cette inégalité (considérant 28).
Le dispositif applicable aux élections régionales de 2004 sera donc le suivant :
Le mandat des conseillers régionaux sera aligné sur les autres mandats locaux, passant de cinq à six ans.
Le scrutin de liste à deux tours dans le cadre de la circonscription régionale, avec attribution d'une prime majoritaire égale au quart des sièges à la liste ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier tour ou la majorité relative au second tour, fixé par la loi du 19 janvier 1999, sera maintenu.
Afin de faire émerger des majorités stables et cohérentes dans les conseils régionaux :
- le seuil d'admission à la répartition des sièges sera fixé à 5 % des suffrages exprimés , comme pour les élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, contre 3 % auparavant ;
- le seuil d'accession au second tour sera fixé à 10 % des suffrages exprimés , comme pour les élections municipales dans les communes de 3.500 habitants et plus, contre 5 % des suffrages exprimés auparavant ;
- le seuil nécessaire pour la fusion des listes sera fixé à 5 % des suffrages exprimés contre 3 % auparavant. Le Conseil a indiqué que « conciliant la représentation proportionnelle et la constitution d'une majorité stable et cohérente, (ce seuil) ne porte atteinte par lui-même ni au pluralisme des courants d'idées et d'opinions, ni à l'égalité devant le suffrage, ni à la liberté des partis politiques » (considérant 13).
En outre, le Conseil constitutionnel, tout en émettant des réserves d'interprétation, a admis la constitutionnalité de la division des listes en sections départementales afin de rapprocher les élus régionaux des territoires et des citoyens.
Les sièges de conseillers régionaux seront donc d'abord répartis entre les listes en fonction des résultats obtenus sur l'ensemble de la circonscription régionale. Puis, les sièges de chaque liste seront répartis entre ses sections départementales en fonction de la part relative de ces dernières dans le total des voix de la liste.
Enfin, la priorité, qui était imposée par groupes de six candidats, dans la loi du 6 juin 2000, sera respectée selon une alternance stricte des candidats de chaque sexe sur les listes, au premier comme au second tour.
Tout en exigeant du gouvernement un effort particulier d'information sur la répartition des listes en sections , le Conseil a déclaré le dispositif conforme à l'objectif constitutionnel d'intelligibilité de la loi. Il a précisé l'ensemble des mentions obligatoires sur les bulletins de vote de chaque liste régionale (libellé de la liste ; nom du candidat tête de liste : le noms des candidats de la liste répartis par sections départementales) et a laissé le soin au juge de l'élection d'apprécier, dans les circonstances de l'espèce, si la désignation d'un candidat qui ne serait pas placé en rang utile pour être élu a altéré la sincérité du scrutin (considérants 18, 19 et 21) 5 ( * ) .
Le texte de l'article 4 adopté en nouvelle délibération par l'Assemblée nationale hier tire les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel et tient compte de la « volonté d'apaisement » du Premier ministre « dans la période actuelle de tension internationale et de difficultés intérieures ».
Votre commission des Lois vous propose d'adopter le texte de l'article 4 sans modification.
* 1 Cf. la décision du Conseil constitutionnel en annexe.
* 2 L'importance, au regard de l'article 39 de la Constitution, de la consultation du Conseil d'Etat sur les projets de loi a été précisée par le Conseil constitutionnel dans les considérants 3 à 6 de sa décision n° 90-285 DC du 28 décembre 1990.
* 3 Décision n° 85-198 DC du 13 décembre 1985.
* 4 Décision n° 85-197 DC du 23 août 1985 - Loi sur l'évolution de la Nouvelle-Calédonie.
* 5 Les détails de ce dispositif sont analysés dans le rapport Sénat n° 192 (2002-2003).